TA Nice, 08/11/2022, n°1903314
Vu la procédure suivante :
B une ordonnance en date du 2 juillet 2019, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a transmis, en vertu de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête de la société Allianz Iard au tribunal administratif de Nice.
B une requête et un mémoire, enregistrés le 8 juillet 2019 et le 23 juillet 2021, la société Allianz Iard, représentée B Me Hascoet, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, de se déclarer incompétent au profit du juge judiciaire et de rejeter l'ensemble des demandes de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) formulées à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler le titre exécutoire n° 760 du 12 juillet 2018 émis à son encontre B l'ONIAM pour un montant de 42 775,27 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente dès lors que le caractère administratif du contrat d'assurance n'est pas démontré ;
- la créance alléguée de l'ONIAM est prescrite ;
- l'avis de sommes à payer émis B l'ONIAM ne précise pas les bases de la liquidation de la créance réclamée ;
- la preuve de la responsabilité du centre de transfusion sanguine d'Annemasse dans la contamination de M. A n'est pas établie ;
- à titre subsidiaire, le montant de la créance ne saurait excéder la somme de 9 226,04 euros.
B un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2021, l'ONIAM, représentée B Me Saumon, s'en rapporte à la sagesse du tribunal concernant la question de la compétence juridictionnelle, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Allianz Iard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
A titre reconventionnel, l'ONIAM demande au tribunal de condamner la société Allianz Iard au paiement de la somme de 42 775,27 euros en remboursement des sommes versées au titre de la réparation des préjudices liés à la contamination de M. A, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 août 2017 et de leur capitalisation à compter du 3 août 2018.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
- le décret n° 98-111 du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics en ce qui concerne les règles de mise en concurrence et de publicité des marchés de service ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Duroux, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. L'ONIAM a émis le 12 juillet 2018 un avis de sommes à payer valant titre exécutoire n° 760 d'un montant de 42 775,27 euros à l'encontre de la société Allianz Iard correspondant aux sommes versées en indemnisation de préjudices consécutifs à la contamination de M. A B le virus de l'hépatite C, diagnostiquée en 1999, résultant de l'administration de transfusions de produits sanguins en 1984 lors de son hospitalisation à l'hôpital Saint Roch à Nice. B la présente requête, la société Allianz Iard, assureur du centre de transfusion sanguine d'Annemasse ayant fourni une partie des produits sanguins administré à M. A, demande au tribunal d'annuler le titre exécutoire émis le 12 juillet 2018.
Sur l'incompétence de la juridiction administrative :
2. Aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : "Les victimes de préjudices résultant de la contamination B le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée B une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale B l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa (). Lorsque l'office a indemnisé une victime, il peut directement demander à être garanti des sommes qu'il a versées B les assureurs des structures reprises B l'Etablissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) et de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi B la victime soit ou non imputable à une faute () ".
3. L'ordre de juridiction compétent pour connaître de l'action en garantie ouverte à l'ONIAM B l'article L. 1221-14 du code de la santé publique doit être déterminé en fonction de la nature du contrat d'assurance conclu entre l'assureur, contre lequel cette action est dirigée, et la structure de transfusion sanguine reprise B l'Etablissement français du sang. Si ce contrat est de droit privé, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître d'une telle action. S'il présente le caractère d'un contrat administratif, l'action en garantie de l'ONIAM doit être portée devant la juridiction administrative.
4. La juridiction compétente pour connaître de l'action en garantie formée B l'ONIAM sur le fondement de ces dispositions l'est également pour connaître de l'opposition formée B l'assureur contre le titre exécutoire émis B l'office, lorsque celui-ci a choisi cette voie pour procéder au recouvrement de sa créance.
5. Il ressort des dispositions de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF) que les litiges relatifs aux marchés publics passés en application du code des marchés publics relèvent de la compétence des juridictions administratives. Ce même article détermine cette compétence à compter de la date de son entrée en vigueur, y compris pour les contrats en cours, à l'exception de ceux qui ont été portés devant le juge judiciaire avant cette date. Le décret du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics en ce qui concerne les règles de mise en concurrence et de publicité des marchés de services a soumis pour la première fois les marchés publics ayant pour objet des services d'assurances aux règles du code des marchés publics.
6. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire attaqué est fondé sur un contrat d'assurance n° 3 750 355, ayant pris effet le 11 juin 1981, conclu entre la compagnie La Foncière, aux droits et obligations de laquelle vient la société requérante, et le centre de transfusions sanguines d'Annemasse. Il n'est pas contesté que ce contrat était en vigueur à l'occasion de la contamination transfusionnelle de M. A B des produits sanguins qui auraient été fournis B ce centre en 1984. D'une part, ce contrat ayant été conclu avant l'entrée en vigueur du décret du 27 février 1998 mentionnant les contrats d'assurance comme étant au nombre de ceux auxquels s'applique le code des marchés publics, il ne peut être regardé comme "passé en application du code des marchés publics" au sens de l'article 2 de la "loi MURCEF" du 11 décembre 2001, qui n'a pu leur conférer le caractère de contrats administratifs. D'autre part, le contrat en cause, n'a pas pour objet, ainsi que cela ressort de ses clauses générales, de faire participer l'assureur à l'exécution du service public de transfusion sanguine et ne comporte pas de clause exorbitante du droit commun. De sorte qu'il ne s'agit pas davantage d'un contrat administratif à ce titre. Au surplus, la société requérante fait elle-même valoir dans ses écritures que l'avis des sommes à payer valant titre exécutoire attaqué est fondé sur un contrat d'assurance de droit privé.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Allianz Iard doit être regardée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur les conclusions reconventionnelles présentées B l'ONIAM :
8. Il résulte de ce qui a été aux points précédents que le juge judiciaire est compétent pour connaître de l'action en garantie présentée B l'ONIAM lorsque le contrat d'assurance entre l'assureur et la structure de transfusion sanguine est de droit privé, y compris lorsque cette action se présente sous la forme de conclusions reconventionnelles, sans préjuger de la recevabilité de ces dernières. Les conclusions présentées à titre reconventionnel B l'ONIAM doivent donc également être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur les frais liés au litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme sollicitée B la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Allianz Iard la somme demandée B l'ONIAM sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Allianz Iard et les conclusions reconventionnelles de l'ONIAM sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Allianz Iard et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pascal, président,
Mme Duroux, conseillère,
Mme Chaumont, conseillère,
assistés de Mme Gialis, greffière.
Rendu public B mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.
La rapporteure,
signé
G. DUROUX
Le président,
signé
F. PASCALLa greffière,
signé
E. GIALIS
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour le greffier en chef
Ou B délégation, le greffier