TA Toulouse, 07/05/2024, n°2402397


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 22 et 23 avril 2024 M. A B, représenté par Me Rigoreau, demande au juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, d'annuler tous les actes et décisions qui se rapportent à la procédure engagée par la commune de Saverdun pour l'attribution du marché de maîtrise d'œuvre relatif à l'opération d'aménagement de la friche Renault en tiers-lieu à compter de la remise des offres négociées, et notamment la décision de rejeter l'offre du groupement dont il est mandataire et d'ordonner la reprise de cette procédure au stade de l'analyse des offres ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la procédure de passation dans son ensemble ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Saverdun la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-sa requête est recevable ;

-le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions des articles L. 3 et L. 2152-1 et suivants du code de la commande publique en écartant l'offre du groupement dont il est mandataire en tant qu'elle serait irrégulière ; si conformément à son devoir de conseil, il a signalé dans sa note méthodologique que la bonne exécution du marché nécessitait la réalisation d'études de diagnostic sur l'existant et la diffusion d'un relevé par un géomètre expert, la mission DIAG n'était pas inclue dans le champ des prestations demandées, son offre ne pouvait donc être écartée au motif de l'absence de ces prestations ;

- l'offre de son groupement est la mieux-disante ; les compétences techniques de ses membres sont au moins équivalentes à celle du groupement lauréat et leur offre est financièrement la plus intéressante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2024, la commune de Saverdun, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La requête a été communiquée à l'Eurl Pelous Architecture qui n'a pas produit d'écritures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a délégué M. C, en application des articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, pour statuer sur les référés précontractuels.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 7 mai 2024, en présence de Mme Guérin, greffière d'audience :

-le rapport de M. C,

-les observations de Me Sanchez, représentant M. B, qui a repris ses écritures et soutient que la commune ne justifie pas avoir réellement modifié les documents de la consultation ;

-et les observations de Me Schlegel, représentant la commune de Saverdun, qui a repris ses écritures en rappelant que le champ des prestations sollicitées a été modifié en cours de procédure et que le requérant semble avoir omis de modifier son offre.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel à la concurrence rectifié par un nouvel avis publié le 17 novembre 2023, la commune de Saverdun a lancé une consultation, selon une procédure adaptée, pour la passation d'un marché de maîtrise d'œuvre relatif à l'opération d'aménagement de la friche Renault en tiers-lieu. M. B, agissant en qualité de mandataire d'un groupement momentané d'entreprises, a participé à cette procédure. Par un courrier du 11 avril 2023, la commune l'a informé du rejet de son offre et de la désignation comme attributaire de ce marché du groupement Eurl Pelous Christophe - EREAH - SAS ISAO - EMACOUSTIC. Par la présente requête, M. B demande au juge des référés, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative d'annuler la décision précitée et d'ordonner la reprise, au stade de l'analyse des offres, de la procédure de passation.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " I. - Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. ". L'article L. 551-10 prévoit que : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat ou à entrer au capital de la société d'économie mixte à opération unique et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas où le contrat doit être conclu par une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou un établissement public local. () ".

3. Il appartient au juge des référés, saisi en vertu des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de manière suffisamment vraisemblable de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

4. D'une part, aux termes de l'article L. 3 du code de la commande publique : " Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". Aux termes de l'article L. 2152-2 de ce code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ". Aux termes de l'article R. 2152-2 du même code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ". Il résulte de ces dispositions que si l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l'offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu'elle n'est pas anormalement basse et que la régularisation n'a pas pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles, il ne s'agit toutefois que d'une simple faculté qui lui est offerte, et non d'une obligation.

6. Il ressort de la décision en litige que l'offre présentée par le groupement de M. B a été écartée pour irrégularité au regard de son incomplétude en l'absence d'engagement à réaliser les prestations relatives aux études de diagnostic dites " DIAG ". Si M. B est fondé à soutenir qu'initialement ces études ne figuraient pas au nombres de celles que la commune envisageait de confier au futur titulaire du marché, il résulte de l'instruction que le périmètre de la mission de maîtrise d'œuvre a été modifié par un avis d'appel à la concurrence rectificatif du 17 novembre 2023, qui a repoussé la date limite de remise des offres au 10 janvier 2024, que tous les candidats qui s'étaient déjà manifestés, y inclus le groupement représenté par M. B, en ont été informés par message électronique et que la commune a directement répondu, le 17 novembre 2023, sur la messagerie de la plateforme hébergeant la procédure, aux questions 7 et 8 de M. B en lui signalant cette modification de la mission, le report de la date limite des offres et l'évolution du chiffrage prévisionnel.

7. Contrairement à ce que soutient M. B, ces mesures étaient suffisantes pour modifier le périmètre des missions dévolues au futur titulaire du marché et l'offre présentée par le groupement dont il était mandataire, qui n'incluait pas la réalisation des études de diagnostic, était donc incomplète. En l'absence d'obligation pour la commune d'inviter M. B à régulariser son offre, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la commune de Saverdun aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en rejetant son offre comme irrégulière.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. B sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la commune de Saverdun, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Saverdun et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : M. B versera à la commune de Saverdun une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B, à la commune de Saverdun et à la société PELOUS Architecture.

Fait à Toulouse, le 7 mai 2024.

Le juge des référés,

S. C

La greffière,

S. GUÉRIN

La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

la greffière en chef,

ou par délégation, la greffière,