TA de VERSAILLES, 01/08/2022, n°2205415

Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 et 24 juillet 2022, la société Terideal-Agrigex Environnement, représentée par Me Roumens, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la décision en date du 1er juillet 2022 par laquelle la commune de Massy a rejeté l'offre qu'elle a présentée pour l'attribution du lot n°1 du marché global ayant pour objet la réalisation de travaux d'entretien des espaces verts de la Ville de Massy ;
2°) d'ordonner la reprise de la procédure de passation du lot n°1 du marché en litige au stade de l'analyse des offres.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

  • la commune de Massy a méconnu l'article R. 2181-4 du code de la commande publique, en ne communiquant pas :
  • les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue,
  • le bordereau unitaire des prix (BPU) proposés par l'attributaire, le détail quantitatif estimatif (DQE) masqué utilisé ainsi que celui analysé au regard de ce BPU,
  • le montant de l'offre de l'attributaire sur le volet BPU ainsi que l'offre la plus basse sur le volet " décomposition du prix global et forfaitaire " (DPGF), alors que cet élément est indispensable pour vérifier le calcul de la note de l'attributaire,
  • la commune de Massy a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence en l'absence de fixation du mode de calcul du critère prix faute de communication de sa méthode de notation, dont la connaissance préalable par les candidats est nécessaire à une mise en concurrence équitable et véritable ; le contrôle effectif de cette notation par le juge implique la communication du DQE masqué ;
  • la commune de Massy a méconnu les articles L. 2152-5 et suivants du code de la commande publique et commis une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en œuvre la procédure de détection des offres anormalement basses alors qu'elle aurait dû identifier que le prix de l'offre de la société attributaire du marché était anormalement bas ; elle n'explique pas le maintien de l'offre la moins disante sur le volet DPGF ; la communication de l'ensemble des éléments contenus dans le courrier de réponse de la société Alta Space à la demande d'explication du pouvoir adjudicateur est nécessaire à l'appréciation du caractère anormalement bas de son offre ; les seuls éléments non caviardés de ce document révèlent des insuffisances de l'offre d'Alta Space, le sous-détail de ses prix ne comprenant pas de ligne relative à certaines prestations du marché telles que figurant au cahier des clauses techniques particulières.
    Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2022, la société Alta Space, représentée par Me Massa, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Terideal-Agrigex Environnement la somme de 4000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
    Elle soutient que :
  • les BPU et DQE de l'attributaire sont couverts par le secret des affaires en ce qu'ils reflètent la stratégie commerciale de l'entreprise ;
  • les conditions de mise en œuvre du critère prix étaient indiqués dans le document de la consultation ; en revanche la méthode de notation du pouvoir adjudicateur, couverte par le secret des affaires, n'avait pas à être communiquée ;
  • son offre n'était pas anormalement basse ; la seule circonstance que son prix soit inférieur de 28% à celui de la société requérante ne saurait suffire à caractériser l'existence d'une offre anormalement basse dès lors qu'il n'est pas justifié que son offre soit de nature à compromettre la bonne exécution du marché ainsi qu'il en est attesté par un commissaire aux comptes et un expert-comptable.
    Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2022, la commune de Massy, représentée par Me Aaron, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Terideal-Agrigex Environnement la somme de 5000 euros en application de l'article
    L. 761-1 du code de justice administrative.
    Elle soutient que :
  • la société Terideal-Agrigex Environnement a reçu, dès réception du courrier l'informant du rejet de son offre sur le lot en litige, l'ensemble des informations requises par l'article
    R. 2181-4 du code de la commande publique, à savoir le classement, les notes qui lui ont été attribuées, le nom de l'attributaire et les notes reçues par ce dernier ; la société requérante, destinataire à sa demande du rapport d'analyse des offres qui lui a été communiqué alors même que la commune n'y était pas tenue, a au surplus reçu des informations encore plus détaillées, à savoir le détail de la notation et de la pondération des différents critères et sous-critères ainsi que le prix global proposé par l'attributaire s'agissant de la partie forfaitaire du marché ; le BPU, le DQE masqué et l'offre finale détaillée du candidat retenu ne lui étaient en revanche pas communicables dans la mesure où ils reflètent la stratégie commerciale de l'entreprise ;
  • il est de jurisprudence constante que les méthodes de notation du pouvoir adjudicateur n'ont pas à être portées à la connaissance des candidats dès lors qu'elles ne constituent pas une modalité de mise en œuvre des critères de sélection ;
  • la possibilité de recourir à la méthode dite de " chantier masqué " est parfaitement admise par le Conseil d'Etat comme une méthode de notation du critère du prix ; en l'espèce, le recours à cette méthode figurait dans le règlement de consultation, lequel indiquait précisément l'ensemble des critères et sous-critères retenus pour juger les offres, ainsi que leur pondération ; la société requérante n'avait pas à recevoir d'information quant au DQE utilisé par la commune, le recours à cette méthode imposant au contraire que celui soit masqué aux candidats ;
  • la procédure de détection des offres anormalement basses a bien été mise en œuvre ; la société attributaire a justifié du caractère sérieux de son offre par courrier du 30 mai 2022 ; au regard des éléments d'explications fournis dans ce courrier, la commune n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que le prix de l'offre de la société attributaire du marché ne présentait pas un caractère anormalement bas de nature à compromettre la bonne exécution du marché.
    Vu les autres pièces du dossier.
    Vu :
  • le code de la commande publique ;
  • le code de justice administrative.
    La présidente du tribunal administratif de Versailles a désigné Mme Bartnicki, première conseillère, pour statuer sur les référés précontractuels en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.
    Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
    Ont été entendus, au cours de l'audience publique tenue le 25 juillet 2022 à 9 heures 30 en présence de Mme Bridet, greffière d'audience :
  • le rapport de Mme Bartnicki, juge des référés,
  • les observations de Me Roumens, représentant la société Terideal-Agrigex, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et précise qu'elle demande bien la reprise de la procédure de passation au stade de l'analyse des offres concernant le lot n°1 et non l'annulation de toute la procédure ; elle soutient, en outre, que si la jurisprudence actuelle du Conseil d'Etat écarte la méthode de notation des éléments communicables aux candidats, il est permis de faire évoluer cette règle afin de garantir une mise en concurrence équitable et véritable entre les candidats ; elle ajoute que les attestations d'expert-comptable et de commissaire aux comptes produites en défense sont dénués de valeur probante et que seule la communication du sous-détail des prix de l'offre de l'attributaire, ainsi que de l'ensemble des autres éléments qui ont été écartés des débats sous couvert de secret des affaires, permettrait au juge d'exercer son contrôle sur le caractère anormalement bas de cette offre ;
  • les observations de Me Aaron, représentant la commune de Massy, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et précise, en outre, que tous éléments de nature à révéler la stratégie commerciale de l'attributaire, parmi lesquels compte la méthode de notation, doivent être couverts par le secret des affaires ; que le montant de l'offre la moins disante pouvait être aisément calculé à partir de la formule de calcul communiquée dès le courrier de rejet de l'offre de la société requérante ;
  • les observations de Me Massa, représentant la société Alta Space, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et précise, en outre, que le litige oppose deux attributaires successifs du même marché ; que le secret des affaires couvrant les éléments relatifs à la stratégie commerciale d'un attributaire est d'autant plus nécessaire dans le cadre de marchés récurrents ou successifs, à l'instar de celui de l'entretien des espaces verts ; qu'elle n'a pas à justifier du détail de son mémoire technique constitutif de l'offre ; que même si chaque élément technique n'est pas repris in extenso dans son courrier d'explication du 30 mai les moyens suffisants ont été prévus ; qu'à cet égard, les attestations d'expert-comptable et de commissaire aux comptes sont probantes et attestent de ce qu'elle dégage une marge bénéficiaire et qu'elle est en mesure d'assurer les prestations du marché pour le montant proposé sans mettre en péril l'exécution du marché.
    La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience à 11H15.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié au Bulletin officiel d'annonces des marchés publics le 1er avril 2022, la commune de Massy a lancé une consultation pour la passation d'un accord-cadre ayant pour objet la réalisation de travaux d'entretien des espaces verts de la commune ainsi que de remplacement de son patrimoine paysager public. Pour la passation de ce marché, selon la procédure d'appel d'offres ouvert, la date limite de remise des offres était fixée au 10 mai 2022. Les offres des candidats devaient être appréciées selon les trois critères du prix des prestations, sur 50 points, décomposé en deux sous-critères de prix sur la base d'une décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF), sur 40 points et sur la base du bordereau de prix unitaires des candidats analysé au regard d'un détail quantitatif estimatif (DQE) masqué, sur 10 points, de la valeur technique, sur 30 points, et du développement durable, sur 20 points. Par un courrier du 1er juillet 2022, le maire de Massy a informé la société Terideal-Agrigex Environnement du rejet de son offre et de l'attribution du lot n°1 du marché à la société Alta Space et des lots 2 à 3 à la société ID Verde. La société Terideal-Agrigex Environnement ne demande l'annulation de cette décision qu'en tant que la commune de Massy lui a refusé l'attribution du lot n°1pour lequel son offre avait été classée au 2ème rang.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " I.-Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. / II.-Toutefois, le I n'est pas applicable aux contrats passés dans les domaines de la défense ou de la sécurité (). / Pour ces contrats, il est fait application des articles L. 551-6 et L. 551-7 ". Aux termes de l'article L. 551-10 de ce code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge du référé précontractuel de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de l'offre de la société requérante pour l'attribution du lot n°1 et de reprise de la procédure de passation correspondante :

En ce qui concerne l'absence d'information relative aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue :

4. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2181-1 du même code : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Aux termes de l'article R. 2181-3 dudit code : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1 ". Aux termes de l'article R. 2181-4 de ce code : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : / () 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ".

5. D'autre part, au regard des règles de la commande publique, doivent être regardés comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l'ensemble des pièces du marché. Dans cette mesure, si notamment l'acte d'engagement, le prix global de l'offre et les prestations proposées par l'entreprise attributaire sont en principe communicables, ne sont, en revanche, pas communicables les documents qui reflètent la stratégie commerciale de l'entreprise opérant dans un secteur d'activité et sont ainsi susceptibles de porter atteinte au secret commercial, tel le bordereau des prix unitaires de cette entreprise.

6. Enfin, l'exigence de motivation de la décision rejetant une offre posée par les dispositions citées au point 4 a, notamment, pour objet de permettre à l'auteur de cette offre de contester utilement le rejet qui lui a été opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Toutefois, un tel manquement n'est plus constitué si les motifs de cette décision ont été communiqués au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

7. La société requérante ne saurait utilement faire grief au pouvoir adjudicateur de ne pas lui avoir communiqué les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue en l'absence de demande en ce sens. En tout état de cause, et à supposer même que le courriel, au demeurant non produit, de demande du rapport d'analyse en date du 6 juillet 2022 faite par la société requérante puisse être regardé comme comportant une telle demande, il résulte de l'instruction que, par son courrier du 1er juillet 2022 informant la société requérante du rejet de son offre, le maire de Massy a indiqué à la société Terideal-Agrigex Environnement le nom de l'attributaire du lot n°1, à savoir la société Alta Space, en précisant le détail des notes attribuées aux offres respectives de la société requérante et de la société attributaire sur chacun des trois critères de sélection et de leurs sous-critères. Ce courrier indiquait également la date prévisionnelle pour la signature du marché. A la demande de la société Terideal-Agrigex Environnement, la commune de Massy lui a en outre transmis, alors au demeurant qu'elle n'y était pas tenue, le rapport d'analyse des offres, lequel comportait le détail de la notation et de la pondération des différents critères et sous-critères ainsi que pour chaque lot, le prix global proposé par l'attributaire et par la société requérante. Par ailleurs, si cette dernière déplore le défaut de communication du bordereau des prix unitaires proposé par la société attributaire, du détail quantitatif masqué analysé au regard de ce BPU ainsi que du détail des prix, une telle information reflète la stratégie commerciale de l'entreprise opérant dans ce secteur d'activité et est, de ce fait, couverte par le secret des affaires. La commune de Massy a donc pu à bon droit refuser de lui transmettre ces informations. S'agissant du montant de l'offre moins disante, qui ne compte au demeurant pas parmi les éléments devant être communiqués par application de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique, celui-ci pouvait en tout état de cause se déduire des formules de calcul figurant dans le courrier de rejet du 1er juillet. Dans ces conditions, la société requérante a été destinataire de l'ensemble des informations prévues par les dispositions citées au point 4. Par suite, le moyen tiré de ce que la commune de Massy aurait méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence en raison d'une information insuffisante à cet égard doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de fixation du mode de calcul du critère prix :

8. D'une part, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en œuvre de ces critères. Il appartient au pourvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en œuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné mais il n'est, en revanche, pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres au regard des critères de sélection. Par ailleurs, cette méthode échappe en principe, sous réserve d'une erreur de droit ou d'une discrimination illégale, au contrôle du juge du référé précontractuel.

9. D'autre part, en effectuant, pour évaluer le montant des offres qui lui sont présentées, une "simulation" consistant à multiplier les prix unitaires proposés par les candidats par le nombre d'interventions envisagées, un pouvoir adjudicateur n'a pas recours à un sous-critère, mais à une simple méthode de notation des offres destinée à les évaluer au regard du critère du prix. Il n'est donc pas tenu d'informer les candidats, dans les documents de la consultation, qu'il aura recours à une telle méthode.

10. En l'espèce, d'une part, il résulte de l'instruction que les documents de consultation mentionnaient les critères d'attribution et leur pondération. Ils n'avaient, en revanche pas, à préciser, en outre, la méthode de chiffrage de la valeur des offres au regard de ces différents critères et notamment de celui du prix, qui était déterminé suivant le bordereau de décomposition du prix global forfaitaire, ni à communiquer le détail quantitatif estimatif fictif utilisé par la commune pour partie de la notation du critère prix. La société requérante ne peut dès lors utilement soutenir que le règlement de la consultation aurait dû comporter ces indications portant sur la méthode d'évaluation des offres pour lui permettre d'apprécier le critère tenant au prix des prestations.

11. D'autre part, en se bornant à soutenir que le contrôle effectif par le juge de la notation du pouvoir adjudicateur implique la communication du DQE masqué dans le cadre de la présente instance, la société requérante ne fait état d'aucun élément de nature à caractériser l'existence d'une erreur de droit ou d'une discrimination illégale dont serait entachée la méthode de notation utilisée par la commune de Massy. La circonstance que la société Alta Space ait pu obtenir la note de 10/10 pour la partie DQE et la note de 19,75/40 pour la partie forfaitaire ne constitue pas en elle-même un élément de preuve à cet égard alors que, ainsi que l'oppose la commune de Massy en défense, dans le cadre de la détermination de la part du prix à " bons de commande sont prises en compte des quantités estimatives correspondant à des besoins occasionnels de la commune et que, par conséquent ce prix varie donc en fonction des besoins estimés, et ne donne donc pas nécessairement lieu à une note équivalente à celle qui a été donnée pour la partie forfaitaire.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Massy n'a pas méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence en raison d'une absence de mode de fixation du critère prix ou d'une information insuffisante à cet égard.

En ce qui concerne l'irrégularité de l'offre de l'attributaire en raison de son caractère anormalement bas :

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". Aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. Lorsqu'une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2152-3 dudit code : " L'acheteur exige que le soumissionnaire justifie le prix ou les coûts proposés dans son offre lorsque celle-ci semble anormalement basse eu égard aux travaux, fournitures ou services, y compris pour la part du marché qu'il envisage de sous-traiter () ". Aux termes de l'article R. 2152-4 de ce code : " L'acheteur rejette l'offre comme anormalement basse dans les cas suivants : / 1° Lorsque les éléments fournis par le soumissionnaire ne justifient pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés () ".

14. Il résulte de ces dispositions que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.

15. Par ailleurs, pour contrôler le caractère anormalement bas ou non d'une offre, le juge du référé précontractuel ne peut se borner à relever un écart de prix plus ou moins important entre cette offre et d'autres offres concurrentes ou passées ou encore avec les estimations de prix du pouvoir adjudicateur que les explications fournies par le candidat ne sont pas de nature à justifier sans rechercher si le prix en cause est en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché.

16. Il résulte de l'instruction que pour établir que la commune de Massy aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas l'offre de la société Alta Space, attributaire du marché de 2011 à 2015, comme anormalement basse, la société Terideal, également précédent attributaire du marché sur les dernières années, s'est initialement essentiellement fondée sur l'écart de prix de 28% entre le prix forfaitaire proposé par l'attributaire (359.999,90 euros HT) et le sien (499,591,97 euros HT) ainsi que sur celui avec l'estimation de prix faite par le pouvoir adjudicateur. Ainsi qu'il a été dit au point 14, le caractère anormal de l'offre de l'attributaire au sens de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique ne saurait toutefois se déduire de cette seule comparaison. Il en est de même la circonstance tirée de ce que la société Terideal a été déficitaire à raison de l'exécution de ce même marché les années précédentes alors que son offre était déjà plus basse.

17. Par courrier en date du 30 mai la société Alta Space a justifié du caractère sérieux de son offre à la demande du pouvoir adjudicateur dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de vérification du caractère anormalement bas de son offre. Elle y fournit, pour chacune des prestations visées des lignes 1.1 à 1.7 de la DPGF, un sous-détail chiffré des montants proposés sur le fondement de différents éléments, à savoir celui du prix de la main d'œuvre, du matériel, des fournitures, du coefficient de frais généraux et de la marge. Si les montants correspondants, couverts par le secret des affaires, ont été masqués, ce courrier comportait également, en plus de ces justifications chiffrées, plusieurs arguments de nature à établir que les montants proposés, certes plus bas que ceux proposés par la requérante, permettaient toutefois de mettre en œuvre le marché dans de bonnes conditions. La société Alta Space a ainsi notamment indiqué qu'elle connaissait parfaitement le marché dont elle avait été attributaire plusieurs années et qu'elle a exécuté sans incident. Elle y fait également valoir qu'elle y réalise des économies d'échelles engendrées par une mutualisation de ses équipes, ajoutées à une recherche de performance du matériel, répercutées dans son offre et que ses prix sont également expliqués par la mise en place d'un système d'informatisation efficace.

18. Si la société Terideal déduit de l'analyse des intitulés du sous-détail des prix de l'offre de l'attributaire, tels que figurant dans son courrier du 30 mai cité au point précédent, que cette offre ne parait pas inclure le coût de l'ensemble des prestations du marché telles que figurant au cahier des clauses techniques particulières, la requérante n'apporte pas de précision ou justification suffisante de nature à établir que le coût des prestations en cause, notamment de broyage de certains déchets et de transport par un véhicule adapté des déchets sur des plateformes de compostage situées en dehors de la commune, à supposer même que ce coût n'ait pas été pris en compte dans le sous-détail des prix, seraient de nature à modifier significativement le coût du marché, alors qu'inversement, il est justifié par la production de deux attestations établies le 21 juillet 2022 par des professionnels, l'une par expert-comptable et l'autre par un commissaire aux comptes, dont l'impartialité n'est mise en cause par aucun élément versé au dossier, que, d'une part, "la santé financière de l'entreprise Alta Space permet d'avoir une capacité d'autofinancement plus de deux fois supérieure aux entreprises du même secteur " et que, d'autre part, les prix qu'elle propose dans le cadre du marché en litige "permettent de couvrir l'ensemble des coût fixes et variables, ainsi que ses frais généraux tels qu'ils ressortent du logiciel de gestion commerciale" et qu'elle dégage même une marge commerciale bénéficiaire.

19. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Massy a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'offre de la société attributaire n'était pas sous-évaluée, ni de nature à compromettre la bonne exécution de l'accord-cadre.

20. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction, présentées par la société Terideal doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société Terideal le versement à chacun des défendeurs d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E:

Article 1er : La requête de la société Terideal-Agrigex Environnement est rejetée.
Article 2 : La société Terideal-Agrigex Environnement versera à la commune de Massy et à la société Alta Space une somme de 2000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Terideal-Agrigex Environnement, à la commune de Massy et à la société Alta Space.
Fait à Versailles, le 1er août 2022.
Le juge des référés,
Signé
A. Bartnicki
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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