Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2024, la SARL CICE-OCE, représentée par M. A, son gérant, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative d'annuler la décision en date du 26 janvier 2024 par laquelle le maire de Rouen a rejeté sa candidature à l'appel d'offre ouvert pour un marché à bons de commande pour des prestations de repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante et du plomb.
Elle soutient qu'elle n'a pas produit de certification plomb demandée, certification très rare chez les diagnostiqueurs et onéreuse, mais pourra en justifier après obtention du marché public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2024, la commune de Rouen, représentée par Me Vérilhac, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'exigence de production d'un certificat diagnostic plomb avec mention en cours de validité est rendu nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser et proportionnée ;
- en l'absence de production du certificat, l'offre de la société requérante est irrégulière et doit être rejetée ;
- la société ne peut avoir recours à un sous-traitant sans production des certificats avec mention détenus par le sous-traitant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de santé publique ;
- l'arrêté du 24 décembre 2021 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du président du tribunal désignant Mme Van Muylder, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique, en présence de M. Mialon, greffier :
- le rapport de Mme Van Muylder,
- et les observations de Me Vérilhac, pour la commune de Rouen, qui conclut aux mêmes fins.
La société CICEA-OCE n'était ni présente ni représentée.
La clôture de l'instruction est intervenue à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Rouen a lancé, le 26 juillet 2023, un appel d'offre ouvert le 14 novembre 2023 pour la passation d'un marché à bons de commande pour des prestations de repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante et du plomb. L'entreprise CICEA-OCE a répondu à la consultation. La commune de Rouen a invité la société à régulariser son offre avant le 26 décembre 2023 en justifiant des certifications diagnostic plomb avec mention en cours de validité. Par courrier du 26 janvier 2024, la commune de Rouen a rejeté l'offre de la société CICEA-OCE. La société CICEA-OCE doit être regardée comme demandant au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler cette décision.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " I. - Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. ". L'article L. 551-10 prévoit que : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat ou à entrer au capital de la société d'économie mixte à opération unique et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas où le contrat doit être conclu par une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou un établissement public local. () ".
3. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
4. La commune de Rouen a déclaré l'offre de la société CICEA-OCE irrégulière au motif que, nonobstant la demande de régularisation, la société n'a pas produit la certification plomb qui était prévue par le règlement de consultation.
5. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes de l'article L. 2152-2 du même code : " Une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ".
6. Un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation.
7. Aux termes de l'article L. 2142-1 du code de la commande publique : " L'acheteur ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du marché. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution.". Selon l'article R. 2143-3 du même code : " Le candidat produit à l'appui de sa candidature : / () 2° Les renseignements demandés par l'acheteur aux fins de vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles du candidat ". Aux termes de l'article R. 2142-1 du même code : "Les conditions de participation à la procédure de passation relatives aux capacités du candidat mentionnées à l'article L. 2142-1, ainsi que les moyens de preuve acceptables, sont indiqués par l'acheteur dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt ou, en l'absence d'un tel avis ou d'une telle invitation, dans les documents de la consultation.". Aux termes de l'article R. 2144-2 du même code : " L'acheteur, qui constate que des pièces ou informations, dont la présentation était réclamée au titre de la candidature, sont absentes ou incomplètes, peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai approprié et identique pour tous. ().". Aux termes de l'article R. 2144-3 dudit code : " La vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché ". Aux termes de l'article R. 2144-6 de ce code : " L'acheteur peut demander au candidat de compléter ou d'expliquer les documents justificatifs et moyens de preuve fournis ou obtenus. "
8. Il résulte de ces dispositions que l'autorité adjudicatrice doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public. Les documents ou renseignements exigés à l'appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser. Le juge du référé précontractuel ne peut censurer l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les niveaux de capacité exigés des candidats à un marché public, ainsi que sur les garanties présentées par ceux-ci que dans le cas où cette appréciation est entachée d'une erreur manifeste.
9. Aux termes de l'article L. 1334-1 du code de la santé publique : " Le médecin qui dépiste un cas de saturnisme chez une personne mineure doit, après information de la personne exerçant l'autorité parentale, le porter à la connaissance, sous pli confidentiel, du médecin de l'agence régionale de santé désigné par le directeur général de l'agence. Le médecin de l'agence en informe le médecin responsable du service départemental de la protection maternelle et infantile. Par convention entre le directeur général de l'agence régionale de santé et le président du conseil départemental, le médecin responsable du service départemental de la protection maternelle et infantile peut être chargé de recueillir la déclaration du médecin dépistant () / Le directeur général de l'agence régionale de santé ou, à la demande du représentant de l'Etat dans le département, le directeur du service communal d'hygiène et de santé si ce service est compétent en application de l'article L. 1422-1 procède immédiatement à une enquête sur l'environnement du mineur, afin de déterminer l'origine de l'intoxication. Dans le cadre de cette enquête, le directeur général de l'agence régionale de santé ou le directeur du service communal d'hygiène et de santé peut faire réaliser un diagnostic portant sur les revêtements des immeubles ou parties d'immeubles habités ou fréquentés régulièrement par ce mineur. Les résultats de l'enquête sont communiqués au représentant de l'Etat dans le département ainsi qu'au directeur général de l'agence régionale de santé lorsque cette enquête a été réalisée par le directeur du service communal d'hygiène et de santé () / Lorsqu'un risque d'exposition au plomb pour un mineur est porté à sa connaissance en l'absence de déclaration d'un cas de saturnisme, le représentant de l'Etat dans le département peut également prescrire au directeur général de l'agence régionale de santé ou au directeur du service communal d'hygiène et de santé de faire réaliser le diagnostic mentionné au troisième alinéa. Le directeur général de l'agence régionale de santé ou le directeur du service communal d'hygiène et de santé peut également faire réaliser ce diagnostic lorsqu'il a été directement informé du risque d'exposition. Les résultats du diagnostic sont communiqués au représentant de l'Etat dans le département ainsi qu'au directeur général de l'agence régionale de santé lorsque le diagnostic a été réalisé par le directeur du service communal d'hygiène et de santé. ". Aux termes de l'article L. 1334-1-1 du même code : " Le diagnostic prévu à l'article L. 1334-1 et le constat prévu à l'article L. 511-14 du code de la construction et de l'habitation sont réalisés par des opérateurs répondant aux conditions fixées à l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation. ". Aux termes de l'article L. 1334-2 de ce code : " Le diagnostic mentionné à l'article L. 1334-1 identifie les éléments de construction comportant un revêtement dégradé, précise la concentration en plomb de ces revêtements et la méthode d'analyse utilisée pour la mesurer et décrit l'état de conservation des revêtements contenant du plomb, selon un protocole précisé par un arrêté conjoint des ministres chargés du logement et de la santé ". Aux termes de l'article L. 1334-5 de ce même code : " Un constat de risque d'exposition au plomb présente un repérage des revêtements contenant du plomb et, le cas échéant, dresse un relevé sommaire des facteurs de dégradation du bâti. Est annexée à ce constat une notice d'information dont le contenu est précisé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la construction. ". Aux termes de l'article R. 1334-11 dudit code : " Le constat de risque d'exposition au plomb est dressé par une personne répondant aux conditions de l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation. "
10. La certification diagnostic plomb porte sur le constat des risques d'exposition au plomb (CREP), la capacité à réaliser le diagnostic du risque d'intoxication par le plomb des peintures (DRIPP) et à en réaliser le contrôle après travaux. Cette certification se compose de deux types de certification pour ce domaine : primo, le diagnostic plomb sans mention consiste en la constatation des risques d'exposition au plomb (CREP) et permet de définir la dangerosité pour la santé des revêtements contenant du plomb et ainsi d'identifier les risques de saturnisme infantile et de dégradation du bâtiment ; secundo, le diagnostic plomb avec mention consiste en la réalisation après travaux d'un diagnostic du risque d'intoxication par le plomb des peintures (DRIPP) présentes dans les lieux habités ou fréquentés par des enfants mineurs et en la réalisation du contrôle après travaux palliatifs visant à supprimer l'accessibilité au plomb.
11. Il est constant que le règlement de consultation prévoyait la production d'une certification diagnostic plomb avec mention en cours de validité et que la société requérante n'a pas produit ladite certification. La société requérante ne peut utilement invoquée le coût d'une telle certification ou la circonstance qu'elle pourra produire ce document lorsqu'elle a obtenu le marché dès lors que la certification faisait partie des pièces exigées et qu'il n'est pas soutenu qu'elle serait sans lien avec l'objet du marché ou disproportionnée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société CICEA-OCE présentées sur le fondement de L. 551-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Rouen sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société CICEA-OCE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Rouen sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société à responsabilité limitée CICEA-OCE et à la commune de Rouen.
Fait à Rouen, le 20 février 2024.
La juge des référés
Signé
C. Van Muylder
Le greffier,
Signé
J.-B. Mialon
La République mande et ordonne au préfet de la région Normandie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
J.-B Mialon