TA de Lyon, 09 novembre 2023, n° 2200306
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 janvier 2022 et 16 septembre 2022, la société Mingat Jean-Jacques, représentée par Me Belfiore, demande au tribunal :
1°) de condamner la commune de Villeurbanne à lui verser une somme de 16 800 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en règlement d'une facture impayée dans le cadre d'un marché portant sur la location de véhicules légers et utilitaires sans chauffeur, une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement et une somme de 2 537,05 euros au titre des pénalités de retard ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Villeurbanne une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la commune de Villeurbanne a commis une faute dans l'exécution du marché compte tenu des dommages causés aux " stickages " des véhicules loués ;
- son préjudice s'élève à une somme de 16 800 euros TTC correspondant au coût de la réparation des dommages ;
- elle est fondée à demander l'application de pénalités de retard.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2022, la commune de Villeurbanne, représentée par Me Lebeau, conclut, à titre principal, au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, au rejet des conclusions indemnitaires en ce qu'elles portent sur la réparation des préjudices prétendument subis sur les véhicules EL-966-CB, EL-043-CA, EN-739-DN, EM-242-ZB, EM-011-VD, CH-643-CK, CL-165-WQ, CW-093-HD, BY-210-DX, EB-543-LV, DM-787-BT, EH-140-MN et EM-955-VC et en tout état de cause d'une part, au rejet des conclusions tendant à ce qu'une somme de 2 537,05 euros soit mise à sa charge au titre de pénalités de retard et, d'autre part, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Mingat Jean-Jacques au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors que la société Mingat Jean-Jacques ne lui a pas adressé un mémoire en réclamation dans le délai de deux mois prévu par l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- elle est tardive dès lors qu'elle a été enregistrée au-delà du délai raisonnable d'un an suivant la naissance du différend ;
- elle est tardive dès lors qu'elle a été enregistrée plus de deux mois après la décision explicite du 16 avril 2019 de son maire confirmant le rejet implicite de la réclamation de la requérante ;
- les moyens soulevés par la société Mingat Jean-Jacques ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Reniez,
- les conclusions de M. Reymond-Kellal, rapporteur public,
- et les observations de Me Perret, substituant Me Lebeau représentant la commune de Villeurbanne.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Villeurbanne a conclu le 10 avril 2017 avec M. A, qui a par la suite cédé son fonds de commerce à la société Mingat Jean-Jacques, un marché public de fournitures portant sur la " location de véhicules légers et utilitaires sans chauffeur ". Quatorze véhicules ont été loués par la commune du 23 au 26 juin 2017 dans le cadre de l'organisation du festival " Les Invites ". Des opérations de masquage du logo Mingat ont été effectuées par l'association Les ateliers Frappaz et la société Dix-Sing. La société A ayant constaté des dégradations de ces logos et des traces de colle lorsqu'elle a récupéré ses véhicules, elle a sollicité l'indemnisation par la commune de Villeurbanne du préjudice subi. Elle demande au tribunal de condamner la commune à lui verser une somme de 16 800 euros TTC en règlement de la facture impayée correspondant aux frais de " dépose des stickages endommagés et remplacement des stickages ", une somme de 40 euros au titre l'indemnité forfaitaire de recouvrement et une somme de 2 537,05 euros au titre des pénalités de retard.
2. Aux termes de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de services, approuvé par l'arrêté du 19 janvier 2009, applicable au marché public en litige : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. ".
3. L'apparition d'un différend, au sens des stipulations précitées, entre le titulaire du marché et l'acheteur, résulte, en principe, d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l'acheteur et faisant apparaître le désaccord. Elle peut également résulter du silence gardé par l'acheteur à la suite d'une mise en demeure adressée par le titulaire du marché l'invitant à prendre position sur le désaccord dans un certain délai. En revanche, en l'absence d'une telle mise en demeure, la seule circonstance qu'une personne publique ne s'acquitte pas, en temps utile, des factures qui lui sont adressées, sans refuser explicitement de les honorer, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un différend au sens des stipulations précédemment citées.
4. La société Mingat Jean-Jacques a adressé à la commune de Villeurbanne sa facture du 1er juillet 2017 de 16 800 euros TTC avec un courrier explicatif daté du 13 juillet 2017. Par un courrier du 31 juillet 2017, la commune de Villeurbanne a seulement indiqué ne pas vouloir payer la facture en l'état et demandé des pièces pour évaluer le préjudice tout en précisant qu'elle saisissait son assureur. La société Mingat Jean-Jacques a répondu par courrier du 31 août 2017 puis, n'ayant toujours pas obtenu de réponse à sa demande, elle a, par un courrier envoyé le 7 décembre 2017, mis en demeure la commune de Villeurbanne de lui verser la somme de 16 800 euros TTC dans un délai de huit jours. Le différend est né à l'expiration de ce délai courant à compter de la notification de la mise en demeure. Aucun mémoire en réclamation n'a été communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois suivant la naissance du différend. Par ailleurs, la décision explicite de la commune de Villeurbanne du 16 avril 2019 de rejet de la réclamation n'a pas eu pour effet de rouvrir le délai de recours. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Villeurbanne tirée de l'absence de mémoire en réclamation dans le délai de deux mois prévu par l'article 37.2 du CCAG doit être accueillie.
5. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Mingat Jean-Jacques doit être rejetée, dans toutes ses conclusions.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Mingat Jean-Jacques le versement à la commune de Villeurbanne d'une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Mingat Jean-Jacques est rejetée.
Article 2 : La société Mingat Jean-Jacques versera à la commune de Villeurbanne une somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Mingat Jean-Jacques et à la commune de Villeurbanne.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente,
Mme Lacroix, première conseillère,
Mme Reniez, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
La rapporteure,La présidente,
E. ReniezC. Michel
La greffière,
K. Schult
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Un greffier,