TA Cergy-P, 22/06/2023, n°1903387

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 mars 2019, 19 août 2019 et 14 décembre 2020, la commune de Franconville (Val-d'Oise), représentée par Me Auchet, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner la société Isobac, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, à lui verser les sommes de 129 947,10 euros hors taxes (HT) au titre des travaux de reprise et de 47 284,01 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de l'installation d'un bâtiment provisoire pendant la durée de ces travaux afin de remédier aux désordres affectant la construction d'une maison de quartier dite " Espace Fontaine ", à assortir des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête ;

2°) de mettre à la charge de la société Isobac et de la compagnie d'assurance Axa France Iard la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la charge définitive des frais d'expertise au titre de l'article R. 761-1 du même code.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la société Isobac est engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs en raison des désordres affectant le bâtiment qu'elle a construit, en particulier les infiltrations en sous-sol, et qui le rendent impropre à sa destination ;

- la société Isobac doit l'indemniser d'un montant de 129 947,10 euros HT au titre des travaux de reprise ainsi que l'a retenu l'expert dans son rapport établi le 10 décembre 2018 ;

- la société Isobac doit également l'indemniser d'un montant de 47 284,01 euros TTC au titre de l'installation d'un bâtiment provisoire pendant la durée de ces travaux ; ce montant comprend sa part de responsabilité, à hauteur de 27,42 %, ainsi que celle de son sous-traitant, la société Parisis Construction, à hauteur de 12,23 %, dès lors que le titulaire d'un marché est responsable des manquements commis par son sous-traitant et que le protocole d'accord transactionnel conclu le 16 octobre 2020 par la commune avec l'assureur de la société Parisis Construction, la société Generali Iard, ne porte pas sur ce poste de préjudice.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 22 mai 2019, la société Generali Iard, assureur de la société Parisis Construction et représentée par Me Chevalier, conclut au rejet de toute demande susceptible d'être formée à son encontre, à sa mise hors de cause et à la mise à la charge de tout succombant de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucune demande n'étant formulée à son encontre, elle doit être mise hors de cause.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 7 octobre 2019 et 12 janvier 2021, la société Axa France Iard, assureur de la société Isobac et représentée par Me Aily, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que les éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de la société Isobac soient ramenées à de plus justes proportions et, en tout état de cause, à la mise à la charge de tout succombant de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucune demande n'étant formulée à son encontre, elle doit être mise hors de cause et que, s'agissant de l'indemnisation sollicitée à l'encontre de son assuré, la société Isobac, celle-ci doit être limitée à la part de responsabilité de cette dernière, établie à 27,42 % par l'expert.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 mai 2020 et 14 janvier 2021, Me Mandin, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Isobac et représenté par Me Dugourd, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Franconville de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que la commune de Franconville n'a pas déclaré sa créance dès son placement en redressement judiciaire par un jugement du 29 mai 2012 du tribunal de commerce de Pontoise ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs dès lors que les désordres portant sur les infiltrations en sous-sol et les cours anglaises étaient apparents au jour de la réception de l'ouvrage ;

- la faute de la commune de Franconville, à avoir supprimé le cuvelage, est de nature à l'exonérer entièrement de sa responsabilité ;

- le préjudice total sollicité par la commune de Franconville ne saurait être supérieur à la somme de 187 926,45 euros HT au regard de ses prétentions initiales, desquelles doivent être déduites les sommes qui ont été versées à celle-ci par ses sous-traitants, les sociétés Cercis et Parisis Construction, à la suite des protocoles transactionnels conclus par les assureurs de ces dernières avec la commune ;

- le préjudice tiré de la perte d'exploitation n'est pas établi ; en tout état de cause, celui-ci ne saurait donner lieu à une indemnisation supérieure à la part de responsabilité de 27,42 % retenue par l'expert, soit la somme de 32 700 euros TTC ; en vertu du protocole conclu le 16 octobre 2020 entre la commune de Franconville et la société Generali Iard, assureur de la société Parisis Construction, il a été mis un terme au différend concernant cette dernière, de sorte que la commune ne saurait solliciter le paiement de la part de ce préjudice imputable à cette société ;

- les intérêts moratoires sollicités ne sont dus qu'à compter du prononcé du jugement ;

- à supposer même que sa responsabilité soit engagée, les frais d'expertise ne sauraient être mis à sa charge pour un montant supérieur à 4 459,20 euros TTC.

Par une ordonnance du 9 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2022 à 12 heures.

Par un courrier du 2 mai 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des interventions des assureurs.

Vu :

- l'ordonnance n° 1609443-1706110 du 30 avril 2019 par laquelle le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 16 262,68 euros TTC ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carpentier-Daubresse, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gabarda, rapporteur public ;

- les observations de Me Auchet pour la commune de Franconville ;

- les observations de Me Petit, substituant Me Aily, pour la société Axa France Iard ;

- et les observations de Me Dimondo, substituant Me Dugourd, pour Me Mandin, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Isobac.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 1er juillet 2008, la commune de Franconville (Val-d'Oise) a confié à la société Isobac, pour un montant de 1 248 152,93 euros hors taxes (HT), l'exécution du lot n° 1 " clos et couvert (gros œuvre - étanchéité - menuiserie extérieure - bardage - serrurerie métallique) " d'un marché de travaux portant sur la construction d'une maison de quartier dite " Espace Fontaine ". La réalisation du gros œuvre a été sous-traitée à la société Parisis Construction. Les travaux de ce lot n° 1 ont été réceptionnés le 3 mai 2010 avec réserves, lesquelles ont été levées le 28 juin 2010. Postérieurement à la réception de ces travaux, la commune de Franconville a constaté des désordres affectant ce bâtiment, notamment des infiltrations d'eau, des fissurations et un gonflement du carrelage. Par une ordonnance n° 1609443 du 11 mai 2017 et sur requête de la commune enregistrée le 5 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif a désigné un expert, M. A, aux fins de décrire les malfaçons constatées et de dire si elles étaient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, de donner son avis sur les causes et origines des désordres et d'indiquer la nature et le montant des travaux nécessaires pour y remédier. Le rapport d'expertise de M. A a été remis le 10 décembre 2018.

2. Par la présente requête, la commune de Franconville demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la société Isobac à lui verser les sommes de 129 947,10 euros HT au titre des travaux de reprise et de 47 284,01 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de l'installation d'un bâtiment provisoire pendant la durée de ces travaux, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.

Sur la recevabilité de la requête :

3. Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : / 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; / 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent () ". L'article L. 622-22 du même code dispose que : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. /Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci ". Selon l'article L. 622-24 du même code : " A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat () ". Aux termes de l'article L. 622-26 du même code : " A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande. / Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. () ". Enfin, l'article R. 622-24 du code de commerce dispose que le délai de déclaration fixé en application de l'article L. 622-26 est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

4. Si les dispositions citées au point précédent fixent le principe de la suspension ou de l'interdiction, à compter du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de toute action en justice tendant au paiement d'une somme d'argent de la part de tous les créanciers autres que ceux détenteurs d'une créance postérieure privilégiée, elles ne comportent aucune dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires. La circonstance que la collectivité publique dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle dans le délai fixé par la loi et n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur ces conclusions dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et ce, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance. Il résulte également de ce qui précède que si les dispositions législatives précitées réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance.

5. Il résulte de ce qui précède que Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, n'est pas fondé à soutenir que la requête de la commune de Franconville est irrecevable au motif que cette dernière n'a déclaré sa créance que le 4 juin 2019, soit au-delà du délai de deux mois ouvert par la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du jugement du 29 mai 2012 par lequel le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire concernant cette société. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, doit être écartée.

Sur les interventions des sociétés Generali Iard et Axa France Iard :

6. L'assureur d'un constructeur dont la responsabilité en matière de travaux est recherchée par le maître de l'ouvrage n'est pas recevable à intervenir en cette qualité devant le juge administratif saisi du litige. Par suite, les sociétés Générali Iard, assureur de la société Parisis Construction, et Axa France Iard, assureur de la société Isobac, ne sont pas recevables à intervenir dans le cadre de la présente instance, ainsi qu'en ont été informées les parties.

Sur la garantie décennale des constructeurs :

En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :

7. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La garantie décennale ne s'applique pas à des désordres qui étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage.

8. Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, soutient que le caractère décennal des désordres n'est pas établi concernant, d'une part, les infiltrations en sous-sol et, d'autre part, les fissures dans les cours anglaises.

9. En premier lieu, s'agissant des infiltrations en sous-sol, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise rendu le 10 décembre 2018, que le sous-sol de la maison de quartier dite " Espace Fontaine " a été, à plusieurs reprises, inondé, notamment en mai 2016 où l'eau est montée à une hauteur d'environ dix centimètres et que ces épisodes ont conduit à une dégradation des plinthes, doublages, revêtements de sol et parquets. Eu égard à la récurrence et à l'ampleur de ces infiltrations, ces désordres ont rendu l'ouvrage impropre à sa destination. Par ailleurs, si Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, soutient que ces désordres étaient apparents à la réception de l'ouvrage avec réserves, le 3 mai 2010, il résulte de l'instruction que la mention, par le contrôleur technique Socotec, dans son avis du 3 février 2010, au titre des " autres remarques ", de la " présence d'eau en sous-sol " et rappelant l'obligation de maintien d'un " taux d'humidité limité à 3% de la masse sèche fixée " ne permet pas, à elle seule, de considérer que les désordres en litige étaient apparents, le 3 mai 2010, et que leurs conséquences sur l'étanchéité des structures de l'ouvrage concerné étaient alors prévisibles alors, au demeurant, que la mention précitée ne précise pas la localisation et l'ampleur de la présence d'eau constatée. La circonstance que, dans son rapport final du 20 septembre 2010, la société Socotec a relevé que les infiltrations provenaient vraisemblablement de fuites de l'étanchéité et qu'il était nécessaire de procéder à des reprises pour éviter tout désordre ultérieur est sans incidence sur l'appréciation portée sur le caractère apparent des désordres dès lors que ce rapport a été établi postérieurement à la réception de l'ouvrage. Dans ces conditions, les désordres en litige n'étant pas apparents à la date de réception du bâtiment concerné, ils présentent un caractère décennal.

10. En second lieu, s'agissant des fissures dans les cours anglaises, si Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, conteste le caractère décennal de ce désordre, il résulte de l'instruction que l'indemnisation sollicitée par la commune de Franconville, au titre des travaux de reprise, pour un montant total de 129 947,10 euros HT, qui s'appuie sur le rapport d'expertise du 10 décembre 2018, ne porte que sur les désordres concernant les infiltrations en sous-sol, le soulèvement de la dalle sous l'auvent et les fissures au sol du local rangement. Dès lors qu'elle ne concerne pas le désordre relatif aux fissures dans les cours anglaises, qui est distinct, le moyen tiré de son caractère apparent, à la réception de l'ouvrage, est inopérant.

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :

11. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur le fondement de la garantie décennale ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

12. S'agissant des infiltrations en sous-sol, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 10 décembre 2018, que ces désordres ont pour origine la suppression du cuvelage, pourtant prévu initialement à l'article 2.6.6 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), ainsi que du drainage enterré, prévu à l'article 2.4.4. du même cahier, qui étaient pourtant indispensables au vu de la présence d'eau identifiée dans le sol. Cette suppression a été sollicitée par la commune de Franconville, qui assurait également la maîtrise d'œuvre de cette opération, et a donné lieu à un avenant n° 1 notifié le 15 avril 2010. La faute ainsi commise par le maître d'ouvrage est de nature à exonérer, fût-ce partiellement, la société Isobac de sa responsabilité. Dans les circonstances de l'espèce, dès lors que cette dernière n'a émis aucune réserve concernant la suppression de ces dispositifs, alors pourtant qu'en sa qualité de titulaire du lot n° 1 elle devait s'assurer de l'étanchéité totale du bâtiment au vu de sa destination, il y a lieu de porter sa part de responsabilité à 20 %. La circonstance que l'expert ait modifié sa position entre sa note de synthèse du 22 mai 2018, où il excluait toute responsabilité de la société Isobac, et son rapport final, où il a estimé à 30 % la part de responsabilité imputable à cette société, est sans incidence sur ce point. Dans ces conditions, la commune de Franconville est fondée à engager, dans cette seule mesure, la responsabilité de la société Isobac sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, pour remédier aux désordres liés aux infiltrations en sous-sol, l'expert a chiffré à 446 590,20 euros HT la somme totale non contestée des travaux qui concernent la société Isobac. Eu égard à la part de 20 % de responsabilité imputable à cette dernière, la commune de Franconville est donc fondée à demander à ce que Me Mandin, liquidateur judiciaire de cette société, soit condamné à l'indemniser à hauteur de 89 318,04 euros HT. En outre, il résulte de l'instruction que, pour remédier au désordre lié au soulèvement de la dalle sous l'auvent, l'expert a évalué, s'agissant de la société Isobac, les travaux nécessaires à la somme non contestée de 2 691,11 euros HT. En revanche, s'agissant des fissures au sol du local de rangement, l'expert a estimé qu'il n'y avait pas lieu de procéder à leur reprise, de sorte qu'aucune somme ne saurait être mise à la charge de la société Isobac à ce titre. En conséquence, il y a lieu de condamner Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, à verser à la commune de Franconville la somme de 92 009,15 euros HT.

14. En second lieu, la commune de Franconville sollicite l'indemnisation de la somme de 119 256 euros TTC correspondant à la location d'un bâtiment modulaire provisoire pendant la durée des travaux estimée à six mois.

15. D'une part, si Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, estime que ce préjudice n'est pas établi, il résulte de l'instruction que la réalisation des travaux de reprise rendra inutilisables les locaux au sein desquels se tiennent notamment des activités associatives, de sorte que la location temporaire d'un bâtiment visant à permettre la tenue de celles-ci est justifiée. Par ailleurs, la commune de Franconville a produit une estimation financière détaillée qui, quand bien même elle émane de ses propres services techniques, permet de démontrer la réalité du montant sollicité. Eu égard à la part de responsabilité de 20 % retenue ci-dessus, il y a donc lieu de condamner Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, à verser à la commune de Franconville la somme de 23 851,20 euros TTC.

16. D'autre part, si la commune de Franconville sollicite le versement d'une somme complémentaire correspondant à la part de responsabilité de la société Isobac, évaluée à 12,23 %, imputable à son sous-traitant, la société Parisis Construction, il résulte de l'instruction que l'assureur de cette dernière, la société Generali Iard, a, le 16 octobre 2020, conclu un protocole d'accord transactionnel avec la commune de Franconville, dont l'objet est de " régler définitivement le litige " qui les oppose et qui fait l'objet de la présente procédure juridictionnelle ainsi que d'une procédure juridictionnelle pendante devant le tribunal judiciaire de Pontoise. L'article 2 de ce protocole prévoit que " les paiements définis à l'article ci-dessus représentent l'indemnisation forfaitaire transactionnelle et définitive de toutes causes de préjudice confondues dont la commune de Franconville pourrait se prévaloir à raison des désordres objet du rapport d'expertise déposé le 10 décembre 2018 ". Au vu de ces stipulations, la commune intention des parties à ce protocole a été de faire obstacle à ce que la commune de Franconville puisse solliciter toute indemnisation complémentaire de la part de la société Generali Iard et de son assuré, la société Parisis Construction, à raison de l'ensemble des désordres afférents au bâtiment concerné. Par suite, la commune de Franconville n'est pas fondée à demander que Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, lui verse une somme complémentaire correspondant à la part de responsabilité imputable à son sous-traitant.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Franconville est seulement fondée à obtenir la condamnation de Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, à lui verser les indemnités de 92 009,15 euros HT et de 23 851,20 euros TTC.

En ce qui concerne les intérêts moratoires :

18. Il y a lieu d'assortir les sommes mentionnées au point précédent des intérêts au taux légal, comme le demande la commune de Franconville, à compter de la date d'enregistrement de sa requête, soit le 15 mars 2019.

Sur les dépens de l'instance :

19. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. ".

20. Par une ordonnance n° 1609443-1706110 du 30 avril 2019, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à un montant de 16 262,68 euros TTC.

21. Eu égard à la part de responsabilité de 20 % de la société Isobac mentionnée précédemment, il y a lieu de mettre à la charge définitive de Me Mandin, liquidateur judiciaire de cette société, la somme de 3 252,54 euros TTC. En revanche, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 16 du présent jugement, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de celui-ci la somme correspondant à la part de responsabilité afférente à son sous-traitant, la société Parisis Construction. En conséquence, il y a lieu de mettre les 80 % de frais d'expertise restants à la charge définitive de la commune de Franconville, soit la somme de 13 010,14 euros TTC.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Franconville, qui n'est pas la partie perdante à l'instance. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, la somme de 2 000 euros demandée par la commune de Franconville au titre de ces mêmes dispositions.

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1 : Les interventions des sociétés Generali Iard et Axa France Iard ne sont pas admises.

Article 2 : Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, est condamné à verser à la commune de Franconville les sommes de 92 009,15 euros HT et de 23 851,20 euros TTC, à assortir des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2019.

Article 3 : Les dépens de l'instance sont mis à la charge de la commune de Franconville, à hauteur de 13 010,14 euros TTC, et de Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, à hauteur de 3 252,54 euros TTC.

Article 4 : Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, versera à la commune de Franconville la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Franconville, à Me Mandin, liquidateur judiciaire de la société Isobac, et à la société Parisis Construction.

Copie en sera adressée à la société Axa France Iard, à la société Generali Iard et à M. A, expert.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Oriol, présidente, M. Carpentier-Daubresse, premier conseiller, et M. Sitbon, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé

N. Carpentier-Daubresse

La présidente,

Signé

C. OriolLa greffière,

Signé

V. Ricaud

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour ampliation,

La greffière