TA de Rennes, 05 octobre 2023, n°2105738
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 novembre 2021 et le 30 avril 2023, la société Dalkia Froid Solutions, représentée par Me Belfiore (cabinet Artaud Belfiore Castillon Grebille-Romand), demande au tribunal :
1°) de condamner la commune de Malestroit à lui verser, d'une part, la somme de 5 750,82 euros toutes taxes comprises (TTC), en règlement des factures émises pour le remplacement d'un compresseur au titre de la maintenance des installations de chauffage et climatisation de sa médiathèque, cette somme devant être assortie des intérêts légaux à compter du 25 janvier 2021, d'autre part, la somme de 80 euros au titre de l'indemnisation forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce et enfin, la somme de 1 692,36 euros au titre des pénalités de droit public, conformément aux stipulations de l'article 4.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Malestroit une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle assure depuis 2014, pour le compte de la commune de Malestroit, la maintenance des installations de chauffage et de climatisation de la médiathèque ;
- ses prestations relèvent bien d'un contrat administratif pour permettre à la médiathèque de poursuivre sa mission de service public, relevant de la compétence de la juridiction administrative ;
- sollicitée en 2016 par la commune afin qu'il soit procédé au remplacement du compresseur de l'unité esclave n° 2 de cette installation, elle a émis un devis qui a été accepté et signé, puis après son intervention, a transmis la facture correspondante d'un montant de
4 523,10 euros TTC ;
- elle a également émis un devis, aux fins de procéder à une expertise constructeur de l'installation de climatisation de la médiathèque, qui a été accepté puis facturé pour un montant de 1 227,72 euros TTC ;
- la commune de Malestroit n'a jamais réglé les sommes dues, malgré les nombreuses mises en demeure qui lui ont été adressées et les courriers de relance ;
- l'expertise amiable diligentée par la compagnie d'assurance IARD MMA a écarté toute responsabilité de sa part dans les dysfonctionnements de l'installation de climatisation ;
- la commune de Malestroit demeure débitrice à son endroit d'une créance de
5 750,82 euros TTC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2023, la commune de Malestroit, représentée par Me Lahalle (Selarl Lexcap), conclut, à titre principal, à l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de la requête de la société Dalkia Froid Solutions, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et en tout état de cause, à ce qu'une somme de
2 500 euros soit mise à la charge de la société Dalkia Froid Solutions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître du litige, qui résulte de l'exécution d'un contrat conclu entre les parties le 1er juillet 2014, qui a pour seul objet d'assurer un contrôle général du bon fonctionnement des installations de climatisation et d'en garantir un dépannage rapide, et qui n'a donc pas un caractère administratif ;
- la règle du service fait et l'exception d'inexécution s'opposent au paiement des factures émises par la société Dalkia Froid Solutions, dès lors que les prestations effectuées ne correspondent pas aux devis acceptés et signés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de la commande publique ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ;
- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Thalabard,
- les conclusions de M. Blanchard, rapporteur public,
- et les observations de Me Barrault, représentant la commune de Malestroit.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Malestroit (Morbihan) a conclu le 1er juillet 2014 un contrat d'entretien avec la société Cesbron afin d'assurer un contrôle général du bon fonctionnement de l'installation de climatisation réversible implantée dans sa médiathèque et d'en garantir un dépannage rapide. En exécution de ce contrat, la société Dalkia Froid Solutions, venue aux droits de la société Cesbron, a procédé au remplacement du compresseur de l'unité esclave n°2 de cette installation pour remédier aux pannes constatées. Les dysfonctionnements perdurant, la commune a sollicité la réalisation d'une expertise pour identifier l'origine des désordres et pour mettre en œuvre une solution réparatoire adaptée. A la suite de ses interventions, la société Dalkia Froid Solutions a émis deux factures, la première le 21 décembre 2017 d'un montant de 4 523,10 euros toutes taxes comprises (TTC) pour le remplacement du compresseur, et la seconde, le 28 juin 2018, d'un montant de 1 227,72 euros TTC pour une expertise dite constructeur. Malgré les lettres de relance et de mises en demeure qui lui ont été adressées, la commune de Malestroit a refusé de procéder au règlement de ces deux factures. Par la présente requête, la société Dalkia Froid Solutions demande la condamnation de la commune de Malestroit à lui verser la somme de
5 750,82 euros TTC en règlement de ces factures impayées, assortie des intérêts légaux, ainsi que la somme de 80 euros au titre de l'indemnisation forfaitaire prévue par l'article L. 441-6 du code de commerce et la somme de 1 692,36 euros au titre des pénalités de retard.
Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :
2. Aux termes de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier : " Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. () ". Selon l'article 1er du code des marchés publics, en vigueur à la date à laquelle le contrat entre la commune de Malestroit et la société Cesbron a été conclu : " I.- Les dispositions du présent code s'appliquent aux marchés publics et aux accords-cadres ainsi définis : / Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. () ". L'article 2 du même code précise que : " Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont : () / 2° Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux. () ". Il résulte de ces dispositions que les marchés entrant dans le champ d'application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs.
3. En l'espèce, le contrat conclu entre la commune de Malestroit, qui est au nombre des pouvoirs adjudicateurs visés par l'article 2 du code des marchés publics, et la société Cesbron avait pour objet de répondre à un besoin en matière de services de cette collectivité s'agissant de la maintenance des installations de chauffage et climatisation de sa médiathèque. Conclu à titre onéreux, ce contrat d'entretien doit être qualifié de marché public au sens du code des marchés publics. Ce contrat étant administratif par détermination de la loi, la juridiction administrative est compétente pour connaître des litiges relatifs à son exécution. L'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée par la commune de Malestroit doit, en conséquence, être écartée.
Sur les conclusions à fin de règlement des factures émises :
4. La société Dalkia Froid Solutions entend obtenir le règlement des prestations qu'elle a réalisées en exécution du contrat d'entretien conclu avec la commune de Malestroit.
5. L'article VI du contrat d'entretien conclu avec la société Dalkia Froid Solutions stipule que " pour l'entretien, tel qu'il est défini à l'article III, le prestataire percevra une redevance annuelle et forfaitaire de 2 100,00 € HT - Formule 2 - 2 visites / an. / En entretien : main d'œuvre et déplacement sous contrat / produits, filtres, pièces et fluides à facturer. / En dépannage : main d'œuvre et déplacement sous contrat / produits, filtres, pièces et fluides à facturer (). Le présent contrat est payable d'avance à réception de facture. ".
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que dans le cadre de ses interventions contractuelles, la société Dalkia Froid Solutions a soumis à la commune de Malestroit un devis d'un montant de 3 769,25 euros hors taxe (HT) portant sur le remplacement du compresseur inverter sur l'unité esclave n° 2 de l'installation de climatisation, lequel a été accepté et signé le 12 décembre 2016. S'il n'est pas contesté que la société requérante a bien procédé au remplacement de ce compresseur, il résulte d'un courrier du 11 décembre 2020, que le maire de la commune de Malestroit justifie son refus d'honorer la facture qui lui a été adressée le 21 décembre 2017 par le fait que cette intervention n'a pas permis de résoudre les dysfonctionnements constatés. La nature des dysfonctionnements persistants après l'intervention de la société Dalkia Froid Solutions n'est, toutefois, pas précisée par la commune dans son argumentation en défense. Dans le cadre de la présente instance, la commune précise que le compresseur faisant l'objet du devis n'a pas été installé. Il résulte de l'instruction qu'une société tierce a, en effet, constaté que le compresseur en place dans le groupe 2 n'est pas le bon, " le compresseur en place [étant] un " tout ou rien " à la place d'un compresseur inverter ", tout en précisant que " le compresseur en place a été testé : celui-ci fonctionne ". La société Dalkia Froid Solutions a répondu au maire, par un courrier du
26 janvier 2021, que la présence d'un compresseur non varié sur l'esclave n° 2 du groupe 2 de l'installation résultait d'une demande du responsable technique de la médiathèque afin d'éviter que certaines salles ne soient plus chauffées et qu'il avait été convenu que ce compresseur serait remis dans le bon groupe de condensation, après validation du devis concernant les autres compresseurs. Les termes du courrier du 26 janvier 2021 ne sont pas sérieusement contestés par la commune de Malestroit. Il résulte ainsi de l'instruction que la société requérante a bien fourni un compresseur inverter, même si celui-ci n'a pas été installé, à la demande du responsable technique, dans le groupe 2 sur l'esclave n° 2. La commune de Malestroit n'est, par suite, pas fondée à se prévaloir de la règle du service fait ou d'une exception d'inexécution, dans la mesure où il n'est pas établi que la société Dalkia Froid Solutions a méconnu ses obligations contractuelles.
7. En second lieu, la commune de Malestroit a accepté et signé le 29 mai 2018 le devis s'élevant à 1 023,10 euros hors taxe (HT) portant sur l'organisation d'une expertise constructeur de l'installation de climatisation de la médiathèque consistant en une " intervention station technique Daikin avec notre technicien ". Si elle déplore que l'intervention de la société Daikin, le 12 juin 2018, n'a pas suffi à identifier les désordres affectant l'installation, il résulte de l'instruction que la société Daikin a rédigé un rapport qui conclut à l'absence de mise en évidence de désordres permettant d'expliciter les casses de compresseur et préconisant des essais de fonctionnement, une fois les compresseurs inverter remplacés. La commune de Malestroit n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la société requérante aurait procédé à un simple constat et non à l'expertise prévue.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Dalkia Froid Solutions est fondée à soutenir que la commune de Malestroit lui est redevable du paiement des factures émises les
21 décembre 2017 et 28 juin 2018 au titre de ses prestations d'entretien sur l'installation de climatisation de la médiathèque. Il y a lieu, dès lors, de condamner la commune de Malestroit à verser à la société requérante la somme de 5 750,82 euros TTC, correspondant aux prestations ainsi facturées.
Sur les conclusions accessoires :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 39 de la loi du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, dans sa version applicable au litige, repris, à compter du
1er avril 2019, par l'article L. 2192-13 du code de la commande publique : " Le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ou l'échéance prévue au contrat. / Ces intérêts moratoires sont versés au créancier par le pouvoir adjudicateur. / () Le taux des intérêts moratoires est fixé par décret. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, en vigueur à la date à laquelle les factures litigieuses ont été émises : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée. ". En vertu de l'article 2 de ce décret, repris, à compter du 1er avril 2019, par l'article R. 2192-12 du code de la commande publique : " Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur (). ". Enfin, selon l'article 8 du même décret, repris, à compter du 1er avril 2019, par les articles R. 2192-31 et R. 2192-32 du code de la commande publique : " I. - Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. / Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. / () ".
10. La société Dalkia Froid Solutions demande que le règlement des factures dû par la commune de Malestroit soit assorti des intérêts légaux. Il résulte de l'instruction que la société requérante a adressé, le 16 janvier 2020, à la commune de Malestroit une lettre de mise en demeure de payer dans un délai de huit jours les factures émises les
21 décembre 2017 et 28 juin 2018. S'il n'est pas justifié de la date de réception de ce courrier, la commune de Malestroit ne conteste pas en avoir été destinataire, ainsi que des nombreuses lettres de relance qui ont suivi, par l'intermédiaire notamment d'une société de recouvrement. Le maire de la commune a expressément refusé de s'acquitter de ces factures par un courrier du 11 décembre 2020. Il y a, dès lors, lieu de considérer que les intérêts moratoires ont commencé à courir, ainsi que la société requérante le demande, à compter du 25 janvier 2021. Leur taux doit être fixé au regard du taux de la Banque centrale européenne (BCE) en vigueur au 1er janvier 2021, augmenté de huit points, soit par application d'un taux de 8 %. Il y a donc lieu d'appliquer à la somme mentionnée au point 8 ce taux de 8 %, à compter du
25 janvier 2021, jusqu'à son règlement définitif.
11. En outre, si les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce, devenu l'article L. 441-10 de ce code, ne sont pas applicables au marché en litige, il y a cependant lieu de faire droit à la demande de la société Dalkia Froid Solutions tendant à ce que l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement lui soit versée par la commune de Malestroit, conformément aux dispositions de l'article 9 du décret du 28 janvier 2013, désormais codifié à l'article D. 2192-35 du code de la commande publique, soit, en l'espèce, pour les deux factures en litige, la somme de 80 euros.
12. En second lieu, faute de justifier de l'existence d'un cahier des clauses administratives particulières du marché prévoyant en son article 4.5 l'application de pénalités de retard, la société Dalkia Froid Solutions n'est pas fondée à demander le paiement d'une somme de 1 692,36 euros sur un tel fondement. Ses conclusions tendant au versement de pénalités doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Malestroit, partie perdante, le versement à la société Dalkia Froid Solutions d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées au même titre par la commune de Malestroit ne peuvent, en revanche, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La commune de Malestroit est condamnée à verser à la société Dalkia Froid Solutions la somme de 5 750,82 euros TTC, augmentée des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 25 janvier 2021, en règlement des factures émises le 21 décembre 2017 et le
28 juin 2018.
Article 2 : La commune de Malestroit est condamnée à verser à la société Dalkia Froid Solutions 80 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Article 3 : La commune de Malestroit versera à la société Dalkia Froid Solutions la somme de
1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune de Malestroit au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Dalkia Froid Solutions et à la commune de Malestroit.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Grenier, présidente,
Mme Plumerault, première conseillère,
Mme Thalabard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.
La rapporteure,
signé
M. Thalabard
La présidente,
signé
C. GrenierLa greffière,
signé
I. Le Vaillant
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.