TA Melun, 23/05/2024, n°1810858


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 21PA00197 du 30 juin 2021, la cour administrative d'appel de Paris, saisie d'un appel présenté par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Seine-et-Marne, a annulé l'ordonnance du président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Melun en date du 20 novembre 2020 ayant donné acte du désistement du SDIS de Seine-et-Marne sur le fondement de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative et a renvoyé l'affaire au tribunal pour qu'il soit statué sur les conclusions de la requête n° 1810858, enregistrée le 27 décembre 2018.

Par cette requête et un mémoire complémentaire, enregistré le 29 juillet 2021, le SDIS de Seine-et-Marne, représenté par Me Fergon, avocat, demande au tribunal :

1°) de condamner la société HTP Est à lui verser une somme totale de 160 412,62 euros à titre de réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison des malfaçons commises dans la réalisation des travaux de construction de la cour des manœuvres du centre d'incendie et de secours de Vaux-le-Pénil ;

2°) de mettre à la charge de la société HTP Est une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité de la société HTP Est :

- la responsabilité de la société HTP Est est engagée, à titre principal, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle de droit commun, à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement et, à titre très subsidiaire, sur le fondement de la garantie décennale ;

- sa responsabilité est engagée à raison des malfaçons commises dans la réalisation des travaux de construction de la cour des manœuvres du centre d'incendie et de secours de

Vaux-le-Pénil et ayant justifié l'émission de réserves à la réception, dès lors que la constitution de la cour des manœuvres construite par la société HTP Est est défectueuse en ce que, en premier lieu, elle n'est pas formée d'une chaussée dite " lourde ", en méconnaissance des préconisations du cahier des charges afférent, en deuxième lieu, les couches de fondation et de base ont été confondues, alors en outre qu'aucun feutre Bidim n'a été posé sous la couche de fondation, contrairement à ce qu'imposaient les documents contractuels et, en dernier lieu, cette chaussée est composée d'un matériau inapproprié en raison de son caractère trop argileux et de sa courbe granulométrique inadaptée ;

- les désordres qui résultent de ces malfaçons sont en tout état de cause de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, alors au demeurant que la cour des manœuvres n'est plus utilisée depuis sa construction en 2008 ;

En ce qui concerne la réparation du préjudice :

- en raison des malfaçons commises par la société HTP Est, une réfection complète de la chaussée de la cour des manœuvres, d'une surface totale de 1 250 mètres carrés, est nécessaire, pour un montant total de travaux estimés à hauteur 139 200 euros HT, auxquels doivent être ajoutés, d'une part, le coût de la maitrise d'œuvre à hauteur de 10% de ce montant, d'autre part, le coût de l'assurance dommages-ouvrages à hauteur de 2,5% de ce montant et, enfin, le coût du bureau de contrôle à hauteur de 1,5% de ce même montant ;

- ce total doit être augmenté de 1,0868% correspondant au montant de TVA résiduelle après reversement du FCTVA.

Par quatre mémoires en défense, enregistrés le 13 mars 2019, 24 août 2021, 19 janvier 2022 et 27 novembre 2023, la société HTP Est, représentée par Me Puillet, avocat, conclut :

1°) à titre principal, à la nomination d'un expert ayant pour mission de se rendre sur les lieux, de décrire l'état général de la cour de manœuvre, de dire si cet état est normal, eu égard aux quinze années écoulées depuis sa construction, de décrire et mesurer les surfaces anormalement détériorées et de prendre toutes photographies nécessaires ;

2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit ordonné l'ouverture d'une enquête et de désigner un membre du tribunal ayant les mêmes missions ;

3°) à titre plus subsidiaire encore, au rejet des conclusions de la requête du SDIS de Seine-et-Marne et de mettre à sa charge une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société HTP Est fait valoir que :

- à titre liminaire, les travaux litigieux ont été réceptionnés avec réserves le 1er février 2008, lesdites réserves ayant été levées le 29 août 2008 alors, au demeurant, que la mainlevée de la caution bancaire garantissant le marché a été fournie par le SDIS le 22 octobre 2009 ;

En ce qui concerne l'engagement de sa responsabilité :

- sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors, d'une part, que la détérioration ponctuelle de la chaussée de la cour des manœuvres est le résultat du passage de camions provenant de chantiers voisins et, d'autre part, que la constitution technique de la chaussée qualifiée de " semi-rigide " était conforme à son utilisation et, en particulier, au faible nombre de passages quotidiens de poids lourds, eu égard aux 23 interventions moyennes du centre d'intervention de Vaux-le-Pénil induisant uniquement 46 passages par jour, de sorte qu'aucune défaillance de la fondation et du fond de forme de la chaussée n'est à l'origine des désordres invoqués par le SDIS ;

En ce qui concerne la réparation du préjudice :

- l'expert de l'assurance dommages-ouvrages a estimé le coût des réparations à un montant total de 15 000 euros HT alors, en outre, que l'âge de l'ouvrage est de nature à remettre en cause le montant total demandé par le SDIS aux fins de refaire l'intégralité de la cour des manœuvres.

L'instruction a été close le 30 janvier 2024 par une ordonnance du même jour prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Par un courrier du 12 avril 2014, il a été demandé au SDIS de Seine-et-Marne et à la société HTP Est, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire l'ensemble des procès-verbaux de réception des travaux du marché en litige, avec mention de la levée ou du maintien des réserves et comprenant l'intégralité des annexes à ces procès-verbaux, le rapport du bureau d'études Abrotec du 18 juin 2012 et tout devis ou facture permettant d'établir le montant de l'évaluation du coût des travaux, valeur 2013.

Les pièces, produites en réponse à cette demande par la société HTP Est et le SDIS de Seine-et-Marne, ont été enregistrées les 15 avril 2024 et 24 avril 2024 et communiquées respectivement les 15 avril et 25 avril 2024.

Par un second courrier du 7 mai 2024, il a été demandé au SDIS de Seine-et-Marne et à la société HTP Est, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire l'ordonnance de taxation des frais d'expertise de M. A, expert, à la suite de sa désignation en qualité d'expert par l'ordonnance du 23 novembre 2011 du juge des référés du tribunal.

Les pièces, produites en réponse à cette demande par le SDIS de Seine-et-Marne ont été enregistrées et communiquées le 13 mai 2024.

Vu :

- l'ordonnance n° 1105873 du 23 novembre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun a ordonné la désignation de M. A en qualité d'expert ;

- l'ordonnance du 5 avril 2024 portant radiation des registres du tribunal du dossier de la requête n° 2106254 et versement de ses pièces au dossier de la requête enregistrée sous le numéro 1810858 ;

- l'ordonnance de taxation n° 1105873 du 25 mars 2014 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 14 mai 2024 à 9 heures 30 :

- le rapport de Mme Bousnane, rapporteure,

- les conclusions de Mme Leboeuf, rapporteure publique.

Les parties n'étant pas représentées.

Considérant ce qui suit :

1. Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Seine-et-Marne a engagé des travaux d'agrandissement du centre d'incendie et de secours de Vaux-le-Pénil comprenant la création d'un bâtiment de bureaux, de locaux techniques ainsi que d'une cour de manœuvre, dans le cadre d'un marché public de travaux n° 770007100831 réparti en 12 lots. Pour l'exécution de ce marché, le SDIS a confié le marché de maitrise d'œuvre au cabinet Martine Crettez. Le SDIS a en outre confié la réalisation du lot n° 12 intitulé " VRD aménagements des extérieurs, espaces verts " à la société HTP Est, laquelle était en particulier chargée de la construction de la chaussée de la cour des manœuvres du centre d'intervention. Lors des opérations de réception de ces travaux, le maitre d'œuvre a constaté des malfaçons concernant l'enrobé de la chaussée, et notamment la présence de flaches, de défauts dans les regards et d'une granulométrie inadaptée de son revêtement. Ces malfaçons ont donné lieu à des réserves lors de la réception des travaux. Par une ordonnance du 23 novembre 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Melun, saisi d'une demande présentée par le SDIS de Seine-et-Marne, a ordonné à M. A, expert, de déterminer les responsabilités et les moyens de remédier aux désordres constatés dans la cour des manœuvres. L'expert a déposé son rapport le 20 décembre 2013. Par sa requête, le SDIS de Seine-et-Marne demande au tribunal de condamner la société HTP Est à lui verser une somme totale de 160 412,62 euros à titre de réparation du préjudice qu'il estime avoir subi à raison des malfaçons commises dans la réalisation des travaux de construction de la cour des manœuvres du centre d'incendie et de sources de Vaux-le-Pénil.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la réception :

2. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves.

3. Il résulte de l'instruction que le SDIS de Seine-et-Marne a prononcé la réception des travaux faisant l'objet du marché n° 770007100831 avec des réserves relatives notamment à la chaussée de la cour des manœuvres et que par plusieurs procès-verbaux successifs, le SDIS a refusé de prononcer la levée des réserves relatives aux travaux de ladite cour des manœuvres. Au demeurant, d'une part, la prise de possession de l'ouvrage ne peut comporter, à elle seule, aucune conséquence en ce qui concerne sa réception définitive et, d'autre part, la circonstance que le maitre d'ouvrage ait donné main levée de la caution bancaire de la société HTP Est ne vaut pas réception définitive de l'ouvrage. Il suit de là que, les réserves concernant ces travaux n'ayant pas été levées, seule la responsabilité contractuelle de la société HTP Est, comprenant également la garantie de parfait achèvement, pouvait être mise en jeu par le SDIS de Seine-et-Marne à la suite des désordres constatés dans ladite cour des manœuvres. Dans ces conditions, le SDIS de Seine-et-Marne est fondé à rechercher, à titre principal la responsabilité contractuelle de la société HTP Est.

En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société HTP Est :

4. Le SDIS de Seine-et-Marne invoque, à titre principal la responsabilité contractuelle de droit commun de la société HTP Est. Il soutient que les désordres constatés sur la cour des manœuvres du centre d'intervention de Vaux-le-Pénil sont caractérisés par une surface de la chaussée largement fracturée en " peau de crocodile " et comportant des flaches ainsi que des défauts dans les regards, principalement dans la partie ouest de la cour. Le SDIS soutient que la société a construit une chaussée qualifiée de " légère ", alors que le cahier des charges du lot n° 12 prévoyait expressément que la cour des manœuvres devait recevoir une chaussée dite " lourde ". Il précise qu'une chaussée moderne doit être constituée de trois couches distinctes constituées, du bas vers le haut, d'une couche de fondation, d'une couche de base et d'une couche de roulement dont les épaisseurs vont en décroissant, alors qu'il résulte des sondages effectués sur la cour des manœuvres que la société HTP Est n'a installé que deux couches et a confondu en une seule les couches de fondation et de base, en méconnaissance du cahier des charges qui préconisait la construction de deux couches séparées. Le SDIS ajoute que les expertises ont mis en évidence que le matériau constituant cette couche n'était pas convenable dès lors qu'il était trop argileux et que sa courbe granulométrique n'était pas adaptée. Enfin, le SDIS indique que la société HTP Est n'a pas installé de feutre Bidim sous la couche de fondation, en méconnaissance des stipulations du marché.

5. En défense, la société HTP Est fait valoir que l'installation d'une chaussée dite " lourde " n'était pas nécessaire dès lors que, eu égard au faible nombre d'aller-retour effectués par les camions de pompiers, qu'elle détermine à hauteur de 46 par jour à raison d'un nombre moyen d'intervention quotidienne fixé à 23, la construction d'une chaussée " semi-rigide " était suffisante, conformément aux principes énoncés par un guide technique sur les revêtements des structures et de voierie édicté par la communauté urbaine de Nantes. La société considère dès lors que son ouvrage était conforme à sa destination et que sa détérioration partielle en zone Ouest est uniquement le résultat du passage de camions provenant de chantiers voisins et dont la fréquence était supérieure à celle qui était supportable par une chaussée " semi-rigide ".

6. En premier lieu, il résulte des termes du cahier des clauses techniques particulières applicable au lot n° 12, en particulier de son article 5.10 intitulé " Voirie lourde ", que la chaussée de la cour des manœuvres devait notamment comprendre la fourniture et la mise en place d'un " feutre Bidim ", qu'elle devait être composée d'une couche de fondation en G.N.T (gravier non traité) d'une épaisseur de 25 centimètres, d'une couche de base en G.H (graves traitées aux liants hydrauliques), d'une couche d'accrochage en émulsion cationique de bitume et d'une couche de roulement en béton bitumeux d'une épaisseur de 0,05 centimètres.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le corps de la chaussée de la cour des manœuvres a fait l'objet d'une étude, sur demande de l'expert désigné, par le laboratoire spécialisé Abrotec, lequel a procédé à deux sondages dans la cour, l'un à un endroit où la chaussée était détériorée et l'autre à un endroit où la chaussée était intacte. Il résulte ainsi de cette étude que le laboratoire Abrotec a constaté, premièrement, que la chaussée mesurait 56 centimètres d'épaisseur dans un cas contre 66 centimètres dans l'autre, deuxièmement, que la chaussée n'était constituée que de deux couches, l'une de 6 centimètres de béton bitumeux en surface correspondant à la couche dite de " roulement " et l'autre de 50 et 60 centimètres de calcaire marneux correspondant aux couches de fondation et de base ainsi confondues en une seule et même couche, troisièmement, que le matériaux constituant cette couche " unique " n'était pas convenable pour une chaussée et, a fortiori, pour une couche de base dès lors qu'il était trop argileux et que sa courbe granulométrique n'était pas adaptée en raison de la proportion trop importante d'éléments fins et, enfin, qu'aucun feutre Bidim n'avait été posé sous la couche de fondation.

8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 20 décembre 2013 par M. A, expert désigné, que le matériau utilisé pour constituer l'unique couche confondant la couche de fondation et la couche de base n'était, selon les termes de l'expert, " pas convenable pour une chaussé et a fortiori pour une couche de base " et que, même si la compacité de l'ensemble était bonne, ce matériau était trop argileux et sa courbe granulométrique pas adaptée de sorte qu'un tel matériau n'était " pas acceptable " pour une couche de base d'une chaussée lourde et que son utilisation était la cause de la désorganisation de la chaussée de la cour des manœuvres. Ainsi que l'a en outre relevé l'expert, si la détérioration de la chaussée n'est apparue que dans la partie ouest, en raison du passage répété de camions venus d'un chantier voisin, une telle dégradation était néanmoins inévitable sur le reste de la chaussée de la cour des manœuvres, identiquement constituée, lors du passage des camions appartenant au centre d'intervention.

9. Il résulte de l'ensemble de ces circonstances que la société HTP Est a commis plusieurs manquements à ses obligations contractuelles en ce que les épaisseurs des couches constitutives de la chaussée étaient insuffisantes, en ce qu'elle a confondu les couches de fondation et de base de la chaussée de la cour des manœuvres, en ce qu'elle a omis d'installer un feutre Bidim sous la couche de fondation et en ce qu'elle a utilisé des matériaux inadaptés pour une chaussée " lourde ". Il résulte de l'instruction que l'utilisation de matériaux propres à une chaussée " semi-rigide " et non adaptés à une " chaussée lourde " est la conséquence directe de la fracturation de la chaussée. En outre, la société HTP Est ne saurait valablement faire valoir que la construction d'une chaussée " semi-rigide " était conforme à la destination de l'ouvrage, ni utilement se prévaloir d'un guide technique sur les revêtements des structures et de voierie édicté dans le cadre de la construction de voieries urbaines, dès lors qu'il résulte des stipulations du cahier des clauses techniques particulières applicable en l'espèce qu'elle était expressément tenue de procéder à l'installation d'une " voirie lourde " dont les matériaux étaient également expressément prévus. Enfin, s'il est constant que la détérioration de la chaussée n'est apparue que partiellement à l'endroit où des camions provenant de travaux voisins sont passés, cette circonstance ne saurait être regardée comme étant la cause de ces détériorations dès lors qu'elle n'a fait qu'apparaitre les manquements de la société HTP Est commis sur l'ensemble de la chaussée de la cour des manœuvres.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le SDIS de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que la responsabilité de la société HTP Est doit être engagée au titre de ses manquements à ses obligations contractuelles comme, d'ailleurs, aux règles de l'art, lors de l'exécution des prestations du lot n° 12 intitulé " VRD aménagements des extérieurs, espaces verts " dans le cadre des travaux d'agrandissement du centre d'incendie et de secours de Vaux-le-Pénil.

En ce qui concerne les préjudices :

11. Le SDIS de Seine-et-Marne soutient que son préjudice s'élève à une somme totale de 160 412,62 euros, correspondant au coût des travaux de réfection de la totalité de la cour des manœuvres évalué en 2013 à hauteur de 139 200 euros hors taxe, auquel doivent être ajoutés, d'une part, le coût de la maitrise d'œuvre fixé à 10% de ce montant, d'autre part, le coût de l'assurance dommages-ouvrages à hauteur 2,5% de ce montant et, enfin, le coût du bureau de contrôle de 1,5% de ce même montant, le total étant augmenté de 1,0868% correspondant au montant de TVA résiduelle après reversement du FCTVA.

S'agissant du coût des travaux de réfection de la cour des manœuvres :

12. Pour établir le montant du préjudice résultant du coût des travaux de réfaction de la cour des manœuvres dont il se prévaut, le SDIS de Seine-et-Marne indique que l'évaluation du coût des travaux de réfection de la cour des manœuvres a été produite lors de l'expertise judiciaire, alors qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise auquel fait référence le SDIS, que cette évaluation du coût des travaux de réfection n'a pas été justifiée, l'expert ayant déclaré qu'il s'agissait " d'une évaluation du seul coût des travaux à hauteur de 139 200 euros hors taxes, mais sans aucune justification technique ni frais annexes (maitrise d'œuvre, études, contrôle et autres) ". Toutefois, pour contester cette évaluation, insuffisante d'après le rapport de l'expert mais néanmoins détaillée, la société HTP Est fait uniquement valoir que le montant des travaux de réfection a été évalué à hauteur de 15 000 euros HT par l'expert de l'assurance dommages-ouvrages, alors que ce montant ne saurait être regardé comme adéquat, puisque ledit expert avait considéré uniquement le montant des travaux de nature à remédier aux détériorations apparues sur la partie ouest effectivement détériorée de la cour des manœuvres et que, ainsi qu'il a été dit précédemment, les manquements de la société défenderesse affectent l'ensemble de la chaussée de ladite cour, de sorte que celle-ci doit faire l'objet, ainsi que l'a préconisé M. A, expert désigné, d'une réfection intégrale. Dans ces conditions, et en l'absence de contestation sérieuse du montant par la société HTP Est, laquelle a pourtant connaissance des conditions d'exécution de tels travaux dans les règles de l'art, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par le SDIS de Seine-et-Marne à raison du coût des travaux de réfection de la totalité de la cour des manœuvres en le fixant à la somme ainsi alléguée de 139 200 euros HT.

S'agissant du préjudice résultant des frais annexes :

13. Le SDIS de Seine-et-Marne soutient que le montant du coût hors taxe des travaux de réfection de la cour des manœuvres doit être majoré de 10% au titre du coût de la maîtrise d'œuvre, de 2,5% au titre de l'assurance dommages-ouvrages et de 1,5% au titre du coût du bureau de contrôle. Au soutien de ces allégations, et en réponse à l'invitation qui lui a été adressée en ce sens par le tribunal par un courrier du 12 avril 2024, le requérant produit une convention de contrôle technique du 11 mars 2014 d'un montant de 1 960 euros HT, un devis estimatif d'honoraires de maîtrise d'œuvre du 4 mars 2014 d'un montant de 9 750 euros HT, une note d'honoraire de la société Sefia du 28 décembre 2009 d'un montant de 2 200 euros HT et une facture d'honoraires de maîtrise d'œuvre du 31 mai 2013 d'un montant de 7 950 euros HT.

14. En premier lieu, le SDIS de Seine-et-Marne n'est pas fondé à demander le versement d'une somme correspondant à 2,5% du coût de réfection de la cour des manœuvres au titre de la souscription de l'assurance dommages-ouvrages dès lors qu'une telle souscription, non obligatoire, ne saurait être prise en compte dans le coût de l'ensemble des travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme aux prévisions du marché.

15. En deuxième lieu, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que le SDIS de Seine-et-Marne soit fondé à demander une somme de 2 200 euros au titre d'une note d'honoraire édité par la société Sefia, en l'absence de toute précision sur la nature des prestations concernées par cette note et alors qu'une telle facture n'a pas été soumise à l'expert désigné par le tribunal. D'autre part, si le requérant se prévaut d'une convention de contrôle technique du 11 mars 2014 d'un montant de 1 960 euros HT, il ressort des termes de cette convention que celle-ci mentionne les travaux de réfection de la cour des manœuvres mais également la réfaction du bassin de rétention situé sous la cour, laquelle est sans rapport avec le présent litige, de sorte que cette convention ne saurait être prise en compte qu'à hauteur d'un montant qu'il y a lieu d'évaluer, en l'espèce, à 980 euros HT.

16. En dernier lieu, et en l'absence de contestation sérieuse de la société HTP Est, le SDIS de Seine-et-Marne doit être regardé comme établissant que le coût de maitrise d'œuvre des travaux de réfection s'élève à un montant total de 17 700 euros HT.

17. Il résulte de ce qui précède que la montant du préjudice subi par le SDIS de Seine-et-Marne à raison du coût des travaux réfection de la cour des manœuvres majoré des frais annexes doit être fixé à 157 180 euros HT.

S'agissant de la prise en charge de taxe sur la valeur ajoutée :

18. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations.

19. En l'espèce, le SDIS de Seine-et-Marne, qui ne relève pas d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de la taxe sur la valeur ajoutée de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations, a droit à la prise en charge de ladite taxe au taux applicable à la date du dépôt du rapport d'expertise le 16 décembre 2013, soit 196%.

20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise ou une " enquête ", que le préjudice subi par le SDIS de Seine-et-Marne à raison de l'ensemble des travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme aux prévisions du marché doit être évalué à la somme globale de 187 987,28 euros. Il y a dès lors lieu de condamner la société HTP Est à verser au SDIS l'intégralité de la somme qu'il demande, soit 160 142,62 euros, en réparation du préjudice résultant des malfaçons commises dans la réalisation des travaux de construction de la cour des manœuvres du centre d'incendie et de sources de Vaux-le-Pénil.

Sur les dépens :

21. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ".

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive de la société HTP Est les entiers dépens, en particulier les honoraires de l'expert, M. A, désigné par le juge des référés du tribunal par une ordonnance du 23 novembre 2011, lesquels ont été taxés et liquidés à la somme de 7 397,94 euros TTC par une ordonnance n° 1105873 du 25 mars 2014.

Sur les frais liés à l'instance :

23. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS de Seine-et-Marne, qui n'est pas la partie perdante en l'espèce, la somme demandée à ce titre par la société HTP Est. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société HTP Est une somme de 1 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La société HTP Est est condamnée à verser au SDIS de Seine-et-Marne une somme totale de 160 142,62 euros en réparation du préjudice résultant des malfaçons commises dans la réalisation des travaux de construction de la cour des manœuvres du centre d'incendie et de sources de Vaux-le-Pénil.

Article 2 : Il est mis à la charge définitive de la société HTP Est les entiers dépens, en particulier les honoraires de l'expert, M. A, désigné par le juge des référés du tribunal par une ordonnance du 23 novembre 2011, lesquels ont été taxés et liquidés à la somme de 7 397,94 euros TTC par une ordonnance n° 1105873 du 25 mars 2014.

Article 3 : Il est mis à la charge de la société HTP Est le versement au SDIS de Seine-et-Marne d'une somme de 1 000 (mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société HTP Est et le surplus des conclusions de la requête sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de Seine-et-Marne et à la société HTP Est.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Xavier Pottier, président,

Mme Jeanne Darracq-Ghitalla-Ciock, conseillère,

Mme Lina Bousnane, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La rapporteure

L. Bousnane

Le président,

X. Pottier

La greffière,

C. Mahieu

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

No 1810858