TA Martinique, 18/11/2022, n°2100749

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021, la société Colas Martinique, représentée par la Selas Fiducial legal by Lamy, agissant par Me Salamand, demande au juge des référés :

1°) de condamner la commune de Saint-Pierre à lui verser une provision d'un montant de 44 125,30 euros HT, assortie des intérêts moratoires et leur capitalisation, ainsi qu'une somme de 40 euros par facture pour indemnité forfaitaire de recouvrement en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable dès lors qu'un mémoire en réclamation préalable a été adressé au maître d'ouvrage concernant l'ensemble des factures impayées ;

- la créance au principal présente un caractère incontestable, dans son principe et son quantum puisque son exécution n'a jamais été contestée par le maître d'ouvrage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2022, la commune de Saint-Pierre, représentée par Me Dumont, conclut à ce qu'il n'y ait pas lieu à statuer sur la requête dès lors que le paiement des factures litigieuses est intervenu le 25 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n°2013-100 du 28 janvier 2013 ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 5 avril 2016, la commune de Saint-Pierre a conclu avec la société Colas Martinique, un marché public de travaux ayant pour objet la fourniture et la mise en œuvre de produits bitumineux sur le territoire communal de la ville de Saint-Pierre, s'exécutant à bons de commande. La société Colas Martinique demande au juge des référés de condamner la commune de Saint-Pierre à lui verser une provision d'un montant de 44 125,30 euros hors taxe, assortie des intérêts moratoires et leur capitalisation, ainsi qu'une somme de 40 euros par facture pour indemnité forfaitaire de recouvrement en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : "Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

3. Il résulte de l'instruction que consécutivement à l'émission des deux bons de commande en date des 22 octobre 2019 et 15 novembre 2019, deux factures n°19120293 et 19120280, ont été régulièrement déposées sur la plateforme Chorus par la société Colas Martinique. Après plusieurs demandes de paiement demeurées infructueuses, la société requérante a adressé au maître d'ouvrage un mémoire en réclamation le 26 novembre 2021, reçu le 6 décembre 2021 par la commune de Saint-Pierre. Il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites en défense par la commune que le paiement de ces deux factures a été réalisé le 25 mars 2022, ce que la société Colas ne conteste pas. Dans cette mesure, les conclusions tendant au versement d'une provision d'un montant de 44 125,30 euros hors taxe, doivent être regardées comme étant, à la date de la présente ordonnance, dépourvues d'objet. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur de telles conclusions.

Sur les intérêts moratoires et leur capitalisation :

4. Aux termes de l'article 37 de la loi n°2013-100 du 28 janvier 2013 : "Les sommes dues en principal par un pouvoir adjudicateur, y compris lorsqu'il agit en qualité d'entité adjudicatrice, en exécution d'un contrat ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public sont payées, en l'absence de délai prévu au contrat, dans un délai fixé par décret qui peut être différent selon les catégories de pouvoirs adjudicateurs. / Le délai de paiement prévu au contrat ne peut excéder le délai fixé par décret". L'article 1er du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 applicable au litige précise : "Le délai de paiement prévu au premier alinéa de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée est fixé à trente jours pour les pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu'ils agissent en tant qu'entité adjudicatrice. ()". En outre, aux termes de l'article 39 de la même loi : "Le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ou l'échéance prévue au contrat. / Ces intérêts moratoires sont versés au créancier par le pouvoir adjudicateur".

5. En application des dispositions citées au point précédent la société Colas Martinique a droit aux intérêts moratoires sur les sommes de 35 407,78 euros et 12 468,17 euros, toutes charges comprises, restées impayées au-delà d'un délai de trente jours à compter de la date de réception de la demande de paiement de chacune des factures jusqu'à la date effective de paiement fixée au 25 mars 2022. En revanche, la capitalisation des intérêts a été demandée le 14 décembre 2021, date d'introduction de la présente requête. A la date du présent jugement, il n'était pas dû une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande.

Sur les frais de recouvrement :

6. Aux termes de l'article 40 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 : "Le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. ()". Aux termes de l'article 9 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 : "Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est fixé à 40 euros". En l'espèce, il résulte de l'instruction que deux factures ont été réglées postérieurement à l'expiration du délai de paiement. Dans ces conditions, la créance relative à l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 80 euros n'est pas sérieusement contestable. Par suite, il y a lieu de condamner la commune de Saint-Pierre à verser à la société Colas Martinique la somme de 80 euros qu'elle réclame, à titre de provision.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation".

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre, la somme de 1 500 euros à verser à la société Colas Martinique.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au versement d'une provision d'un montant de 44 125,30 euros hors taxe, au titre de la créance principale.

Article 2 : La commune de Saint-Pierre est condamnée à verser à la société Colas Martinique, à titre de provision, les intérêts moratoires sur les sommes de 35 407,78 euros et 12 468,17 euros, toutes charges comprises, à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de leur paiement effectif intervenu le 25 mars 2022.

Article 3 : La commune de Saint-Pierre est condamnée à verser à la société Colas Martinique une provision d'un montant de 80 euros au titre de l'indemnité pour frais de recouvrement.

Article 4 : La commune de Saint-Pierre versera à la société Colas Martinique la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Colas Martinique et à la commune de Saint-Pierre.

Fait à Schœlcher, le 18 novembre 2022.

La juge des référés,

H. Rouland-Boyer

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

A lire également