TA Lyon, 19/02/2024, n°2401033


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er, 7, 8 et 9 février 2024, la société Ait Transports, représentée par Me Lambert, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre à la communauté de communes Bugey-Sud de reprendre au stade de l'analyse des offres la procédure de passation du marché public d'exploitation d'un service de transport à la demande sur le territoire communautaire pour lui attribuer le marché ou, à défaut, d'annuler la procédure ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes Bugey-Sud la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la communauté de communes Bugey-Sud doit démontrer qu'elle n'a pas dénaturé son offre ni celle de l'attributaire ;

- la structure du marché n'est pas identifiable faute d'indication précise dans le dossier de consultation des entreprises sur les clauses de réexamen, en méconnaissance du principe de transparence des procédures ;

- ce principe a également été méconnu en l'absence de définition précise de la consistance des prestations relatives à la mise en place d'une centrale de réservation ;

- son offre n'était pas irrégulière.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2024, la communauté de communes Bugey-Sud, représentée par Me Dumas, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Ait Transports au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'offre de la société Ait Transports n'était pas conforme aux prescriptions de l'article 4.2.1 du cahier des clauses techniques particulières ;

- le moyen tiré de la dénaturation des offres est inopérant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- les manquements invoqués sont sans lien direct avec l'éviction de la société Ait Transports.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- et les observations de Me Lambert pour la société Ait Transports et celles de Me Masson pour la communauté de communes Bugey-Sud ;

À l'issue de laquelle la juge des référés a clos l'instruction ;

Et pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 11 février 2024 présentée pour la société Ait Transports.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".

2. Par un avis de marché publié le 7 novembre 2023, la communauté de communes Bugey-Sud a lancé une procédure formalisée d'appel d'offres ouvert pour l'attribution d'un marché de fournitures courantes et de services ayant pour objet l'exploitation d'un service de transport à la demande sur le territoire communautaire. Par un courrier du 17 janvier 2024, la société Ait Transports a été informée que son offre, classée en deuxième position, n'avait pas été retenue et que le marché avait été attribué à la société Scop Titi Floris. La société Ait Transports demande au juge des référés d'enjoindre à la communauté de communes Bugey-Sud de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres pour lui attribuer le marché ou, à défaut, d'annuler la procédure.

3. En premier lieu, l'article 4.2.1 du cahier des clauses techniques particulières stipule que l'âge moyen des véhicules n'excédera pas quatre ans. La société Ait Transports n'a pas précisé dans son offre le renouvellement de sa flotte en cours de marché, alors qu'il résulte des cartes grises et des devis qu'elle a fournis en réponse à la demande de précisions de la communauté de communes Bugey-Sud, que l'âge moyen de sa flotte serait de 3,3 ans en début de marché. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la communauté de communes aurait dénaturé son offre, qui ne respectait pas la limite d'âge moyen imposée pour le parc de véhicules, en lui attribuant la note de 12 au sous-critère relatif à la qualité du parc de véhicules destiné à la prestation, noté sur 20 points. Il ne résulte pas de l'instruction que la communauté de communes aurait dénaturé le contenu de l'offre de la société Scop Titi Floris qui a obtenu, à ce sous-critère, la note maximale. Si la société Ait Transports soutient que son offre méritait d'obtenir la même note, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par l'acheteur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique : " Un marché peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence dans les conditions prévues par voie réglementaire, lorsque : / 1° Les modifications ont été prévues dans les documents contractuels initiaux ; / (). ". Aux termes de l'article R. 2491-1 du même code : " Le marché peut être modifié lorsque les modifications, quel que soit leur montant, ont été prévues dans les documents contractuels initiaux sous la forme de clauses de réexamen, dont des clauses de variation du prix ou d'options claires, précises et sans équivoque. / Ces clauses indiquent le champ d'application et la nature des modifications ou options envisageables ainsi que les conditions dans lesquelles il peut en être fait usage. ".

5. L'article 17 du cahier des clauses administratives particulières prévoit qu'une procédure de réexamen des conditions d'exécution du marché pourra être menée en application des dispositions citées au point 4 dans le cas où un ou deux véhicules supplémentaires devraient être mis à disposition pour faire face à une hausse significative de la demande et dans le cas où le titulaire devrait mettre en place sa propre centrale de réservation si la centrale de réservation régionale ne donnait pas satisfaction. Cet article, dépourvu d'ambiguïté sur le fait qu'il prévoit deux clauses de réexamen du marché, indique que le coût supplémentaire engendré par les deux prestations issues du réexamen sera chiffré dans le bordereau de prix unitaires. Les candidats étaient informés aux articles 2.4 et 5.2 du cahier des clauses techniques particulières du rôle précis de la centrale de réservation et aux articles 3.2.4 et 4.2.2 de ce cahier, relatifs à la gestion des réservations et au nombre de véhicules, de ce qu'ils devaient détailler leur organisation et les moyens potentiellement mobilisés. Les informations dont disposaient les candidats sur les clauses de réexamen et la consistance des prestations, notamment celles relatives à la gestion des réservations, qui étaient suffisantes pour permettre à la société Ait Transports d'élaborer une meilleure offre au regard du sous-critère relatif aux moyens mis en œuvre pour les clauses de réexamen, ont assuré le respect du principe de transparence des procédures.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Ait Transports n'est pas fondée à demander qu'il soit enjoint à la communauté de communes Bugey-Sud de reprendre au stade de l'analyse des offres la procédure de passation du marché ni son annulation. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 1 400 euros à verser à la communauté de communes Bugey-Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Ait Transports est rejetée.

Article 2 : La société Ait Transports versera à la communauté de communes Bugey-Sud la somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés Ait Transports et Scop Titi Floris et à la communauté de communes Bugey-Sud.

Fait à Lyon, le 19 février 2024.

La juge des référés,

C. Michel

La greffière,

S. Hosni

La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier