TA Grenoble, 14/08/2023, n°2304867
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 juillet, 10 et 13 août 2023, la société Entreprise Alain Le Ny, représentée par Me Lavisse, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :
1°) avant dire droit, d'enjoindre au ministère de la Culture, Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes, de lui communiquer après occultation des mentions protégées au titre du secret industriel et commercial :
- Le certificat de visite obligatoire des membres du groupement attributaire ;
- Le procès-verbal d'ouverture des plis, et rapport de sélection et d'analyse des candidatures et des offres ;
- La lettre de notification du marché, après occultation des mentions protégées au titre du secret industriel et commercial ;
- Le rapport d'analyse des offres et éléments de notation et de classement ; - L'offre de prix globale des candidats, retenus ou non ;
- Le dossier de candidature du groupement attributaire ;
L'acte d'engagement et ses annexes, après occultations des coordonnées bancaires ou RIB et de l'annexe financière
2°) avant dire droit, d'enjoindre au ministère de la Culture, Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la présente procédure ;
Au fond,
3°) D'ordonner au ministère de la Culture, Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes, de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;
4°) D'annuler toutes décisions consécutives aux irrégularités qui entachent la procédure de publicité et de mise en concurrence du Lot n°1 " Échafaudages/charpente/couverture " du marché public de travaux portant sur l'opération de " Travaux de Restauration des Cellules B, C, D et Rasure du Monastère de la Grande Chartreuse à Saint Pierre de Chartreuse (38) ", passé par la Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes du ministère de la Culture, et notamment, les décisions d'attribution du contrat et de rejet des offres éventuellement notifiées aux candidats ;
5°) D'enjoindre au ministère de la Culture, Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes, de reprendre la procédure au stade de la publicité préalable ;
6°) De condamner le ministère de la Culture à lui verser la somme de 5 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La société Entreprise Alain Le Ny soutient :
- qu'elle est recevable et bien fondée à agir ;
- que la candidature du groupement attributaire au regard des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché est irrégulière ; qu'en s'abstenant de déclarer irrégulière l'offre du groupement attributaire, le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; la prise en compte des moyens humains et matériels de la société André Vaganay Sas, alors que cette dernière ne présentait pas le niveau minimal de capacité technique requis au titre du marché, a nécessairement faussé l'analyse de l'offre du groupement attributaire s'agissant du critère portant sur la valeur technique pondérée à 70 % ;
- que le sous-critère " Pertinence des préventions de lutte contre les discriminations au travail " est irrégulier ; bien que non prépondérant, l'appréciation de ce sous-critère a nécessairement faussé l'analyse des offres au détriment de la requérante, qui a été classée 4ème sur ce sous-critère, et n'a obtenu qu'une note pondérée de 0,04 ;
- que l'offre du groupement attributaire a été analysée en tenant compte des moyens humains
et matériels dont dispose, notamment, la société André Vaganay Sas, et qui ont également une incidence sur l'organisation fonctionnelle du chantier, alors que cette dernière ne dispose pas du niveau de capacité technique requis pour candidater au lot n°1 du marché concerné ; il s'ensuit que les notes de 5/5 attribuées par le pouvoir adjudicateur au groupement attributaire sur les sous-critères " Pertinence des moyens humains et matériels " et " Pertinence des principes d'organisation fonctionnelle du chantier " sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- que les pièces produites par l'État et leur inventaire doivent être écartés des débats dès lors qu'ils ne sont pas conformes aux dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative ; il n'est, au demeurant, nullement démontré par des éléments de preuves, que ces
références auraient bien été produites à l'appui de la candidature du groupement.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 août 2023, la préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- La demande de production de pièces est irrecevable :
- Les moyens ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 août 2023, la Sas Vaganay, représentée par son représentant légal, ayant pour avocat Me Delay, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la demande de production de pièces à ce stade de la procédure est irrecevable ; que les moyens ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 11 et 14 août 2023, la société Les Métiers du Bois, représentée par son représentant légal, ayant pour avocat Me Soy, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à lui payer la somme de 3 600 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la demande de production de pièces à ce stade de la procédure n'est pas fondée ; que les documents sollicités par la société requérante sont sans lien avec les moyens soulevés ; que les moyens ne sont pas fondés.
Par un courrier du 11 août 2023, il a été demandé à la préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes de transmettre avant l'audience du 14 août 2023 toute pièce produite à l'occasion du dépôt de candidature ou dans le cadre de son examen justifiant que les sociétés Vaganay André Sas et Les métiers du Bois Lyon échafaudage, membres du groupement retenu, disposent des certificats Qualibat requis au titre du marché ou des équivalents.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Vial-Pailler pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique du 14 août 2023 ont été entendus :
- le rapport de M. Vial-Pailler, juge des référés ;
- les observations de Me Lavisse pour la société la société Entreprise Alain Le Ny, à qui il a été laissé un temps supplémentaire pour prendre connaissance du dernier mémoire de la société Les Métiers du Bois ;
- les observations de Me Soy pour la société Les Métiers du Bois ;
- les observations de Me Delay pour la société Vaganay.
Postérieurement à l'audience, Me Lavisse, pour la société la société Entreprise Alain Le Ny, a transmis une note en délibéré.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis de marché publié le 10 février 2023 au Bulletin Officiel d'Annonce des Marchés Publics (BOAMP), la Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes a lancé une procédure de passation adaptée en application de l'article L.2123-1 du code de la commande publique, pour l'attribution d'un marché public de travaux portant sur l'opération de travaux de restauration des cellules B, C, D et rasure du Monastère de la Grande Chartreuse à Saint Pierre de Chartreuse. Le marché concerné est un accord-cadre à bons de commande, alloti en 3 lots : Lot n°1 : Échafaudages/charpente/couverture, Lot n°2 : Menuiseries et vitraux, Lot n°3 : Maçonnerie. La société Entreprise Alain Le Ny, requérante, a candidaté à cette procédure et déposé une offre en groupement avec les sociétés Sarl Chardon Freres, Sarl Beaufils, Sas Cireme, pour l'attribution du lot n°1. Le 17 juillet 2023, le ministère de la Culture a adressé à la société requérante via la plateforme des achats de l'Etat, un formulaire de notification de rejet d'offre daté du même jour, dans lequel il est précisé que l'offre du groupement dont la requérante est mandataire n'a pas été retenue, et classée en 2ème position avec une note totale pondérée de 4,11/5 et que le marché public est attribué au groupement solidaire composé des sociétés Les Métiers du Bois, Lyon Echafaudage et André Vaganay Sas dont l'offre est économiquement la plus avantageuse avec une note totale pondérée de 4,46/5. La société Entreprise Alain Le Ny demande au juge des référés d'enjoindre au ministère de la Culture, Direction régionale des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes, de lui communiquer certains documents dans le cadre d'un avant-dire droit et d'annuler, notamment, toutes décisions consécutives aux irrégularités qui entachent la procédure de publicité et de mise en concurrence du Lot n°1.
Sur la demande de la société requérante tendant à ce que les pièces produites par la préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes soient écartées des débats :
2. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé () ". L 'article R. 414-5 du même code dispose : " () le requérant () est dispensé de transmettre l'inventaire détaillé des pièces lorsqu'il utilise le téléservice mentionné à l'article R.414-2 ou recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application mentionnée à l'article R. 414-1. () Lorsque le requérant recourt à la génération automatique de l'inventaire permise par l'application, l'intitulé du fichier décrit également le contenu de cette pièce de manière suffisamment explicite. "
3. La société requérante reproche à la préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes de ne pas avoir transmis un inventaire détaillé présentant, de manière exhaustive les pièces transmises le 11 août 2023. Toutefois, cette transmission fait suite à une mesure d'instruction du tribunal en date du 11 août 2023 sollicitant la production par les services de l'Etat des pièces produites à l'occasion du dépôt de candidature justifiant que les sociétés Vaganay André Sas, Les métiers du Bois et Lyon échafaudage, membres du groupement retenu, disposaient des certificats Qualibat requis au titre du marché ou des équivalents. Si la préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a utilisé la génération automatique de l'inventaire, a, en outre, transmis une autre pièce qui n'était pas demandée par le tribunal, les pièces produites sont mentionnées dans l'inventaire détaillé avec suffisamment de précisions. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le libellé des pièces n'est pas explicite et que celles-ci ne sont pas numérotées dans un ordre continu et croissant. Il n'y a pas lieu d'écarter ces pièces des débats.
Sur les conclusions avant-dire-droit et sur le moyen tiré de l'absence d'information relative aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue :
4. Aux termes de l'article L. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2181-1 du même code : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Enfin, aux termes de l'article R 2181-2 du même code applicable aux marchés passés selon une procédure adaptée : " Tout candidat ou soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été rejetée peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l'acheteur./ Lorsque l'offre de ce soumissionnaire n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, l'acheteur lui communique en outre les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché. ". L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence.
5. Le courrier de notification du 17 juillet 2023 indiquait à la société requérante que son offre n'était pas retenue, en lui fournissant ses notes par sous-critères et sa note globale après pondération. Elle lui indiquait, également, l'identité du groupement qui a présenté l'offre retenue, économiquement la plus avantageuse, en précisant le montant de cette offre et ses notes par sous-critères ainsi que sa note globale après pondération. Dès lors, la requérante a été suffisamment informée des motifs de rejet de son offre, conformément aux dispositions rappelées ci-dessus. La préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a ainsi respecté les obligations de publicité et de mise en concurrence qui s'imposaient à elle en vertu des articles L. 2181-1 et R. 2181-2 précités.
6. Par ailleurs, il n'entre pas dans l'office du juge des référés précontractuels d'ordonner la communication du procès-verbal d'ouverture des plis, du rapport d'analyse des candidatures, du rapport d'analyse des offres, qui sont des documents préparatoires. Si, par ailleurs, l'acte d'engagement de l'entreprise titulaire est en principe communicable, son dossier de candidature et ses annexes, comprenant notamment le bordereau unitaire de prix de l'entreprise attributaire, en ce qu'il reflète la stratégie commerciale de l'entreprise opérant dans un secteur d'activité et qu'il est susceptible, ainsi, de porter atteinte au secret commercial, n'est quant à lui, en principe, pas communicable. Enfin, les autres documents sollicités par la société requérante : le certificat de visite obligatoire des membres du groupement attributaire, la lettre de notification du marché, sont sans lien avec les moyens soulevés. Par suite, les conclusions de la société requérante aux fins d'injonction de communication avant-dire-droit doivent être rejetées. Enfin, contrairement à ce que soutient la société requérante, le refus de transmettre ces documents ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
7. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements de l'entité adjudicatrice à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
8. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes de son article L. 2152-2 : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ". Aux termes de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. /Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. ". Aux termes de l'article R. 2142-13 du même code : " L'acheteur peut imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié. A cette fin, dans les marchés de services ou de travaux et les marchés de fournitures nécessitant des travaux de pose ou d'installation ou comprenant des prestations de service[s], l'acheteur peut imposer aux candidats qu'ils indiquent les noms et les qualifications professionnelles pertinentes des personnes physiques qui seront chargées de l'exécution du marché en question. ". Aux termes de l'article R. 2142-14 du même code : " L'acheteur peut exiger que les opérateurs économiques disposent d'un niveau d'expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. Toutefois, l'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier, à elle seule, l'élimination d'un candidat. ". Aux termes de l'article 3, I de l'arrêté du 22 mars 2019, pris sur le fondement de l'article R. 2143-11 du code de la commande publique, l'acheteur public peut notamment exiger des candidats : " 12° Des certificats de qualification professionnelle établis par des organismes indépendants. Dans ce cas, l'acheteur accepte tout moyen de preuve équivalent ainsi que les certificats équivalents d'organismes établis dans d'autres Etats membres ". Aux termes de l'article R. 2142-25 du code de la commande publique : " L'appréciation des capacités d'un groupement d'opérateurs économiques est globale. Il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des capacités requises pour exécuter le marché ".
9. Aux termes de l'article 5.2 du règlement de consultation du marché en cause : " () le maître de l'ouvrage fixe les niveaux minimums de capacité suivants : - Lot n°1 : ÉCHAFAUDAGES / CHARPENTE / COUVERTURE : * Qualibat 413 Échafaudages (technicité supérieure) ou équivalent et références pour intervention sur des ouvrages équivalents sur des édifices classés M.H. ou inscrits I.S.M.H. de moins de trois ans ou équivalent * Qualibat 3194 Couverture des monuments historiques ou équivalent et références pour intervention sur des ouvrages équivalents sur des édifices classés M.H. ou inscrits I.S.M.H. de moins de trois ans ou équivalent * Qualibat 2393 Restauration de charpente des monuments historiques ou équivalent et références pour intervention sur des ouvrages équivalents sur des édifices classés M.H. ou inscrits I.S.M.H. de moins de trois ans ou équivalent. Aux termes de l'article 5.3. dudit du règlement : " Présentation de la candidature : () Le candidat remet à l'appui de son DUME l'ensemble des qualibat et diplôme exigé à l'article 5.2 du présent règlement de consultation () ". Aux termes de son article 5.4.2. Conditions de présentation : " () Dans le cas d'une candidature d'un groupement d'opérateurs économiques, chaque membre du groupement doit fournir l'ensemble des documents et renseignements attestant de ses capacités juridiques, professionnelles, techniques et financières. L'appréciation des capacités du groupement est globale. () ".
10. Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. Le pouvoir adjudicateur ne peut, dès lors, attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par ce règlement. Le choix de l'offre d'un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d'avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, quel qu'ait été son propre rang de classement à l'issue du jugement des offres, à moins qu'il ne résulte de l'instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l'offre qu'il présentait ne pouvait qu'être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable. Il résulte, également, des dispositions rappelées ci-dessus que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public et que cette vérification s'effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus par les prescriptions de l'arrêté ministériel précité. Les documents ou renseignements exigés à l'appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser.
11. La société requérante soutient que chacun des candidats, et notamment, chacun des membres du groupement attributaire aurait dû produire les certificats Qualibat concernés et des références sur des édifices classés Monuments Historiques, dans le cadre des justificatifs requis au titre des candidatures, qu'il résulte des pièces produites aux débats, que la société Vaganay André Sas ne dispose d'aucun des certificats de qualification Qualibat requis au titre du marché, alors même qu'elle doit intervenir pour réaliser des travaux de charpente et de couverture, qu'il en résulte que le ministère de la Culture n'a pas contrôlé les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution du marché en litige, et ne pouvait, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, attribuer le lot n°1 du marché en litige au groupement composé des sociétés Vaganay André Sas, Les métiers du Bois et Lyon échafaudage, dont les membres ne disposaient pas du niveau minimal de capacité requis au titre du règlement de la consultation et que par conséquent, la candidature dudit groupement aurait dû être écartée comme étant irrégulière.
12. S'il résulte, effectivement, de l'instruction que la société Vaganay André Sas ne dispose d'aucun des certificats de qualification Qualibat requis au titre du marché, la société Lyon Echaffaudage dispose, toutefois, du certificat Qualibat 1413 échaffaudage. La société Les Métiers du Bois dispose des certificats Qualibat 3194 couverture des monuments historiques et Qualibat 2393 restauration des charpentes des monuments historiques visés dans le règlement de la consultation. Ainsi que rappelé au point 9 ci-dessus, l'article 5.4.2 du règlement de consultation disposait que dans le cas d'une candidature d'un groupement d'opérateurs économiques, l'appréciation des capacités du groupement était globale. Cette disposition est d'ailleurs conforme à l'article R. 2142-25 du code de la commande publique, dont les dispositions sont rappelées au point 8, qui dispose que l'appréciation des capacités d'un groupement d'opérateurs économiques est globale et qui n'exige pas que chaque membre du groupement ait la totalité des capacités requises pour exécuter le marché. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'offre du groupement attributaire est irrégulière doit être écarté.
13. Au surplus, si la requérante soutient que les articles 5.3. et 5.4.2 dudit du règlement imposaient que chaque membre du groupement dispose de l'ensemble des certificats qualibat et diplômes exigés, il résulte des dispositions en cause que chaque membre du groupement pouvait fournir des certificats Qualibat ou des éléments équivalents. La société Vaganay a produit, outre ses références, des attestations de tiers indépendants, à savoir notamment des maîtres d'œuvre d'opérations, notamment, s'agissant de l'opération de la cathédrale Saint-Louis de Versailles, celle de l'architecte en chef des monuments historiques qui atteste de la qualité des travaux exécutés ou celle d'un architecte s'agissant de la reconstruction de la porterie de la Chartreuse de Prémol pour des travaux de couverture et de charpente. La société Vaganay a donc produit un moyen de preuve équivalent aux certificats de qualification professionnelle mentionnés dans le règlement de la consultation pour des travaux de couverture et de charpente, à savoir des références de prestations accompagnées d'attestations délivrées par un tiers indépendant prouvant la qualité technique des prestations antérieurement effectuées par le candidat dans les domaines couverts par les certifications en cause.
14. Enfin, la requérante fait valoir que l'offre du groupement attributaire a été analysée en tenant compte des moyens humains et matériels de la société Vaganay alors qu'elle ne disposait pas du niveau de qualification technique pour candidater, que la présentation de personnel qualifié pour la société requérante a eu des conséquences sur le prix, la conduisant à proposer un prix plus élevé. Toutefois, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Au surplus, il résulte de ce qui a été dit aux points 12 et 13 que la candidature de la société Vaganay était régulière. Dès lors, les moyens de l'entreprise pouvaient être pris en compte dans l'appréciation de l'offre du groupement attributaire. Il s'ensuit qu'il ne peut être reproché au pouvoir adjudicateur d'avoir dénaturé le contenu de l'offre de l'attributaire et d'avoir procédé ainsi à la sélection du groupement attributaire en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
15. Aux termes de l'article 6.1 du règlement de consultation : Présentation de l'offre : " L'offre du candidat comporte les pièces suivantes : * L'acte d'engagement (ATTRI 1) * Le mémoire technique du candidat répondant au cahier des charges et comprenant à minima les indication ci-dessous ; A Présentation des moyens humains et matériels, (6 pages maximum+ éventuelles annexes) qui comprend à minima La présentation de l'équipe dédiée : 1- Les CV indiquant les diplômes/formations/ les expériences/l'ancienneté au sein de la structure et les qualifications professionnelles pertinentes des personnes physiques qui seront chargées de l'exécution (réalisation des prestations) du marché. En cas de sous-traitance envisagé, afin de permettre l'analyse des CV remis, les DC4 sont à fournir 2- Les CV indiquant les diplômes/formations/ les expériences/l'ancienneté au sein de la structure et les qualifications professionnelles pertinentes des personnes physiques qui seront chargées de l'encadrement attaché au chantier accompagné des précisions sur les temps de présence envisagés sur le site et fréquence des visites ; 3- Les références en matière d'intervention dans un monument historique ou édifice à caractère patrimonial (programme proche de celui envisagé) de l'équipe dédiée au chantier 4- Le rôle de chacun des intervenant La présentation des moyens matériels () présentation du dispositif de prévention de lutte contre les discriminations au travail (2 page maximum +annexes éventuelles) qui comprend à minima 1- Actions mise/ à mettre en œuvre envers les personnes affectées à l'exécution du marché en matière de prévention et de lutte contre les discriminations au travail 2- Indicateurs de suivi (). ". Aux termes de son article 6.2. Examen des offres () 6.2.1. Critères d'attribution des offres
Les critères d'attribution sont les suivants :
Critères Sous-critères Pondérations des sous-critèresValeur technique (70%) Pertinence des moyens humains et matériels18%Pertinence des principes d'organisationfonctionnelle du chantier20%Pertinence du mode opératoire de l'intervention en rapport avec la spécificité de l'ouvrage30%Pertinence des prévention de lutte contre les discriminations au travail)2%Prix (30%)
16. La société requérante soutient que le CCTP et le règlement de la consultation imposaient que la main d'œuvre soit qualifiée, que les pièces produites en défense par la société André Vaganay ne satisfont pas aux exigences du RC, qui imposait la production des CV/diplômes/formations et expérience, ainsi que l'ancienneté des personnes chargées de l'exécution au sein de l'entreprise. Il s'ensuit, selon elle, que les notes de 5/5 attribuées par le pouvoir adjudicateur au groupement attributaire sur les sous-critères " Pertinence des moyens humains et matériels " et " Pertinence des principes d'organisation fonctionnelle du chantier " sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 14, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Par ailleurs, il ressort des extraits du mémoire technique du groupement attributaire produits par la société Les Métiers du Bois que le groupement a déposé une offre régulière comprenant un mémoire technique dans lequel les équipes sont présentées avec les diplômes, les formations, l'expérience et les références de chacun des salariés affectés à l'opération, répondant ainsi aux exigences de la consultation. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le groupement attributaire n'aurait pas remis un mémoire technique conforme aux exigences de l'article 6 du règlement la consultation.
17. La société requérante soutient que le sous-critère : " pertinence des préventions de lutte contre les discriminations au travail " dont le contenu est rappelé au point 15 ci-dessus est irrégulier car il ne serait pas lié à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution en violation des dispositions de l'article R. 2152-7 du code de la commande publique. Toutefois, à supposer même que ce critère ne soit pas lié aux conditions d'exécution du marché, la neutralisation de ce sous-critère ne permettait pas à l'offre du groupement dont la société Entreprise Alain Le Ny est le mandataire, d'être classé en première position.
18. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par la société Entreprise Alain Le Ny doivent être rejetées.
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
19. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Entreprise Alain Le Ny les sommes demandées par la Sas Vaganay et la société Les Métiers du Bois, en remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la société Entreprise Alain Le Ny est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Sas Vaganay et la société Les Métiers du Bois au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Entreprise Alain Le Ny, à la préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, à la Sas Vaganay et à la société Les Métiers du Bois.
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Fait à Grenoble, le 14 août 2023.
Le juge des référés, Le greffier,
C. VIAL-PAILLER S. AICHOUR
La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.