TA Grenoble, 20/10/2022, n°2206309

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 septembre 2022 et le 14 octobre 2022, la société Purfer, représentée par Me Michelin, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler, à titre principal, l'ensemble des décisions qui se rapportent à la phase d'analyse des offres de la procédure de passation du lot n°4 du marché public de service ayant pour objet "des prestations de location de bennes, de transport et de traitement des déchets issus des sept déchetteries intercommunales de la CCPEVA" passé par la communauté de communes pays d'Evian vallée d'Abondance ;

2°) d'annuler, à titre subsidiaire, l'ensemble des décisions qui se rapportent à la procédure de passation du lot n°4 du marché public de service ayant pour objet "des prestations de location de bennes, de transport et de traitement des déchets issus des sept déchetteries intercommunales de la CCPEVA" ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes pays d'Evian vallée d'Abondance la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la communauté de communes a méconnu les dispositions de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique en écartant son offre pour irrégularité.

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 octobre 2022 et le 17 octobre 2022, la communauté de communes pays d'Evian vallée d'Abondance conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Purfer la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen n'est pas fondé.

L'ensemble des pièces de la procédure a été communiqué à la société Chablais service propreté qui n'a pas produit au cours de la présente instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. A pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique du 17 octobre 2022 ont été entendus :

- le rapport de M. Vial-Pailler, juge des référés ;

- les observations de Me Pezin, représentant la société Purfer, qui a repris ses écritures.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 22 juin 2022, la communauté de communes pays d'Evian vallée d'Abondance (CCPEVA) a lancé une procédure de mise en concurrence, sous la forme d'un appel d'offres ouvert, ayant pour objet "des prestations de location de bennes, de transport et de traitement des déchets issus des sept déchetteries intercommunales de la CCPEVA". La date limite de remise des offres avait été fixée au 25 juillet 2022. La société Purfer a déposé une offre pour le lot n° 4 "Ferrailles". Par un courrier du 27 juillet 2022, la communauté de communes a interrogé la société sur son offre en lui demandant de la compléter. La société y a déféré le 1er août 2022. Le pouvoir adjudicateur a interrogé une nouvelle fois la société, le 10 août 2022, concernant le prix de location des bennes qui lui paraissait anormalement bas, la société requérante ayant répondu le 12 août 2022. Par un courrier du 27 septembre 2022, la CCPEVA a informé la société Purfer du rejet de son offre au motif de son irrégularité. La société demande l'annulation de l'ensemble des décisions se rapportant à cette procédure, à titre principal, au stade de l'analyse des offres, à titre subsidiaire, dans son intégralité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 551 1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. " L'article L. 551 2 du même code dispose que : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. Aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : "Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale". Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur est tenu de rejeter les offres irrégulières. Alors même qu'il aurait procédé à son examen et à son classement, il peut se prévaloir du caractère irrégulier, inapproprié ou inacceptable de l'offre présentée par l'auteur du référé pour soutenir, devant le juge du référé précontractuel, que celui-ci n'est pas susceptible d'être lésé par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu'il invoque.

5. Un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par les documents de la consultation. En l'espèce, l'offre de la société Purfer a été rejetée au motif que " les bennes proposées dans l'offre ne correspondent pas aux préconisations de l'article 8 du CCTP ". La communauté de communes précise en défense que cette offre a été écartée car elle ne correspond pas aux exigences de l'acheteur en termes de fonctionnalité, de peinture, d'aspect et de propreté.

6. L'article 8 du cahier des clauses techniques particulières stipule que : "Les bennes seront maintenues en bon état général (fonctionnalité, peinture, aspect, propreté). Elles seront en parfait état de fonctionnement et respecteront sans aucune dérogation les normes et règles relatives à la sécurité []". Il résulte de l'instruction que la société Purfer proposait d'utiliser dans le cadre de ce marché des bennes déjà amorties et actuellement utilisées sur les déchetteries de la CCPEVA en les remettant en état (sablage/peinture). Dès lors que l'entreprise s'était engagée dans son offre à remettre en état les bennes en cas d'attribution du marché, ce qui signifiait nécessairement qu'elles seraient en état dès le début d'exécution de ce marché, la communauté de communes ne pouvait écarter l'offre de la société requérante au motif que les bennes ne correspondaient pas aux exigences du cahier des clauses techniques et particulières stipulées à l'article 8 précité. Ce manquement, qui se rapporte à l'organisation même de la mise en concurrence, est susceptible d'avoir lésé la société requérante dès lors que son offre n'a pas été examinée par le pouvoir adjudicateur.

7. En conséquence, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, le manquement ci-dessus caractérisé justifie que la procédure de passation du marché soit annulée au stade de l'examen des offres et que la décision du 27 septembre 2022 par laquelle la CCPEVA a rejeté l'offre de la société Purfer soit également annulée. Il y a lieu d'enjoindre à la CCPEVA, si elle entend poursuivre l'attribution du marché, de reprendre la procédure au stade de l'examen des offres, en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Purfer, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la CCPEVA. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCPEVA la somme de 3 500 euros sollicitée par la société Purfer sur le fondement de ces mêmes dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : La procédure de passation du lot n°4 du marché public de service ayant pour objet " des prestations de location de bennes, de transport et de traitement des déchets issus des sept déchetteries intercommunales de la CCPEVA " est annulée au stade de l'analyse des offres.

Article 2 : La décision du 27 septembre 2022 par laquelle la communauté de communes pays d'Evian vallée d'Abondance a rejeté l'offre de la société Purfer est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la CCPEVA, si celle-ci entend poursuivre la procédure d'attribution du marché, de reprendre la procédure au stade de l'examen des offres.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Purfer, à la CCPEVA et à la société Chablais service propreté.

Fait à Grenoble, le 20 octobre 2022.

Le juge des référés, Le greffier,

C. VIAL PAILLER G. MORAND

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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