TA Pau, 20/06/2023, n°2002394
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 décembre 2020, le 22 septembre 2022, le 16 novembre 2022 et le 20 avril 2023, la commune d'Onesse-Laharie, représentée par Me Dulout, doit être regardée comme demandant au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'homologuer le rapport d'expertise judiciaire ;
2°) de condamner in solidum la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, en sa qualité d'assureur de la société Feugas, M. E et la société par actions simplifiée (SAS) Bernadet construction, sur le fondement de la garantie décennale, à lui verser la somme de 179 394 euros toutes taxes comprises au titre du préjudice matériel et la somme de 12 600 euros au titre de la maîtrise d'œuvre, augmentées en fonction de l'indice BT 01 de l'indice national de la construction à compter de la date de dépôt du rapport d'expertise, la somme de 54 750 euros selon décompte arrêté au 5 février 2022 ou, à tout le moins, à la somme de 50 euros par jour à compter du 5 février 2019, à parfaire, et la somme de 4 300 euros au titre de la location de structures, en réparation du préjudice subi du fait des désordres affectant la toiture du gymnase ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, en sa qualité d'assureur de la société Feugas, M. E et son assureur, et la société par actions simplifiée (SAS) Bernadet construction, à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre les dépens de procédure, en ce compris les frais d'expertise ;
4°) de mettre à la charge de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, de la SELAS Guérin et associés, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Feugas, de M. E et de la SAS Bernadet construction la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.
Elle soutient que :
- selon l'expert, la couverture du gymnase municipal n'est pas étanche ; les infiltrations sont généralisées sur toute la surface du gymnase, le revêtement du sol devient glissant et impraticable lorsqu'il est mouillé ; dès lors qu'après réception des travaux, l'ouvrage est impropre à sa destination et que le sol présente un danger pour les usagers, la responsabilité du constructeur est engagée sur le fondement de la garantie décennale ;
- les infiltrations proviennent de l'inversion du sens de pose des bacs nervurés à l'extérieur du complexe de couverture, si bien que l'onde de rive de chaque tôle nervurée n'assure pas le recouvrement nécessaire à l'étanchéité au droit de chaque emboîtement longitudinal ;
- ce désordre provient uniquement de la malfaçon d'exécution de l'entreprise Feugas qui a réalisé la couverture ;
- le coût des travaux réparatoires, qui consistent en un remplacement complet du bac de couverture, s'élève, selon le devis retenu par l'expert, à la somme de 179 394 euros toutes taxes comprises, à laquelle s'ajoute la somme de 12 600 euros toutes taxes comprises correspondant à une mission de maîtrise d'œuvre à hauteur de 7 % du coût des travaux ;
- elle subit un préjudice de jouissance dès lors que le gymnase est inutilisable depuis le 5 février 2019 ; ce préjudice, aux dires de l'expert, doit être estimé à 50 euros par jour, soit un total de 54 750 euros jusqu'au 5 février 2022, outre les frais de location d'un chapiteau d'un montant de 2 050 euros ;
- M. E et la SAS Bernadet construction ayant été appelés dans la cause, ils doivent être condamnés in solidum ; il appartiendra à la société Feugas, le cas échéant, d'engager une action à l'égard du maître d'œuvre qui n'est tenu qu'à une obligation de moyens.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 octobre 2022 et le 4 janvier 2023, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), représentée par Me Casadebaig, conclut, à titre principal, à ce que M. E soit appelé en la cause et au rejet des demandes indemnitaires de la commune d'Onesse-Laharie, à titre subsidiaire, à ce que M. E soit condamné à la garantir et relever indemne de toute condamnation à son encontre, et en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de la commune d'Onesse-Laharie la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le juge administratif est compétent pour connaître de l'action en responsabilité contre un constructeur en ce qu'elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur décennal ; par suite, les demandes en garantie subséquentes qu'elle formule, en sa qualité d'assureur de la SAS Feugas, à l'encontre de M. E, maître d'œuvre de l'opération, sont recevables dès lors qu'elles relèvent de l'exécution d'un marché public de travaux et qu'elle-même et le maître d'œuvre ne sont pas liés entre eux par un contrat de droit privé ;
- à titre principal, les désordres tenant à des infiltrations d'eau sur l'ensemble du bâtiment résulteraient, selon les conclusions du rapport d'expertise en date du 25 mai 2020, d'une inversion du sens de pose des bacs nervurés placés à l'extérieur du complexe de couverture ; si l'expert judiciaire a retenu la responsabilité de la société Feugas, il n'a pas expressément écarté celle susceptible d'incomber à M. E, qui était titulaire d'une mission complète de maîtrise d'œuvre ; les désordres affectant la couverture constituent une malfaçon d'exécution généralisée qui était décelable par les autres acteurs de la construction tels que le maître d'œuvre, qui était tenu d'une obligation de résultat et à qui il appartenait d'attirer l'attention du maître d'ouvrage quant à ce vice d'exécution ;
- à titre subsidiaire, les demandes indemnitaires ne peuvent prospérer ; si le gymnase était impropre à sa destination en période pluvieuse, la commune d'Onesse-Laharie pouvait l'utiliser par temps sec si bien qu'elle ne peut être indemnisée d'un préjudice de jouissance de 50 euros par jour à compter du 5 février 2019, lequel préjudice n'est pas démontré ; les frais de location de structures ne sont pas justifiés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 décembre 2022 et le 4 mai 2023, M. B F, représenté par Me Charbonnier, conclut :
1°) à l'appel en la cause de la SAS Bernadet construction ;
2°) au rejet, à titre principal, de l'appel en cause formé à son encontre par la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la SAS Feugas, et au rejet des conclusions de la SMABTP, de la commune d'Onesse-Laharie, de la SAS Bernadet construction et de toutes autres parties, dirigées contre lui ;
3°) à titre subsidiaire, à la condamnation de la SAS Bernadet construction à le garantir et relever indemne de toutes éventuelles condamnations prononcées à son encontre en principal, frais et intérêts ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que toutes éventuelles indemnités soient allouées à la commune d'Onesse-Laharie sur la base d'un montant hors taxes, au rejet de ses demandes relatives aux dommages immatériels, et à la limitation des indemnités à la somme de 159 995 euros hors taxes, augmentée, le cas échéant, du seul ratio de taxe sur la valeur ajoutée que la commune ne pourrait récupérer au travers du mécanisme du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ;
5°) dans tous les cas, à ce que soit mise in solidum à la charge de la SMABTP, de la commune d'Onesse-Laharie, de la SAS Bernadet construction et de toutes autres parties succombantes la somme de 9 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, en ce compris les dépens de référé et les frais d'expertise judiciaire.
Il fait valoir que :
- à titre principal, dès lors que seule la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de toutes demandes éventuelles à l'encontre des assureurs des constructeurs, l'action engagée par la commune à l'encontre de la SMABTP est irrecevable ; il en résulte que les demandes en garantie formées par la SMABTP à son encontre sont irrecevables ou, à tout le moins, infondées ;
- un maître d'œuvre n'est tenu que d'une obligation de moyens et non d'une obligation de résultat ; la mission de direction de travaux qui lui incombait ne lui imposait pas une présence constante sur le chantier ; en outre, les travaux, réalisés du 23 avril au 7 juillet 2018, ont fait l'objet d'un contrôle hebdomadaire, en présence des intervenants et du maître d'ouvrage ; onze réunions de chantier ont été organisées, depuis le sol et depuis la toiture, selon les disponibilités de la nacelle de la SAS Feugas ; le problème constaté provient de la mauvaise exécution de la dernière couche de bacs acier, posée en 5 à 6 jours à partir du 2 juillet 2018 par la SAS Feugas qui était en retard sur le planning d'exécution ; les faces des bacs acier nervurés composant la couverture sont identiques en partie supérieure et en partie inférieure si bien que rien ne permettait d'éveiller l'attention du maître d'œuvre, normalement diligent, sur leur pose inversée ; seul le fabricant s'est aperçu de cette malfaçon lors des opérations d'expertise amiable ; l'expert judiciaire a relevé que les désordres n'étaient pas apparents à la réception, qu'il s'agit d'une malfaçon d'exécution et que le rôle du maître d'œuvre n'est pas de se substituer à la mission de conduite des travaux de l'entreprise concernée ;
- à titre subsidiaire, la réalisation des travaux du lot unique a été confiée à un groupement conjoint et solidaire, composé de la SAS Feugas et de la SAS Bernadet construction ; la société Bernadet construction est engagée solidairement pour les travaux réalisés par la SAS Feugas ; elle doit être appelée en la cause à ce titre ; l'acte d'engagement du marché public de travaux du 6 avril 2018 ne contient aucune répartition des tâches entre les membres du groupement conjoint et solidaire, et la commune d'Onesse-Laharie n'est pas partie à la convention de groupement momentané d'entreprises conjointes, non datée, qui ne prévoit pas de répartition des tâches, si bien que la SAS Bernadet construction ne peut pas s'en prévaloir pour échapper à la solidarité qui lui incombe ; il est fondé à se prévaloir de l'irrespect des stipulations contractuelles liant le groupement conjoint et solidaire ;
- à titre subsidiaire, la SAS Bernadet construction doit, le cas échéant avec toutes autres parties, le garantir et relever indemne de toutes éventuelles condamnations prononcées à son encontre ;
- à titre infiniment subsidiaire, toute éventuelle indemnisation allouée à la commune d'Onesse-Laharie au titre des désordres ne pourra avoir pour base qu'un montant hors taxe, dès lors que la commune ne rapporte pas la preuve qu'elle ne serait pas en mesure de récupérer la TVA ; la commune ne produit aucun justificatif comptable à l'appui de la demande relative à un préjudice de jouissance dont elle ne démontre ni la réalité ni, a fortiori, le quantum ; toute éventuelle indemnisation de la commune ne peut excéder les sommes de 159 995 euros hors taxes au titre des travaux de reprise et de 10 500 euros au titre des honoraires de maîtrise d'œuvre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Bernardet construction, représentée par Me Corbineau, conclut :
1°) à titre principal, à sa mise hors de cause, au rejet de l'appel en garantie formé par M. E à son encontre et à ce que soit mise à la charge de ce dernier la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la SAS Feugas, et de M. E à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, et à ce que soit mise à la charge de toute partie succombant la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, à la limitation de l'indemnisation du préjudice de jouissance de la commune d'Onesse-Laharie et au rejet de sa demande d'indemnisation au titre de la location de structures.
Elle fait valoir que :
- l'expert a précisé la teneur des travaux effectués par la SAS Feugas et par elle-même, constituées en un groupement solidaire ; elle a réalisé la dépose des faux plafonds et de l'ancienne couverture, l'entreprise Feugas a notamment réalisé la pose du nouveau complexe de toiture ; l'expert conclut que la malfaçon d'exécution, cause des infiltrations, est de la seule responsabilité de l'entreprise Feugas ;
- lorsque les travaux des entreprises membres d'un groupement solidaire sont matériellement dissociables, seule l'entreprise dont les travaux sont affectés de malfaçons est tenue au titre de la garantie décennale ; la lecture combinée de la convention de groupement, qui détaille le coût du marché de chaque entreprise, et de la décomposition du prix global et forfaitaire permet de distinguer clairement le partage des travaux, de sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée au titre des désordres affectant le lot affecté à l'entreprise Feugas ;
- le maître d'ouvrage ne formule aucune demande à son encontre ; dès lors que la solidarité entre membres d'un groupement ne profite qu'au maître d'ouvrage, l'appel en garantie formé à son encontre par M. E doit être rejeté ;
- à titre subsidiaire, la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la société Feugas dont l'entière responsabilité est reconnue par l'expert, doit la garantir de toute condamnation ; M. E, dont la mission de maître d'œuvre incluait une assistance à la réception, aurait dû déceler la malfaçon d'exécution qui présentait un caractère évident, ce qui trahit un défaut de suivi de chantier ; il doit la garantir et relever indemne de toute condamnation ;
- à titre infiniment subsidiaire, la privation de jouissance n'intervient, selon l'expert, qu'en période pluvieuse, de sorte que la demande d'indemnisation de la commune d'Onesse-Laharie à ce titre est injustifiée et doit être limitée à une période de quatre mois par an ; la location de structures, en période estivale, n'est pas justifiée.
Par ordonnance du 20 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mai 2023.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, le tribunal a informé les parties, par un courrier du 20 avril 2023, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur des moyens, relevés d'office, tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'homologation du rapport d'expertise, dès lors qu'il n'appartient pas au tribunal de procéder à l'homologation d'un rapport établi dans le cadre d'une expertise qu'il lui-même ordonnée, d'autre part, de l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions présentées par la SAS Bernadet construction à fin d'appel en garantie de la SMABTP en sa qualité d'assureur de la SAS Feugas.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance du 28 mai 2020, par laquelle la présidente du tribunal a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. A à la somme de 6 730,57 euros toutes taxes comprises.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beneteau,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Gourgues, représentant la SMABTP, et de Me Charbonnier, représentant M. E.
Considérant ce qui suit :
1. La commune d'Onesse-Laharie (Landes) a entrepris, en 2018, des travaux de remplacement de la toiture du gymnase municipal. La maîtrise d'œuvre complète de l'opération a été confiée à M. B E, architecte. Par acte d'engagement du 10 avril 2018, le lot unique de travaux de dépose, désamiantage, charpente et couverture métallique a été confié à un groupement conjoint et solidaire constitué de la société par actions simplifiée (SAS) Bernadet construction et de la SAS Feugas. Cette dernière, placée en liquidation judiciaire, était assurée auprès de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP). Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 6 août 2018. Dans les mois suivants, la commune a constaté des infiltrations généralisées causant des coulures sur le sol du gymnase et des dégradations de l'isolant. Elle a saisi le juge des référés qui, par une décision du 30 août 2019, a ordonné une expertise. L'expert désigné a déposé son rapport le 25 mai 2020. Par la présente requête, la commune d'Onesse-Laharie doit être regardée comme demandant au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, d'homologuer le rapport d'expertise judiciaire et de condamner in solidum la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la société Feugas, M. E et la SAS Bernadet construction, sur le fondement de la garantie décennale, à lui verser les sommes de 179 394 euros toutes taxes comprises au titre du préjudice matériel et de 12 600 euros au titre de la maîtrise d'œuvre, augmentées en fonction de l'indice BT 01 de l'indice national de la construction à compter de la date de dépôt du rapport d'expertise, ainsi que la somme de 54 750 euros ou, à tout le moins, à la somme de 50 euros par jour à compter du 5 février 2019, à parfaire, et la somme de 4 300 euros au titre de la location de structures, en réparation du préjudice subi du fait des désordres affectant la toiture du gymnase. Plusieurs des parties défenderesses ont présenté des conclusions d'appel en garantie.
Sur les conclusions à fin d'homologation du rapport d'expertise :
2. D'une part, l'homologation consiste à donner un caractère exécutoire à un acte. En l'espèce, le rapport d'expertise judiciaire du 25 mai 2020 se borne à déterminer, conformément à la mission qui avait été confiée à l'expert, les causes et l'étendue des préjudices subis par la requérante. Dès lors que l'expertise n'a pas conduit à un accord entre les parties, susceptible de fonder une transaction entre elles, il n'y a pas lieu pour le tribunal, en tout état de cause, d'en prononcer l'homologation.
3. D'autre part, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'homologuer un rapport d'expertise en l'absence de tout texte le prévoyant. Les conclusions présentées à cette fin par la commune d'Onesse-Laharie sont, dès lors, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions et l'appel en garantie dirigés contre la SMABTP :
4. Il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par l'assureur d'une personne privée au titre des obligations de droit privé nées d'un contrat d'assurance, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative.
5. D'une part, s'il appartient au juge administratif de connaître de l'action engagée par la commune d'Onesse-Laharie à l'encontre des participants à l'opération de remplacement de la toiture du gymnase municipal, il résulte de ce qui a été indiqué au point précédent qu'il n'appartient pas au juge administratif de connaître des conclusions présentées par la commune d'Onesse-Laharie contre la SMABTP en sa qualité d'assureur de la société Feugas, ces conclusions trouvant leur cause dans la police de droit privé conclue entre les intéressées.
6. D'autre part, les conclusions de la SAS Bernadet construction tendant à appeler en garantie la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la société Feugas, sont relatives à l'exécution d'obligations de droit privé entre un constructeur et son assureur et échappent dès lors à la compétence de la juridiction administrative. Par suite, il y a lieu de rejeter ces conclusions comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur la responsabilité décennale des constructeurs :
7. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.
8. Il incombe au juge administratif, lorsqu'est recherchée devant lui la responsabilité décennale des constructeurs, d'apprécier, au vu de l'argumentation que lui soumettent les parties sur ce point, si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs.
En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la toiture du gymnase municipal est affectée, dans son ensemble, d'un défaut d'étanchéité. Lors de précipitations importantes et prolongées, des infiltrations en sous-face de la toiture entraînent la formation de flaques d'eau sur le sol en résine qui devient particulièrement glissant. Ces infiltrations ont été signalées, pour la première fois, le 7 février 2019, alors que les travaux avaient été réceptionnés sans réserve le 6 août 2018. Si, ainsi qu'il résulte de l'instruction, ce désordre ne porte pas atteinte à la solidité de l'ouvrage, les infiltrations rendent toutefois le gymnase impropre à sa destination à chaque épisode pluvieux et dans les jours suivants, dès lors que le sol, rendu glissant, est dangereux et que, de ce fait, le gymnase devient impraticable. Le maire d'Onesse-Laharie a, en conséquence, pris un arrêté interdisant l'accès du gymnase au public à compter du 5 février 2019. Dans ces conditions, le désordre, dont il est constant qu'il a été constaté dans le délai de dix ans après réception des travaux, est de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.
En ce qui concerne les causes des désordres :
10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les infiltrations résultent de l'inversion du sens de pose des bacs nervurés qui constituent la face extérieure du complexe de couverture, la sous-face se retrouvant en partie supérieure. Ainsi, les bacs extérieurs reposent sur les " ondes " tandis que les " plages " des bacs se retrouvent en partie supérieure, de sorte que le rebord n'est pas suffisant pour empêcher les pénétrations d'eau, l'onde de rive de chaque tôle nervurée n'assurant pas le recouvrement nécessaire à l'étanchéité au droit de chaque emboîtement longitudinal.
En ce qui concerne l'imputabilité des désordres et les débiteurs de la garantie décennale :
11. La garantie décennale est due par les constructeurs, en l'absence même de faute imputable à ces derniers, dès lors que les désordres peuvent être regardés comme leur étant imputables au titre des missions qui leur ont été confiées par le maître de l'ouvrage dans le cadre de l'exécution des travaux litigieux.
12. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.
13. Il appartient au juge administratif, dès lors qu'il constate, d'une part, que les parties à une opération de construction n'ont pas entendu contractuellement renoncer ou aménager le régime de la garantie décennale des constructeurs et, d'autre part, que les conditions de l'engagement de cette responsabilité sont réunies, de tirer les conséquences, le cas échéant d'office, du caractère solidaire de cette responsabilité en condamnant l'ensemble des constructeurs auxquels sont imputables les désordres en litige à en réparer les conséquences dommageables pourvu qu'ils aient été mis en cause par le maître de l'ouvrage et qu'ils aient, au moins pour partie, contribué à la survenance de ces désordres.
14. Enfin, l'action en garantie décennale n'est ouverte au maître de l'ouvrage qu'à l'égard des constructeurs avec lesquels il a été lié par un contrat de louage d'ouvrage.
15. Il résulte du dernier état des écritures de la commune d'Onesse-Laharie qu'elle a entendu engager in solidum, sur le fondement de la garantie décennale, la responsabilité de la SMABTP, en sa qualité d'assureur de la SAS Feugas, ainsi que celle de M. E, en sa qualité de maître d'œuvre, et de la SAS Bernadet construction en tant que membre du groupement solidaire d'entreprises titulaire du lot unique du marché de travaux.
S'agissant de la SMABTP :
16. En vertu des dispositions des articles L. 237-2 du code du commerce et 1844-8 du code civil, une société prend fin par la dissolution de celle-ci, sa personnalité morale ne subsistant, pour les besoins de la liquidation, que jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.
17. En l'espèce, si, par jugement du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan du 5 avril 2019, la société SAS Feugas a été placée en liquidation judiciaire et la SELAS Guerin et associées a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, il ne résulte pas de l'instruction que les opérations de liquidation judiciaire seraient clôturées et que la société SAS Feugas ne disposerait plus de la personnalité morale. Alors même qu'il était loisible à la commune d'Onesse-Laharie de la mettre en cause, les conclusions qu'elle dirige contre la SMABTP, en tant qu'assureur de la SAS Feugas, sont, en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point 5, irrecevables. Par suite, la commune d'Onesse-Laharie n'est pas fondée à engager la responsabilité de la SMABTP sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.
S'agissant de la SAS Bernadet construction :
18. Il est constant que la SAS Bernadet construction était, selon l'acte d'engagement du 10 avril 2018, mandataire du groupement conjoint et solidaire, constitué avec la SAS Feugas, et titulaire du lot unique du marché de travaux. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas davantage allégué que les parties ont entendu aménager contractuellement le régime de la garantie décennale des constructeurs. Pour contester sa mise en cause solidaire avec l'autre membre de ce groupement à raison des désordres affectant la toiture du gymnase, la société Bernadet construction se prévaut de la convention qu'elle a signée avec la SAS Feugas, qui renvoie, pour la répartition des tâches, à la décomposition du prix global et forfaitaire et qui stipule que chacun des membres reste responsable, notamment, de la réalisation de ses ouvrages. Toutefois, cette convention n'a été signée que par les deux membres du groupement et n'est pas opposable au maître d'ouvrage. Cependant, le tableau de décomposition du prix global et forfaitaire, daté du 28 février 2018 et modifié le 29 mars 2018, auquel renvoie l'article 2 de l'acte d'engagement du marché de travaux, définit précisément la répartition des tâches entre les membres du groupement en associant chaque entreprise à la réalisation de tâches distinctes. Il en résulte qu'aux termes des pièces du marché, opposables à la requérante, seule la société Feugas était chargée de la pose de la nouvelle couverture. Dans ces conditions, la commune d'Onesse-Laharie n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la SAS Bernadet construction au titre de la garantie décennale des constructeurs, à raison des désordres résultant de ces travaux, de sorte que la SAS Bernadet construction doit être mise hors de cause.
S'agissant de M. E :
19. Il résulte de l'instruction que la commune d'Onesse-Laharie a confié à M. E, selon un devis établi le 13 décembre 2017 et une commande du 3 avril 2018, une mission de maîtrise d'œuvre incluant une mission de suivi de chantier et d'assistance à la réception. Cette mission recouvrait la direction de l'exécution du ou des contrats de travaux, dite DET. Par suite, M. E, dont la responsabilité est recherchée par la requérante, ne peut être regardé comme étant totalement étranger aux désordres résultant des travaux qu'il avait la charge de suivre. Il demeure, dès lors, même en l'absence alléguée de faute, débiteur de plein droit envers le maître d'ouvrage de la garantie décennale des constructeurs. Dans ces conditions, la commune d'Onesse-Laharie est fondée à engager sa responsabilité, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, en sa qualité de maître d'œuvre, et il est tenu à la réparation de l'entier préjudice résultant, pour la commune, des désordres affectant le gymnase municipal.
Sur la réparation du préjudice :
20. Saisi de demandes indemnitaires sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, il appartient au juge de déterminer l'étendue du préjudice subi par le maître d'ouvrage qui présente un caractère indemnisable.
21. Le maître d'ouvrage a droit à la réparation intégrale des préjudices qu'il a subis lorsque la responsabilité décennale du constructeur est engagée, sans que l'indemnisation qui lui est allouée à ce titre puisse dépasser le montant des travaux strictement nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination en usant des procédés de remise en état les moins onéreux possible.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
22. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 256 B du code général des impôts : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence. ".
23. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales : " Les attributions ouvertes chaque année par la loi à partir des ressources du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des collectivités territoriales visent à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses d'investissement ainsi que sur leurs dépenses pour : / 1° L'entretien des bâtiments publics et de la voirie ; / () ".
24. D'une part, le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ses propres opérations. Or, les personnes morales de droit public ne sont en général pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et il appartient aux personnes mises en cause d'apporter au juge tout élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement des collectivités territoriales à la taxe sur la valeur ajoutée et à établir que le montant de celle-ci ne devait pas être inclus dans le montant du préjudice indemnisable.
25. En l'espèce, si M. E demande que le montant de la réparation soit évalué hors taxes, il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la présomption de non-assujettissement de la commune d'Onesse-Laharie sur la valeur ajoutée et à établir que le montant de celle-ci ne devrait pas être inclus dans le montant du préjudice indemnisable.
26. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts que les collectivités territoriales ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs. Si, en vertu des dispositions de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée vise à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales notamment sur leurs dépenses d'investissement, il ne modifie pas le régime fiscal des opérations de ces collectivités. Ainsi, ces dernières dispositions ne font pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de réfection d'un immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à une collectivité territoriale, maître d'ouvrage, alors même que celle-ci peut bénéficier de sommes issues de ce fonds pour cette catégorie de dépenses.
27. Dans ces conditions, les condamnations des constructeurs à verser à cette collectivité territoriale les sommes qui lui sont dues doivent, contrairement à ce que soutient M. E, être assorties de la taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, alors même que la commune d'Onesse-Laharie peut bénéficier de sommes issues du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre de ses dépenses d'investissement, elle peut demander la réparation de l'intégralité du coût des travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination ainsi que de ses éventuels préjudices et dommages annexes ou distincts dont elle établirait, en l'espèce, le lien de causalité direct et certain avec les désordres mentionnés.
En ce qui concerne l'actualisation :
28. L'évaluation des dommages subis par la commune d'Onesse-Laharie doit être faite à la date où leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à y remédier. En l'espèce, cette date est celle où l'expert désigné par le tribunal a déposé son rapport, lequel définit avec une précision suffisante la nature des travaux nécessaires pour remédier aux désordres constatés. La requérante, qui demande que les sommes allouées en réparation des désordres soient actualisées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 constatée depuis l'expertise, n'établit, ni même n'allègue, avoir été dans l'impossibilité financière ou technique de faire procéder aux réparations nécessaires à la date du dépôt du rapport de l'expert, pas plus qu'elle n'apporte d'élément permettant d'établir que le coût des travaux de remise en état se serait renchéri depuis l'estimation de l'expert. Dans ces conditions, sa demande tendant à ce que l'indemnité de réparation soit actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 doit être rejetée.
En ce qui concerne les travaux réparatoires :
29. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les travaux réparatoires nécessitent la dépose et le remplacement du bac de couverture ainsi que du troisième lit d'isolation, la repose tendue du deuxième lit d'isolation et la réfection des faîtages. Il y a lieu de retenir le montant du devis retenu par l'expert et d'allouer à la commune d'Onesse-Laharie la somme de 179 394 euros toutes taxes comprises, ainsi que la somme de 12 600 euros correspondant à la rémunération de la mission de maîtrise d'œuvre représentant 7 % du coût des travaux de reprise.
30. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner M. E à verser à la commune d'Onesse-Laharie la somme totale de 191 994 euros toutes taxes comprises au titre de l'indemnisation des travaux de reprise de la toiture du gymnase.
En ce qui concerne les préjudices immatériels :
31. La commune d'Onesse-Laharie sollicite l'indemnisation d'un préjudice de jouissance, à concurrence de la somme totale de 54 750 euros, dès lors que le gymnase est inutilisable depuis le 5 février 2019, soit une somme de 50 euros par jour durant trois ans à compter de l'interdiction d'accéder au gymnase prise par arrêté du maire du 5 février 2019. Elle soutient qu'elle a subi un préjudice d'image lors de l'organisation d'un concert réunissant 700 personnes et lors duquel le public a dû s'installer sur la chape en béton du gymnase. Elle fait valoir par ailleurs que l'indisponibilité du gymnase, en cas d'intempéries, l'oblige à annuler les activités tant du club de tennis que de l'amicale des pompiers, et à empêcher le déroulement des activités sportives des écoles. Elle sollicite également l'indemnisation de la location d'un chapiteau pour la somme de 2 050 euros, à l'occasion de l'organisation d'un tournoi de rugby à sept le 24 août 2019, pour lequel elle produit une facture. Toutefois, dès lors qu'elle ne justifie, par la production d'une facture, que de la réalité des dépenses exposées pour la location ponctuelle d'un chapiteau, et alors que la réalité des préjudices immatériels est contestée en défense, la somme destinée à indemniser les préjudices immatériels doit être fixée à 2 050 euros toutes taxes comprises, que M. E doit être condamné à lui verser.
Sur les dépens :
32. Aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal () en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires (). Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance () ". En vertu de l'article R. 761-1 du même code : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (). ".
33. Les frais d'expertise, taxés et liquidés par une ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Pau du 28 mai 2020, s'élèvent à la somme de 6 730,57 euros toutes taxes comprises.
34. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, et compte tenu de ce qui précède, de mettre les frais d'expertise, soit la somme de 6 730,57 euros, à la charge de M. E.
Sur les appels en garantie :
35. Le recours entre constructeurs, non contractuellement liés, ne peut avoir qu'un fondement quasi-délictuel. Les coauteurs obligés solidairement à la réparation d'un même dommage ne sont tenus entre eux que chacun pour sa part, déterminée à proportion du degré de gravité des fautes qu'ils ont personnellement commises, caractérisées par un manquement dans les règles de leur art. Ils ne peuvent, en outre, être solidairement condamnés à garantir l'un d'eux que si leur faute personnelle a concouru à la survenance d'un dommage commun.
En ce qui concerne la répartition des responsabilités :
36. Ainsi qu'il a été dit au point 18, il résulte de l'instruction, et notamment de l'acte d'engagement du lot unique du marché de travaux, que les entreprises SAS Bernadet construction et SAS Feugas ont constitué un groupement conjoint et solidaire afin de réaliser les travaux du marché selon une répartition financière résultant du détail des prix global et forfaitaire, soit une rémunération de 62 332,61 euros hors taxes pour la SAS Bernadet construction, et de 109 667,39 euros hors taxes pour la SAS Feugas. Il résulte en outre de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que selon l'expert, l'entreprise Feugas, qui a réalisé la pose des bacs nervurés, porte l'entière responsabilité de la malfaçon à l'origine des désordres.
37. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 19, la commune d'Onesse-Laharie a confié à M. E une mission de maîtrise d'œuvre incluant la mission de suivi de chantier et d'assistance à la réception qui lui a été commandée le 3 avril 2018, qui recouvrait la direction de l'exécution du ou des contrats de travaux, dite DET. M. E fait valoir que, selon l'expert, la détection de la malfaçon n'était possible que par des contrôles poussés, en recherchant la cause des infiltrations par l'examen des emboîtements des bacs de couverture depuis le dessus de la toiture, et qu'elle n'était " pas évidente pour un homme de l'art dans le contexte d'un suivi de chantier avec une réunion hebdomadaire, ainsi qu'à l'occasion de la réception d'un chantier en plein été ", de telle sorte que la responsabilité du maître d'œuvre " ne paraît pas pouvoir être retenue ". Toutefois, si l'expert a considéré que la société Feugas était seule et entièrement responsable de la survenue des désordres, la circonstance que le contrôle de la pose des bacs de couverture était difficile ne suffit pas à établir que ces désordres sont dépourvus de lien avec les obligations contractuelles du maître d'œuvre, portant notamment sur le contrôle des ouvrages en cours de réalisation et sur la conformité des travaux. En outre, il résulte de l'instruction, et notamment des constatations faites lors d'une première réunion d'expertise amiable réalisée le 25 avril 2019, qu'un " examen visuel de la toiture permet de constater facilement que le bac extérieur est posé à l'envers ". Dans ces conditions, le maître d'œuvre devait être en mesure, lors du suivi de chantier, de s'apercevoir de la malfaçon affectant la pose des bacs en toiture.
38. Eu égard aux manquements respectifs de la société Feugas et de M. E, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en ce qui concerne les désordres affectant la toiture du gymnase municipal en fixant à 90 % la part incombant à la société Feugas et à 10 % la part incombant à M. E.
En ce qui concerne la compétence du juge administratif :
39. Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant le maître d'ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement. Si tel n'est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d'un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l'interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse.
En ce qui concerne les appels en garantie formés par la SMABTP et par la société Bernadet construction à l'encontre de M. E :
40. En l'absence de toute condamnation prononcée à son encontre par le présent jugement, les conclusions présentées par la SMABTP aux fins d'appel en garantie de M. E sont, en tout état de cause, dépourvues d'objet.
41. De la même façon et pour le même motif, les conclusions présentées par la SAS Bernadet construction aux fins d'appel en garantie de M. E sont dépourvues d'objet.
En ce qui concerne l'appel en garantie formé par M. E à l'encontre de la SAS Bernadet construction :
42. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit aux points 18 et 36, que la société Bernadet construction, membre du groupement conjoint solidaire attributaire du lot unique de travaux, n'a pas pris part aux travaux de pose de la toiture, et que les désordres retenus ne lui sont pas imputables. Par suite, M. E n'est pas fondé à demander à être garanti et relevé indemne, par la SAS Bernadet construction, des sommes mises à sa charge par le présent jugement.
Sur les frais du litige :
43. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
44. Les conclusions présentées à titre subsidiaire par lesquelles la commune requérante demande à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doivent être regardées comme tendant à ce qu'il soit fait application par le tribunal des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
45. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E la somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Onesse-Laharie au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
46. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Onesse-Laharie la somme de 1 500 euros à verser à la SMABTP au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
47. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre respectivement à la charge de la commune d'Onesse-Laharie et de M. E la somme de 750 euros à verser chacun à la SAS Bernadet construction au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
48. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune d'Onesse-Laharie à l'encontre de la SMABTP, de la SELAS Guérin et associés en sa qualité de mandataire liquidateur représentant la SAS Feugas, et de la SAS Bernadet construction, de même que celles présentées sur le même fondement par M. E à l'encontre de la commune d'Onesse-Laharie, de la SMABTP et de la SAS Bernadet construction.
D E C I D E :
Article 1er : Les conclusions de la requête de la commune d'Onesse-Laharie dirigées contre la SMABTP et les conclusions d'appel en garantie présentées par la SAS Bernadet construction à l'encontre de la SMABTP sont rejetées comme étant portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 2 : M. E est condamné à verser à la commune d'Onesse-Laharie une indemnité totale de 194 044 (cent quatre-vingt-quatorze mille quarante-quatre) euros toutes taxes comprises.
Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 6 730,57 euros (six mille sept cent trente euros et cinquante-sept centimes) toutes taxes comprises sont mis à la charge définitive de M. E.
Article 4 : M. E versera à la commune d'Onesse-Laharie la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : M. E versera à la SAS Bernadet construction la somme de 750 (sept cent cinquante) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La commune d'Onesse-Laharie versera à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : La commune d'Onesse-Laharie versera à la SAS Bernadet construction la somme de 750 (sept cent cinquante) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 9 : Le présent jugement sera notifié à la commune d'Onesse-Laharie, à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, à la SELAS Guérin et associés en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS constructions métalliques Feugas, à M. E, à la SAS Bernadet construction et à la mutuelle des architectes français.
Copie en sera adressée à M. D A, expert judiciaire.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Sellès, présidente,
Mme Beneteau, première conseillère,
Mme Neumaier, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.
La rapporteure,
Signé
A. BENETEAU
La présidente,
Signé
M. SELLES La greffière,
Signé
M. C
La République mande et ordonne à la préfète des Landes en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition :
La greffière,