TA Strasbourg, 14/10/2022, n°2206121
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 16 septembre 2022, et un mémoire enregistré
le 11 octobre 2022, la société Urban Dumez, représentée par Me Deleau, demande au juge des référés :
1°) de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la passation du marché de conception-réalisation ayant pour objet la réhabilitation et la résidentialisation de 263 logements collectifs ainsi que 8 locaux d'activité rue Tarade - Quai des Belges à Strasbourg ;
2°) d'enjoindre à l'office public de l'habitat de l'Eurométropole de Strasbourg (OPHEA) de reprendre la procédure de passation du marché contesté au stade de l'analyse des offres ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'OPHEA de l'Eurométropole de Strasbourg une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'OPHEA a manqué à l'article R. 2181-4 du code de la commande publique ;
- son offre a été dénaturée sur le critère de la qualité architecturale, technique et fonctionnelle :
* en ce qui concerne le nombre de salle de bains qu'elle s'était engagée à réaliser : conformément à ce qu'autorisait le " cahier des écarts ", elle a proposé de réhabiliter 25% des salles de bains dans le cadre du BPU ;
* elle a proposé 20% de places de stationnement en IRVE, conformément à l'article 8.1 du programme ;
* elle a proposé la dépose du calorifugeage dans le cadre de son BPU ;
* il n'est pas démontré que les halls d'entrée qu'elle proposait auraient été d'une taille excessive ;
- son offre a également été dénaturée sur le critères des performances énergétiques et environnementales :
* le non-remplacement des menuiseries extérieures des combles, communs et sous-sols était sans incidence majeure sur la performance énergétique du bâtiment ;
* elle avait prévu d'isoler toutes les surfaces donnant sur un logement, ce qui inclut, par suite, les refends béton ;
* il est inexact de prétendre que sa proposition de production d'eau chaude sanitaire semi-instantanée induisait des coûts excessifs ;
* elle avait prévu de compenser les abattages d'arbres au-delà du programme ;
* l'écart de 15 points sur le critère 3.5 n'est justifié par aucun élément ;
* elle remplissait toutes les conditions pour obtenir le maximum de points au critère 3.6 ;
- elle a été enfin dénaturée sur le critère de la méthodologie d'intervention :
* le plan d'installation exigé par l'OPHEA excédait le stade AVP+ et le plan proposé était en toute hypothèse suffisamment précis ;
* le champ des interventions de la société SOLIHA, maître d'œuvre d'accompagnement social, était précisé, notamment en ce qui concerne l'accompagnement en phase de garantie de parfait achèvement ;
- ces erreurs ont été de nature à léser ses intérêts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2022, l'office public de l'habitat de l'Eurométropole de Strasbourg, représentée par Me Zimmer, demande au juge des référés de rejeter la requête et de mettre à la charge de la société Urban Dumez une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les notes obtenues aux différents sous-critères lui ont été communiquées par courrier du 30 septembre 2022 ;
Sur la dénaturation :
- celle-ci doit résulter d'une altération manifeste des termes de l'offre ;
- le programme prévoyait la réhabilitation de la totalité des salles de bains dans l'offre de base ; les salles de bain non réalisées devaient intervenir en moins-value ;
- le pouvoir adjudicateur a, au cours du dialogue, demandé l'équipement de l'ensemble des places de stationnement extérieur en IRVE ;
- le désamiantage des calorifugeages ne devait pas être traité dans le cadre du BPU ;
- la question de la taille des halls relève du pouvoir d'appréciation du pouvoir adjudicateur, non de la dénaturation ;
- il en va de même du non-remplacement de la totalité des menuiseries ;
- il en va de même de la question de savoir si les refends béton devaient être isolés ;
- s'agissant du mode de production d'eau chaude, la société requérante ne peut se prévaloir d'aucun intérêt lésé, ayant obtenu la note maximale au titre de ce sous-critère ; en toute hypothèse, l'absence de ballon de stockage était susceptible d'entraîner une surconsommation ;
- les arbres abattus étaient nombreux, bien que compensés ;
- le plan d'installation de chantier était l'un des deux éléments d'appréciation du sous-critère noté sur 10 points, sur un total de 1 000 ; en toute hypothèse, le pouvoir adjudicateur pouvait exiger des précisions sur la circulation des riverains sans dénaturer l'offre de la société requérante ;
- l'appréciation du caractère insuffisamment dimensionné de la présence sur le site de l'interface locataire ne relève pas de la dénaturation ; en toute hypothèse, la société n'apportait pas d'éléments sur sa présence sur site en période de garantie de parfait achèvement ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Boutot, premier conseiller, en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les requêtes visées audit article.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 11 octobre 2022 à 14h00 :
- le rapport de M. Boutot, juge des référés ;
- les observations de :
* Me Papin, représentant la société Urban Dumez, qui revient sur les sous-critères qui font problème, et notamment : le sous-critère 3.3 dès lors qu'OPHEA a retenu l'absence de complément d'isolation sur les murs de refends qui était nécessairement incluse dans l'isolation des logements ; le sous-critère 3.5 dès lors qu'aucun élément n'est fourni pour expliquer la note inférieure
de 15 points ; le sous-critère 3.6, dès lors que tous les éléments nécessaires ont été produits ; le sous-critère 4.1, dès lors que l'écart important de notes ne se justifie pas au vu des pièces produites ;
* Me Zimmer, représentant l'OPHEA, qui fait valoir que les manquements reprochés à la société Urban Dumez proviennent notamment des imprécisions de son offre, qu'en toute hypothèse, ces manquements ne relèvent pas du cadre de la dénaturation qui doit être manifeste et que la procédure de dialogue compétitif mis en œuvre est de nature à prévenir le risque de dénaturation.
La clôture d'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel à la concurrence publié le 28 janvier 2021, l'office public de l'habitat de l'Eurométropole de Strasbourg (ci-après : " OPHEA "), a lancé une procédure de dialogue compétitif en vue de l'attribution d'un marché de conception-réalisation en vue de la réhabilitation et la résidentialisation de 263 logements collectifs ainsi que 8 locaux d'activité situés rue Tarade - Quai des Belges à Strasbourg. Le marché a été attribué au groupement CKD, la société Urban Dumez se classant deuxième. La société Urban Dumez demande, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de toute décision se rapportant à la passation du marché et d'enjoindre à l'OPHEA de reprendre la procédure de passation au stade de l'analyse des offres.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-2 de ce même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".
3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent
En ce qui concerne le manquement à l'obligation d'information :
4. Aux termes de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : / () 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ". L'information sur les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre dont est destinataire l'entreprise évincée de la procédure de conclusion d'un marché public a notamment pour objet de permettre à l'auteur de cette offre de contester utilement le rejet qui lui a été opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Toutefois, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations mentionnées à l'article R. 2181-4 du code de la commande publique a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.
5. En l'espèce, par des courriers des 6 septembre 2022 et 30 septembre 2022, l'OPHEA a informé la société Urban Dumez des notes obtenues aux différents critères et
sous-critères et l'a également informée des principaux motifs ayant justifié, pour chaque critère, une notation moindre. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique doit être écarté.
En ce qui concerne la dénaturation de l'offre de la société Urban Dumez :
6. S'il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres, il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
7. En premier lieu, le courrier du 6 septembre 2022, par lequel l'OPHEA informe la société Urban Dumez du rejet de son offre, indique que " votre offre de base déroge au programme quant au nombre de bains réalisées ". La société Urban Dumez invoque une dénaturation de son offre en faisant valoir qu'elle avait prévu la réhabilitation de 75% des salles de bains dans le cadre de son offre de base, et de traiter, au cas par cas, les 25% restant dans le cadre du bordereau de prix unitaire (BPU), comme le cahier des écarts l'y autorisait, de sorte que son offre concernait bien 100% des salles de bain du projet. Toutefois, dans le cadre du dialogue compétitif avec le pouvoir adjudicateur, celui-ci, par un courrier du 16 mai 2022, a indiqué à la société Urban Dumez que " les pistes d'économie ne doivent pas porter sur la diminution du nombre [de salles de bains] dans l'offre de base. (). Les salles de bains non réalisées car en bon état interviendront en moins-value sur le marché ". Il en résulte que la possibilité offerte aux candidats d'évaluer, dans le cadre du BPU, le prix d'une rénovation de salle de bain, était sans préjudice de l'obligation, pour eux, de présenter une offre de base incluant la totalité des salles de bains, les salles de bain ne nécessitant pas de travaux intervenant ensuite en moins-value sur la base du BPU proposé. A la différence, la société Urban Dumez a proposé, dans son offre de base, de réhabiliter 75% des salles de bains, et de traiter, en prestations supplémentaires éventuelles chiffrées sur la base du BPU, les salles de bains supplémentaires dont l'état justifierait des travaux. Dans ces conditions, l'OPHEA n'a pas dénaturé l'offre de la société Urban Dumez en estimant que celle-ci ne répondait pas aux exigences du programme.
8. En deuxième lieu, la société Urban Dumez soutient que l'OPHEA, qui a jugé
non-conforme au programme le nombre de places de stationnement IRVE qu'elle proposait, à savoir 20% de l'ensemble des places, a dénaturé son offre. Toutefois, si l'article 8.1 du programme (indice E) prévoyait effectivement qu'au moins 20% des places de stationnement devaient être équipées pour la mise en place de bornes de recharge électrique, l'article 5.2 du règlement de consultation stipule que le rendu final de l'offre devra intégrer les demandes et remarques faites au cours du dialogue compétitif avec le maître d'ouvrage. Or, en l'espèce, par un courrier du 16 mai 2022, le pouvoir adjudicateur a demandé à la société Urban Dumez de " prévoir le pré-équipement de l'ensemble des places de stationnement extérieures pour mise en place ultérieure IRVE ". Dans ces conditions, l'OPHEA n'a pas dénaturé l'offre de la société requérante en estimant que celle-ci ne répondait pas à ses attentes.
9. En troisième lieu, la société Urban Dumez soutient que l'OPHEA, qui a estimé qu'elle avait prévu de conserver le calorifugeage amianté, a dénaturé son offre. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le pouvoir adjudicateur avait décidé de procéder au retrait des matériaux amiantés et que le calorifugeage des réseaux, à la différence d'autres éléments, avait été diagnostiqué comme contenant de l'amiante, de sorte que son retrait s'imposait de manière certaine. Or, dans un courrier du 25 août 2022 en réponse aux questions de l'OPHEA, la société Urban Dumez a indiqué qu'elle traiterait a dépose du calorifugeage dans le cadre du BPU amiante et ajouté que " le calorifugeage est globalement en bon état et performant ". Une telle appréciation, et compte tenu du recours au BPU, pouvait être de nature à laisser penser que la dépose du calorifugeage se ferait au cas par cas et selon l'état du calorifugeage, et non de façon globale, comme il était exigé. Par suite, eu égard à ces ambiguïtés affectant la présentation de l'offre de la société Urban Dumez, la dénaturation n'est pas établie.
10. En quatrième lieu, la société Urban Dumez soutient qu'en jugeant que les halls d'entrée envisagés étaient de dimension trop importante, l'OPHEA a dénaturé son offre. Toutefois, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Or, la question de savoir si les halls proposés par la société Urban Dumez étaient d'une taille appropriée notamment pour éviter les risques de squat relève de l'appréciation du mérite de son offre. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté comme irrecevable dans le cadre de la présente instance.
11. En cinquième lieu, la société Urban Dumez soutient qu'en considérant que le remplacement limité des menuiseries qu'elle proposait portait atteinte à la qualité environnementale du projet, l'OPHEA a dénaturé son offre. Toutefois, la question de savoir si la performance énergétique du bâtiment était, ou non, dégradée en raison d'un remplacement des menuiseries dans les seuls logements et non dans les combles, communs et sous-sols, relève de l'appréciation du mérite des offres, et non de la dénaturation. Par suite, et pour les mêmes motifs qu'au point précédent, le moyen doit être écarté comme irrecevable dans le cadre de la présente instance.
12. En sixième lieu, la société Urban Dumez soutient que l'OPHEA, qui lui a reproché l'absence de complément d'isolation sur les murs de refends béton, a dénaturé son offre, dès lors que celle-ci, qui prévoyait l'isolation de tous les logements, incluait nécessairement l'isolation des murs de refends. Il résulte, toutefois, de l'instruction qu'en réponse à une question du pouvoir adjudicateur, la société Urban Dumez a indiqué, par courrier du 25 août 2022, que " toutes les surfaces donnant sur un logement seront isolées ". Or, d'une part, cette réponse, qui ne mentionne pas expressément les murs de refends, ne permet pas d'assurer de façon certaine au pouvoir adjudicateur qu'il était prévu de les isoler. D'autre part, il n'est pas établi que la totalité des murs de refends du projet se trouverait dans les seuls logements. Dans ces conditions, compte tenu de l'imprécision de l'offre de la société Urban Dumez, la dénaturation n'est pas établie.
13. En septième lieu, la société Urban Dumez soutient que la note de 35/50 obtenue au titre du sous-critère 3.5 de la " performance environnementale du projet (confort thermique, confort acoustique) " n'est justifiée par aucun élément, dès lors que le courrier de rejet
du 6 septembre 2022 ne fait état d'aucun reproche au titre de ce sous-critère. Toutefois, le fait que ce courrier, qui se limite à indiquer à la société Urban Dumez les principales insuffisances de son offre, ne contienne aucune mention en ce qui concerne le sous-critère 3.5, n'implique pas que le pouvoir adjudicateur n'aurait pas régulièrement évalué ce sous-critère et n'aurait pas relevé certaines insuffisances, quand bien même il ne les aurait pas expressément indiquées. La dénaturation n'est pas établie.
14. En huitième lieu, la société Urban Dumez soutient que la note de 10/25 au titre du sous-critère 3.6 " subventions : respect des prérequis techniques et fournitures des justificatifs " est entachée de dénaturation dès lors qu'elle avait fourni l'ensemble des documents requis.
Un tel moyen, toutefois, qui conteste la note obtenue au regard des pièces fournies, se rattache directement à l'appréciation du mérite des offres, et non à leur dénaturation, et doit dès lors être écarté comme irrecevable.
15. En neuvième lieu, la société Urban Dumez soutient qu'en considérant que la production semi-instantanée d'eau chaude sanitaire, qu'elle proposait, induisait des surcoûts d'abonnement et de raccordement, l'OPHEA a dénaturé son offre qui aboutissait à des économies substantielles. Il résulte, toutefois, de l'instruction que le pouvoir adjudicateur a estimé que la solution technique ainsi proposée, si elle permet des économies en situation normale, était néanmoins susceptible d'entraîner d'importants surcoûts en cas de tension du système de production d'eau chaude sanitaire. Dans ces conditions, la dénaturation manifeste, qui ne résulte pas de l'instruction, n'est pas établie. Le moyen doit être écarté.
16. En dixième lieu, la société Urban Dumez soutient qu'en estimant que les abattages d'arbres proposés étaient " nombreux ", l'OPHEA a dénaturé son offre, qui prévoyait de remplacer les arbres abattus au-delà de ce qui était demandé. Il résulte, toutefois, de l'instruction que le programme ne prévoyait que l'abattage des arbres malades, de sorte qu'en proposant l'abattage d'un plus grand nombre d'arbres que les seuls arbres malades, la société Urban Dumez a effectivement proposé de " nombreux " abattages, quel que soit, par ailleurs, le nombre d'arbres replantés. Dans ces conditions, la dénaturation n'est pas établie. Le moyen doit être écarté.
17. En onzième lieu, la société Urban Dumez soutient que les reproches émis par l'OPHEA sur le manque de précisions de son plan d'installation de chantier excèdent ce qu'il est permis d'attendre des candidats au stade de l'avant-projet. Un tel moyen se rattache, toutefois, à l'appréciation du mérite des offres et n'est pas de nature, en toute hypothèse, à caractériser une dénaturation. Le moyen doit être écarté.
18. En douzième lieu, la société Urban Dumez soutient qu'en estimant que, s'agissant de l'accompagnement social et de l'interface locataire, la présence prévue sur site était insuffisamment dimensionnée et imprécise en ce qui concerne la période de garantie de parfait achèvement, l'OPHEA a dénaturé son offre. Toutefois, un tel moyen, qui met en cause la note obtenue au regard des pièces produites que la société Urban Dumez juge suffisantes, se rattache directement à l'appréciation du mérite des offres, et non à leur dénaturation. Le moyen doit être écarté comme irrecevable dans le cadre de la présente instance.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Urban Dumez ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais d'instance :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'OPHEA une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Urban Dumez une somme de 1 500 euros à verser à l'OPHEA au même titre.
O R D O N N E :
Article 1 : La requête de la société Urban Dumez est rejetée.
Article 2 : La société Urban Dumez versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à l'office public de l'habitat de l'Eurométropole de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Urban Dumez et à l'office public de l'habitat de l'Eurométropole de Strasbourg.
Fait à Strasbourg, le 14 octobre 2022.
Le juge des référés,
Laurent BOUTOT
La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Marie-Claude SCHMIDT