TA de Pau, 18 janvier 2024, n°2101219


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

I.- Par une requête et six mémoires enregistrés les 14 mai, 26 mai, et 26 juillet 2021 ainsi que les 12 janvier, 1er mars, 1er juin et 29 juin 2023, sous le numéro 2101219, la société Aqui'Lex, représentée par Me Fouchet, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner l'établissement public XL Habitat, office public de l'habitat du département des Landes, à lui verser la somme de 165 611 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la requête et la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la perte de chance sérieuse d'obtenir le lot n° 1 du marché de prestations de services de représentation légale dans divers domaines du droit ;

2°) de mettre à la charge de XL Habitat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge administratif est compétent ainsi que le prévoit le règlement de la consultation ; les marchés des offices publics de l'habitat sont des marchés publics par détermination de la loi en application de l'article L. 421-26 du code de la construction et de l'habitation et des articles  L. 6, L. 1110-1, et R. 2100-1 du code de la commande publique ;

- l'exigence de lier le contentieux avant d'obtenir une indemnisation prévue par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ne s'applique pas à sa demande formulée en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 4 avril 2014 département Tarn-et-Garonne n° 358994 ; exiger la demande préalable à laquelle l'article R. 421-1 du code de justice administrative se réfère placerait le concurrent évincé dans une impossibilité technique incompatible avec son droit au recours effectif tel que défini par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors que ce contentieux répond aux directives  n° 2007/66/CE et n° 2014/24/Union européenne ; le fait d'exiger d'un concurrent évincé qu'il demande l'indemnisation des préjudices causés par l'illégalité du choix du concurrent lauréat de la procédure de mise en concurrence avant de demander l'indemnisation de son préjudice l'empêche, par le simple jeu de l'écoulement du temps, d'introduire le recours de pleine juridiction défini par la décision du Conseil d'Etat n° 358994 qui est lui-même enserré dans un délai de deux mois et qui est le seul moyen pour lui de contester la légalité du choix de son concurrent ; puisque la demande de pièces la place dans une grande incertitude juridique, elle a décidé d'adresser, le 19 mai 2021, soit dans le délai de recours de deux mois défini par la décision du Conseil d'Etat n° 358994, une demande préalable d'indemnisation à l'établissement public XL Habitat ; la survenue de la décision prise par l'administration sur cette demande en cours d'instance régularise l'absence originelle de demande préalable ; en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, une décision implicite rejetant sa demande préalable est née le 19 juillet et en tout état de cause le 25 juillet 2021, l'établissement XL Habitat ayant reçu sa demande préalable par la Poste le 25 mai 2021 ;

- XL Habitat a méconnu les articles L. 2152-1 et L. 2152-2 du code de la commande publique en retenant l'offre de la société Tourret-Capes alors qu'il aurait dû l'écarter comme irrégulière ; concernant le critère du prix, l'offre de la société attributaire ne portait pas sur l'ensemble des prestations du lot en méconnaissance de l'article 2.3 du règlement de la consultation et elle ne se conformait pas aux exigences des articles 8.1, 8.3, 9.2 et 10 du cahier des clauses particulières dès lors qu'elle n'a pas distingué selon les catégories de prestations 10-A1, 10-A2 et 10-A3 de sorte que le descriptif résultant du rapport d'analyse des offres ne permet pas de savoir quel prix cette société proposait pour la rédaction ou l'assistance dans la rédaction d'une pièce de procédure, ni pour la représentation pure, son offre semblant constituer une proposition uniquement pour l'assistance globale pour dossiers contentieux ; en outre, l'offre de la société attributaire n'a proposé de fourchette ni en fonction du niveau de complexité des affaires, ni en fonction du niveau d'urgence ; si XL Habitat voulait comparer réellement les deux offres, alors il devait considérer que la fourchette proposée pour l'assistance au contentieux par la société Tourret-Capes allait de 240 à 500 euros, alors que son offre allait de 200 à 450 euros et était ainsi économiquement la plus avantageuse ; elle est lésée dans son intérêt par cette méconnaissance grave par le pouvoir adjudicateur de ses obligations de mise en concurrence : son offre a été comparée à une offre irrégulière et en outre, pour ce qui est de la seule comparaison possible au vu du manque de précision apporté par la société Tourret-Capes dans son offre, la comparaison déjà faussée a été erronée et a conduit au choix de l'offre économiquement la moins avantageuse ;

- il a été organisé une procédure de mise en concurrence fondée sur des critères ne permettant pas de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse ; l'examen du rapport d'analyse des offres montre que les deux concurrentes ont été départagées sur la prestation de rédaction d'assignation, le prix des assignations annoncé par la société Tourret-Capes étant inférieur de 100 à 200 euros à celui annoncé par son offre, alors que pour les affaires de contentieux locatifs, d'une part, la rédaction d'assignation relève de la compétence d'un huissier et non d'un avocat conformément aux articles 55 et 56 du code de procédure civile et d'autre part, l'avocat a pour rôle de plaider l'affaire à l'audience et ne rédige spécifiquement des conclusions que dans des cas excessivement rares, en particulier lorsque le locataire défendeur présente un mémoire en défense avant l'audience ; par ailleurs, le critère de prix tel que défini par le règlement de consultation ne permet pas de déterminer l'offre la plus avantageuse puisqu'il est impossible de déterminer la part de chaque catégorie d'affaire dans le besoin global du pouvoir adjudicateur ; dans la mesure où les candidats étaient invités à proposer des prix pour trois types de prestations différentes, avec 3 niveaux de difficultés et 3 délais différents, le seul moyen de comparer les offres dans le cadre d'un bordereau de prix unitaires, et d'être à même de choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, était de pondérer chaque prestation ainsi qualifiée en fonction de son importance dans le marché global ; en ne modulant pas son appréciation en fonction d'une pondération de chaque niveau de prestation dans l'ensemble des prestations contenues dans le lot n° 1, ainsi que l'établit le rapport d'analyse des offres, XL Habitat ne s'est pas donné les moyens de choisir l'offre économiquement la plus avantageuse et a ainsi méconnu l'article L. 2152-7 du code de la commande publique ; enfin, ce défaut révèle que XL Habitat n'a pas défini son besoin avec suffisamment de précision en méconnaissance de l'article L. 2111-1 du même code ; ce manquement l'a gravement lésée car elle a présenté une offre en fonction des niveaux de distinction exigés et son offre a été comparée à une autre offre ne respectant pas cette exigence et ce, au terme d'une comparaison " au doigt mouillé " fondée sur des apparences de prix et au surplus en fonction d'une prestation très exceptionnellement fournie par l'avocat (la rédaction d'assignation) et non en fonction du besoin réel d'XL Habitat - à savoir, au principal, l'assistance au contentieux locatif sans rédaction d'assignation par l'avocat ;

- le pouvoir adjudicateur a dénaturé l'offre de la société Aqui'Lex en ne l'examinant pas dans son intégralité, ainsi qu'en attestent la comparaison des pages 59 et 60 de son offre de prix et la traduction qu'en donne le rapport d'analyse des offres, en méconnaissance du principe d'égalité des candidats et de l'article L. 3 du code de la commande publique ; à l'exception du bonus en cas de rédaction de l'assignation par l'avocat, ce qui correspond à un cas très exceptionnel, le rapport d'analyse des offres n'a pas pris en compte la gratuité des désistements, celle des frais de déplacement et l'inclusion des procédures devant la Cour d'appel dans le prix dans le cas général proposés par son offre de sorte que tous les avantages procurés par son offre ont été gommés pour ne retenir que son inconvénient dans un cas très exceptionnel, alors que s'agissant des désistements et des procédures devant la Cour d'appel, la gratuité proposée par son offre procurait à XL Habitat un avantage considérable en termes de prix par rapport à l'offre de la société Tourret-Capes qui demandait 100 euros pour chaque désistement, proposait une tarification supplémentaire de 500 euros en cas d'appel et ne proposait visiblement pas la gratuité des frais de déplacement pour les audiences se déroulant à Dax ; à cette dénaturation s'ajoute la fusion de la prestation 1 avec la rédaction des assignations qui donnait une image défavorable de son offre tout en évacuant le caractère manifestement muet de l'offre de la société Tourret-Capes sur ce point ;

- il a méconnu le règlement de la consultation et l'article L. 2152-7 du code de la commande publique en choisissant l'offre de la société Tourret-Capes alors qu'elle n'était pas économiquement la plus avantageuse ; le prix minimal proposé par son offre était inférieur de 17 % à celui proposé par la société Tourret-Capes pour les dossiers contentieux ne réclamant pas de difficulté particulière (200 euros contre 240 euros) et son prix maximal était de 10 % inférieur à celui proposé par la société Tourret-Capes (450 euros contre 500 euros) ; même sans une pondération des dossiers selon leur niveau de difficulté dans la prestation globale, son offre était économiquement la plus avantageuse puisque sa fourchette de prix était inférieure à celle de la société Tourret-Capes ; par ailleurs, en considérant comme exactement égales sur le critère de la qualité technique, pondéré à 80 %, et comme exactement égales sur chacun des sous-critères de ce critère, XL Habitat a neutralisé le critère de la qualité technique et chacun des sous-critères en méconnaissance de ses obligations de mise en concurrence ; alors que la description de son organisation était extrêmement précise et détaillée dans son offre, elle n'est pas reflétée dans le rapport d'analyse des offres ; la diversité des cas pratiques présentés et le caractère extrêmement détaillé des mémoires proposés devaient appeler une appréciation plus informée par rapport aux deux cas pratiques proposés de façon minimaliste par la société Tourret-Capes, nonobstant le fait que le règlement de la consultation n'exigeait que la présentation de deux cas pratiques ; le rapport d'analyse des offres ne donne aucune mention de son expérience accumulée alors qu'elle est le partenaire habituel et exclusif des grandes marques leader du secteur qui lui confient leurs dossiers sur tout le territoire de la Cour d'appel ; la neutralisation du critère de la qualité technique l'a lésée à l'avantage de la société Tourret-Capes ;

- la perte de chance sérieuse d'obtenir le marché, et par conséquence la rémunération inhérente aux dossiers pour lesquels la défense d'XL Habitat aurait dû lui être confiée, lui a causé un préjudice de 165 611 euros ; elle était déjà structurée pour répondre à la prestation demandée par XL Habitat de sorte que les affaires procurées par ce dernier ne justifiaient pour elle aucun investissement, ni aucun recrutement supplémentaire ; en outre, elle est déjà présente à chaque audience des juges des contentieux de la protection où les dossiers de XL Habitat sont examinés puisqu'elle présente des dossiers de ses propres clients aux mêmes audiences ; l'attestation de son expert-comptable permettant de mettre en évidence la marge sur coûts variables de production et de distribution de son activité établi que pour un marché de 180 000 euros, elle pouvait escompter gagner la somme de 165 611 euros ;

- pour rejeter sa demande, XL Habitat se fonde sur une décision d'espèce du Conseil d'Etat du 19 décembre 2012, n° 350431 inopérante, selon laquelle l'absence de reconnaissance d'un préjudice n'est pas fondée sur la circonstance que le marché en litige était un marché à bons de commande sans minimum, ainsi que le soutient XL Habitat, mais sur le fait que la résiliation était contractuellement possible sans indemnité pour tous motifs, y compris ceux non liés à un motif d'intérêt général alors qu'au cas d'espèce, l'article 16.1 du cahier des clauses particulières annexé au marché prévoyait seulement la possibilité de ne pas verser d'indemnité en cas de résiliation pour motif d'intérêt général ; par ailleurs, l'absence de minimum était purement théorique eu égard à la nature du marché et à la nécessité pour XL Habitat d'avoir recours à un avocat pour se défendre devant les juges de proximité ;

- le manque à gagner dont elle aura été privée est celui résultant du nombre de dossiers dont XL Habitat a effectivement passé commande pour sa défense tel qu'il apparaît au jour du jugement et dont seul XL Habitat a la connaissance ;

- la résiliation du marché pour l'avenir prononcée en cours d'instance par l'office public XL Habitat n'a en tout état de cause aucune incidence sur le présent litige dès lors que ses demandes sont des conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices de toutes natures causés par l'attribution illégale du marché à la société Touret-Capes et que la résiliation du marché ne fait pas disparaître ses préjudices ; le marché a eu un début d'exécution et la société Touret-Capes a commencé à exercer les missions résultant de l'attribution de ce marché qui a pris effet lors de son attribution le 1er avril 2021 et qui n'a été résilié que 4 mois plus tard avec une prise d'effet au 31 octobre 2021, soit une période d'exécution de six mois ;

- la résiliation prononcée par XL Habitat prouve la validité de sa position dès lors que le motif de résiliation retenu ne peut être qualifié de motif d'intérêt général ; la valeur globale des prestations étant toujours de 180 000 euros, aucun besoin nouveau n'est apparu, le second marché ajoutant seulement les procédures de surendettement qui n'ont eu aucun effet sur le montant du budget alloué ; la durée globale est la même puisqu'elle a simplement été adaptée au fait que six mois s'étaient écoulés depuis le début de l'exécution de l'ancien contrat ; la lecture des deux règlements de la consultation montre qu'ils sont identiques ; le besoin tiré de la             " multiplication de procédures complexes de troubles de voisinage " est de simple présentation dès lors que le lot n° 1 en litige comportait dans son champ d'application le " contentieux locatif de particulier " qui recouvre déjà les troubles de voisinage ; les deux seules modifications apportées concernant le bordereau des prix unitaires, qui a été simplifié, et concernant la part respective du critère du prix et du critère de qualité (40 % et 60 %, contre 20 % et 80 %) n'ont aucun effet ni sur la portée du nouveau contrat, ni sur son économie générale et ne justifiaient nullement le recours à la notion de résiliation pour motif d'intérêt général ; le fondement véritable de la résiliation prononcée le 18 août 2021 par XL Habitat est l'irrégularité de la procédure de passation et la volonté d'éviter d'en rendre compte devant le juge ;

- le moyen en défense de XL Habitat selon lequel le montant maximum de 180 000 euros sur une durée maximale de quatre ans constitue une limite permettant de ne pas dépasser un montant de dépense n'est pas conforme au droit applicable sur le fondement de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique, lequel s'applique à tous les marchés, y compris aux marchés à bons de commande de sorte que la définition du besoin est indispensable même lorsque l'acheteur public décide de passer un accord-cadre avec bons de commande ; XL Habitat ne produit aucun élément concernant le budget consacré à ce marché ;

- l'article L. 2125-1 du code de la commande publique qui fixe la durée maximale des accords-cadres à quatre ans aurait permis à XL Habitat de fixer une durée plus longue de six mois, ce qu'il n'a pas fait ;

- la rédaction de l'article 1.2 du règlement de la consultation du premier marché permettait de confier à la société attributaire les prestations contentieuses relatives aux troubles de voisinage définis par l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dès lors que cet article 1.2 du règlement de la consultation mentionne les problèmes de comportement locatif avec les droits associés à ce type de contentieux ;

- si l'article 761-1 du code de procédure civile ne soumet pas les contentieux relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection à l'obligation de constituer avocat, XL Habitat a néanmoins décidé de se faire représenter par un avocat dans ces procédures et de passer un marché à cette fin alors même qu'il avait la possibilité de ne pas le faire ;

- les conclusions de M. F sous CE 13 novembre 2020, OPH Alès Agglomération logis Cévenols n°432791 démontre que n'est pas assurée la transposition au cas des marchés à bons de commande sans minimum garanti de la décision CE 10 octobre 2018 Société du docteur E B n° 410501, B relative au marché à bons de commande avec minimum garanti dont se prévaut XL Habitat ; le Conseil d'Etat, dans sa décision du 10 juillet 2020 n° 430864 a d'ailleurs déjà écarté un tel moyen en défense en soulignant que l'absence de minimum contractuel dans un marché à bons de commandes n'excluait pas par principe tout droit à indemnisation pour le titulaire du marché ; juger le contraire méconnaîtrait le principe d'indemnisation des préjudices qui a valeur constitutionnelle, et qui est rattaché au principe d'égalité mais aussi au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.

Par trois mémoires en défense, enregistrés les 13 septembre 2021, 1er février et 14 juin 2023, l'office public de l'habitat du département des Landes, XL Habitat, représenté par Me Heymans, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Aqui'Lex la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il oppose, à titre principal, l'incompétence du juge administratif au regard d'une part de sa qualification d'établissement public industriel et commercial et d'autre part, en raison de ce que le contrat n'a pas été conclu pour répondre aux activités se rattachant à ses prérogatives de puissance publique, ne comporte pas de clauses impliquant sa soumission dans l'intérêt général à un régime de droit public ou relevant d'un régime exorbitant.

Il oppose, à titre subsidiaire, un non-lieu à statuer des demandes éventuelles d'annulation ou de résiliation du marché formulées dès lors qu'il a résilié le marché en litige pour motif d'intérêt général.

Il soutient, à titre subsidiaire également, que :

- la demande indemnitaire formulée par la société requérante n'est pas fondée dès lors que d'une part, l'accord-cadre a été conclu sans minimum conformément à l'article 1.1 du règlement de la consultation, ce qui exclut toute garantie quant à un nombre de commande minimum en valeur ou en quantité et que d'autre part, la résiliation d'un marché pour motif d'intérêt général exclut toute perte de chance pour la société Aqui'Lex de conclure le marché puisque, par définition, le besoin qui justifiait le marché a disparu ; cette absence de minimum n'est pas théorique car dans les matières relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection, les parties, y compris l'office public de l'habitat, sont dispensées de constituer avocat en application du 1° de l'article 761 du code de procédure civile ; en tout état de cause, le montant du préjudice réclamé est disproportionné dès lors que le contentieux des expulsions locatives est un contentieux par nature très fluctuant et que le montant maximum est calculé sur une exécution de quatre ans ;

- le précédent contrat a été résilié à raison de l'évolution du besoin et non pour des faits tenant à la prétendue irrégularité du contrat ; la circonstance que le second contrat reprenne le montant maximum ne démontre pas qu'il n'a pas modifié son besoin dès lors que la fixation d'un montant maximum a pour objet de préserver ses finances en mettant fin à l'accord-cadre dès atteinte de ce montant maximum en cours d'exécution ;

- la fixation d'une durée de contrat identique entre les deux contrats ne démontre pas que le besoin n'a pas évolué dès lors que d'une part, le 1° de l'article L. 2125-1 du code de la commande publique prévoit que les accords-cadres, conclus par des pouvoirs adjudicateurs, le sont pour une période maximale de quatre ans et que d'autre part, l'accord-cadre en litige étant divisé en cinq lots, il a décidé de retenir une même durée d'exécution pour l'ensemble des prestations juridiques concernées afin de permettre une organisation administrative la plus efficiente possible ;

- les deux règlements de la consultation ne sont pas identiques dès lors que le second prend en compte ses nouveaux besoins avec notamment, l'apparition de nouvelles procédures telles que les procédures complexes de troubles de voisinage, lesquelles correspondent à des contentieux extrêmement nombreux non couverts par le précédent contrat ; plusieurs éléments ont été modifiés entre les deux contrats tels que le bordereau des prix unitaires et les parts respectives des critères " prix " et " qualité techniques " ; la société requérante pouvait soumissionner à la nouvelle procédure de passation du second contrat ;

- le recours à un nouvel accord-cadre ne dissimule pas une définition aléatoire du besoin en méconnaissance de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique dès lors que l'accord-cadre est un instrument de planification et d'assouplissement de la commande publique permettant l'émission de bons de commande lors de l'apparition du besoin de sorte que le pouvoir adjudicateur peut ne pas avoir connaissance de son besoin avec précision ; il lui est impossible de déterminer avec précision le nombre de contentieux qui supposeront le recours à un avocat ;

- l'interprétation de la décision du Conseil d'Etat OPH Alès Agglomération logis Cévenols par la société Aqui'Lex est erronée dès lors que le Conseil d'Etat s'est borné à écarter le moyen constituant un moyen nouveau en cassation ; cette décision n'apporte aucune solution sur le point de débat en litige dans la présente affaire ;

- si la société Aqui'Lex se prévaut qu'un refus de son indemnisation serait contraire au principe d'indemnisation des préjudices qui a valeur constitutionnelle, au principe d'égalité et au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, pour obtenir une indemnisation, elle ne démontre pas l'existence d'une faute, d'un lien de causalité et un préjudice certain ; l'absence de minimum qui suppose par principe que le titulaire du marché peut ne recevoir aucune commande exclut toute indemnisation ; la personne publique qui, du fait des circonstances, n'émettrait aucun bon de commande dans un accord-cadre sans minimum ne commettrait pas de faute contractuelle de nature à ouvrir droit à indemnisation ; un candidat qui n'a pas obtenu l'attribution d'un tel accord-cadre à bons de commande ne saurait a fortiori obtenir une quelconque indemnisation à raison de l'absence de faute de la personne et de préjudice certain.

La procédure a été communiquée le 7 mars 2023 au Garde des Sceaux, ministre de la justice, lequel n'a pas produit d'observations.

II.- Par une requête et deux mémoires enregistrés les 20 avril 2022, 1er mars, et 30 mars 2023, sous le n° 2200846, la société Aqui'Lex, représentée par Me Fouchet, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de transmettre les requêtes n° 2101219 et n° 2200846 au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat afin qu'il désigne une autre juridiction que le tribunal administratif de Pau ;

2°) de condamner in solidum l'Etat et l'établissement public XL Habitat, office public de l'habitat du département des Landes, à lui verser la somme de 165 611 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande et la capitalisation de ces intérêts à chaque date anniversaire, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la perte de chance sérieuse d'obtenir le lot du marché de prestations de services de représentation légale dans divers domaines du droit des baux d'habitation, présenté à la concurrence par XL Habitat le 14 septembre 2021 ;

3°) de mettre à la charge in solidum de l'Etat et de XL Habitat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur sa demande d'indemnisation dès lors que le contrat de XL Habitat doit l'unir avec un fournisseur de services, si bien que la répartition des compétences entre les ordres de juridiction dépend de ce qu'indique la loi d'une part, et que les marchés des offices publics de l'habitat sont des marchés publics par détermination de la loi en application de l'article L. 421-26 du code de la construction et de l'habitation et des articles L. 6, L. 1110-1 et R. 2100-1 du code de la commande publique d'autre part ;

- la requête doit être transmise à un autre tribunal administratif que celui de Pau et le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat doit être saisi en application de l'article R. 312-5 du code de justice administrative ; n'est pas en cause ici un magistrat particulier mais le fonctionnement même de la juridiction dont les délais de traitement d'un mémoire en défense crucial sont à l'origine du préjudice qui lui est causé ; l'impartialité du tribunal administratif de Pau découlant de ces délais est susceptible d'être objectivement mise en cause, ce qui justifie qu'elle suggère au président de ce tribunal de transmettre le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ;

- du fait de la connexité, et plus généralement pour des motifs de bonne administration de la justice, la requête n° 2101219 devrait faire l'objet de la même transmission au président de la section du Conseil d'Etat que la présente requête en application des articles R. 342-1 et R. 351-8 du code de justice administrative ;

- sa requête est recevable dès lors que l'établissement XL Habitat, qui soutient qu'elle n'aurait pas notifié son recours préalable avant de former sa requête en alléguant que ni le recours, ni la lettre d'accompagnement ne mentionne le numéro de l'avis de réception, ne nie pas être le destinataire de sa demande indemnitaire préalable et de l'accusé de réception de cette demande ; dès lors qu'il soutient que l'avis de réception qui porte son nom peut concerner une toute autre demande ou procédure, il lui appartient d'établir qu'il a reçu le même jour de la part de la société Aqui'Lex, un document se rapportant à une autre demande ou à une autre procédure ;

- la faute simple du tribunal administratif de Pau est engagée pour dysfonctionnement de la juridiction administrative dans la gestion des délais de procédure, en particulier pour durée excessive de l'instruction dans l'affaire n° 2101219 dès lors que ce tribunal a mis trois semaines à lui transmettre le premier mémoire en défense de l'établissement XL Habitat ; le Garde des Sceaux commet une erreur de droit en se fondant sur la jurisprudence du Conseil d'Etat, Assemblée, 29 décembre 1978, D, n° 96004, qui exige une faute lourde mais qui est relative au contenu même d'une décision juridictionnelle et vise, au surplus, l'hypothèse où la décision est définitive ; l'affaire n° 2101219 constitue une procédure classique de responsabilité et ne présente aucune difficulté particulière d'instruction justifiant un délai de transmission long de trois semaines du premier mémoire en défense de l'établissement XL Habitat ; ce mémoire en défense devait donc lui être communiqué dans un délai d'autant plus diligent qu'il comportait une exception d'incompétence et une exception de non-lieu à statuer partiel sur lesquelles elle devait être appelée à présenter ses observations dans le cadre de la jurisprudence du Conseil d'Etat, 31 décembre 2020, Nass-y-Beach, n° 431799 ; la faute est d'autant plus caractérisée que la transmission de ce mémoire en défense dans un délai normal présentait un enjeu crucial puisqu'il l'informait de ce que le marché pour lequel elle avait présenté une requête en indemnisation était résilié, ce qui devait nécessairement la conduire à voir si une nouvelle procédure était organisée afin de présenter une nouvelle offre ; la circonstance que ce litige ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une procédure d'urgence est sans incidence dès lors que la faute simple est constituée en l'absence de difficulté particulière d'instruction, les échanges étant en outre dématérialisés ;

- la responsabilité de XL Habitat est engagée pour manquement à son obligation de publicité adéquate et de mise en concurrence à son égard ; le principe d'égalité et d'impartialité, qui suppose la prise en compte des situations différentes pour appliquer des traitements différents, imposait à XL Habitat de prévoir une information particulière à sa destination dès lors qu'elle était dans une situation différente des autres candidats potentiels, en tant que candidat évincé de la procédure d'attribution du premier marché, ce qui ne peut s'apparenter à du favoritisme en application de l'article 432-14 du code pénal puisqu'il ne s'agissait pas de lui procurer un avantage injustifié mais au contraire de compenser le désavantage inhérent à sa position particulière ; dès lors qu'elle se bornait à demander une indemnisation et non l'annulation du premier contrat et que ce marché était signé pour au moins un an, elle ne pouvait pas présumer qu'il serait résilié aussi vite et qu'il s'avérait donc nécessaire de vérifier la plateforme de publication des marchés publics d'XL Habitat pour s'assurer que le marché faisait l'objet d'une nouvelle mise en concurrence ; XL Habitat ne s'est pas conformé à son égard à son obligation de publicité et de mise en concurrence en publiant son offre sur la plateforme Landes marchés publics car cette publicité n'est pas adéquate pour ce qui la concerne ; si XL Habitat a prévenu de la résiliation du marché par son mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2021, elle n'a pas précisé qu'elle organisait une nouvelle procédure ; en procédant ainsi, XL Habitat délivrait une information qui dépendait des modalités de communication de ses écritures à la partie adverse par le tribunal, si bien que ce mode de communication ne peut être regardé comme adéquat ; le seul mode adéquat de publicité de la deuxième procédure et de mise en concurrence à son égard aurait consisté pour XL Habitat à l'informer directement de cette circonstance, à l'instar de ce que le Conseil d'Etat a prévu en matière de permis de construire pour les procédures d'autorisation, dès lors que la lecture des deux règlements de consultation montre que ces deux marchés ont la même portée en portant sur les mêmes prestations à l'exception des procédures de surendettement ajoutées par le second et connaissent la même économie générale avec un budget identique de 180 000 euros sur quatre ans ; les seules modifications apportées concernent le bordereau des prix unitaires, qui a été simplifié, la part respective du critère du prix et du critère de qualité (40 % et 60 %, contre 20 % et 80 %), ainsi que la durée du second contrat raccourcie de six mois, mais ces modifications n'ont aucun effet ni sur la portée du nouveau contrat ni sur son économie générale ; le manquement de XL Habitat à ses obligations de publicité adéquate et de mise en concurrence l'a indéniablement lésée puisqu'elle n'a pas été informée de la nouvelle procédure de passation d'un marché en temps utile et n'a pu donc y participer ;

- elle est victime de deux fautes commises tant par le tribunal administratif de Pau que par l'établissement XL Habitat qui ont contribué de façon commune à l'apparition de son préjudice ; elle a démontré dans le cadre de la requête n° 2101219 qu'elle avait des chances sérieuses de l'emporter si l'établissement XL Habitat n'avait pas organisé un règlement de consultation ne lui permettant pas de sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse et s'il n'avait pas, au surplus, dénaturé son offre ; pour le marché objet de la présente requête, elle a été empêchée de présenter une offre parce qu'aucune de ses deux sources possibles d'information ne l'ont mise en position de présenter une offre avant la date limite de présentation du 5 octobre 2021 ; la contribution commune des manquements de XL Habitat et du tribunal administratif de Pau justifie la condamnation solidaire de cet établissement et de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle a subis ;

- contrairement à ce que soutient le Garde des Sceaux, en ne surveillant pas les avis au public émis par XL Habitat dans le domaine des marchés devant permettre de présenter une offre dans le secteur du contentieux du logement locatif, elle n'a pas commis de faute de nature à exonérer les administrations concernées de leur responsabilité commune car la faute exonératoire de la responsabilité suppose un comportement ou une abstention contraire aux obligations légales ou à l'attitude rationnelle normalement attendue d'un opérateur économique ; dans la mesure où aucune obligation légale ne pesait sur elle en ce qui concernait le suivi de ce contentieux en dehors des communications du tribunal et où aucune raison objective ne permettait de penser que l'établissement XL Habitat allait organiser une seconde procédure de consultation sur le même marché que celui qui venait d'être attribué pour au moins un an, elle ne peut être regardée comme ayant commis une faute en ne surveillant pas les avis d'appel à la concurrence publiés par cet établissement ;

- elle justifie de chances sérieuses d'emporter aussi bien le premier que le second marché et doit donc voir réparer son manque à gagner pour ces deux contrats de façon complémentaire ; si XL Habitat soutient que dès l'instant où le marché était un marché à bons de commande sans minimum, le candidat n'avait aucune garantie quant à l'exécution du marché, si bien qu'en tout état de cause, aucun préjudice n'aurait pu naître de la non-obtention du marché, ce principe n'a pas été consacré par le Conseil d'Etat et est contraire au principe d'indemnisation des préjudices qui a valeur constitutionnelle ; le principe d'indemnisation du manque à gagner ou de la perte de chance de l'acquéreur évincé au principe du droit est fondé sur le recours juridictionnel effectif garanti par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; eu égard à la nature du marché, la nécessité pour XL Habitat d'avoir recours à un avocat pour se défendre devant les juges de proximité compétents impliquait nécessairement le fait de passer commande des prestations de défense devant les tribunaux, même si, par définition, on ne savait a priori dans quelle mesure, le manque à gagner dont elle a été privée est celui résultant du nombre de dossiers dont XL Habitat a effectivement passé commande pour sa défense tel qu'il apparaît au jour du jugement ; pour un marché de 180 000 euros, elle pouvait escompter gagner la somme de 165 611 euros.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 24 août 2022 et 24 avril 2023, l'office public de l'habitat XL Habitat conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Aqui'Lex la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

A titre principal, il oppose l'incompétence de la juridiction administrative compte tenu de la qualification d'établissement public industriel et commercial d'un office public de l'habitat et du principe selon lequel les litiges relatifs aux activités d'un établissement public industriel et commercial relèvent du juge judiciaire dès lors qu'il ne peut y être identifié de prérogatives de puissance publique.

A titre subsidiaire, il oppose une fin de non-recevoir des conclusions indemnitaires présentées par la société Aqui'Lex sur le fondement des articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative tirée de ce que la société requérante n'établit pas qu'il aurait été destinataire d'une demande indemnitaire préalable dès lors que ni le recours, ni la lettre d'accompagnement ne mentionnent le numéro de l'avis de réception, lequel peut concerner toute autre demande ou procédure.

Il soutient que la demande de dépaysement ne peut qu'être rejetée dès lors qu'aucun élément ne permet de mettre en cause l'objectivité du tribunal au sens des dispositions de l'article R. 312-5 du code de justice administrative et que la société requérante ne démontre pas que le magistrat désigné en qualité de juge des référés précontractuels serait intéressé à la présente procédure en qualité de partie ou pourrait être amené à statuer dans cette procédure.

A titre infiniment subsidiaire, il soutient également que :

- il n'a commis aucune faute dans la mise en œuvre de la procédure de passation, ainsi qu'il l'a été jugé par le juge des référés ; il appartenait à la société requérante de se tenir informée de la publication d'avis d'appel public à la concurrence et, le cas échéant, d'y soumissionner ; il est fait obligation aux pouvoirs adjudicateurs de mettre en œuvre un degré de publicité adéquate, c'est-à-dire de publier les avis d'appel public à la concurrence dans des conditions permettant à chaque candidat potentiellement intéressé d'en prendre connaissance sans toutefois en favoriser un par rapport aux autres ; il a fait publier l'avis d'appel public à la concurrence le 14 septembre 2021 sur la plateforme landespublic.org, ce qui n'est pas contesté par la société requérante, dans le journal d'annonces légales spécialisé Le Moniteur et à son siège ; l'avis d'appel public à la concurrence publié est complet et permet aux opérateurs économiques de saisir les besoins du pouvoir adjudicateur et les données importantes relatives à l'exécution du marché de sorte que deux sociétés ont déposé une offre ; la publicité réalisée est donc réelle, suffisante et adéquate ;  elle ne pouvait pas informer directement la société Aqui'Lex sans porter atteinte au principe d'impartialité ; la transmission d'informations privilégiées à un candidat est constitutive du délit de favoritisme ; la circonstance que la société Aqui'Lex n'ait pas demandé l'annulation du premier marché mais uniquement son indemnisation est inopérante pour se prévaloir d'un manquement dans la procédure de passation ; il appartenait à la société Aqui'Lex d'enregistrer des alertes sur la publication d'appels d'offres ainsi que le site landespublic.org le permet ;

- l'accord-cadre à bons de commande ayant été conclu sans minimum pour une période acquise de douze mois et un montant maximum de 180 000 euros hors taxe ayant été fixé pour la durée totale de l'accord-cadre, le cocontractant de ce marché n'avait aucune certitude de se voir commander des prestations de sorte que la société Aqui'Lex, en l'absence de minimum garanti, ne peut obtenir une indemnisation ; cette absence de minimum n'est pas théorique dès lors que dans les matières relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection, les parties, y compris l'office public de l'habitat, sont dispensées de constituer avocat sur le fondement du 1° de l'article 761 du code de procédure civile et que l'accord-cadre peut ne pas être reconduit à l'expiration de la première année ;

- la société requérante ne démontre pas avoir eu une réelle chance d'emporter le marché et, par suite, obtenir une indemnisation équivalente au montant qu'elle escomptait obtenir du fait de l'exécution de ce marché ;

- le montant du préjudice réclamé est clairement disproportionné ; l'attestation de l'expert-comptable ne permet pas d'établir comment il peut déduire que les coûts variables sont de 165 611 euros alors même que le contentieux des expulsions locatives est un contentieux par nature très fluctuant et que le montant maximum est calculé sur une exécution de quatre ans.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 janvier 2023, le Garde des Sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- sur la demande de transmission de la requête au Conseil d'Etat sur le fondement de l'article R. 312-5 du code de justice administrative, il s'en remet à la sagesse du tribunal s'agissant de la connexité alléguée avec la requête n° 2101219, laquelle concerne uniquement la responsabilité de l'office public et non celle de l'Etat ;

- sur la responsabilité de l'Etat, la jurisprudence du Conseil d'Etat, assemblée, 28 juin 2002, Magiera, n° 239575, invoquée par la société requérante concerne la durée excessive d'une procédure juridictionnelle et ne peut donc trouver à s'appliquer en l'espèce ; une erreur ou une négligence commise lors de l'instruction d'une affaire se rattache à l'exercice de la fonction juridictionnelle et relève donc du régime de faute lourde prévu par la jurisprudence du Conseil d'Etat, Assemblée, 29 décembre 1978, M. D, n° 96004 ; en tout état de cause, le code de justice administrative ne prévoit pas de délai maximal devant être respecté par une juridiction pour la communication des mémoires ; le délai de vingt-quatre jours mis par le tribunal administratif de Pau pour communiquer à la société Aqui'Lex le mémoire en défense de XL Habitat ne présente pas un caractère déraisonnable et ne peut être regardé comme fautif, quand bien même un régime de faute simple serait retenu dès lors que le litige correspond à un recours indemnitaire et ne s'inscrit pas dans le cadre d'une procédure d'urgence ; la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la commande publique ;

- le code de la construction et de l'habitat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Corthier ;

- les conclusions de Mme Beneteau, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Burri, représentant la société Aqui'Lex et celles de Me Quevarec, représentant l'office public de l'habitat du département des Landes.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 février 2021, l'établissement public XL Habitat a publié un avis de marché en vue de la passation d'une procédure adaptée ouverte ayant pour objet les services de représentation légale dans le cadre de procédures juridictionnelles initiées dans divers domaines du droit. Ce marché était divisé en cinq lots constitutifs chacun d'un accord-cadre sans minimum mais avec un maximum de commandes pour une durée de douze mois, tacitement reconductible trois fois douze mois. Deux entreprises ont présenté une offre pour le lot n° 1, intitulé " Baux d'habitation ", la société Aqui'Lex et la société Tourret-Capes. Le 18 mars 2021, l'établissement XL Habitat a informé la société Aqui'Lex du rejet de son offre, classée deuxième avec une note globale de 95/100 et de l'attribution du marché à la société Tourret-Capes. Par courrier du 19 mai 2021, la société Aqui'Lex a présenté une demande indemnitaire préalable auprès de XL Habitat en réparation de ses préjudices causés par cette procédure. Par une requête enregistrée sous le numéro 2101219, la société Aqui'Lex demande au tribunal de condamner XL Habitat à lui verser la somme de 165 611 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la perte de chance sérieuse d'obtenir le lot n° 1 du marché de prestations de services de représentation légale dans divers domaines du droit.

2. Par décision du 18 août 2021, l'office public de l'habitat du département des Landes a décidé de résilier le marché du lot n° 1 pour motif d'intérêt général. Par avis de marché du 14 septembre 2021, XL Habitat a lancé une procédure de sélection adaptée en vue de l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande de prestation de services de représentation légale dans le cadre de procédures juridictionnelles initiées dans le domaine du droit des baux d'habitation. Par une requête enregistrée le 29 octobre 2021 sous le numéro 2102884, la société Aqui'Lex a demandé au juge du référé précontractuel d'annuler cette procédure. Par une ordonnance du 26 novembre 2021, le juge du référé a rejeté sa requête. Par courrier du 10 janvier 2022, la société Aqui'Lex a présenté une demande indemnitaire préalable auprès de XL Habitat en réparation de ses préjudices causés par cette procédure. Par un courrier réceptionné le 20 janvier 2022 par le Conseil d'Etat et transmis le 1er février suivant au Garde des Sceaux, ministre de la justice, la société Aqui'Lex a également présenté une demande indemnitaire préalable auprès de l'Etat. Par courrier du 18 avril 2022, le Garde des Sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande. Par une requête enregistrée sous le numéro 2200846, la société Aqui'Lex demande au tribunal de condamner in solidum l'Etat et XL Habitat à lui verser la somme de 165 611 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la perte de chance sérieuse d'obtenir le lot du marché de prestations de services de représentation légale dans divers domaines du droit des baux d'habitation, présenté à la concurrence par XL Habitat le 14 septembre 2021.

Sur la jonction :

3. Les requêtes n° 2101219 et n° 2200846, présentées pour la société Aqui'Lex présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur la compétence :

4. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitat : " Les offices publics de l'habitat sont des établissements publics locaux à caractère industriel et commercial. () ". Aux termes de l'article L. 421-26 du même code : " Les marchés publics des offices publics de l'habitat sont régis par les dispositions du code de la commande publique. ". Aux termes de l'article L. 1110-1 du code de la commande publique : " Les marchés () définis au présent titre sont des marchés publics soumis aux dispositions de la deuxième partie. ". Aux termes de l'article L. 1111-1 du même code : " Un marché est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d'un prix ou de tout équivalent. ". Aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " Un marché de services a pour objet la réalisation de prestations de services. ". Aux termes de l'article R. 2100-1 du même code : " () les offices publics de l'habitat () appliquent les règles relatives aux acheteurs autres que l'Etat, ses établissements publics à caractère autre qu'industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements. ".

5. Il résulte de l'instruction que les litiges engagés par la société requérante portent sur la passation par XL habitat, pour son propre compte, de deux contrats portant sur deux lots ayant pour objet la fourniture, à titre onéreux, de services de représentation légale de l'office public de l'habitat du département des Landes dans le cadre de procédures juridictionnelles initiées dans divers domaines du droit. Selon le cahier des clauses particulières de ces lots, ces derniers constituent des accords-cadres passés en application des articles R. 2162-1 à R. 2162-6 du code de la commande publique. Il s'ensuit que, nonobstant le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial de l'office public de l'habitat du département des Landes, ces deux lots constituent des marchés publics régis, en application de l'article L. 421-26 du code de la construction et de l'habitat précité, par le code de la commande publique. Ils présentent, eu égard à leurs objets et à leurs caractéristiques, le caractère de contrat administratif en vertu de la loi et relèvent donc de la compétence de la juridiction administrative.

Sur la demande présentée sur le fondement de l'article R. 312-5 du code de justice administrative :

6. Aux termes de l'article R. 312-5 du code de justice administrative : " Lorsque le président d'un tribunal administratif saisi d'un litige relevant de sa compétence constate qu'un des membres du tribunal est en cause ou estime qu'il existe une autre raison objective de mettre en cause l'impartialité du tribunal, il transmet le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat qui en attribue le jugement à la juridiction qu'il désigne. ".

7. Il résulte de cet article que lorsqu'un tribunal administratif est saisi d'un litige relevant de sa compétence et dans lequel un de ses membres ou l'impartialité du tribunal est en cause, l'affaire est renvoyée par le président de ce tribunal au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat aux fins de désignation d'un autre tribunal administratif.

8. La faculté ouverte par les dispositions de l'article R. 312-5 du code de justice administrative au président du tribunal administratif de transmettre au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat l'affaire à juger, lorsqu'il estime qu'il existe une raison objective de mettre en cause l'impartialité du tribunal, constitue un pouvoir propre du juge.

9. La société Aqui'Lex soutient que la transmission, le 7 octobre 2021, du premier mémoire en défense de l'office public de l'habitat du département des Landes, enregistré le 13 septembre 2021 sous le n° 2101219, constitue une raison objective de mettre en cause l'impartialité du tribunal, fondant la transmission des affaires n° 2101219 et n° 2200846 au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat pour désignation d'un autre tribunal administratif. Il ne résulte pas de l'instruction que le délai de vingt-quatre jours de transmission du premier mémoire en défense de XL Habitat, lequel constitue, au demeurant, un délai raisonnable d'instruction d'un mémoire dans une procédure contentieuse indemnitaire ne relevant pas d'une procédure d'urgence, serait de nature à remettre en cause objectivement l'impartialité du tribunal. Par suite, les conclusions de la requérante aux fins de transmission des requêtes n° 2101219 et n° 2200846 au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article R. 312-5 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le non-lieu à statuer :

10. L'office public de l'habitat du département des Landes oppose un non-lieu à statuer des demandes d'annulation ou de résiliation du premier marché du lot n° 1 éventuellement formulées par la société Aqui'Lex dès lors qu'il a résilié pour motif d'intérêt général, le 18 août 2021, ce marché en litige dans l'instance n° 2101219. Cependant, dans ses écritures, la société Aqui'Lex confirme ne demander ni l'annulation, ni la résiliation de ce marché. En outre, ses conclusions aux fins d'indemnisation n'ont pas perdu leur objet du fait de la résiliation pour motif d'intérêt général du marché en litige. Dans ces conditions, il n'y a donc pas lieu de faire droit au non-lieu à statuer opposé en défense par XL Habitat.

Sur la recevabilité et la fin de non-recevoir des conclusions indemnitaires :

11. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. / Le délai prévu au premier alinéa n'est pas applicable à la contestation des mesures prises pour l'exécution d'un contrat. ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. / Le délai prévu au premier alinéa n'est pas applicable à la contestation des mesures prises pour l'exécution d'un contrat. ".

12. D'une part, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, afin d'en obtenir la résiliation ou l'annulation. En vue d'obtenir réparation de ses droits lésés, le concurrent évincé a la possibilité de présenter devant le juge du contrat des conclusions indemnitaires, à titre accessoire ou complémentaire à ses conclusions aux fins de résiliation ou d'annulation du contrat. Il peut également engager un recours de pleine juridiction distinct, tendant exclusivement à une indemnisation du préjudice subi à raison de l'illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé. Dans les deux cas, la présentation de conclusions indemnitaires par le concurrent évincé n'est pas soumise au délai de deux mois suivant l'accomplissement des mesures de publicité du contrat, applicable aux seules conclusions tendant à sa résiliation ou à son annulation. La recevabilité des conclusions indemnitaires, présentées à titre accessoire ou complémentaire aux conclusions contestant la validité du contrat, est en revanche soumise, selon les modalités du droit commun, à l'intervention d'une décision préalable de l'administration de nature à lier le contentieux, le cas échéant en cours d'instance. Elles doivent également, à peine d'irrecevabilité, être motivées et chiffrées. Il n'appartient pas au juge du contrat, saisi d'un recours contestant la validité du contrat, d'accorder au concurrent évincé une indemnité alors même que celui-ci n'aurait pas formulé de conclusions en ce sens.

13. D'autre part, il résulte de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 (dit "A"), qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'en réponse à la demande de production de la décision attaquée adressée par le tribunal, la société Aqui'Lex a présenté une demande indemnitaire préalable, par courrier du 19 mai 2021 réceptionné le 25 mai suivant, auprès de XL Habitat. Il est constant que cette demande est restée sans réponse. Dès lors, à la date du présent jugement, une décision préalable de l'administration de nature à lier le contentieux doit être regardée comme née. Par suite, les conclusions de la requête n° 2101219 aux fins d'indemnisation sont recevables.

15. En second lieu, la photocopie d'un accusé de réception postal a valeur probante dès lors que sa conformité à l'original n'est pas contestée.

16. XL Habitat oppose, sur le fondement des articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative, une fin de non-recevoir des conclusions indemnitaires présentées par la société Aqui'Lex sous l'instance n° 2200846 tirée de ce que la société requérante n'établit pas qu'il aurait été destinataire d'une demande indemnitaire préalable dès lors que ni le recours, ni la lettre d'accompagnement ne mentionnent le numéro de l'avis de réception, lequel peut ainsi concerner toute autre demande ou procédure. Cependant, il résulte de l'instruction que par courrier du 10 janvier 2022, réceptionné le 20 janvier suivant, la société Aqui'Lex a présenté une demande indemnitaire préalable auprès de XL Habitat. La circonstance que ni le courrier, ni la demande indemnitaire préalable ne comportent le numéro du recommandé avec avis de réception reçu le 20 janvier 2022 est sans incidence sur la recevabilité des conclusions indemnitaires de la société requérante dès lors que la société Aqui'Lex justifie de l'envoi par recommandé avec accusé de réception d'un courrier à l'office public de l'habitat du département des Landes réceptionné le 20 janvier 2022, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la copie de cet accusé de réception n'aurait pas valeur probante, que XL Habitat n'allègue pas ne pas avoir reçu ce courrier et enfin que XL Habitat n'établit pas que ce courrier portait sur une autre demande. Dans ces conditions, l'absence de liaison du contentieux, à la date du présent jugement, ne peut être opposée à la société requérante. Il n'y a donc pas lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par XL Habitat sous l'instance n° 2200846. Par ailleurs, la demande indemnitaire préalable reçue le 20 janvier 2022 par le Conseil d'Etat et transmise le 1er février 2022 au Garde des Sceaux, ministre de la justice a été rejetée par décision du 18 février 2022. Par suite, les conclusions de la requête n° 2200846 aux fins d'indemnisation présentées contre XL Habitat et contre l'Etat sont recevables.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la requête n° 2101219 :

S'agissant de la régularité de la procédure :

17. D'une part, aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes de l'article L. 2152-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ". Aux termes de l'article 1.2 du règlement de la consultation : " Objet de la consultation. La présente consultation concerne une prestation de service de représentation légale dans le cadre de procédures juridictionnelles initiées dans divers domaines du droit. / Les prestations sont scindées en cinq lots désignés ci-dessous, chacun faisant l'objet d'un marché distinct. / Lot 1 : Baux d'habitation : contentieux locatif de particulier lié au recouvrement de créance et/ou au problème de comportement locatif avec les droits associés à ce type de contentieux (succession, voies d'exécution). () ". Aux termes de l'article 2.3 du même règlement : " Forme du marché. Chaque marché sera conclu à prix unitaire. / L'offre devra obligatoirement porter sur l'ensemble des prestations du lot concerné. ". Aux termes de l'article 8.1 du cahier des clauses particulières : " Contenu des prix. Les prix sont réputés comprendre toutes les charges fiscales ou autres, frappant obligatoirement les prestations, les frais afférents au conditionnement, au stockage, à l'emballage, à l'assurance et au transport jusqu'au lieu de livraison, les marges pour risque et les marges bénéficiaires ainsi que toutes les autres dépenses, à l'exclusion des frais de déplacement, nécessaires à l'exécution des prestations. Ils comprennent également les honoraires de postulation éventuels, sauf celles intéressant les procédures devant la Cour d'appel. Les états de frais de postulation ne sont pas compris dans les prix. ". Aux termes de l'article 8.3.1 du même cahier : " Prestations sur prix unitaire. Les prestations définies aux articles 10.A.1 à 10.A.3 du présent document seront rémunérées par application des prix unitaires du bordereau des prix du marché comprenant toutes sujétions y afférentes (recherches, frais divers, d'ouverture de secrétariat, d'instruction, d'acquisition de données, etc.) et à l'exclusion de tout autre. Cependant, dans l'hypothèse où l'une des prestations définies aux articles 10.A.1 à 10.A.3 du présent document serait suivie d'une commande portant sur une prestation d'assistance globale définies à l'article 10.A.3, le montant de cette prestation constituera un acompte sur le montant de la prestation d'assistance globale figurant au bordereau des prix unitaires du marché, à défaut le prix figurant au bon de commande sera facturé par le titulaire et réglé par XL Habitat. / Par exception à l'article 8.1, les frais de déplacement hors lieu de résident habituel du titulaire et sollicités par XL Habitat seront réglés sur la base de l'indemnité kilométrique fiscale ou sur présentation du titre de transport. / Les honoraires de postulation ne seront pas pris en compte par le pouvoir adjudicateur à l'exception des honoraires de postulation devant la Cour d'appel. Pour les autres postulations, seul l'état de frais présenté par l'avocat postulant sera pris en compte et sera réglé sur présentation de la note de frais validée par le titulaire du marché. / Les honoraires et état de frais de substitution ne feront pas l'objet de prise en charge par le pouvoir adjudicateur. Ils sont réputés être compris dans les prix figurants au bordereau de prix du marché. ". Aux termes de l'article 9.2 du même cahier : " Délai d'exécution des prestations. 9.2.1 : Prestations relatives aux postes 10.A.1 et 10.A.2. 9.2.1.1 : Délais initiaux. Le délai d'exécution d'un bon de commande part de la date de sa notification. / Les délais d'exécution ou de livraison seront fixés en fonction de l'urgence ou de la complexité du dossier à traiter par le titulaire et évalués par le pouvoir adjudicateur ou son représentant dans le bon de commande, conformément aux stipulations des pièces du marché. / Il sera fait application du bordereau de prix où les délais précisés engagent le titulaire contractuellement. / Le délai " normal " est de 10 (dix) jours. / Le délai " urgent " est de 4 (quatre) jours. / Le délai " prioritaire " est de 1 (un) jour. / Les jours s'entendent en jours ouvrés. (). 9.2.2 Prestations relatives au poste 10.A.3. 9.2.2.1 Délais initiaux. Les prestations seront réalisées dans les délais imposées par la procédure contentieuse. Y compris en cas d'indisponibilité du (des) collaborateur(s) désigné(s) dans le présent marché pour l'exécution des prestations. () ". Aux termes de l'article 10 du même cahier : " Définition des prestations. Les prestations à réaliser au titre du présent marché sont définies comme suit : 10.A.1 : Rédaction ou assistance dans la rédaction d'une pièce de procédure. Le titulaire saisi par le pouvoir adjudicateur devra assister ce dernier ou rédiger lui-même toutes pièces ou actes de procédure de toutes sortes (assignation, mémoire introductif, en défense, en réplique, sommation ou commandement, protocole, etc.) nécessaires au bon déroulement de la procédure (recours gracieux, préalable, arbitrage, réclamation, procédure d'urgence, expertise, etc.) devant toutes juridictions ou autorité administrative, personne morale ou physique de droit public ou privé. / La prestation comprend la rédaction des pièces complémentaires et annexes au document principal. / 10.A.2 : Représentation de XL Habitat. Le titulaire saisi par le pouvoir adjudicateur devra assurer sa représentation officielle devant toute juridiction, autorité administrative, personne morale ou physique de droit public ou privé, devant laquelle XL Habitat serait amené à se présenter, aux fins d'y faire valoir ses droits, y défendre ses intérêts, et ce quel que soit le type de procédure engagée. La prestation comprend l'assistance aux expertises. / XL Habitat pourra si bon lui semble, adjoindre un de ses représentants au titulaire lors de la prestation. / En cas de postulation ou de représentation ou de substitution, le titulaire veillera à mobiliser un intervenant spécialisé dans le domaine concerné et habilité à intervenir dans l'instance ou l'autorité. Dans ce cas, XL Habitat sera au préalable informé des coordonnées de l'avocat pressenti par le titulaire et formalisera son accord expressément. / A l'issue des débats ou des réunions d'expertise, le titulaire rédigera un compte-rendu adressé au pouvoir adjudicateur. / Les audiences reportées ne sont pas considérées comme une prestation donnant lieu à rémunération. 10.A.3 : Assistance globale pour dossiers contentieux. Le titulaire saisi par le pouvoir adjudicateur devra prendre en charge le conseil, la représentation et l'assistance de ce dernier (défense des intérêts du pouvoir adjudicateur) durant tout le déroulé d'un dossier contentieux, depuis l'assignation ou la requête jusqu'à l'exécution de la décision, en ce compris les expertises éventuelles. / Il s'agit d'une prestation globale faisant l'objet d'un forfait d'honoraires, répartis sur trois niveaux de complexité. / Ce forfait couvre toutes sujétions de prestations en cours d'exécution (conseil, rédaction d'acte en cours de procédure, audiences, etc.). / Le titulaire pourra être saisi par le pouvoir adjudicateur pour assister ce dernier lors de réunion ou de négociation, interne ou en présence de tiers et quel qu'en soit le lieu. / La prestation pourra comprendre l'assistance à la préparation de ladite réunion (méthode, stratégie, supports divers), la présence physique, un compte-rendu détaillé et une réunion (ou un entretien téléphonique) en phase débriefing. / Les modalités de la réunion pourront être déterminées en commun avec le titulaire qui pourra également être amené à animer lui-même la réunion. ".

18. D'autre part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et les préjudices dont le candidat demande l'indemnisation. Il s'en suit que lorsque l'irrégularité ayant affecté la procédure de passation n'a pas été la cause directe de l'éviction du candidat, il n'y a pas de lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à raison de son éviction. Sa demande de réparation des préjudices allégués ne peut alors qu'être rejetée.

19. Enfin, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché. Dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d'intérêt général.

20. Il résulte de l'instruction que l'attribution du lot n° 1 " Baux d'habitation " du marché de prestations de service de représentation légale en litige a reposé sur l'évaluation des offres des deux sociétés candidates Tourret-Capes et Aqui'Lex compte tenu d'un critère de prix, pondéré à 20 %, et d'un critère de qualité technique, pondéré à 80 %, comportant un sous-critère de qualité et pertinence de l'organisation proposée par le candidat pour l'exécution des prestations correspondant à chaque prestation à réaliser, pondéré à 15 %, d'un sous-critère de qualité du fond et de la forme des cas pratiques présentés, pondéré à 30 %, d'un sous-critère de compétences et expériences des personness affectées à l'exécution des prestations dans les domaines du lot, pondéré à 20 % et enfin d'un dernier sous-critère de compréhension du contexte réglementaire applicable aux offices publics de l'habitat et des principales contraintes liées à leur activité, pondéré à 15 %. Pour chaque critère et sous-critère, les deux sociétés candidates ont obtenu la note maximale, à l'exception du critère du prix pour la société Aqui'Lex dont l'offre a reçu la note de 15/20 de sorte que les deux offres concurrentes ont été départagées sur ce seul critère, recevant respectivement la note globale de 100/100 pour la société attributaire et de 95/100 pour la candidate évincée.

21. En premier lieu, d'une part, la société Aqui'Lex soutient que concernant le critère du prix, l'offre de la société attributaire ne portait pas sur l'ensemble des prestations du lot en méconnaissance de l'article 2.3 du règlement de la consultation et des articles 8.1, 8.3, 9.2 et 10 du cahier des clauses particulières. Il résulte des stipulations précitées ci-dessus du cahier des clauses particulières que le lot n° 1 portait sur trois prestations à savoir la rédaction ou l'assistance dans la rédaction d'une pièce de procédure, la représentation de XL Habitat et enfin l'assistance globale pour dossiers contentieux, lesquelles pouvaient correspondre à trois niveaux de délais de traitement allant de normal à prioritaire pour les deux premières prestations et aux niveaux de traitement d'une procédure judiciaire pour la troisième prestation. Selon le bordereau des prix unitaires de la société Aqui'Lex, cette dernière proposait, pour la rédaction ou l'assistance dans la rédaction d'une pièce de procédure, des prix allant de 300 à 550 euros, selon le niveau de difficulté et le degré d'urgence, pour la représentation du pouvoir adjudicateur, des prix allant de 200 à 250 euros selon le niveau de difficulté et le degré d'urgence et s'agissant des prestations d'assistance globale pour dossiers contentieux, un prix de 200 euros pour des plaidoiries sans rédaction de conclusions, de 250 euros pour des plaidoiries avec conclusions et de 450 euros pour des plaidoiries avec conclusions dans les affaires complexes. Le rapport d'analyse des offres retranscrit de façon synthétique  mais fidèlement cette offre en la résumant ainsi " Assistance dossiers contentieux : 200 à 450 euros. Rédaction assignation : 300 à 550 euros. Représentation : 200 à 250 euros ". Concernant l'offre de la société attributaire, le rapport d'analyse des offres note qu'elle a proposé les prestations et prix correspondants suivants : " Rédaction d'assignation + Désistement constaté après plusieurs renvois d'audience : 100 euros HT. Rédaction d'assignation + Plaidoirie sans rédaction de conclusion : 240 euros. Rédaction d'assignation + Plaidoirie avec rédaction de conclusion : 280 euros. Procédure devant le juge de l'exécution : 200 euros. Procédure devant la Cour d'appel : 500 euros. ". Le descriptif de l'offre de la société Tourret-Capes résultant ainsi du rapport d'analyse des offres ne peut être regardé comme irrégulier dès lors qu'il permet de considérer que cette offre proposait des prestations qui répondent aux exigences du cahier des charges, tant en rédaction qu'en représentation et en accompagnement. Le fait que ce rapport ne détaille pas le prix proposé par cette société pour chaque prestation en fonction du niveau de complexité des affaires ne rend pas l'offre de la société attributaire incomplète pour autant. L'absence également de précision dans ce rapport concernant la fourchette de prix selon le niveau d'urgence ne rend pas non plus l'offre de la société attributaire irrégulière dès lors qu'elle pouvait proposer un prix unique quel que soit le degré d'urgence. Dans ces conditions, la société Aqui'Lex n'est pas fondée à soutenir que l'offre de la société attributaire devrait être regardée comme irrégulière, compte tenu du rapport d'analyse des offres, sur le fondement des articles 8.1, 8.3, 9.2 et 10 du cahier des clauses particulières et de l'article 2.3 du règlement de la consultation.

22. D'autre part, aux termes de l'article L. 3 du code de la commande publique : " Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. / Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. ".

23. La société requérante soutient que la comparaison de son offre de prix et la traduction qu'en donne le rapport d'analyse des offres révèlerait qu'à l'exception du bonus en cas de rédaction de l'assignation par l'avocat, ce qui correspond à un cas très exceptionnel, le rapport d'analyse des offres n'a pas pris en compte certains éléments de son offre de prix, comme la gratuité des désistements, celle des frais de déplacement et l'inclusion des procédures devant la Cour d'appel dans le prix dans le cas général. Il résulte de l'offre présentée par la société Aqui'Lex que les prix relatifs aux prestations du lot n° 1 ont été distingués selon les prestations de rédaction ou assistance dans la rédaction d'une pièce de procédure, de représentation de XL Habitat et d'assistance globale pour dossiers contentieux en distinguant pour les deux premières offres, les délais d'exécution de normal, urgent et prioritaire prévus par l'article 9.2 du cahier des clauses particulières et en prévoyant au sein de chaque délai, deux niveaux de difficultés et enfin pour la troisième prestation, en mentionnant trois niveaux de difficulté. Son bordereau des prix unitaires est accompagné en annexe d'un descriptif des prestations, précisant notamment pour la prestation d'assistance globale pour dossiers contentieux, que ne sont pas facturés les frais de déplacement et les désistements d'instance oraux lors de l'audience sans établissement de conclusions. Si le rapport d'analyse des offres ne présente pas ce niveau de détail de l'offre de la société requérante, il ne peut pour autant être regardé comme ayant dénaturé l'offre de la société Aqui'Lex dès lors qu'il en présente, certes synthétiquement, les caractéristiques essentielles ainsi qu'il a été dit au point 21. Cette absence de mention des détails de l'offre de la requérante n'établit pas que le pouvoir adjudicateur n'en a pas pour autant tenu compte dans son analyse des offres. Par suite, la société Aqui'Lex n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur aurait dénaturé son offre en méconnaissance des principes garantis par l'article L. 3 du code de la commande publique.

24. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ". L'article L. 2152-7 du même code dans sa version applicable au litige dispose que : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. Les modalités d'application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire. / Les offres sont appréciées lot par lot. () ".

25. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en œuvre de ces critères. Il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en œuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné.

26. En outre, si le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères, il doit porter à la connaissance des candidats leurs conditions de mise en œuvre dès lors que ces sous-critères sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection.

27. Aucun principe ni texte n'impose au pouvoir adjudicateur d'informer en outre les candidats de la méthode de notation envisagée pour évaluer les offres au regard des critères de sélection.

28. La société requérante soutient d'une part que le critère de prix tel que défini par le règlement de consultation ne permettait pas de savoir quelle était l'offre la plus avantageuse puisqu'il était impossible de déterminer la part de chaque prestation dans l'ensemble et d'autre part, que dès lors que les deux offres concurrentes étaient présentées de façons différentes, celle de la société attributaire avec un prix unique, celle de la société évincée avec une fourchette de prix, il appartenait au pouvoir adjudicateur de moduler son appréciation en fonction d'une pondération de chaque niveau de prestation dans l'ensemble des prestations contenues dans le lot n° 1. D'une part, si certains critères, d'ordre général, tels que la valeur technique, peuvent se décomposer en sous-critères, il n'en va pas de même pour le prix qui ne peut pas comporter de sous-critères mais simplement différentes manières de l'évaluer, notamment lorsque le marché porte sur des prestations distinctes. D'autre part, il résulte de l'article 9.2 du cahier des clauses particulières que pour les prestations relatives aux postes 10.A.1 et 10.A.2., trois délais de réalisation des prestations correspondantes étaient prévus, à savoir un délai " normal " de dix jours, un délai " urgent " de quatre jours et un délai " prioritaire " d'un jour alors que les prestations relatives au poste 10.A.3. devaient être réalisées dans les délais imposés par la procédure contentieuse. Il appartenait donc à chaque soumissionnaire de présenter une offre prenant en compte ces contraintes de délais. Cependant, il résulte de l'instruction que le rapport d'analyse des offres retranscrit synthétiquement des intitulés de prix qui ne sont pas mentionnés de la même manière entre les deux offres, de sorte que leur comparaison n'est pas possible en l'état, alors qu'il n'est pas soutenu par XL Habitat que ce rapport ne procèderait pas à une retranscription fidèle des offres. La lecture du cahier des clauses particulières, également synthétique dans ses énonciations, ne permet pas de considérer que les libellés des prestations devant figurer au bordereau des prix unitaires seraient suffisamment précis. Dans ces conditions, le pouvoir adjudicateur n'a pas défini son besoin avec suffisamment de précision, en amont, de sorte qu'il n'a pas permis de comparer les prix des offres, l'empêchant de déterminer l'offre la plus avantageuse économiquement. Par suite, la société Aqui'Lex est fondée à soutenir que la procédure est entachée d'irrégularité au motif que le pouvoir adjudicateur n'a pas défini son besoin avec suffisamment de précision, ne permettant pas de déterminer l'offre la plus avantageuse économiquement en méconnaissance des articles L. 2111-1 et L. 2152-7 du code de la commande publique.

29. En troisième lieu, la société requérante soutient que le pouvoir adjudicateur a organisé une procédure de mise en concurrence fondée sur des critères ne permettant pas de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse dès lors que le rapport d'analyse des offres révèle que les deux offres concurrentes ont été départagées sur la prestation de rédaction d'assignation alors qu'une telle prestation relève de la compétence d'un huissier pour les affaires de contentieux en application des articles 55 et 56 du code de procédure civile. Il résulte de l'article 10 du cahier des clauses particulières que le lot n° 1 comprenait trois prestations à savoir la rédaction ou l'assistance dans la rédaction d'une pièce de procédure, dont l'assignation (article 10.A.1 du même cahier), la représentation de XL Habitat (article 10.A.2 du même cahier) et l'assistance globale pour dossiers contentieux (article 10.A.3 du même cahier). Si chaque société candidate a indiqué le prix proposé pour une prestation de rédaction d'assignation, ainsi qu'il résulte du rapport d'analyse des offres, l'évaluation du prix de cette seule prestation n'était pas exigée par le cahier des clauses particulières.

30. En dernier lieu, la société Aqui'Lex soutient que son offre était économiquement la plus avantageuse dès lors que la fourchette proposée pour l'assistance au contentieux par la société Tourret-Capes allait de 240 à 500 euros, alors que son offre allait de 200 à 450 euros. Cependant, l'appréciation du critère du prix est effectuée sur la totalité des prix proposés pour chaque prestation exigée par le pouvoir adjudicateur et ce, par comparaison des bordereaux de prix unitaires transmis par chaque candidat. Or, l'offre de la requérante, présentée dans son bordereau de prix unitaires, s'élevait à 300 euros pour la rédaction ou l'assistance à la rédaction d'actes simples et à 550 euros en cas de difficultés alors que pour celle de la société attributaire, selon le rapport d'analyse des offres, les prestations avec rédaction d'assignation étaient proposées au prix de 100, 240 et 280 euros, selon qu'elles sont réalisées dans le cadre d'une affaire avec désistement, avec plaidoirie sans rédaction ou avec rédaction de conclusions. Il s'en suit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que son offre était économiquement la plus avantageuse.

S'agissant de la réparation :

31. Il résulte de ce qui précède que l'irrégularité de la procédure résultant d'un défaut de définition de ses besoins avec suffisamment de précisions par le pouvoir adjudicateur est susceptible d'avoir lésé la société Aqui'Lex, dont l'offre a été classée en seconde position avec une note de 95/100 contre une note de 100/100 pour la société Tourret-Capes dès lors que ces manquements sont susceptibles d'avoir exercé une influence déterminante sur le choix de l'attributaire. Dans ces conditions, la société évincée est fondée à soutenir qu'elle a perdu une chance sérieuse d'emporter le lot n° 1 du marché en litige.

32. Lorsqu'il est saisi par une entreprise qui a droit à l'indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l'attribution d'un marché, il appartient au juge d'apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain. Dans le cas où le marché est susceptible de faire l'objet d'une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s'y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en tant qu'il porte sur la période d'exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d'éventuelles reconductions.

33. Si le titulaire d'un marché résilié irrégulièrement peut prétendre à être indemnisé de la perte du bénéfice net dont il a été privé, il lui appartient d'établir la réalité de ce préjudice. Dans le cas d'un marché à bons de commande dont les documents contractuels prévoient un minimum en valeur ou en quantité, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en ce qu'il porte sur ce minimum garanti.

34. Il résulte des articles 1er et 7 du règlement de la consultation que le marché en litige était un marché à bons de commande sans minimum et avec un maximum de commandes de 180 000 euros hors taxes pour le lot n° 1 passé pour la durée totale de douze mois avec possibilité de reconduction tacite de trois fois douze mois. Le co-contractant ne disposait ainsi d'aucune garantie quant à son exécution et partant ne créait pour XL Habitat aucune obligation de passer des commandes. Si la société requérante soutient que des bons de commande ont nécessairement été passés par l'office public de l'habitat du département des Landes pendant la durée de six mois avant résiliation du marché, cette circonstance ne suffit pas, en tout état de cause, à établir le caractère certain de son propre préjudice. La société Aqui'Lex ne peut utilement se prévaloir du principe constitutionnel d'indemnisation des préjudices, du principe constitutionnel d'égalité et du droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. Par suite, la société Aqui'Lex n'est pas fondée à demander l'indemnisation de sa perte de chance.

35. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête n° 2101219 aux fins d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne la requête n° 2200846 :

S'agissant de la responsabilité :

Quant à la responsabilité de l'office public de l'habitat XL Habitat :

36. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code de la commande publique : " Afin de susciter la plus large concurrence, les acheteurs procèdent à une publicité préalable à l'attribution du marché dans les conditions et sous réserve d'exceptions définies par décret en Conseil d'Etat, en fonction de l'objet du marché, de la valeur estimée hors taxe du besoin ou de l'acheteur concerné. ".

37. Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général n'imposent à la personne publique qui entend résilier un marché en cours d'exécution d'informer de cette résiliation les candidats qui avaient été évincés de la procédure de passation de ce marché. Par ailleurs, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'elle ne pouvait anticiper, à défaut de connaissance de la résiliation du premier marché, qu'une procédure de passation d'un nouveau marché serait ouverte moins de six mois après la conclusion du marché résiliation dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la résiliation du lot n° 1 le 18 août 2021, XL Habitat a lancé, par avis de marché du 14 septembre 2021, une procédure de sélection adaptée en vue de l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande de prestation de services de représentation légale dans le cadre de procédures juridictionnelles initiées dans le domaine du droit des baux d'habitation. Il s'ensuit que la société Aqui'Lex ne peut être regardée comme ayant été dissuadée de se porter candidate pour l'attribution du marché en cause à raison d'un manquement à l'obligation de publicité et de mise en concurrence imputable à XL Habitat. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'office public de l'habitat du département des Landes aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Quant à la responsabilité de l'Etat :

38. Il résulte des stipulations des articles 6, paragraphe 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lorsque le litige entre dans leur champ d'application, ainsi que, dans tous les cas, des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives, que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable.

39. Il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable. Lorsque la durée globale de jugement n'a pas dépassé le délai raisonnable, la responsabilité de l'Etat est néanmoins susceptible d'être engagée si la durée de l'une des instances a, par elle-même, revêtu une durée excessive.

40. Il résulte de l'instruction qu'a été enregistré au greffe du tribunal le 13 septembre 2021 le premier mémoire en défense de l'office public de l'habitat du département des Landes sous l'instance n° 2101219. Ce mémoire a été communiqué le 7 octobre 2021 à la société requérante. Ce délai de vingt-quatre jours de communication d'un premier mémoire en défense dans une instance de contentieux indemnitaire ne relevant pas d'une procédure d'urgence ne peut être regardé comme constituant, dans les circonstances de l'espèce, un délai d'une durée excessive. Il résulte du point 37 que la circonstance que ce mémoire portait à la connaissance de la société Aqui'Lex le fait que le lot n° 1 du marché en litige avait été résilié par décision du 18 août 2021 est sans incidence sur la reconnaissance d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Dans ces conditions, la société Aqui'Lex n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée pour dysfonctionnement de la juridiction administrative fondé sur une durée excessive de l'instruction dans l'instance n° 2101219.

41. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête n° 2200846 aux fins d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

42. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de XL Habitat et du Garde des Sceaux, ministre de la justice, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Aqui'Lex demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

43. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société requérante la somme demandée par l'office public de l'habitat du département des Landes au titre des frais exposés par lui dans le cadre des instances n° 2101219 et n° 2200846 et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 2101219 de la société Aqui'Lex est rejetée.

Article 2 : La requête n° 2200846 de la société Aqui'Lex est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Aqui'Lex, à l'office public de l'habitat du département des Landes XL Habitat, au Garde des Sceaux, ministre de la justice et à la société Tourret-Capes.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Sellès, présidente,

Mme Corthier, conseillère,

Mme Crassus, conseillère.

Rendue publique par mise à disposition au greffe le 5 février 2024.

La rapporteure,

Signé

Z. CORTHIER        La présidente,

Signé

M. SELLES

La greffière,

Signé

M. C

La République mande et ordonne au Garde des Sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition :

La greffière,

Nos 2101219,2200846