Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 2021 et le 18 juillet 2022, la société Provençale d'entretien (SOPREN), représentée par la SCP Tertian-Bagnoli-Langlois-Martinez, doit être regardée comme demandant au tribunal :
1°) de condamner la commune du Beausset à lui verser la somme de 11 691,27 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020, en règlement du solde du décompte général et définitif du lot n° 4 " menuiseries extérieures " du marché public de rénovation de la Maison d'arts et de la culture de la commune, et la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;
2°) à titre subsidiaire, de ramener à la somme de 5 000 euros le montant des pénalités de retard et de condamner en conséquence la commune du Beausset à lui verser la somme de 6 691,27 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Beausset la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, elle est titulaire d'un décompte général définitif tacite fixant le solde restant à lui régler à la somme de 21 681,90 euros TTC ;
- à titre subsidiaire, le montant des pénalités de retard infligées par la commune est excessif et disproportionné par rapport à l'objet et au coût du marché et au regard des pratiques observées pour des marchés comparables ; il sera fait une juste appréciation du montant des pénalités en les modérant à la somme de 5 000 euros TTC.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 juin et 4 août 2022, la commune du Beausset, représentée par Me Marchesini, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de
2 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est infondée dès lors que la société requérante lui a adressé son mémoire en réclamation après l'expiration du délai de trente jours fixé par les dispositions de l'article 50.1.1 du CCAG Travaux ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Montalieu, rapporteure,
- les conclusions de M. Kiecken, rapporteur public,
- et les observations de Me Martinez, avocat de la société requérante, et de Me Gonzalez-Lopez, substituant Me Marchesini, représentant la commune du Beausset.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 20 novembre 2018, la commune du Beausset a attribué à la SOPREN le lot n°4 " menuiseries extérieures " du marché public de rénovation de la Maison d'arts et de la culture. Le 27 août 2020, le maître d'œuvre a proposé la réception des travaux avec réserves. La levée partielle des réserves a été prononcée le 10 septembre 2020. Par un courrier du même jour, la commune a adressé à la SOPREN un décompte de pénalités de retard d'un montant de 11 691,27 euros TTC et par un titre exécutoire émis le 16 septembre 2020, elle a mis cette somme à la charge de la SOPREN. Par un courrier du 2 octobre 2020, la société requérante a transmis à la commune un projet de décompte final mentionnant un solde restant à lui régler d'un montant de 9 990,62 euros TTC. La commune n'a pas répondu à ce courrier. Par un courrier du 17 novembre 2020, la société requérante lui a adressé un projet de décompte général signé portant le solde restant à lui régler à la somme de 21 681,90 euros TTC. Aucune réponse n'a été apportée à ce courrier. Le 1er décembre 2020, le maître d'œuvre a mis en demeure la SOPREN d'exécuter les travaux faisant l'objet des dernières réserves avant le 15 décembre 2020 et la levée de ces réserves a été prononcée le 29 avril 2021. Le 5 mai 2021, la commune a signé un décompte général définitif faisant apparaître un solde de 9 990,62 euros TTC, qu'elle a versé à la SOPREN le 17 mai suivant. Le 26 juillet 2021, la société requérante a formé un mémoire en réclamation portant sur le décompte général du marché et les pénalités de retard infligées. Ce mémoire a été rejeté par la commune le 8 septembre 2021.
Sur les conclusions à fin de condamnation présentées à titre principal :
2. Aux termes de l'article 11.1 du CCAG Travaux issu de l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié : " Le règlement des comptes du marché se fait par des acomptes mensuels et un solde établis et réglés comme il est indiqué à l'article 13. ".
3. D'une part, l'article 13.3 du CCAG Travaux issu de l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié, prévoit : " 13.3.1. Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. () 13.3.2. Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. / Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. () / 13.3.3. Le maître d'œuvre accepte ou rectifie le projet de décompte final établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte final. () ".
4. D'autre part, l'article 13.4 du CCAG Travaux issu de l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié, prévoit : " 13.4.1. Le maître d'œuvre établit le projet de décompte général, qui comprend : / - le décompte final ; (). Le maître d'œuvre transmet le projet de décompte général au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai compatible avec les délais de l'article 13.4.2. / 13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. () 13.4.4. Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé, composé : / - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ; / - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; / - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. / Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire () / Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. Le délai de paiement du solde, hors révisions de prix définitives, court à compter du lendemain de l'expiration de ce délai. / Le décompte général et définitif lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les montants des révisions de prix et des intérêts moratoires afférents au solde. () ".
5. Il résulte également de ces dispositions que, même si elle intervient après l'expiration du délai de trente jours prévu à l'article 13.3.2 du CCAG Travaux, la réception, par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, du projet de décompte final établi par le titulaire du marché, est le point de départ du délai de trente jours prévu à l'article 13.4.2, dont le dépassement peut donner lieu à l'établissement d'un décompte général et définitif tacite dans les conditions prévues par l'article 13.4.4. Toutefois, dès lors qu'en application de l'article 13.4.2, l'expiration du délai de trente jours prévu par celui-ci est appréciée au regard de la plus tardive des dates de réception du projet de décompte final respectivement par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, ce délai ne peut pas courir tant que ceux-ci n'ont pas tous deux reçus le document en cause.
6. Pour demander la condamnation de la commune du Beausset à lui verser la somme de 11 691,27 euros TTC, la SOPREN soutient qu'elle est titulaire d'un décompte général définitif tacite fixant le solde restant à lui régler à la somme de 21 681,90 euros TTC, établi avant le décompte général signé par la commune le 5 mai 2021 retenant un solde de seulement 9 990,62 euros TTC. Toutefois, la SOPREN ne justifie pas avoir notifié au maître d'œuvre son projet de décompte général signé, de sorte que l'absence de réponse de la commune à ses courriers du 2 octobre 2020 et du 17 novembre 2020 n'a pas donné lieu à l'établissement d'un décompte général et définitif tacite en application l'article 13.4.4 précité du CCAG Travaux. Dans ces conditions, les conclusions à fin de condamnation présentées à titre principal par la société requérant doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin de condamnation présentées à titre subsidiaire :
7. Pour demander la condamnation de la commune du Beausset à lui verser la somme de 6 691,27 euros TTC, la SOPREN sollicite une modulation du montant des pénalités de retard et soutient qu'il sera fait une juste appréciation en les modérant à la somme de 5 000 euros TTC. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la SOPREN ne peut utilement fonder ses prétentions indemnitaires sur un solde du marché d'un montant de 21 681,90 euros TTC.
8. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que les pénalités de retard contestées ont été mises à la charge de la SOPREN par un titre exécutoire émis le 16 septembre 2020 et que ces pénalités n'ont pas été intégrées dans le décompte général définitif. Dans ces conditions, la société requérante, qui ne soutient pas que ces pénalités ne pouvaient être isolées du décompte, n'est pas fondée à demander au tribunal de moduler le montant de ces pénalités dans le cadre du présent recours. Par suite, les conclusions à fin de condamnation présentées à titre subsidiaire par la société requérant doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Beausset, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOPREN la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune du Beausset et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SOPREN est rejetée.
Article 2 : La SOPREN versera à la commune du Beausset la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Provençale d'entretien et à la commune du Beausset.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philipe Harang, président,
M. Zouhaïr Karbal, conseiller,
Mme Mathilde Montalieu, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.
La rapporteure,
Signé
M. MONTALIEU
Le président,
Signé
Ph. HARANG
La greffière,
Signé
F. POUPLY
La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,