TA Montpellier, 17/11/2022, n°2000010

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 janvier 2020 et le 20 janvier 2020, la société Environnement Clean Services (ECS) demande au tribunal la décharge des pénalités de retard d'un montant de 7 680 euros mises à sa charge par Perpignan Méditerranée Métropole par courrier du 12 septembre 2019 dans le cadre de l'exécution du marché de prestations de nettoyage des locaux de la communauté urbaine.

Elle soutient que :

- les pénalités de retard sont d'un montant excessif eu égard au montant du marché et à sa rentabilité ainsi qu'à leur impact sur la viabilité de l'entreprise alors que des solutions alternatives ont été proposées ou mises en place ;

- la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être appliquée à des pénalités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2021, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, représentée par la SELARL Boissy Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société ECS une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable faute d'être motivée ;

- un non-lieu doit être prononcé dans la mesure où un arbitrage était demandé et qu'une médiation a bien été menée ;

- les pénalités de retard sont justifiées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesimple, première conseillère,

- et les conclusions de M. Lauranson, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Environnement Clean Services (ECS) s'est vue confier l'exécution, par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, du lot n° 3 d'un marché de prestations de nettoyage de ses locaux, notifié le 28 septembre 2018 pour une durée de quatre ans. Par courrier du 12 septembre 2019, Perpignan Méditerranée Métropole a notifié à la société ECS des pénalités d'un montant de 7 680 euros sur le fondement de l'article 11 du cahier des clauses administratives particulières compte tenu de journées d'inexécution de la prestation et d'absences de consommables disponibles. Par la présente requête la société ECS demande la décharge de ces pénalités.

Sur l'exception de non-lieu à statuer et la fin de non-recevoir :

2. En premier lieu, si la société ECS a sollicité du tribunal un "juste arbitrage" dans le litige qui l'oppose à Perpignan Méditerranée Métropole, cette formule ne permet pas de conclure que la requérante aurait uniquement entendu demander la mise en œuvre d'une médiation alors qu'elle précise contester la décision qui lui a été opposée. Dans ces conditions, la seule circonstance qu'une médiation ait été initiée par le tribunal et ait échoué ne prive pas d'objet la requête.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : "La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours".

4. Il résulte des éléments précités que la requête de la société ECS, malgré la formule utilisée ci-dessus citée, comporte des conclusions tendant à l'annulation des pénalités prononcées par la personne responsable du marché et, en déclarant vouloir attirer l'attention de la juridiction sur "plusieurs points essentiels à la compréhension de [sa] contestation", la société doit être regardée comme formulant valablement plusieurs moyens au soutien de ses conclusions. Dès lors, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée en défense sur le fondement de l'article précité tenant à l'absence de conclusions et moyens.

Sur les pénalités infligées :

5. En premier lieu, les pénalités, qui ne constituent pas la contrepartie d'une livraison de biens ou d'une prestation de service, ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, la société ECS est fondée à soutenir que le montant des pénalités ne pouvait intégrer cette taxe.

6. En second lieu, les pénalités prévues par les clauses d'un contrat de la commande publique ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer à l'acheteur le non-respect, par son cocontractant, de ses obligations contractuelles. Elles sont applicables au seul motif qu'une inexécution des obligations contractuelles est constatée et alors même que la personne publique n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge de son cocontractant qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

7. Lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un contrat de la commande publique, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat. Il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché ou aux recettes prévisionnelles de la concession, y inclus les subventions versées par l'autorité concédante, et compte tenu de la gravité de l'inexécution constatée.

8. Lorsque le titulaire du contrat saisit ainsi le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des contrats comparables ou aux caractéristiques particulières du contrat en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du contrat dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

9. Il résulte de l'instruction qu'après avoir constaté l'absence de prestation sur une durée de douze jours entre le 15 août 2019 et le 5 septembre 2019 ainsi que l'absence de consommables le 25 août 2019, situation non résorbée les quatre jours suivants, Perpignan Méditerranée Métropole a infligé à la société ECS des pénalités d'un montant de 6 400 euros hors taxes.

10. D'une part, si la société fait valoir des difficultés d'organisation et une charge de travail imprévue, elle ne conteste nullement la matérialité des griefs qui lui sont reprochés. De la même manière, en faisant valoir la possibilité d'adapter les conditions d'exécution du marché ou de moduler le montant des pénalités, la société ECS ne conteste pas utilement ces griefs. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que le montant des pénalités serait excessif au regard des prestations facturées par la société requérante, comprises entre 1 500 euros TTC et 2 100 euros TTC par mois et eu égard à la durée du marché, conclu pour une durée de quatre années ni qu'il serait susceptible de menacer la rentabilité économique de l'entreprise. Dans ces conditions, la société ECS n'est pas fondée à demander la modération des pénalités qui lui ont infligées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société ECS doit être déchargée de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée à tort sur les pénalités, d'un montant de 6 400 euros, qui lui ont été infligées.

Sur les frais liés du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par Perpignan Méditerranée Métropole au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la société ECS qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La société ECS est déchargée de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée à tort sur les pénalités qui lui ont été infligées.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par Perpignan Méditerranée Métropole sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Environnement Clean Services et à Perpignan Méditerranée Métropole.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Denis Besle, président,

M. Nicolas Huchot, premier conseiller,

Mme Audrey Lesimple, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.

La rapporteure,

A. Lesimple Le président,

D. Besle

La greffière,

M-A. Barthélémy

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 17 novembre 2022.

La greffière,

M-A. Barthélémy

N° 200010