TA Strasbourg, 09/03/2023, n°2301196
TA Strasbourg, 09/03/2023, n°2301196
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Rees, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique tenue le 7 mars 2023 en présence de Mme Immelé, greffière d'audience, M. A a lu son rapport et entendu :
- les observations de Mme B, pour la région Grand Est, qui a conclu aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans ses écritures et a, en outre, déclaré avoir été mise à même d'analyser utilement les écritures déposées par la société Neqo le matin de l'audience et soutenu qu'aucun des moyens qui y sont développés n'est fondé.
Aucune des autres parties n'était présente ou représentée.
L'instruction a été close à l'issue de l'audience du 7 mars 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis de marché envoyé le 5 décembre 2022, la région Grand Est a engagé une procédure négociée en vue de l'attribution d'un accord cadre mono-attributaire pour la mise à disposition, l'hébergement et la maintenance d'un logiciel de gestion des achats et d'un profil acheteur ainsi que l'assistance aux utilisateurs. A l'issue de la première étape de la procédure, de sélection des candidats admis à présenter une offre, la candidature du groupement constitué par les sociétés Neqo, CKS et Omnikles a été écartée par une décision du 9 février 2023. La société Neqo conteste la régularité de cette éviction.
Sur la demande de suspension de la signature du contrat :
2. Aux termes de l'article L. 551-4 du code de justice administrative : "Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle". Eu égard aux effets que ces dispositions confèrent à la saisine du juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint à la région Grand Est de différer la signature du contrat en litige sont sans objet et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les autres demandes :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet () la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () ". En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution ". L'article R. 2142-13 de ce code dispose : " L'acheteur peut imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l'expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié. A cette fin, dans les marchés de services ou de travaux et les marchés de fournitures nécessitant des travaux de pose ou d'installation ou comprenant des prestations de service, l'acheteur peut imposer aux candidats qu'ils indiquent les noms et les qualifications professionnelles pertinentes des personnes physiques qui seront chargées de l'exécution du marché en question ". Enfin, selon l'article R. 2142-16 de ce code : " L'acheteur qui entend limiter le nombre de candidats indique, dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt, les critères objectifs et non-discriminatoires qu'il prévoit d'appliquer à cet effet, le nombre minimum de candidats qu'il prévoit d'inviter et, le cas échéant, leur nombre maximum ".
5. Le règlement de candidature de la procédure en litige limite à trois le nombre de candidats qui seront invités à présenter une offre et indique que les critères de sélection des candidatures sont les suivants : la capacité financière, pondérée à hauteur de 15 %, la capacité technique, décomposée en trois sous-critères et pondérée à hauteur de 45 % au total, et la capacité professionnelle, pondérée à hauteur de 40 %. Le groupement auquel appartient la société Neqo a obtenu la note totale de 69,02 sur 100, en quatrième position du classement derrière les trois candidats retenus, dont les notes totales s'échelonnent entre 73,80 et 92 sur 100.
En ce qui concerne le critère de la capacité financière :
6. Il résulte de l'instruction que le groupement auquel appartient la société Neqo a obtenu la troisième meilleure note au regard du critère de la capacité financière. Son éviction ne résultant ainsi pas de l'application de ce critère, l'irrégularité alléguée de ce dernier n'est pas susceptible d'avoir lésé la requérante.
En ce qui concerne le critère de la capacité technique :
7. Il résulte de l'instruction que le groupement auquel appartient la société Neqo a obtenu la note maximale au regard du critère de la capacité technique. Par suite, et alors même que les autres candidats ont, eux aussi, obtenu la note maximale sur ce critère, l'irrégularité alléguée de ce dernier n'est pas susceptible d'avoir lésé la requérante.
En ce qui concerne le critère de la capacité professionnelle :
8. En premier lieu, en mentionnant dans le règlement de candidature le critère de la capacité professionnelle, avec sa pondération et la précision qu'il est basé sur " la pertinence des références sur l'objet des prestations objets de l'accord-cadre sur les trois dernières années incluant une complexité de déploiement (notamment eu égard au nombre de directions/services concernés chez un même client) auprès d'opérateurs public ", la région Grand Est a fourni aux candidats une information appropriée à son sujet et n'a, par suite, pas manqué à son obligation de transparence.
9. En second lieu, les affirmations de la requérante quant à la pertinence de ses références, selon elle nettement meilleures que celles des autres candidats ne sont étayées par aucun élément concret, alors qu'il ne lui est nullement impossible de justifier, à tout le moins, de ses propres qualités ainsi que, puisqu'elle parvient à la décrire de manière circonstanciée, de la faiblesse alléguée des références du candidat ayant obtenu la note la plus élevée sur le critère de la valeur professionnelle. Ces affirmations ne sauraient, par elles-mêmes, suffire à démontrer que la région Grand Est aurait dénaturé le contenu des candidatures ou fait application de sous-critères cachés, ni même à justifier qu'il soit ordonné à cette dernière de produire des éléments complémentaires afin de le vérifier.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Neqo, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ne peuvent qu'être rejetées.
O R D O N N E :
Article 1 : La requête de la société Neqo est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Neqo et à la région Grand Est. Copie en sera adressée aux sociétés Atexo, SIS Marchés et Ordiges France Sasu.
Fait à Strasbourg, le 9 mars 2023.
Le juge des référés,
P. A
La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,