TA de Marseille, 27 septembre 2023, n° 2005839

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 31 juillet 2020, le 27 juillet 2021, le 25 janvier 2022 et le 12 mai 2023, le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône, représenté par Me Pomarès, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) la condamnation solidaire des sociétés Eiffage Provence et BRL Ingénierie à lui verser la somme de 1 864 532 euros au titre des désordres affectants les nouvelles cales d'accostage du Bac de Barcarin, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter de la date d'enregistrement de la requête ;

2°) la condamnation solidaire des sociétés Eiffage Provence et BRL Ingénierie à lui verser la somme de 41 741 euros au titre des frais d'expertise ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Eiffage Provence et BRL Ingénierie le versement de la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les cales d'accostage du bac de Barcarin, dont il a entrepris le remplacement en 2007, sont affectées de désordres tenant d'une part à une insuffisance de la stabilité des poutres d'accostage et d'autre part à des défenses inadaptées à l'utilisation prévue sur ce site ;

- les désordres affectant les cales d'accostage trouvent leur origine dans une mauvaise réalisation des poutres dont le coefficient de forme est inadapté, dans le choix d'une poutre flottante et pivotante autour d'un axe dont les colliers ont été fixés trop haut, et enfin dans un amortissement par des défenses à cisaillements non montées selon les directives du fabricant ;

- ces désordres affectent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination ;

- ces désordres sont imputables à la société Eiffage Provence pour les défauts de conception, de construction et de montage des poutres d'accostage et des défenses à cisaillement et pour le défaut de montage de ces défenses ainsi qu'à la société BRL Ingénierie pour le défaut de contrôle,

- il doit être indemnisé du coût des travaux de reprise des désordres soit 1 200 000 euros ; des frais engagés du fait des mesures conservatoires prises pour assurer la continuité du service depuis l'année 2016 soit 80 090,40 euros augmentés de la somme de 150 432 euros au titre de l'actualisation du préjudice ; du préjudice financier résultant de l'arrêt des bacs pendant la période des travaux de reprise soit 19 180 euros ; des frais d'intervention du conseiller technique soit 14 829,60 euros ; des préjudices immatériels résultant de l'absence de fonctionnement du bac durant la réalisation des travaux de reprise soit 400 000 euros, soit la somme totale de 1 864 532 euros ;

- à titre subsidiaire, il doit se voir réserver les droits quant au chiffrage définitif des autres préjudices immatériels résultant des difficultés d'exploitation du bac après réalisation des travaux définitifs ;

- les sommes précitées doivent être indexées sur l'indice BT01du bâtiment à compter de la date d'enregistrement de la présente requête, assortis des intérêts au taux légal à compter de cette même date et de la capitalisation de ses intérêts ;

- la responsabilité des sociétés Eiffage Provence et BRL Ingénierie est en outre engagée du fait de leurs manquements aux documents contractuels et des fautes commises dans l'exécution du marché.

Par des mémoires en défense enregistrés le 26 février 2021, le 29 septembre 2021 et le 8 mars 2022, la société BRL Ingénierie, représentée par la SCP de Angélis et Associés, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la société Eiffage Provence la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) à ce que soit mis à la charge de toute partie perdante la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert judiciaire retient deux désordres que sont le défaut de stabilité des poutres et l'inadaptation des défenses à cisaillement alors que, d'une part, s'agissant des défenses, l'expert judiciaire a conclu sans avoir écarté l'hypothèse d'un défaut du matériau alors qu'il s'agissait précisément de la première hypothèse à envisager, puisque en effet, c'est la rupture prématurée des défenses à cisaillement qui, en ne permettant plus l'absorption des chocs lors des opérations d'accostage, a entraîné la dégradation des colliers de guidage, puis des ducs-d'Albe d'accostage, et enfin de la poutre elle-même ;

- d'autre part sur les poutres, l'expert judiciaire a affirmé à tort que les poutres n'avaient jamais été stables, alors que les poutres ont été constatées stables et horizontales par l'ensemble des parties, même sans béquilles, comme en atteste le procès-verbal de chantier n°66 du 3 février 2011, que le maître d'ouvrage a lui-même admis que l'ouvrage donnait entière satisfaction dans son courrier du 21 février 2012, démontrant qu'à cette date, les poutres d'accostage étaient parfaitement horizontales et stables et que s'il est exact qu'initialement les poutres avaient présenté un défaut de flottabilité, les études conduites ont permis de déterminer que la structure métal de la poutre ne faisait pas 29 tonnes comme annoncé mais 38 tonnes et que des erreurs avaient été commise par l'entreprise lors de la mise en place de la poutre, les calculs de lest ayant été effectués avec des colliers entiers, alors que la mise à l'eau par la société Eiffage avait été réalisée avec des demi colliers ;

- les désordres affectant les défenses à cisaillement ne lui pas imputables dès lors qu'ils ne peuvent avoir pour origine qu'un défaut du matériau relevant de la responsabilité du fabricant, la société Fender Team, et de la société Eiffage qui a commandé ces défenses, ou un défaut de montage, dont seule la société Eiffage est responsable,

- les désordres affectant les poutres ne lui sont pas davantage imputables dès lors que les études d'exécution ont été réalisées par des bureaux d'études placés sous la responsabilité de la société Eiffage qui auraient dû mettre en évidence ces défauts, d'autant que le CCTP imposait à l'entreprise titulaire du lot n°2 de procéder pour la réalisation des études d'exécution " aux notes de calcul de stabilité générale donnant les efforts dans les structures aux différentes phases de construction ", et que le CCAG prévoit qu'elle est responsable des éventuelles erreurs commises dans les notes de calcul des études d'exécution,

- les échanges entre les participants aux travaux ont en outre mis en évidence des fautes imputables à la société Eiffage : un défaut de communication et de pilotage sur les études d'exécution de la poutre, des erreurs dans les études d'exécution dès lors que la structure métal de la poutre ne faisait pas 29 tonnes mais 38 tonnes, des erreurs lors de la mise en place de la poutre avec des calculs de lest faits avec des colliers entiers alors que la mise à l'eau a été réalisée avec des demi colliers et un bilan de poids de la poutre non conforme aux études d'exécution ; ainsi le défaut de stabilité des poutres d'accostage est seulement imputable à la société Eiffage ;

- elle a parfaitement rempli sa mission de contrôle tout au long du chantier,

- le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône a commis une faute de nature à l'exonérer de toute responsabilité en s'abstenant de procéder au remplacement des défenses à cisaillement, alors que dès la découverte des désordres affectant les défenses, elle a préconisé le remplacement des défenses dégradées afin de prévenir tout risque d'arrêt de l'exploitation et de dégradation durable des ouvrages ;

- elle est fondée à être intégralement relevée de toute condamnation prononcée à son encontre par la société Eiffage et l'appel en garantie formé par la société Eiffage à son encontre doit être rejeté dès lors que la société Eiffage est seule responsable des dommages affectant les poutres d'accostage, et que par ailleurs, l'article 9.7.3 du CCAP lui faisait obligation d'intervenir dans un délai de dix jours à compter de la demande du maître d'ouvrage pour remplacer toute pièce défectueuse, ce qu'elle a refusé de faire ;

- le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône n'est pas fondé à solliciter les sommes réclamées dès lors que, concernant les travaux de reprise définitifs, le chiffrage présenté par l'expert judiciaire est purement théorique, le coût réel de la solution n'ayant jamais été évalué, la solution de concevoir un nouveau système de poutres d'accostage n'est de toute façon pas celle choisie par le syndicat puisque celui-ci verse aux débats le devis de la société IOA pour une mission de maîtrise d'œuvre qui n'exclut pas de réutiliser les poutres existantes ; en tout état de cause la somme de 1 200 000 euros n'est corroborée par aucun document justificatif fourni par le syndicat qui n'a d'ailleurs jamais fait chiffrer le coût de la solution réparatoire par un bureau d'études ;

- en outre, le coût de la prestation de maîtrise d'œuvre annoncé de 180 000 euros HT est totalement disproportionné par rapport au montant des travaux envisagés puisqu'il représente plus de 25% du montant des travaux sans rapport avec le coût habituellement pratiqué par les bureaux d'études compétents en la matière, et qu'il bénéficiera en plus des études précédemment menées ;

- l'exploitation du bac de Barcarin s'étant poursuivi depuis 2012, avec les poutres d'accostage installées par la société Eiffage, le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône a donc dû provisionner la somme de 630 000 euros dédiée à l'entretien, il appartient ainsi au syndicat de justifier de l'emploi de ces sommes pour l'entretien et les réparations du bac et à défaut, la somme de 630 000 euros devra nécessairement être déduite de toute condamnation puisque ces frais auraient dû, en tout état de cause, être exposés ;

- concernant les sommes réclamées au titre des mesures provisoires, faute de démontrer que les sommes réclamées au titre de ce poste de préjudice l'ont été en supplément du coût d'entretien et d'exploitation initialement prévu par l'AMDEC, le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône ne démontre pas la réalité du préjudice allégué et n'est donc pas fondé à solliciter la somme de 80 090,40 euros ;

- concernant les préjudices matériels résultant de l'absence de fonctionnement du bac durant la réalisation des travaux de reprise, le montant réclamé ne repose sur aucune évaluation sérieuse ni sur l'existence d'un préjudice né, actuel et certain, dès lors que le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône n'a pas pour objet d'organiser et de prendre en charge un quelconque " service public de bus ", ni l'organisation des secours ni l'organisation de la scolarité des collégiens et que par ailleurs, l'indemnisation réclamée au titre " d'éventuelles réclamations des abonnés riverains et entreprises locales ", est purement hypothétique et inexistante à ce jour ;

- enfin, concernant le coût d'intervention du conseiller technique, ce poste de préjudice doit être inclus dans les sommes réclamées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui devront être réduites le cas échéant, à une plus juste proportion en cas de condamnation.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 février 2021, le 28 juillet 2021, le 13 mai 2022 et le 12 juin 2023, la société Eiffage Provence, représentée par Me Hamdi, conclut dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) au rejet de conclusions présentées à son encontre ;

3°) à ce que la société BRL Ingénierie la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) à ce que soit mis à la charge du syndicat mixte des traversées du delta du Rhône et de toute partie perdante la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert judiciaire impute une part de responsabilité au syndicat mixte des traversées du delta du Rhône et à la société Fender Team à hauteur respectivement de 1,9% et de 5,1% ;

- l'expert lui impute à tort une mission de conception et indique que BRL Ingénierie intervenait en qualité de maître d'œuvre " chargé de contrôler et d'avaliser pour le compte du maître d'ouvrage les travaux et les solutions proposés par l'entreprise " alors qu'il est constant que le maître d'œuvre BRL Ingénierie avait une mission complète incluant expressément la conception des ouvrages litigieux ;

- le fait qu'elle ait eu la charge des études d'exécution et ait collaboré avec le maître d'œuvre pour régler des problèmes de conception lors des tests préalables à la réception, ne saurait permettre de considérer qu'elle a eu un rôle de concepteur, elle n'a d'ailleurs perçu aucun honoraire à ce titre ;

- or il ressort des conclusions de l'expertise que les désordres ont pour origine principale un défaut de conception, imputable à la société BRL Ingénierie en tant que maître d'œuvre ;

- la société BRL Ingénierie ne peut s'exonérer de sa responsabilité dès lors qu'elle devait assumer une mission de contrôle, notamment en cas de difficulté rencontrée lors de l'exécution par l'entreprise titulaire ;

- en outre, aucune faute ne peut lui être imputée dès lors qu'elle a respecté les stipulations contractuelles et la commande référencée par la société BRL Ingénierie et qu'elle a communiqué à la société Fender Team le CCTP et le plan de la poutre ;

- ainsi, contrairement à ce que soutient l'expert, il ne lui appartenait nullement de vérifier l'adéquation des prescriptions de BRL Ingénierie intégrées par cette dernière au CCTP et ce d'autant que la référence qui a été portée sur la commande réalisée directement auprès de Fender Team par elle était la référence qui avait été incluse dans le CCTP par la société BRL Ingénierie, il ne peut donc lui être reproché d'avoir retenu cette référence ;

- elle est fondé à être intégralement relevée de toute condamnation prononcée à son encontre par la société BRL Ingénierie.

Vu :

- l'ordonnance n°1406857 par laquelle le juge des référés a désigné M. B en qualité d'expert ;

- l'ordonnance n°1406857-0 par laquelle le président du tribunal a taxé les frais de l'expertise ;

- le rapport d'expertise de M. B du 21 décembre 2016 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Devictor ;

- les conclusions de Mme Dyèvre, rapporteure publique ;

- les observations de Me Hamdi, représentant la société Eiffage Provence et de Me Vital, représentant la société BRL Ingénierie.

Considérant ce qui suit :

1. En 2007, le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône (SMTDR) a entrepris la construction de nouvelles cales d'accostage du bac du Barcarin. La maîtrise d'œuvre pour la construction des cales d'accostage a été attribué à la société BRL Ingénierie par acte d'engagement signé le 9 juillet 2007. Le lot n°2 " ouvrages flottants - génie civil - battage " du marché de construction a été attribué à la société Eiffage Provence par acte d'engagement signé le 14 novembre 2008. Les défenses à cisaillement ont été fournies à Eiffage Provence par la société Fender Team. La réception des travaux a été prononcée le 7 juillet 2011. En 2012, des désordres affectant les défenses à cisaillement ont été constatés. Le 23 septembre 2014, le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône a saisi le juge des référés du tribunal d'une demande tendant à la prescription d'une expertise portant sur les désordres affectant les ouvrages d'accostage. Par une ordonnance n°1406857 du 14 décembre 2014, le juge des référés a fait droit à cette demande et désigné M. B en qualité d'expert. Ce dernier a remis son rapport le 21 décembre 2016. Par la présente requête, le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône demande au tribunal de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, les sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence à lui verser la somme totale de 1 714 100 euros TTC, au titre des désordres affectant cales d'accostage du bac de Barcarin.

Sur la responsabilité contractuelle du constructeur :

2. Aux termes de l'article 44.1 du cahier des clauses administratives générales alors en vigueur : " Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article, d'un an à compter de la date d'effet de la réception (). Pendant le délai de garantie () l'entrepreneur est tenu à une obligation dite " obligation de parfait achèvement " au titre de laquelle il doit : () b) Remédier à tous les désordres signalés, par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci () Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre ayant pour objet de remédier aux déficiences énoncées aux b et c ci-dessus ne sont à la charge de l'entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable () ". Selon l'article 44-2 du même cahier : " Prolongation du délai de garantie : / () le délai de garantie peut être prolongé par décision de la personne responsable du marché jusqu'à l'exécution complète des travaux et prestations () ".

3. La réception d'un ouvrage met fin aux relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. Toutefois, les obligations des constructeurs sont prolongées, à compter de la réception de l'ouvrage, pendant le délai de la garantie de parfait achèvement prévue au contrat lui-même. La garantie de parfait achèvement s'étend à la reprise, d'une part, des désordres ayant fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception, d'autre part, de ceux qui apparaissent et sont signalés dans l'année suivant la date de réception.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la réception des travaux a été prononcée sans réserves le 7 juillet 2011 et que c'est au cours de la visite dite de " parfait achèvement " effectuée en mars 2012 que les désordres affectant les défenses à cisaillements ont été observés, ce qui a été confirmé par la réunion du 27 septembre 2012. Si le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône a bien signalé les désordres et mis en demeure la société Eiffage Provence d'effectuer les travaux dans son courrier du 21 février 2012, soit dans le délai de garantie de parfait achèvement, il est constant d'une part que cette dernière n'a pas exécuté les travaux et que le délai de garantie n'a pas été prolongé par une décision expresse du syndicat mixte des traversées du delta du Rhône. Par suite, le délai de garantie de parfait achèvement étant expiré, le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône n'est plus recevable à invoquer la responsabilité contractuelle des sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence.

Sur la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre :

5. La responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves.

6. Il résulte de l'instruction que dès les premiers essais, la stabilité des deux poutres d'accostage s'est révélée très insuffisante avec une gite de 5° et 11° alors que le cahier des clauses techniques particulières fixait une tolérance maximale de 0,5°. La société Eiffage Provence a alors tenté d'y remédier en lestant les poutres puis en installant des béquilles, qui ont temporairement et artificiellement permis de corriger le défaut de stabilité. La réception des travaux a alors été prononcée par le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône sur conseil du maître d'œuvre. Ces moyens se sont toutefois par la suite révélés vains et les béquilles ont contribué à la dégradation de l'ouvrage dans son ensemble en imposant des contraintes sur les ducs-d'Albe et les colliers. Ainsi, en conseillant au maître d'ouvrage de réceptionner les travaux sans réserve après la mise en place des béquilles, alors qu'elle avait pu constater que les poutres d'accostage présentaient un défaut de stabilité intrinsèque et que la solution mise en œuvre par la société titulaire des travaux ne pouvait corriger ce défaut, la société BRL Ingénierie a manqué à son obligation de conseil lors des opérations de réception. Dès lors, sa responsabilité contractuelle est engagée pour ce désordre.

Sur la garantie décennale :

7. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres, apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, engagent la responsabilité de ces constructeurs s'ils sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

En ce qui concerne les désordres :

8. Le système d'accostage du bac de Barcarin comporte sur chaque rive un ponton flottant en béton, une passerelle métallique entre la berge et le ponton et une poutre d'accostage en acier flottant entre deux ducs-d'Albe métalliques. Cette poutre, destinée à dissocier les ouvrages d'accostage du ponton de débarquement en béton et à sécuriser les manœuvres d'accostage des navires, est guidée de chaque côté par deux ducs-d'Albe via des colliers de guidage, eux-mêmes équipés de 16 défenses à cisaillement permettant l'absorption des chocs lors des opérations d'accostage.

9. Il résulte de l'instruction qu'en 2012, dès les premiers essais, la stabilité des deux poutres d'accostage s'est révélée insuffisante, celles-ci présentant une gîte importante coté fleuve. Il a alors été tenté d'y remédier en lestant davantage les poutres puis en installant des béquilles, deux par pieu, immédiatement après la mise à l'eau. Toutefois, ces efforts n'ont pas été suffisants pour corriger le défaut de stabilité, qui s'est traduit par des mouvements de bascule autour de l'axe de pivotement situé au niveau des colliers de guidage positionnés au sommet des poutres ainsi qu'en témoignent les importantes traces de frottements des colliers sur les ducs-d'Albe. Ce phénomène a entrainé progressivement une dégradation des colliers, des défenses, et de la structure des colliers qui en se déformant, a libéré de plus en plus de jeu autour des pieux, augmentant les risques de blocage des colliers lors des montées et descentes du niveau du Rhône. L'expert relève qu'au fil du temps, les déblocages deviennent de plus en plus violents et l'installation de plus en plus dangereuse dès lors qu'un collier peut se briser à tout moment, ce qui aurait pour effet de libérer la poutre qui pourrait alors se redresser brutalement et heurter un bac ou sa passerelle avec des passagers. Au cours de ses constatations, l'expert note que les seize défenses à cisaillement et les galets de glissement sur les pieux sont détruits, les boulonnages des défenses sont sectionnés ou ont dû être remplacés, et les quatre béquilles mises en place après la mise à l'eau sont également détruites et ont, en sus, pour effet de participer au blocage des poutres le long des pieux, ce qui limite d'autant leur capacité à suivre le niveau de l'eau. Suivant ces observations, l'expert a émis, dès la première réunion en 2015, un avis de danger imminent à poursuivre l'exploitation en l'état, indiquant que ce n'est qu'en raison de l'absence de forte crue du Rhône à cette date que l'ouvrage n'avait pas été entièrement détruit mais simplement endommagé. Par suite, ainsi que le note l'expert, ces désordres affectent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination.

En ce qui concerne la cause des désordres

10. En premier lieu, les désordres affectant les ouvrages d'accostage trouvent leur origine dans un défaut de conception des poutres flottantes. L'expert pointe, en effet, que les poutres ont été réalisées avec un coefficient de forme de 0.16 au lieu de pour 0.30 pour une unité réputée stable, ce qui entraine une instabilité de la poutre et la rend sensible à l'action du courant ou du batillage causé par l'arrivée du bac. Pour compenser ce défaut de stabilité, les poutres ont été surlestées, en vain, mais en sus, l'expert indique que ce poids supplémentaire génère des contraintes de torsion importantes sur les colliers. L'expert note également que les poutres ont été rehaussées aux extrémités ce qui a eu pour effet d'accroitre l'effet de torsion généré par le balancement de la poutre autour de son axe de pivotement. La société BRL Ingénierie conteste les conclusions de l'expert et soutient que les poutres étaient stables et horizontales lors de la réception et postérieurement, ce qui a été constaté par l'ensemble des parties, comme l'atteste le procès-verbal de chantier n°66 du 3 février 2011, et notamment le maître d'ouvrage tel qu'il ressort de son courrier du 21 février 2012. Toutefois, ainsi que le relève l'expert, il n'est pas contesté que dès la mise à l'eau, il a été constaté que les poutres flottaient avec une gite, ce qui a conduit la société Eiffage à les lester davantage puis à installer des béquilles pour les stabiliser. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'artificiellement et momentanément que le maître d'ouvrage a constaté que les poutres flottaient de façon stable. Par suite, la société BRL Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que les poutres ne présentaient pas de défaut de stabilité.

11. En second lieu, les désordres trouvent leur origine dans une inadaptation des défenses à cisaillement à l'usage prévu et un montage non conforme de ces défenses aux directives du fabricant. L'expert note que les défenses n'ont pas été montées conformément au cahier des clauses techniques particulières, ayant été orientées à la verticale sur les colliers des pontons au lieu d'être positionnées à l'horizontale, ce qui a eu pour effet de leur faire subir des contraintes en extension et non en compression. Ce défaut de montage a pour conséquence un amortissement très amoindri des chocs à chaque touchée de bacs et a ainsi entrainé la dégradation rapide des défenses. De plus, les défenses SF 500-275 ont une durée de vie de 5 000 cycles de compression, or l'expert indique que compte tenu du nombre de traversées effectuées en 2004 d'environ 54 000 et de l'augmentation anticipée de 2% par an, le remplacement des défenses devrait intervenir tous les mois environ, et non tous les six mois comme l'avait accepté le maitre d'ouvrage. L'expert en conclut que, même montées correctement, les défenses commandées ne sont pas adaptées à la fréquence d'utilisation attendue. La société BRL Ingénierie soutient qu'il ne peut être exclu que les désordres affectant les défenses à cisaillement proviennent d'un défaut du matériau en l'absence de toute analyse, qui aurait entrainé la dégradation, des colliers de guidage, des ducs-d'Albe d'accostage et de la poutre d'accostage. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'expert a déjà répondu à cette allégation, considérant d'une part, qu'au regard du choix inadapté des défenses, de leur montage non conforme et du fait que toutes les défenses présentent les mêmes avaries, une analyse sur un hypothétique défaut du matériau apparait superfétatoire et d'autre part que la défaillance des défenses n'est pas à l'origine des désordres affectant les flexibles des colliers et la poutre qui proviennent pour les premiers, de la mise ne place des béquilles, et pour la seconde de l'instabilité permanente de la poutre.

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :

12. Le défaut de conception des poutres est imputable en premier lieu à la société Eiffage Provence qui a, en tant qu'entreprise titulaire du lot n°2, fait construire les poutres et établi la stabilité des poutres, défini le lestage et fait rajouter les béquilles, avant de conseiller au maître d'ouvrage de réceptionner les travaux sans réserve après la mise en place des béquilles. Ce défaut est également imputable au maître d'œuvre, BRL Ingénierie, qui devait assurer le contrôle des opérations de conception selon le cahier des clauses techniques particulières et a avalisé le montage des béquilles.

13. Il résulte de l'instruction que le choix des défenses SF 500-275 est imputable à la société BRL Ingénierie ainsi qu'à la société Eiffage Provence qui l'a accepté sans réserve et sans s'assurer auprès du fournisseur que les défenses étaient en adéquation avec l'utilisation attendue.

14. Concernant le défaut de montage, l'expert indique que l'information selon laquelle les défenses ne devaient pas être montées en extension n'a été communiquée qu'en cours d'expertise, toutefois ni le maître d'œuvre ni l'entreprise n'avaient pris contact avec le fournisseur pour connaitre les spécificités du montage des défense SF 500-275. Le défaut de montage est ainsi imputable à la société Eiffage Provence et à la société BRL Ingénierie, qui avait pour la première la charge de réaliser le montage et pour la seconde de le contrôler.

15. Il résulte de ce qui précède que les désordres affectant les ouvrages d'accostage sont imputables à la société BRL Ingénierie et à la société Eiffage Provence.

En ce qui concerne la faute du maître d'ouvrage :

16. S'il n'est pas contesté que, dès l'apparition des désordres, la société BRL Ingénierie a préconisé le remplacement des défenses dégradées, il résulte de l'instruction que la cause des désordres n'était toutefois pas déterminée à cette période et qu'un remplacement des défenses à cisaillement par des défenses identiques auraient entrainé les mêmes désordres à court terme, puisque comme dit précédemment, ceux-ci sont dus à un défaut de conception des défenses. Par suite, la société BRL Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône a commis une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité en s'abstenant de procéder au remplacement des défenses à cisaillement.

En ce qui concerne les préjudices :

Sur les travaux de reprises :

17. Il résulte de l'instruction que l'utilisation du système d'accostage tel que conçu initialement est dangereux pour la pérennité de l'ouvrage et que, contrairement à ce que soutient la société BRL Ingénierie, un changement du système de poutres d'accostage est donc nécessaire. Le montant des travaux définitifs de reprise consistant à changer les poutres d'accostage, les colliers, les défenses et les amarrages est chiffré par l'expert à la somme de 697 537 euros HT soit 837 046,80 euros TTC.

18. En revanche, il y a lieu de rejeter la demande du syndicat mixte des traversées du delta du Rhône à être indemnisé de la somme de 180 000 euros au titre des frais de maîtrise d'œuvre, dès lors qu'une somme de 90 139 euros HT a été incluse par l'expert à ce titre dans le coût global des travaux de reprises.

19. En outre, dès lors que le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône ne soutient ni même n'allègue qu'il n'aurait pas été en mesure de financer les travaux à la date du rapport d'expertise, il n'y a pas lieu de faire droit sa demande d'indexation du montant de son préjudice sur l'indice du coût de la construction.

Sur les travaux provisoires :

20. Le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône justifie avoir engagé la somme totale de 80 090,40 TTC au titre des mesures conservatoires pour stabiliser provisoirement les ouvrages d'accostage du bac de Barcarin. En revanche, il n'est pas fondé à solliciter la somme complémentaire de 150 432 euros au titre de l'actualisation du préjudice en se prévalant de devis relatif à la mise en place de défense en bois sur les poutres flottantes, au remplacement des massifs en bois sur le quai d'appontement et à la remise en état d'un des ducs-d'Albe, ce préjudice n'étant ni certain ni actuel. Par suite, le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône est seulement fondé à être indemnisé de la somme de 80 090,40 TTC au titre des travaux provisoires engagés.

Sur le préjudice financier :

21. Si le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône sollicite l'indemnisation du préjudice financier résultant de l'arrêt des bacs pendant la période de réalisation des travaux, il est toutefois constant que ce dernier n'a pour l'heure entrepris aucun travaux ayant entrainé l'interruption des traversées du Rhône. Le chiffrage effectué par l'expert se basant uniquement sur une estimation du nombre de jours de travaux, le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône n'est pas fondé à être indemnisée de la somme de 19 180 euros dès lors qu'un tel préjudice ne présente qu'un caractère éventuel.

Sur les coûts supplémentaires liés à l'impossibilité d'exploiter le Bac :

22. De même, le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône n'est pas fondé à solliciter que lui soit versé la somme de 400 000 euros au titre des préjudices liés à l'impossibilité d'exploiter le Bac jusqu'à la réalisation des travaux définitifs, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, aucun travaux de reprise n'a encore été entrepris et que le préjudice n'est donc qu'éventuel.

23. Il résulte de tout ce qui précède que les préjudices du syndicat mixte des traversées du delta du Rhône s'élèvent à la somme de 917 137,20 euros. Par suite, il y a lieu de condamner solidairement les sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence à lui verser la somme totale de 917 137, 20 euros TTC en réparation des désordres affectant les ouvrages d'accostage.

Sur les intérêts :

24. Le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône a droit aux intérêts au taux légal sur la somme mentionnée au point précédent à compter du 31 juillet 2020, date d'enregistrement de la requête.

25. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. Dans cette hypothèse, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 31 juillet 2020. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 31 juillet 2021, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les appels en garantie :

26. Il incombe au juge administratif, en vue de la répartition finale de la dette, de prendre en compte l'importance respective des fautes quasi-délictuelles commises par les constructeurs condamnés solidairement à indemniser le maître d'ouvrage, à l'exclusion des fautes susceptibles d'être imputées à des tiers qui n'ont pas été mis en cause dans l'instance.

27. S'agissant de la conception des poutres, la société Eiffage Provence a tout d'abord commis une faute en s'absentant de commander une étude de stabilité règlementaire et confiant une mission insuffisante et incomplète à ses bureaux d'étude, lesquels, faute de s'être vu communiquer des pièces essentielles tel que le plan de lestage des poutres, n'ont réalisé que des études de stabilité théoriques, n'ont réalisé qu'une étude pour les deux poutres alors qu'elles se situent pourtant sur des rives différentes du fleuve et n'ont, de ce fait, pas pu mettre en évidence un manque de stabilité des poutres. La société Eiffage Provence a également commis une faute en concevant, sur la base de ces études faussées, des poutres présentant une stabilité de forme très largement insuffisante celles-ci présentant une gîte d'environ 5° alors que la tolérance du cahier des clauses techniques particulières était de 0.5°. Enfin, la société Eiffage Provence a commis une faute en prenant la décision et procédant à la mise en place de deux béquilles par colliers censé supprimer l'effet de roulis constaté depuis l'origine, alors que non seulement, cela ne permettait pas de résoudre le défaut intrinsèque de stabilité des poutres mais qu'en plus, ces béquilles imposaient des contraintes mécaniques aux colliers et aux pieux ayant contribué à la dégradation, voire la destruction, des défenses, des patins de coulissement, des boulons de fixation et enfin des béquilles elles-mêmes. La société BRL Ingénierie, en sa qualité de maître d'œuvre, a également commis des fautes d'une part en s'absentant de contrôler la conformité de la stabilité des poutres à l'égard du cahier des clauses techniques particulières, en acceptant la mise en place des béquilles pour masquer le vice de conception des poutres et en conseillant au maître d'ouvrage de réceptionner les travaux sans réserve après la mise en place des béquilles. D'autre part, le maître d'œuvre a commis une faute en s'absentant d'entreprendre toute immatriculation et certification fluviale, en faisant fi plus globalement de toute réglementation fluviale qui exige pourtant une stabilité parfaite de tout engin flottant et enfin en omettant d'informer le maître d'ouvrage de ces obligations.

28. Concernant les défenses à cisaillement, le choix des défenses a été fait par la société BRL Ingénierie et l'installation a été réalisée par la société Eiffage Provence. Il résulte de l'instruction que le maître d'œuvre comme l'entreprise titulaire du lot n°2 ont commis une faute en manquant de vérifier l'adéquation des défenses avec l'utilisation prévue alors qu'ainsi qu'il a été dit, les défenses commandées ne sont pas adaptées à la fréquence d'utilisation prévue pour le bac de Barcarin. La société Eiffage Provence a également commis une faute en s'abstenant de solliciter auprès du fournisseur le plan de montage des défenses et les informations relatives aux contraintes maximales supportables par les défenses SF 500/275. L'expert note pourtant, que la simple lecture du guide communiqué par le fournisseur était suffisante pour connaitre les limites d'utilisation de ce matériel, ce guide indiquant que les défenses sont prévues pour une vitesse d'accostage maximale de 0.5 m/s, alors qu'il s'agit de la vitesse d'accostage normal du bac de Barcarin définie par le cahier des clauses techniques particulières, vitesse qui peut être bien supérieure et ainsi engendrer une surcharge des défenses.

29. Compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, il sera fait une juste appréciation des responsabilités en présence dans la survenance des désordres affectant les ouvrages d'accostage en fixant les quote-parts de responsabilité des sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence à hauteur de 50% chacune.

30. Il résulte de ce qui précède que les sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence se garantiront mutuellement à hauteur de 50% des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur les dépens :

31. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'État peut être condamné aux dépens. ".

32. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de de 41 741 euros TTC, à la charge des sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence à hauteur de 50% chacune.

33. Le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône est également fondé à demander le versement d'une somme totale de 14 829,60 euros TTC au titre des frais engagés pour l'intervention d'un conseiller technique pour la défense de ses intérêts, en la personne de M. A lors des opérations d'expertise. Cette somme, qui doit être regardée comme des dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, doit être mise à la charge des sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence à hauteur de 50 % chacune.

Sur les frais liés au litige :

34. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge solidaire des sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par le syndicat mixte des traversées du delta du Rhône et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence présentées sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Les sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence sont condamnées à verser au syndicat mixte des traversées du delta du Rhône la somme de 917 137, 20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 31 juillet 2021 et à chaque échéance à compter de cette date.

Article 2 : Les sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence sont condamnées à se relever et se garantir mutuellement à hauteur de 50% de la condamnation prononcée à l'article 1.

Article 3 : Les sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence sont condamnées à verser au syndicat mixte des traversées du delta du Rhône la somme de 56 570 euros TTC, à hauteur de 50% chacune, au titre de l'article R. 761- du code de justice administrative.

Article 4 : Les sociétés BRL Ingénierie et Eiffage Provence verseront au syndicat mixte des traversées du delta du Rhône une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié au syndicat mixte des traversées du delta du Rhône, à la société BRL Ingénierie et à la société Eiffage Provence.

Copie en sera adressée à M. B, expert.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Gonneau, président,

Mme Devictor, première conseillère,

Mme Charbit, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

La rapporteure,

Signé

É. DevictorLe président,

Signé

P-Y. Gonneau

La greffière,

Signé

A. Martinez

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,