TA Nancy, 15/02/2024, n°2400285


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 25 janvier, 4 et 7 février 2024, la société Facility Park, représentée par Me De Sigoyer, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) avant-dire droit, d'enjoindre à la métropole du Grand-Nancy de porter à sa connaissance les motifs de rejet de son offre ainsi que les avantages et caractéristiques de l'offre retenue de la société Indigo Park ;

2°) à titre principal, d'annuler, d'une part, la décision par laquelle la métropole du Grand Nancy a rejeté son offre et, d'autre part, la procédure de passation initiée par la métropole du Grand Nancy en vue de la conclusion d'un marché de prestation d'accueil, surveillance et nettoyage des parkings publics métropolitains ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la métropole du Grand Nancy de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des offres ;

4°) à titre subsidiaire, d'annuler la procédure de passation contestée portant sur l'accueil, surveillance et nettoyage des parkings publics métropolitains ;

5°) de mettre à la charge de la métropole du Grand Nancy la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en sa qualité de candidat évincé, elle présente un intérêt lui conférant qualité pour agir ;

- le pouvoir adjudicateur a méconnu les articles R. 2181-1, R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique et a dès lors manqué à son obligation de mise en concurrence et de publicité en ne lui communiquant pas les informations sur le motif de rejet de son offre ni de ceux ayant conduit au choix de l'offre de l'attributaire ainsi que les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ;

- l'offre de la société attributaire était anormalement basse dès lors, d'une part, que son montant est nettement inférieur à l'estimation de l'acheteur, d'autre part, que son montant compromet la bonne exécution du marché, le calcul des seuls moyens humains ne pouvant être inférieur à la somme de 710 000 euros et le montant alors affecté aux autres missions étant trop limité, enfin, que les prix de la société attributaire, également candidat sortant, n'ont pas évolué depuis l'attribution en 2015 de ce marché, alors que le marché en cause porte sur la gestion d'un parking supplémentaire et qu'une inflation globale de 20% ainsi qu'une augmentation des salaires ont pu être constatées dans ce secteur ; ainsi, la métropole du Grand Nancy n'a pas mis en œuvre les modalités de détection et de traitement d'une offre anormalement basse en méconnaissance des articles L. 2152-5 et L. 2152-6 du code de la commande publique et l'offre de la société attributaire aurait dû être rejetée comme étant irrégulière ;

- la méthode de notation est illégale dès lors :

- qu'aucun devis estimatif n'a été fourni aux candidats, seul un bordereau de prix unitaire ayant été communiqué aux candidats ; que le pouvoir adjudicateur a mis en œuvre un détail quantitatif estimatif (DQE) sans avoir communiqué aux candidats les informations permettant, d'une part, de présenter des travaux représentatifs de l'objet du marché, d'autre part, de présenter ce chantier masqué à la commission d'appel d'offres avant l'ouverture des offres et enfin de fournir à tous les candidats les quantités exactement réalisées dans le cadre du précédent marché ;

- que la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF) n'a pas été fournie aux candidats en méconnaissance de l'article 4 du règlement de consultation alors que ce document servait de support au calcul du prix forfaitaire et analysé à hauteur de 25% dans le critère du prix ; qu'ainsi le montant porté dans l'acte d'engagement par les deux sociétés ne porte pas sur les mêmes prestations ;

- que le sous-critère 3.2 relatif au critère du prix est illégal dès lors que la méthode de notation consiste à ajouter des prix unitaires à des prix forfaitaires, sans qu'aucune information n'ait été donnée aux candidats sur cette part forfaitaire ;

- l'offre de la société attributaire est irrégulière en ce qu'elle ne respecte pas les stipulations du cahier des clauses techniques particulières afférentes au personnel présent sur les sites et aux prestations de nettoyage ;

- son offre a été dénaturée par le pouvoir adjudicateur dès lors qu'elle ne proposait pas une " équipe équivalente à 16,4 ETP " mais a proposé une équipe de 17,50 ETP avec un responsable de site.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 et 7 février 2024, la métropole du Grand Nancy, représentée par Me Pons, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société requérante.

Elle soutient que :

- par un courrier du 12 janvier 2024, elle a transmis à la société requérante l'intégralité des informations requises, conformément aux dispositions des articles R. 2181-1 et R. 2181-3 du code de la commande publique et elle produit, dans le présent mémoire, des tableaux présentant pour chaque critère et sous-critère une analyse détaillée de l'offre de la société requérante et de la société attributaire, faisant ainsi ressortir les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue ;

- l'offre de l'attributaire ne constitue pas une offre anormalement basse dès lors que la somme de 3 000 000 d'euros ne correspond pas à l'estimation du marché en cause mais au montant maximum de l'ensemble du marché ; l'écart de 26% entre les deux offres en lice n'est pas suffisant pour considérer l'offre de l'attributaire comme étant manifestement sous-évaluée ou compromettant la bonne exécution du marché ; la société attributaire a remis un mémoire technique particulièrement détaillé et répondant à l'ensemble de ses attentes ; la société requérante ne peut sérieusement soutenir que l'offre de la société attributaire n'a pas évolué depuis 2015 dès lors que la société attributaire n'était pas le titulaire du marché datant de 2015 et elle ne démontre pas que les deux marchés n'avaient pas le même périmètre de prestations ;

- la méthode de notation est légale ; le devis quantitatif estimatif a été communiqué à l'ensemble des candidats, la société requérante l'ayant d'ailleurs complété ; aucune mention d'une quelconque " décomposition du prix global et forfaitaire " ne figure dans les éléments devant être pris en compte pour la notation du critère " prix des prestations " ; si l'article 4 du règlement de consultation indiquait par erreur qu'une telle pièce était fournie dans le dossier de consultation des entreprises, cette simple erreur n'a pu, contrairement à ce que tente d'avancer la requérante, avoir aucune incidence sur l'appréciation du critère prix ; d'ailleurs, l'article 7-2 du règlement de consultation, relatif à la partie forfaitaire du marché, se référait au seul prix indiqué par les candidats dans l'acte d'engagement ; il lui était loisible, concernant les prestations à prix unitaire, d'effectuer " une simulation ", qui ne constitue qu'une méthode de notation, dont les candidats ont par ailleurs été parfaitement informés ; le prix global, obtenu par cette simulation, pouvait parfaitement être additionné au montant forfaitaire du marché ; la technique du chantier masqué n'a jamais été mise en œuvre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2024, la société Indigo Park, représentée par Me Letellier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société requérante.

Elle soutient que :

- la société requérante disposait d'une information suffisante lui permettant d'introduire un référé précontractuel en développant à l'appui un certain nombre de moyens, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 2181-1 et R. 2181-3 du code de la commande publique doit être écarté comme inopérant ; en tout état de cause, ce moyen n'est pas fondé, la société requérante a pu disposer des informations exigées par les dispositions précitées ;

- la société requérante ne démontre pas que l'offre retenue serait financièrement sous-évaluée ; la circonstance que son offre soit inférieure, même de manière significative, à celle de la société requérante n'est pas de nature à démontrer cette sous-évaluation alors que chaque société dispose d'un modèle économique qui lui est propre ; le montant de 3 000 000 d'euros ne correspond pas à l'estimation du pouvoir adjudicateur mais au montant maximal de l'accord-cadre lequel recouvre donc l'ensemble des prestations du marché ; en outre, l'offre de la société requérante est également très significativement inférieure au montant de 3 000 000 d'euros ; l'écart, existant entre les deux offres, n'est pas significatif et donc pas de nature à faire douter de la viabilité de son offre ; si le calcul proposé par la société requérante pour évaluer les moyens humains, dont elle estime être incompressibles, paraît cohérent, il est entaché d'imprécision ; par ailleurs, son offre est significativement supérieure à ce montant prétendument incompressible ; si la société requérante affirme que la société attributaire affecterait aux missions autres que celles relatives aux mises à disposition du personnel des montants qui seraient, en proportion limités, cette répartition résulte uniquement de l'objet du marché, qui porte précisément sur la mise à disposition de ressources humaines ; l'équilibre économique du marché arrivant à expiration impliquait des charges de personnel qui, en 2022, représentaient 88% des charges du contrat et 89% en 2023, de sorte qu'en diminuant ce montant au 81% annoncé par la société requérante dans le nouveau marché, la société attributaire a donc concrètement augmenté le volume dédié à l'exécution du reste des prestations/charges du CCTP ; le marché de 2015 dont se prévaut la société requérante n'est pas le marché arrivant à expiration, celui-ci s'étant achevé en 2019 et elle n'était pas la société attributaire de ce précédent marché ; ainsi il ne peut lui être reproché d'avoir présenté une offre à prix constant avec celle de l'année 2015 ; le marché de 2019, bien que conclu par la société Urbis Park Services, a été exécuté en partie par elle et le montant minimal envisagé pour ce marché était bien en deçà de son offre ; les facturations opérées en 2022 et 2023, en moyenne autour de 720 000 euros, sont, elles aussi, bien inférieures à l'offre remise ; ainsi, son offre est économiquement parfaitement cohérente, non seulement avec les prestations objet du marché, mais aussi avec les conditions d'exécution financière du précédent marché et permet de dégager une marge bénéficiaire de 4,42% ;

- la société requérante ne démontre pas que l'offre serait " susceptible de compromettre la bonne exécution du marché " ; elle est spécialisée depuis plus de 50 ans dans le domaine du stationnement et de la mobilité individuelle et dispose d'une grande expérience dans le domaine objet du marché ; elle exécute, depuis plusieurs années, les prestations du présent marché à des niveaux de prix équivalents, sans que le pouvoir adjudicateur se plaigne de la qualité des prestations rendues ; elle a obtenu la meilleure note sur trois des quatre critères, son offre est donc efficiente et pertinente ;

- le moyen portant sur l'absence de communication du devis estimatif quantitatif est inopérant dès lors que la société requérante ne démontre pas que le différentiel de points constaté pour ce sous-critère aurait eu une incidence sur le classement des offres ; en tout état de cause, outre le fait que ce document n'avait pas à être transmis aux candidats, il était simplement demandé à ces derniers d'indiquer un prix horaire par type d'agent pour d'éventuelles commandes supplémentaires ; à cet égard, elle n'a pas, en sa qualité de candidat sortant, disposé d'informations complémentaires dès lors que le mode contractuel entre le précédent marché et le contrat contesté a évolué ;

- sur l'absence de communication de la décomposition du prix global et forfaitaire, le document de consultation renvoyait, non à un document préétabli par la métropole mais à une décomposition explicitée par les candidats sur format libre ; cette donnée était superfétatoire dès lors qu'elle n'était pas nécessaire à la comparaison financière des offres qui ne devait s'opérer qu'au regard des seules données figurant dans l'acte d'engagement ; il s'agissait uniquement de comparer deux prix forfaitaires proposés par chacun des candidats pour réaliser les mêmes prestations, à savoir celles prévues au cahier des clauses techniques particulières.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Sousa Pereira, première conseillère, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative pour statuer en matière de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 8 février 2024 à 14h00 :

- le rapport de Mme Sousa Pereira, juge des référés ;

- les observations de Me De Sigoyer, pour la société Facility Park, qui reprend les conclusions et moyens développés à l'écrit et demande en outre au juge des référés de mettre également à la charge de la société Indigo Park une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient en outre que les services de la métropole lui ont indiqué, par téléphone, que la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF) ne lui serait pas communiquée et devra être produite par les candidats sur papier libre ; que l'absence de communication de la DPGF a empêché le pouvoir adjudicateur de s'assurer que l'offre de la société Indigo Park n'était pas anormalement basse et/ ou irrégulière ;

- les observations de Me Pons, avocat de la métropole du Grand Nancy, qui reprend ses conclusions et moyens développés à l'écrit et soutient en outre que l'offre de la société Indigo Park n'est pas irrégulière, aucune disposition du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) n'imposant un nombre minimum " d'équivalent temps plein " (ETP) ; que le CCTP ne vise qu'un volume de présence horaire du personnel au sein des sites ; que s'agissant des prestations de nettoyage, la société requérante, qui se borne à rappeler les termes du CCTP, ne justifie pas du caractère irrégulier de l'offre de la société Indigo Park ; que le CCTP, bien qu'imposant une obligation de résultat au titre des prestations de nettoyage, ne fixe aucune prescription quant aux modalités de réalisation de ces prestations ; qu'une erreur de retranscription a été commise dans le rapport d'analyse des offres, la société indigo Park ayant annoncé, dans son mémoire technique, une équipe de 17,6 ETP et non de 15,6 ETP ; en tout état de cause, la société requérante a obtenu une meilleure note sur ce critère que la société Indigo Park ; que l'offre de la société requérante n'a pas été dénaturée, cette dernière annonçant la présence de dix-huit agents sur sites et deux agents " volants ", sans préciser l'équivalence en temps plein ; que si le deuxième sous-critère du prix prévoyait la prise en compte d'une part forfaitaire, cette part n'a jamais été prise en compte dans le comparatif des offres ; que la prise en compte de cette part forfaitaire n'aurait eu aucune incidence dans le classement des offres, ce critère n'ayant généré qu'un différentiel minime entre les candidats ; que la société requérante n'a présenté aucune demande d'informations portant sur les éléments d'appréciation du deuxième sous-critère prix ; que la remise aux candidats d'une " DPGF type " n'aurait eu aucune incidence sur la présentation des offres dès lors que ce document ne fait que retranscrire les prestations proposées par les candidats dans leur mémoire technique ;

- et les observations de Me Letellier, avocat de la société Indigo Park, qui reprend ses conclusions et moyens développés à l'écrit et soutient en outre que son offre n'est pas irrégulière dès lors qu'aucune disposition du CCTP n'imposait un nombre d'ETP à respecter ; que son offre respecte les simulations faites par la société requérante au titre du personnel présent sur site ; que l'absence de prise en compte de la part forfaitaire dans le deuxième sous-critère du prix n'a eu aucune incidence sur l'analyse des prix, l'écart de note n'étant pas significatif entre les deux candidats ; que s'agissant des prestations de nettoyage, elle a internalisé une partie de ces prestations qui seront réalisées par les agents présents sur site et que les autres prestations, devant être réalisées annuellement et semestriellement, seront réalisées par une société spécialisée dans le nettoyage ; que les dispositions du CCTP n'interdisaient pas d'affecter le personnel sur site à des prestations de nettoyage ; que la métropole s'est trompée dans l'analyse de son offre, le nombre d'agents présents sur site en " ETP " s'élève à 17,6 et non à 15,6 ; que la gestion du 5ème parking était déjà intégrée dans le précédent marché conclu en 2019 ; que la DPGF est un document purement informatif, elle n'était pas nécessaire à l'analyse des offres et ne présente pas le caractère d'un document contractuel.

A l'issue de l'audience, la clôture de l'instruction a été différée au 9 février 2024 à 15 heures en application des dispositions de l'article R. 522-8 du code de justice administrative. Puis par un courrier du 9 février 2024, la magistrate déléguée a informé les parties de la prolongation du différé de la clôture d'instruction au 14 février 2024 à 12 heures.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 9 février 2024, la société Facility Park, représentée par Me De Sigoyer, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux développés à l'écrit et à l'audience. Elle a également annoncé dans ce mémoire la production, par papier, de pièces devant être soustraites du contradictoire.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 9 février 2024, la métropole du Grand Nancy, représentée par Me Pons, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux développés à l'écrit et à l'audience.

Par un mémoire complémentaire, enregistré le 12 février 2024, la société Indigo Park, représentée par Me Letellier, conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ceux développés à l'écrit et à l'audience.

Par un mémoire distinct, enregistré le 12 février 2024, la société Indigo Park, représentée par Me Letellier, a annoncé la production de pièces devant être soustraites du contradictoire.

Elle soutient que ces pièces sont confidentielles et protégées par le secret des affaires.

Par des mémoires en production de pièces enregistrés le 12 février 2024, la société Facility Park et la société Indigo Park ont versé au contradictoire les pièces transmises dans le cadre de la procédure prévue par l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La métropole du Grand Nancy a lancé un appel d'offres ouvert en vue d'attribuer un marché de prestation d'accueil, surveillance et nettoyage des parkings publics métropolitains. La société Facility Park a déposé une offre. Par un courrier du 12 janvier 2024, la métropole du Grand Nancy l'a informée du rejet de son offre, classée deuxième, à l'issue de la procédure de passation. Ce même courrier l'a informée également de l'attribution du marché à la société Indigo Park. Par sa requête, la société Facility Park demande au juge des référés d'annuler, d'une part, la décision par laquelle la métropole du Grand Nancy a rejeté son offre et, d'autre part, la procédure de passation et d'enjoindre à la métropole du Grand Nancy de reprendre la procédure de passation au stade de l'examen des offres.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Aux termes de l'article R. 2181-2 du même code : " Tout candidat ou soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été rejetée peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l'acheteur. /Lorsque l'offre de ce soumissionnaire n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, l'acheteur lui communique en outre les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché ". Enfin, aux termes de l'article R. 2181-3 du même code : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : /1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; /2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1 ".

4. L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions des articles R. 2181-1 et R. 2181-3 du code de la commande publique a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations, mentionnées aux articles R. 2181-1 et R. 2181-3 du code de la commande publique, a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551 -1 du code de justice administrative et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier en date du 12 janvier 2024, le président de la métropole du Grand Nancy a informé la société requérante du rejet de son offre, en lui indiquant le nom de l'attributaire, les notes que ce dernier et qu'elle ont obtenues sur chacun des critères et sous-critères. Ce courrier informait également la société requérante de la date à compter de laquelle le marché était susceptible d'être signé. La métropole du Grand Nancy a complété cette information en transmettant, dans le cadre de la présente instance, l'analyse détaillée des notations obtenues par chacune de ces deux sociétés. Cette analyse comportait des mentions permettant d'expliciter les motifs du rejet de son offre. La société requérante a ainsi obtenu la communication, dans un délai suffisant, des informations de nature à lui permettre de connaître précisément les motifs de rejet de son offre et d'attribution. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas été informée des motifs du rejet de son offre doit être écarté et il n'y a plus lieu d'ordonner, tel que sollicité par la société requérante, la communication des motifs de rejet de son offre ainsi que les avantages et caractéristiques de l'offre retenue de la société Indigo.

6. En deuxième lieu, l'article L. 2152-5 du code de la commande publique définit l'offre anormalement basse comme " une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". L'article L. 2152-6 du même code dispose que : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsque une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. / Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ".

7. Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.

8. La société Facility Park soutient que l'offre de la société attributaire, d'un montant de 888 900 euros, était anormalement basse et que la métropole du Grand Nancy aurait dû, sur le fondement des dispositions précitées, l'inviter à lui communiquer des précisions et justifications sur le montant de son offre. Toutefois, si le prix de l'offre de la société attributaire est inférieur de 26 % à celui de la société requérante (1 201 707,20 euros), cette circonstance ne caractérise pas par elle-même une offre anormalement basse. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la société requérante, la somme de 3 000 000 d'euros correspond non pas à l'estimation du marché litigieux par le pouvoir adjudicateur, mais au montant maximum de ce marché tel qu'il est fixé par l'article 1. 4 du cahier des clauses administratives particulières. Ainsi, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce montant pour justifier du caractère anormalement bas de l'offre de la société attributaire. En outre, contrairement à ce qu'indique la société requérante, la société Indigo Park n'était pas la société attributaire du marché en 2015 et ne peut donc sérieusement se prévaloir de l'absence d'évolution des prix proposés par la société Indigo Park entre son offre actuelle et celle de 2015. Enfin, en se bornant à soutenir que la société attributaire affecterait aux prestations, autres que celles relatives à la mise à disposition du personnel, des montants qui seraient en proportion limités au regard des exigences du CCTP, la société requérante ne démontre pas que le montant de l'offre de la société Indigo Park compromettrait la bonne exécution du marché, alors qu'au demeurant des précisions ont été apportées par cette dernière quant à l'optimisation du temps de travail des agents présents sur site et à l'internalisation de certaines des prestations de nettoyage exigées par le CCTP. Par suite, en ne procédant pas aux vérifications complémentaires exigées aux dispositions de l'article L. 2152-6 du code de la commande publique et en ne rejetant pas l'offre de la société Indigo Park comme étant anormalement basse, la métropole du Grand Nancy n'a pas méconnu les obligations de publicité et de mise en concurrence et plus particulièrement le principe d'égal accès des candidats à la commande publique.

9. En troisième lieu, d'une part, le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publiques, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, de telles méthodes de notation. D'autre part, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'indiquer dans les documents de consultation les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre. Il n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation retenue pour apprécier les offres au regard de chacun de ces critères.

10. D'une part, il résulte de l'instruction que la métropole du Grand Nancy a communiqué aux candidats le devis quantitatif estimatif (DQE), également intitulé " bordereau de prix unitaire " (BPU). Ainsi, la société requérante ne peut sérieusement soutenir que le pouvoir adjudicateur ne lui aurait pas communiqué ce document. Il en est de même du moyen tiré de ce que la métropole du Grand Nancy aurait eu recours à la méthode du " chantier masqué " alors qu'il ressort du DQE transmis que ce dernier comportait en lui-même non seulement les critères d'attribution mais également la méthode de notation définie par le pouvoir adjudicateur.

11. D'autre part, en vertu de l'article 4 du règlement de la consultation, le dossier de consultation des candidats devait contenir le règlement de la consultation lui-même, l'acte d'engagement et ses annexes, le cahier des clauses techniques particulières et ses documents annexés, la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF), le bordereau des prix unitaires et le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) et ses annexes. L'article 5 du même règlement exigeait quant à lui que les offres des candidats contiennent notamment l'acte d'engagement et ses annexes, le bordereau des prix unitaires en version Excel et le cadre de réponse du prix global et forfaitaire et le cadre de réponse technique ainsi que les fiches PDF annexées. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement et ses annexes ainsi que la DPGF n'étaient pas au nombre des pièces transmises aux candidats dans le dossier de consultation. A la suite d'une demande de la société requérante du 29 novembre 2023 sollicitant par courriel la communication de ces deux documents, le pouvoir adjudicateur lui a adressé, le 30 novembre 2023, l'acte d'engagement et ses annexes, et lui a précisé par téléphone, ainsi que l'a reconnu la société requérante à l'audience, qu'il appartenait aux candidats de présenter la DPGF en format libre. En outre, il résulte de l'article 7.2 du règlement de consultation que l'analyse des offres devait s'effectuer, s'agissant du sous-critère 1 du critère prix, au regard du seul montant forfaitaire figurant sur l'acte d'engagement. Ainsi, la société requérante ne démontre pas que l'absence de communication aux candidats de la DPGF aurait été de nature à priver de sa portée le critère du prix ou à neutraliser sa pondération et que le pouvoir adjudicateur aurait entaché de ce fait d'illégalité la méthode de notation.

12. Enfin, il résulte de l'instruction que le marché litigieux est établi sous la forme d'un contrat mixte comprenant, d'une part, un marché ordinaire à prix forfaitaire portant sur des prestations d'accueil, de surveillance et de nettoyage des parkings publics métropolitains, et d'autre part un accord cadre s'exécutant par des bons de commandes à prix unitaire portant sur l'organisation d'astreintes supplémentaires pouvant être imposées au titulaire du marché. S'agissant de l'évaluation des offres concernant ces dernières prestations, l'article 7 du règlement de consultation stipulait que le deuxième sous-critère du prix, pondéré à hauteur de 5%, devait s'analyser au regard du " montant total du devis quantitatif estimatif " du bordereau de prix unitaire et de la part forfaitaire au format Excel. Il résulte de l'instruction que le pouvoir adjudicateur a demandé aux candidats d'indiquer dans le DQE/BPU le coût horaire qu'ils entendraient pratiquer en cas d'organisation d'astreintes supplémentaires. Ces coûts horaires proposés par les candidats étaient multipliés par le nombre d'heures déterminé au préalable par le pouvoir adjudicateur et connu des candidats en fonction de la nature du jour (jour férié ou non), des jours de la semaine (lundi au vendredi/ samedi au dimanche), de l'amplitude horaire (24h/24h) et de la mission exercée par l'agent présent sur le site. Ainsi, le sous-critère 2 du critère prix n'a pas été évalué au regard d'une méthode de notation illégale, le pouvoir adjudicateur pouvant additionner le montant total du devis estimatif au prix forfaitaire du marché ordinaire.

13. En quatrième lieu, contrairement à ce fait valoir la société requérante, le cahier des clauses techniques particulières n'exigeait pas, comme condition de régularité de l'offre, le respect d'un seuil minimal d'effectif en équivalent temps plein (ETP) au titre de l'organisation et la répartition des agents sur site. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que la société attributaire établit, par la production d'extraits de son mémoire technique, avoir proposé dans son offre un nombre d'ETP supérieur à celui qui a été mentionné à tort dans le rapport d'analyse des offres par le pouvoir adjudicateur et à celui proposé par la société requérante. Enfin, contrairement à ce que fait valoir la société requérante, les stipulations du CCTP n'interdisaient pas aux candidats d'affecter des missions de nettoyage au personnel présent sur les sites. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'offre de la société attributaire aurait dû être écartée comme étant irrégulière par le pouvoir adjudicateur doit être écarté.

14. En dernier lieu, en se bornant à faire valoir, sans par ailleurs l'établir, qu'elle aurait proposé une équipe de 17,50 ETP avec un responsable de site, la société requérante n'établit pas que le pouvoir adjudicateur aurait dénaturé son offre en retenant une équipe équivalente à 16,4 ETP.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole du Grand Nancy et de la société Indigo Park, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la société requérante sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Facility Park la somme de 1 500 euros à verser respectivement à la métropole du Grand Nancy et à la société Indigo Park sur le fondement des mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête présentée par la société Facility Park est rejetée.

Article 2 : La société Facility Park versera à la métropole du Grand Nancy et à la société Indigo Park la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Facility Park, à la métropole du Grand Nancy et à la société Indigo Park.

Fait à Nancy, le 15 février 2024.

La juge des référés,

C. Sousa Pereira

La République mande et ordonne à la préfète de Meurthe-et-Moselle en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2400285