Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 19 novembre 2020, 25 février 2022 et 19 octobre 2023, la société Aéroport de La Réunion Roland Garros (ARRG), représentée par Me K'jan, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la décision du 2 juillet 2020 par laquelle la région Réunion a constaté des dépenses irrégulières d'un montant de 688 703,40 euros au titre du fonds européen de développement régional (FEDER) et a décidé le reversement d'une somme de 372 291,67 euros correspondant au montant des subventions irrégulièrement perçues suite au rejet des dépenses, ensemble la décision du 18 septembre 2020 de rejet de son recours gracieux ;
2°) d'annuler la note de calcul de l'instructeur en date du 1er mars 2021 ;
3°) de mettre à la charge de la région Réunion la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision du 2 juillet 2020 est insuffisamment motivée ;
- elle a été contrainte de présenter ses observations sur le rapport provisoire de la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) en pleine période de crise sanitaire sans bénéficier de la suspension des délais prévue par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- elle n'a pas été mise en mesure de discuter utilement les griefs susceptibles d'être retenus contre elle dès lors que leurs fondements ont été modifiés entre le rapport provisoire et le rapport définitif de la CICC ;
- la correction financière de 25 % qui lui a été appliquée s'agissant des lots n° 1 et n° 2 des marchés de travaux de mise en place d'aires de sécurité aux extrémités des pistes est, d'une part, infondée dès lors qu'elle pouvait restreindre l'accès au dossier de consultation en procédure restreinte en application des dispositions de l'article 56 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 et, d'autre part, disproportionnée en l'absence notamment d'incidence financière sur le budget de l'Union européenne ;
- la correction financière de 5 % qui lui a été appliquée s'agissant du lot n°1 sur la réalisation du " génie civil support du lot d'arrêt au seuil de la piste 30 " est infondée dès lors, d'une part, qu'elle pouvait limiter la sous-traitance au " génie civil " et, d'autre part, que la fourniture de ferraillage ne relève pas du génie civil mais constitue une prestation de fournitures qui ne peut faire l'objet d'une sous-traitance ;
- la correction financière de 10 % qui lui a été appliquée s'agissant de la " mission de contrôle technique pour les travaux : mise en place d'aires de sécurité aux extrémités des pistes (RESAS) " est, d'une part, infondée dès lors, d'abord, qu'elle a organisé une consultation directe pour laquelle elle a reçu trois devis donnant lieu à un acte d'engagement signé, ensuite, qu'elle a admis des négociations permettant à chacun de préciser sa proposition et d'échanger sur les points techniques restant à expliciter et, enfin, qu'elle a émis un bon de commande signé en bonne et due forme et, d'autre part, n'a pas eu d'incidence financière sur le budget de l'Union européenne ;
- la correction financière de 25 % qui lui a été appliquée s'agissant du marché de contrôle extérieur est infondée dès lors que le rapport définitif de la CICC sur lequel se base la décision attaquée, en retenant une correction d'un montant de 1 145 euros, tout en déclarant que la correction initialement envisagée n'était pas maintenue, est entaché d'une erreur matérielle.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 5 août 2021 et 28 novembre 2022, la région Réunion, représentée par Me Gaspar, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Aéroport de La Réunion Rolland Garros la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable :
- le recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision du 2 juillet 2020 est irrecevable dès lors qu'il s'agit d'une mesure d'exécution de la convention n° 20171042-0009251 en date du 9 mars 2017 conclue entre la région Réunion et la société ARRG
- aucun moyen de la requête n'est soulevé contre les décisions de la région Réunion, l'ensemble des moyens visant le rapport définitif de la CICC ;
- les conditions de saisine de l'administration par voie électronique n'ont pas été respectées par la société ARRG lors de la formation de son recours gracieux dès lors qu'elle ne s'est pas identifiée par son numéro SIRET conformément aux dispositions de l'article R. 112-9-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le recours gracieux n'était pas joint au courriel du 4 septembre 2020 adressé à l'administration ;
- en adressant son recours gracieux uniquement à des agents de la collectivité, la société ARRG ne saurait être regardée comme ayant valablement saisi la région Réunion d'un recours gracieux ;
- en l'absence de preuve de réception, par l'administration, le 4 septembre 2020, du recours gracieux formé par la société ARRG, la requête est tardive, le délai de recours expirant le 4 septembre 2020 ;
- la note de calcul de l'instructeur en date du 1er mars 2021 constitue une décision confirmative de la décision du 2 juillet 2020 qui ne peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés ne sont pas fondés :
- la décision du 2 juillet 2020 est suffisamment motivée ;
- la suspension des délais pendant la période d'urgence sanitaire prévue par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne s'applique pas au délai pour présenter des observations ;
- les griefs susceptible d'être retenus n'ont pas été modifiés entre le rapport provisoire et le rapport définitif de la CICC ;
- la correction financière de 25 % qui a été appliquée s'agissant des lots n° 1 et n° 2 des marchés de travaux de mise en place d'aires de sécurité aux extrémités des pistes est fondée dès lors que l'intégralité des documents de consultation doit être mis à disposition des opérateurs économiques potentiels dès la publication de l'avis d'appel à la concurrence ;
- la correction financière de 5 % qui a été appliquée s'agissant du lot n° 1 sur la réalisation du " génie civil support du lot d'arrêt au seuil de la piste 30 " est fondée dès lors qu'en interdisant au titulaire du marché de sous-traiter la réalisation du génie civil, la société ARRG a visé l'ensemble du marché et a donc limité excessivement le recours aux sous-traitants, alors qu'une telle limitation ne peut concerner que des tâches essentielles du marché ;
- la correction financière de 10 % qui a été appliquée s'agissant de la " mission de contrôle technique pour les travaux : mise en place d'aires de sécurité aux extrémités des pistes (RESAS) " est fondée dès lors que la société ARRG a conclu un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence, en méconnaissance des dispositions des articles 27 et 34 du décret n° 2016-360 ;
- la correction financière de 25 % qui a été appliquée s'agissant du marché de contrôle extérieur est fondées dès lors que la société ARRG ne conteste pas avoir émis un bon de commande antérieurement à la notification du marché.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'annulation dirigées contre la note de calcul de l'instructeur du 1er mars 2021 dès lors qu'elle constitue une mesure préparatoire à la liquidation des dépenses engagées par la région Réunion dans le cadre des travaux de l'aéroport Rolland Garros entrepris par la société ARRG qui ne fait pas grief et qui n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, enregistrées le 16 février 2024, ont été présentées par la société ARRG et communiquées à la région Réunion.
Elle soutient que la note de calcul demeure un acte faisant grief, susceptible d'être contesté bien qu'il n'intervienne pas à l'issue de l'opération globale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 1303/2013 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- la directive n° 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 ;
- la directive n °2014/25/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 ;
- la décision de la Commission du 14 mai 2019 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Le Merlus, conseiller,
- les conclusions de Mme Baizet, rapporteure publique,
- les observations de Me K'jan, représentant la société ARRG,
- et les observations de Me Garnier substituant Me Gaspar, représentant la région Réunion.
Considérant ce qui suit :
1. La société Aéroport de La Réunion Roland Garros (ARRG) est concessionnaire de l'aéroport Roland Garros et a entrepris des opérations d'aménagement des aires de sécurité aux extrémités des pistes - ou " Runway End Safety Area " (RESA) - et de renforcement du cordon littoral concerné qui l'ont amenée à passer, en qualité d'entité adjudicatrice, des marchés de maîtrise d'œuvre, d'assistance à maîtrise d'œuvre et de travaux.
2. La région Réunion, agissant en qualité d'organisme gestionnaire des ressources issues du fonds européen de développement régional (FEDER) Ile de La Réunion 2014-2020, a accepté d'accorder à la SA ARRG une subvention d'un montant de 9 109 112,51 euros au titre de ces ressources et a conclu à cet effet avec elle une convention attributive de subvention n° 20171042-0009251 en date du 9 mars 2017 ayant pour objet la mise en place des RESA et le renforcement de la zone littorale. A l'issue d'un audit des dépenses déclarées à la commission européenne dans le cadre du programme FEDER Réunion 2014-2020, la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) a relevé, dans un rapport du 14 mai 2020, plusieurs irrégularités en matière de passation des marchés publics pouvant conduire au reversement d'une partie des subventions.
3. Par une lettre du 2 juillet 2020, reçue le 3 juillet suivant, la région Réunion, en tant qu'autorité de gestion du fonds, a constaté des dépenses irrégulières pour un montant de 688 703,40 euros au titre d'une subvention émanant du FEDER et a décidé le reversement d'une somme de 372 291,67 euros correspondant au montant des subventions irrégulièrement perçues suite au rejet des dépenses qui sera déduite lors de la prochaine demande de paiement. Par un courriel du 4 septembre 2020, la société ARRG a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision qui a été rejeté par un courrier du président de la région Réunion du 18 septembre 2020, reçu le 22 suivant. Par la présente requête, la société ARRG demande l'annulation de ces deux décisions.
Sur la recevabilité des conclusions aux fins d'annulation de la note de calcul de l'instructeur en date du 1er mars 2021 :
4. Aux termes de l'article 31 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " La liquidation consiste à vérifier la réalité de la dette et à arrêter le montant de la dépense. Elle comporte : 1° La certification du service fait, par laquelle l'ordonnateur atteste la conformité à l'engagement de la livraison ou de la prestation. Dans les conditions et les modalités fixées par arrêté du ministre chargé du budget, cette conformité peut être présumée au regard de la nature de la dépense ou de l'évaluation des risques résultant notamment des dispositifs de contrôle interne ; 2° La détermination du montant de la dépense au vu des titres ou décisions établissant les droits acquis par les créanciers. ".
5. La note de calcul de l'instructeur du 1er mars 2021 intitulée " certification de service fait n° 2 ", qui actualise le coût total des opérations entreprises par la société ARRG pour tenir compte du reversement des subventions indument perçues conformément à la lettre du 2 juillet 2020, constitue une mesure préparatoire à la liquidation des dépenses engagées par la région Réunion dans le cadre des travaux de l'aéroport Rolland Garros entrepris par la société ARRG. Dès lors, cette note, qui ne fait pas grief, n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense contre cette décision, les conclusions de la requête tendant à son annulation sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 2 juillet 2020, ensemble la décision de rejet du recours gracieux du 18 septembre 2020 :
En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées en défense par la région Réunion :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " () L'autorité administrative ou l'organisme chargé de la gestion d'un service public industriel et commercial mentionné au premier alinéa de l'article 9-1 qui attribue une subvention doit, lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, conclure une convention avec l'organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l'objet, le montant, les modalités de versement et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée. () ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 juin 2001 pris pour l'application du chapitre II du titre II de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à l'accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives : " L'obligation de conclure une convention, prévue par le troisième alinéa de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, s'applique aux subventions dont le montant annuel dépasse la somme de 23 000 euros. "
7. Une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.
8. Les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet la décision même de l'octroyer, quelle qu'en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par la convention conclue en application de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d'octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir.
9. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'aide accordée à la société ARRG par la région Réunion revêt le caractère d'une subvention. Cette subvention, d'un montant de 9 109 112,51 euros a fait l'objet d'une convention attributive en date du 9 mars 2017 définissant son objet, son montant, ses modalités de versement ainsi que ses conditions d'utilisation. Ainsi, contrairement à ce que soutient la région Réunion en défense, cette convention a bien été conclue en application des dispositions précitées de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000. Dans ces conditions, la décision par laquelle la région Réunion a constaté des dépenses irrégulières pour un montant de 688 703,40 euros au titre d'une subvention émanant du FEDER et a décidé le reversement d'une somme de 372 291,67 euros correspondant au montant des subventions irrégulièrement perçues, constitue une décision administrative pouvant être portée devant le juge de l'excès de pouvoir par le bénéficiaire de la subvention et non une mesure d'exécution de la convention d'attribution devant faire l'objet d'un recours en contestation de validité. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense sur ce point doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge () ".
11. La région Réunion soutient que l'ensemble des moyens soulevés par la société ARRG ne sont pas dirigés contre les décisions contestées mais visent en réalité le rapport définitif de la CICC. Toutefois, bien que, par certains moyens, la société requérante conteste les griefs qui ont été formulés par la CICC dans son rapport, l'ensemble des moyens de la requête sont invoqués contre la décision de la région Réunion en date du 2 juillet 2020, laquelle se fonde sur les conclusions dudit rapport qui a été transmis parallèlement à la société ARRG. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense sur ce point doit être écartée.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 112-9-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Pour exercer son droit de saisir une administration par voie électronique, toute personne s'identifie auprès de cette administration dans le respect des modalités d'utilisation des téléservices définies en application du deuxième alinéa de l'article L. 112-9. / A cet effet, elle indique dans son envoi, s'il s'agit d'une entreprise, son numéro d'inscription au répertoire des entreprises et de leurs établissements () ".
13. La circonstance que le courriel du 4 septembre 2020 par lequel la société ARRG a formé son recours gracieux ne serait pas conforme aux prescriptions de l'article R. 112-9-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui visent les modalités d'utilisation des téléservices, n'a aucune incidence sur la recevabilité dudit recours gracieux dès lors que l'identité de son auteur ne faisait pas de doute. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense sur ce point doit être écartée.
14. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient la région Réunion, la société requérante démontre que le recours gracieux était bien joint à son courriel du 4 septembre. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense sur ce point doit être écartée.
15. En cinquième lieu, la circonstance que le recours gracieux n'ait pas été adressé directement au président de la région Réunion mais à des agents de la collectivité n'est pas de nature à considérer que la région Réunion n'aurait pas été valablement saisie. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense sur ce point doit être écartée.
16. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / () ". Aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. / Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l'exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l'égard de la décision initiale que lorsqu'ils ont été l'un et l'autre rejetés. ".
17. Il ressort des pièces du dossier que la société ARRG a adressé son recours gracieux par courriel à la région Réunion le 4 septembre 2020 à 15 heures 08, jour de l'expiration du délai de recours contre la décision du 2 juillet 2020. La région Réunion soutient qu'elle n'a reçu ce courriel que le 18 septembre suivant, date à laquelle le président de la région y a répondu. Toutefois, la société ARRG produit un rapport de remise de ce courriel indiquant que " la remise à ces destinataires ou groupe est terminée " mais qu'" aucune notification de remise n'a été envoyée par le serveur de destination ". Cette indication, qui procède de la configuration choisie par le serveur de destination, sans impliquer que le courriel ne serait pas parvenu à son destinataire, signifie seulement que le serveur de destination ne génère pas d'accusé de réception et donc n'autorise pas les rapports de remise. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que le recours gracieux formé par la société ARRG aurait été reçu postérieurement au 4 septembre 2020, date de son envoi. Ainsi, le recours gracieux a été exercé dans le délai de recours contentieux ouvert contre la décision du 2 juillet 2020 et a eu pour effet de l'interrompre. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense sur ce point ne peut qu'être écartée.
En ce qui concerne la légalité externe :
18. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 3° () imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits () ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Et aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. () ".
19. La décision par laquelle l'autorité administrative compétente remet en cause le montant d'une aide régie par un texte de l'Union européenne et notifie à son bénéficiaire les montants d'aide indûment perçus par celui-ci a le caractère d'une décision défavorable retirant une décision créatrice de droits au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, en tant qu'elle retire une aide financière qui avait été précédemment octroyée à son bénéficiaire. Ainsi, une telle décision doit être motivée et être précédée d'une procédure contradictoire.
20. En premier lieu, la décision du 2 juillet 2020 précise que l'audit des dépenses déclarées à la Commission européenne dans le cadre du programme FEDER Réunion 2014-2020 a donné lieu à un rapport définitif de la CICC du 14 mai 2020 faisant état de certains problèmes liés aux règles de passation des marchés publics. Elle conclut à des dépenses irrégulières d'un montant de 688 703,40 euros et renvoie le détail du calcul au rapport définitif du 14 mai 2020 qui a été transmis à la société requérante. Elle indique que ces dépenses irrégulières ont pour conséquence le reversement d'une somme de 372 291,67 euros correspondant au montant des subventions indument perçues et que cette somme sera déduite lors de sa prochaine demande de paiement. Enfin, elle mentionne que le rapport a conclu, à titre principal, à un taux de 25% de rejet des dépenses sur les marchés de travaux RESA (lots 1 et 2) qui ne pourront donc pas faire l'objet de subventions. Ainsi, l'administration a indiqué sans ambiguïté les motifs du reversement de la subvention accordée à la société ARRG au titre du FEDER. Dès lors, la décision est suffisamment motivée au regard des exigences mentionnées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
21. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Lorsqu'ils n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l'administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er, sauf lorsqu'ils résultent d'une décision de justice. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci () ". La période mentionnée au I de l'article 1er de cette ordonnance s'étend entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.
22. Contrairement à ce que la société requérante soutient, ni les dispositions précitées de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020, ni aucune autre disposition de cette ordonnance n'imposaient que le délai qui lui a été imparti par l'administration pour présenter des observations sur le rapport provisoire de la CICC, qui expirait le 24 mars 2020, soit suspendu jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, dès lors que le délai suffisant qu'il appartient à l'administration de fixer pour permettre à la personne intéressé de présenter des observations sur les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration résulte uniquement de la jurisprudence administrative et non d'un texte légal ou règlementaire. En tout état de cause, la société ARRG a bénéficié d'un délai suffisant de quatorze jours pour présenter ses observations écrites sur le rapport provisoire de la CICC, qui a d'ailleurs été prorogé de sept jours sur sa demande, afin de tenir compte de la période d'urgence sanitaire. En outre, elle n'établit pas dans quelle mesure les conditions sanitaires ou les restrictions liées à l'état d'urgence sanitaire ne lui auraient pas permis de présenter des observations utiles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit en tout état de cause être écarté.
23. En troisième lieu, la société ARRG soutient qu'elle n'a pas été mise en mesure de discuter utilement les griefs susceptibles d'être retenus contre elle dès lors que leurs fondements ont été modifiés par la CICC entre le rapport provisoire et le rapport définitif.
24. D'une part, la CICC reproche à la société ARRG, s'agissant des lots n° 1 et 2 des marchés de travaux de mise en place d'aires de sécurité aux extrémités des pistes, d'avoir irrégulièrement restreint l'obtention du dossier de marché, l'ensemble du dossier de consultation n'étant pas accessible aux candidats potentiels à compter de la publication de l'avis de marché. Il ressort des pièces du dossier que la CICC s'est fondée, dans son rapport définitif, sur la directive 2014/25/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux dite " secteurs spéciaux ", alors qu'elle s'était fondée, dans son rapport provisoire, sur la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics dite " secteur classique ". Toutefois, cette circonstance n'a pas privé la société requérante du droit de se défendre sur ce grief dès lors que le champ d'application des deux directives sur la mise à disposition des documents de marché par voie électronique est similaire, alors, au demeurant, que ce changement de fondement résulte de la prise en compte des observations de la société ARRG sur le rapport provisoire de la CICC.
25. D'autre part, s'agissant du grief tiré de la limitation de la sous-traitance pour la réalisation du génie civil pour le lot n°1 sur la réalisation du " génie civil support du lot d'arrêt au seuil de la piste 30 ", il ressort des pièces du dossier qu'il n'a donné lieu à aucune correction financière de la région Réunion. Dès lors, la circonstance, à la supposer établie, que la société ARRG aurait été privée du droit de se défendre sur ce grief en raison du changement de fondement retenu par la CICC entre le rapport provisoire et le rapport définitif, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
26. Il résulte des motifs énoncés ci-dessus aux points 24 et 25 que le moyen tiré de ce que la société requérante n'aurait pas été mise en mesure de discuter utilement les griefs susceptibles d'être retenus contre elle en raison de la modification de leurs fondements en cours de procédure doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
27. En vertu de l'article 125 du règlement (UE) n° 1303/2013 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2013, l'autorité de gestion s'assure du respect du droit applicable à l'opération sélectionnée pour bénéficier des aides financières du FEDER. Aux termes de l'article 143 du même règlement : " 1. Il incombe en premier lieu aux États membres de rechercher les irrégularités, de procéder aux corrections financières nécessaires et d'entamer des procédures de recouvrement. () / 2. Les États membres procèdent aux corrections financières requises en rapport avec les irrégularités individuelles ou systémiques détectées dans les opérations ou les programmes opérationnels. Les corrections financières consistent à annuler tout ou partie de la participation publique pour une opération ou un programme opérationnel. L'État membre tient compte de la nature et de la gravité des irrégularités et de la perte financière qui en résulte pour le Fonds ou pour le FEAMP et applique une correction proportionnée. () ". Par ailleurs, une décision de la Commission du 14 mai 2019, disponible tant aux juges qu'aux parties sur internet, établissant les lignes directrices pour la détermination des corrections financières à appliquer aux dépenses financées par l'Union en cas de non-respect des règles en matière de marchés publics prévoit différents taux de correction, établis au regard de la nature de l'irrégularité observée, de sa gravité et de la perte financière qui en a résulté pour le Fonds concerné.
S'agissant du grief tiré des restrictions à l'obtention du dossier d'appel d'offres :
Quant au bien-fondé de la correction financière opérée :
28. La décision de la Commission du 14 mai 2019, établissant les lignes directrices pour la détermination des corrections financières à appliquer aux dépenses financées par l'Union en cas de non-respect des règles en matière de marchés publics prévoit qu'un taux de correction de 25 % sur le montant des dépenses déclarées pour le marché concerné est appliqué pour l'irrégularité suivante indiquée au cas n° 5 de l'annexe de cette décision : " Lorsque le pouvoir adjudicateur n'a pas du tout offert, par moyen électronique, un accès gratuit, sans restriction, complet et direct aux documents de marché () ".
29. D'une part, aux termes du 1° de l'article 73 de la directive 2014/25/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 : " Les entités adjudicatrices offrent, par voie électronique, un accès gratuit, sans restriction, complet et direct aux documents de marché à partir de la date de publication d'un avis (). ". Aux termes de l'article 74 de la même directive : " 1. Dans les procédures restreintes, les procédures de dialogue compétitif, les partenariats d'innovation et les procédures négociées avec mise en concurrence préalable, les entités adjudicatrices invitent simultanément et par écrit les candidats retenus à présenter leurs offres, à participer au dialogue ou à négocier. () 2. Les invitations visées au paragraphe 1 du présent article mentionnent notamment l'adresse électronique à laquelle les documents de marché ont été mis directement à disposition par voie électronique. () ".
30. D'autre part, aux termes de l'article 39 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, dans sa version alors applicable : " I. - Les documents de la consultation sont gratuitement mis à disposition des opérateurs économiques sur un profil d'acheteur à compter de la publication de l'avis d'appel à la concurrence (). / Lorsque l'appel à la concurrence est effectué au moyen d'un avis de préinformation ou d'un avis périodique indicatif, cet accès est offert à compter de l'envoi de l'invitation à confirmer l'intérêt. / Lorsque l'appel à la concurrence est effectué au moyen d'un avis sur l'existence d'un système de qualification, cet accès est offert dès que possible et au plus tard à la date d'envoi de l'invitation à soumissionner. / L'adresse du profil d'acheteur sur lequel les documents de la consultation sont accessibles est indiquée dans l'avis ou, le cas échéant, l'invitation. () ". Et aux termes de l'article 56 du même décret : " L'acheteur invite simultanément et par écrit les candidats admis à soumissionner ou à participer au dialogue. / En cas () de procédure négociée avec mise en concurrence préalable (), l'invitation comprend au minimum les informations suivantes : / () / 6° L'adresse du profil d'acheteur sur lequel les documents de la consultation sont mis à disposition des candidats. () ".
31. Il appartient aux autorités administratives nationales, sous le contrôle du juge, d'exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par la règlementation applicable en donnant à celle-ci, dans les cas où elle se trouve dans le champ d'application d'une règle communautaire, une interprétation qui soit conforme au droit communautaire.
32. Ainsi, il résulte des dispositions combinées des articles 39 et 56 du décret du 25 mars 2016, interprétées à la lumière du paragraphe 1 de l'article 73 de la directive 2014/25/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 74 de la même directive, que si, dans le cadre des marchés publics passés selon la procédure négociée avec mise en concurrence préalable dont la procédure donne lieu à la publication d'un avis d'appel à la concurrence, l'invitation à soumissionner doit comprendre l'adresse du profil acheteur sur lequel les candidats admis peuvent consulter les documents de la consultation, ces documents doivent également être mis gratuitement à disposition des candidats potentiels sur un profil acheteur à compter de la publication de l'avis d'appel à la concurrence, sous réserve des exceptions figurant aux alinéas 2, 3 et 4 de l'article 39 du décret du 25 mars 2016.
33. En l'occurrence, la région Réunion, sur le fondement du rapport définitif de la CICC, reproche à la société ARRG, s'agissant des lots n° 1 et 2 des marchés de travaux de mise en place d'aires de sécurité aux extrémités des pistes, passés selon la procédure négociée avec mise en concurrence préalable, d'avoir irrégulièrement restreint l'obtention du dossier de marché, l'ensemble du dossier de consultation n'ayant pas été accessible à compter de la publication de l'avis de marché. Il n'est pas contesté que les documents de consultation n'ont pas été mis à disposition des candidats potentiels dans l'avis de marché, seuls les candidats admis à soumissionner ayant pu avoir accès aux documents de consultation à la suite de l'envoi des lettres d'invitation à soumissionner, en méconnaissance des dispositions combinées des articles 39 et 56 du décret du 25 mars 2016, interprétées à la lumière du paragraphe 1 de l'article 73 de la directive 2014/25/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 74 de la même directive. Ainsi, la société ARRG n'a pas du tout offert, par moyen électronique, un accès gratuit, sans restriction, complet et direct aux documents de marché.
34. Il s'ensuit que la passation des lots n°1 et 2 des marchés de travaux de mise en place d'aires de sécurité aux extrémités des pistes pour le financement desquels une subvention émanant du FEDER a été attribuée à la société ARRG est entachée d'une irrégularité au sens du point n° 5 de l'annexe de la décision de la Commission du 14 mai 2019. En outre, la société requérante n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir qu'une telle irrégularité n'aurait pas eu pour effet de préjudicier au budget de l'Union européenne, les types d'irrégularités pour lesquels une correction forfaitaire est prévue étant, en application de la décision précitée de la Commission, ceux considérés comme ayant une incidence financière.
35. Il résulte des motifs énoncés aux points 28 à 34 que la société ARRG n'est pas fondée à soutenir que la correction financière opérée lui aurait été infligée à tort.
Quant à la proportionnalité de la correction financière opérée :
36. Bien qu'il résulte de la décision précitée de la Commission du 14 mai 2019 que les corrections financières effectuées sur la base d'un barème de taux forfaitaires respectent le principe de proportionnalité, les dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 143 du règlement (UE) n° 1303/2013 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2013, imposent cependant également à l'autorité nationale compétente de déterminer le montant de la correction à appliquer en tenant compte de trois critères, à savoir la nature de l'irrégularité constatée, sa gravité et la perte financière qui en a résulté pour le fonds concerné.
37. Ainsi qu'il a été dit au point 33, les documents de consultation n'ont pas été mis à disposition des candidats potentiels dans l'avis de marché, seuls les candidats admis à soumissionner ayant pu y avoir accès à la suite de l'envoi des lettres d'invitation à soumissionner. La société ARRG soutient que six candidatures ont néanmoins été présentées sur le lot n° 1. Toutefois, en l'absence d'information notamment sur les critères d'attribution du marché lors de la publication de l'avis d'appel public à la concurrence, d'autres opérateurs économiques ont pu être empêchés de déterminer, en toute connaissance de cause, si le marché était, ou non, susceptible de les intéresser et, par conséquent, de présenter une offre. En outre, il n'est pas exclu que certaines clauses ou certains critères du marché aient pu être modifiés par l'entité adjudicatrice une fois les soumissionnaires sélectionnés. Dans ces conditions, compte tenu de la nature et de la gravité de l'irrégularité constatée, qui est susceptible d'avoir eu une influence sur le choix de l'attributaire et par conséquent sur le prix du marché, ainsi que de la perte financière qui en a nécessairement résulté pour le FEDER, le taux de 25 % retenu pour le calcul de la correction financière opérée sur les dépenses éligibles au fonds n'est pas manifestement disproportionné.
S'agissant du grief tiré de la limitation de la sous-traitance :
38. Ainsi qu'il a été dit au point 25, il ressort des pièces du dossier que le grief tiré de la limitation de la sous-traitance pour la réalisation du génie civil pour le lot n° 1 sur la réalisation du " génie civil support du lot d'arrêt au seuil de la piste 30 " n'a donné lieu à aucune correction financière de la région Réunion. Par suite, la société ARRG ne peut utilement soutenir qu'une correction financière lui aurait été infligée à tort.
S'agissant du grief tiré du défaut de publication des conditions d'exécution du marché dans le cahier des charges :
39. La décision précitée de la Commission du 14 mai 2019 prévoit qu'un taux de correction de 10 % sur le montant des dépenses déclarées pour le marché concerné est appliqué pour l'irrégularité suivante indiquée au cas n° 9 de l'annexe de cette décision : " Défaut de publication des conditions d'exécution des marchés ou du cahier des charges dans l'avis de marché ".
40. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, alors applicable : " I. Les marchés publics soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. () ". Aux termes de l'article 27 du décret du 25 mars 2016 : " Lorsque la valeur estimée du besoin est inférieure aux seuils de procédure formalisée, l'acheteur peut recourir à une procédure adaptée dont il détermine librement les modalités en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. / Lorsque l'acheteur a prévu de négocier, il peut attribuer le marché public sur la base des offres initiales sans négociation, à condition d'avoir indiqué dans les documents de la consultation qu'il se réserve la possibilité de le faire. / Lorsque l'acheteur se réfère expressément à l'une des procédures formalisées, il est tenu de l'appliquer dans son intégralité. ". Aux termes de l'article 34 du même décret : " I. - Pour les marchés publics passés selon une procédure adaptée en vertu de l'article 27 : / 1° L'Etat, ses établissements publics autres qu'à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements procèdent à une publicité dans les conditions suivantes : / a) Lorsque la valeur estimée du besoin est inférieure à 90 000 euros HT, l'acheteur choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché public, notamment le montant et la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause ; () ".
41. Il résulte de ces dispositions que les marchés passés selon la procédure adaptée prévue par l'article 27 du décret du 25 mars 2016 sont soumis, quel que soit leur montant, aux principes généraux prévus par l'article 1er de l'ordonnance du 23 juillet 2015 précité. Si la personne responsable du marché est libre, lorsqu'elle décide de recourir à la procédure dite adaptée, de déterminer, sous le contrôle du juge administratif, les modalités de publicité et de mise en concurrence appropriées aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé, ce choix, toutefois, doit lui permettre de respecter les principes généraux précités qui s'imposent à elle.
42. En l'occurrence, la région Réunion, sur le fondement du rapport définitif de la CICC, reproche à la société ARRG, s'agissant du marché de " contrôle technique pour les travaux : Mise en place d'aires de sécurité aux extrémités des pistes (RESAS) " un manque de publicité au motif que le recours et les modalités de négociation ne sont pas abordés dans le dossier de consultation. Il n'est pas contesté que la valeur du besoin de la société ARRG à l'origine du marché en cause était inférieure à 90 000 euros hors taxe et que cette société a décidé de recourir à la procédure dite adaptée. Dès lors, si la société était libre de déterminer les modalités de publicité et de mise en concurrence appropriées aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé, ce choix devait lui permettre de respecter les principes généraux de la commande publique qui s'imposent à elle. La société ARRG, qui reconnaît s'être contentée d'avoir " organisé une consultation directe pour laquelle elle a reçu trois devis donnant lieu à un acte d'engagement signé par le titulaire " et " avoir admis des négociations permettant à chacun de préciser sa proposition et d'échanger sur les points techniques restant à expliciter ", ne conteste pas ne pas avoir publié dans le dossier de consultation le recours et les modalités de négociation. Ainsi, la société n'a pas publié les conditions d'exécution du marché dans le cahier des charges.
43. Il s'ensuit que la passation de ce marché public est entachée d'une irrégularité au sens du point 9 de l'annexe. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 34, la société requérante n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir qu'une telle irrégularité n'aurait pas pour effet de préjudicier au budget de l'Union européenne, les types d'irrégularités pour lesquels une correction forfaitaire est prévue étant, en application de la décision précitée de la Commission, ceux considérés comme ayant une incidence financière.
44. Il résulte des motifs énoncés aux points 39 à 43 que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la correction financière en litige lui aurait été infligée à tort.
S'agissant du grief tiré de l'insuffisance de la piste d'audit lors de l'attribution du marché :
45. La décision précitée de la Commission du 14 mai 2019 prévoit qu'un taux de correction de 100 % sur le montant des dépenses déclarées pour le marché concerné est appliqué pour l'irrégularité suivante indiquée au cas n° 16 de l'annexe de cette décision : " Le refus d'accorder l'accès à la documentation pertinente constitue une irrégularité essentielle, étant donné que le pouvoir adjudicateur ne fournit pas la preuve que la procédure de passation de marché a été conforme aux règles applicables. " Elle prévoit en outre qu'un taux de correction de 25 % est appliqué pour l'irrégularité suivante également indiquée au cas n°16 de l'annexe : Lorsque " la documentation pertinente () est insuffisante pour justifier l'attribution du marché, ce qui entraîne un manque de transparence ".
46. Dans son rapport provisoire, la CICC reprochait à la société ARRG, s'agissant du marché de contrôle extérieur pour les travaux RESAS, d'avoir émis un bon de commande avant même la notification du marché. Dans son rapport définitif, la correction de 100 % correspondant à une somme de 7 350 euros, qui était initialement envisagée, n'a pas été maintenue par la CICC qui a proposé une correction d'un montant de 1 145 euros. Cette correction financière a été appliquée par la région Réunion. Toutefois, ainsi que le fait valoir la société ARRG, ce montant correspond à la somme figurant sur le bon de commande en cause. En outre, il ne correspond pas non plus au taux de 25 % pouvant être appliqué sur le montant des dépenses déclarées pour le marché concerné. Dans ces conditions, le rapport définitif de la CICC est entaché d'une inexacte application de la décision de la Commission du 14 mai 2019 qui a été reproduite par la région Réunion. Dès lors, la décision de la région Réunion est elle-même entachée d'illégalité. Il s'ensuit que la correction financière d'un montant de 1 145 euros infligée à la société ARRG par la région Réunion a été prononcée à tort.
47. Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 2 juillet 2020 et la décision de rejet du recours gracieux du 18 septembre 2020 doivent être annulées en tant qu'elles concluent à un montant de dépenses irrégulières supérieur à 687 558,40 euros et par voie de conséquence à un reversement des subventions correspondant supérieur à ce montant de dépenses irrégulières.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
48. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Réunion, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, la somme demandée par la société ARRG au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la région Réunion présentées au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 2 juillet 2020 et la décision de rejet du recours gracieux du 18 septembre sont annulées en tant qu'elles concluent à un montant de dépenses irrégulières supérieur à 687 558,40 euros et par voie de conséquence à un reversement des subventions correspondant supérieur à ce montant de dépenses irrégulières.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Aéroport de La Réunion Roland Garros et à la région Réunion.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Khater, présidente,
M. Banvillet, premier conseiller.
M. Le Merlus, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe du tribunal le 5 mars 2024.
Le rapporteur,
T. LE MERLUS
La présidente,
A. KHATER
La greffière,
J. BELENFANT
La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
P/la greffière en chef
La greffière,
J. BELENFANT
jb