TA de Nantes, 09 janvier 2024, n°2317258


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 novembre, 19 et 20 décembre 2023, la société Paprec CRV, représenté par Me Braud, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure de passation du marché public engagée par communauté de communes Maine Saosnois en vue de la passation du lot n° 1 du marché public de collecte et traitement des déchets ménagers et assimilés ainsi que la décision du 9 novembre 2023 par laquelle celle-ci a rejeté son offre pour le lot n° 1 ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes Maine-Saosnois la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'offre de la société attributaire est irrégulière, dès lors qu'elle ne justifie pas disposer d'un parc de véhicules suffisant pour l'exécution du marché dès sa notification ;

- la méthode de notation des offres est irrégulière, dès lors qu'elle a pour effet de neutraliser le critère de la valeur technique ;

- la candidature de la société attributaire est irrecevable, dès lors qu'elle n'a pas justifié de sa capacité professionnelle dans le domaine de la collecte des déchets pour le compte de collectivités territoriales ;

- la candidature et l'offre de la société attributaire est irrecevable, dès lors qu'elle n'est pas inscrite au registre des transporteurs publics routiers de marchandises ;

- son offre a été dénaturée s'agissant de l'appréciation portée sur la gestion des dépôts à proximité des points d'apport volontaire ;

- son offre a été dénaturée sur le sous-critère " impact environnemental ".

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 et 21 décembre 2023, la communauté de communes Maine-Saosnois, représentée par Me Forcinal, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Paprec CRV au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Simon, en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue le 19 décembre 2023 à 14h30 en présence de Mme Goudou, greffière d'audience, M. Simon a lu son rapport et entendu :

- les observations de Me Braud, avocat de la société Paprec CRV ;

- et les observations de Me Forcinal, avocat de la communauté de communes Maine Saosnois.

La clôture de l'instruction a été différée au 21 décembre 2023 à midi.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 15 septembre 2023, la communauté de communes Maine Saosnois a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché public de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés sur son territoire. Par courrier du 9 novembre 2023, la société Paprec CRV a été informée du rejet de son offre déposée pour l'attribution du lot 1 " collecte des déchets ménagers résiduels et des emballages papiers " et de ce que celui-ci avait été attribué à la société SEP Valorisation. Par sa requête, la société Paprec CRV demande au juge des référés, sur le fondement de l'article

L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler ladite procédure ainsi que la décision rejetant son offre.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Il peut également être saisi en cas de manquement aux mêmes obligations auxquelles sont soumises, en application de l'article L. 521-20 du code de l'énergie, la sélection de l'actionnaire opérateur d'une société d'économie mixte hydroélectrique et la désignation de l'attributaire de la concession. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. En premier lieu, si la société requérante soutient que la candidature de la société SEP Valorisation aurait dû être rejetée comme irrecevable, dès lors qu'elle ne justifie pas de sa capacité à exercer le marché litigieux et de son expérience en matière de collecte des déchets ménagers, il résulte de l'instruction que cette société a été attributaire d'un marché de collecte, transport et traitement des déchets ménagers et assimilés attribué par la communauté de communes des sources de l'Orne le 21 décembre 2021 pour une durée d'un an, renouvelable deux fois. Par suite, le moyen ainsi invoqué doit être écarté comme manquant en fait.

5. En second lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 2152-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 3211-1 du code des transports, applicable en matière de transports de marchandises : " L'exercice des professions de transporteur public routier de marchandises, y compris de déménagement, ou de loueur de véhicules industriels avec conducteur peut être subordonné, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, à des conditions d'établissement, d'honorabilité professionnelle, de capacité financière et de capacité professionnelle ainsi qu'à l'inscription à un registre tenu par les autorités de l'Etat () ". Aux termes de l'article R. 3211-1 du même code : " Le présent chapitre s'applique aux entreprises de transport public routier de marchandises, de déménagement et de location de véhicules industriels avec conducteur destinés au transport de marchandises, utilisant des véhicules motorisés, y compris ceux dont la vitesse maximale autorisée ne dépasse pas40 km/ h ". Aux termes de l'article R. 3211-7 de ce code : " L'entreprise qui souhaite exercer la profession de transporteur public routier de marchandises ou de déménagement, ou de loueur de véhicules industriels avec conducteur destinés au transport de marchandises, formule une demande d'autorisation en ce sens auprès du préfet de la région où elle a ou souhaite avoir son siège ou, pour une entreprise n'ayant pas son siège en France, son établissement principal. Celui-ci dispose d'un délai de trois mois, éventuellement prorogeable d'un mois dans l'hypothèse où le dossier présenté à l'appui de la demande s'avère incomplet, pour se prononcer sur cette demande. Le préfet de région délivre à l'entreprise une autorisation d'exercer la profession lorsqu'elle satisfait aux exigences d'établissement, d'honorabilité professionnelle, de capacité financière et de capacité professionnelle prévues aux articles R. 3211-19 à R. 3211-42 () ". Aux termes de l'article R. 3211-8 du code des transports : " Les entreprises établies en France, autorisées en vertu de l'article R. 3211-7 à exercer une activité de transport public routier de marchandises, de déménagement ou de location de véhicules industriels avec conducteur destinés au transport de marchandises sont immatriculées au registre du commerce et des sociétés ou au Registre national des entreprises en tant qu'entreprises du secteur des métiers et de l'artisanat et inscrites au registre électronique national des entreprises de transport par route dans les conditions prévues à l'article R. 3211-9 ". Enfin, aux termes de l'article R. 3211-12 du même code : " L'inscription au registre électronique national des entreprises de transport par route donne lieu à la délivrance par le préfet de région des licences suivantes : 1° Une licence communautaire lorsque l'entreprise utilise un ou plusieurs véhicules dont le poids maximum autorisé excède 3,5 tonnes ; 2° Une licence de transport intérieur lorsque l'entreprise utilise pour des opérations de transport exclusivement réalisées sur le territoire national un ou plusieurs véhicules n'excédant pas cette limite ou lorsqu'elle utilise exclusivement des véhicules circulant sous couvert d'un certificat WW DPTC ; 3° Une licence communautaire comportant la mention " inférieur ou égal à 3,5 tonnes " lorsque l'entreprise utilise pour des transports internationaux dans l'Espace économique européen un ou plusieurs véhicules dont le poids maximum autorisé est supérieur à 2,5 tonnes et ne dépasse pas 3,5 tonnes () ".

7. Il résulte de l'instruction que l'exécution du marché litigieux implique la collecte de déchets ménagers et leur transport vers un centre de traitement, tel que cela était notamment précisé dans l'avis d'appel public à la concurrence par la mention des code CPV " services de collecte des ordures ménagère " et " services de transport des ordures ménagère " ainsi qu'à l'article 2 du cahier des clauses techniques particulières. Ainsi, pour la réalisation des prestations objet du marché, son titulaire exerce une activité de transporteur public routier de marchandise au sens du code des transports en sus de son activité de collecte des déchets. Il est constant que la société SEP Valorisation ne dispose pas de l'autorisation d'exercer la profession transporteur routier de marchandise ou de déménagement prévue à l'article R. 3211-7 du code des transports et n'est pas inscrite au registre national des entreprises de transport par route. Dans ces conditions, et alors même que la société SEP Valorisation dispose de l'autorisation prévue au titre du droit de l'environnement à l'article R. 541-50 du code de l'environnement pour l'exercice de l'activité de transport par route de déchets dangereux et non dangereux, la communauté de communes Maine Saosnois, à laquelle il appartenait de s'assurer, à peine d'irrégularité de son offre, que la société attributaire disposait bien d'une licence de transport et était inscrite au registre national des entreprises de transports par route, ne pouvait que rejeter cette offre comme irrégulière, en ce qu'elle méconnaît la législation applicable en matière de transport.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, qu'eu égard à la portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, le manquement retenu au point précédent, qui est susceptible d'avoir lésé la société Paprec CRV, implique d'annuler la procédure litigieuse à compter de la phase de sélection des offres ainsi que la décision par laquelle la communauté de communes de Maine Saosnois a rejeté l'offre de la société requérante.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes Maine Saosnois une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Paprec CRV et non compris dans les dépens.

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société

Paprec CRV, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande la communauté de communes Maine Saosnois au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La procédure de passation l'attribution du lot 1 " collecte des déchets ménagers résiduels et des emballages papiers " lancée par la communauté de communes Maine Saosnois est annulée au stade de la phase de sélection des offres.

Article 2 : La décision par laquelle la communauté de communes Maine Saosnois a rejeté l'offre de la société Paprec CRV pour l'attribution du lot 1 " collecte des déchets ménagers résiduels et des emballages papiers " est annulée.

Article 3 : La communauté de communes Maine Saosnois versera à la société Paprec CRV une somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Paprec CRV, à la communauté de communes Maine Saosnois et à la société SEP Valorisation.

Fait à Nantes, le 9 janvier 2024.

Le juge des référés,

P-E. SIMON

La greffière,

A. GOUDOU

La République mande et ordonne au préfet de la Sarthe en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,