Vu les procédures suivantes :
1°) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 30 janvier 2024 sous le numéro 2400074, la société anonyme Rodriguez Yachts, prise en la personne de son représentant légal, représentée par Me Grimaldi, demande au tribunal :
- d'annuler dans son intégralité la procédure lancée par la commune de Vallauris-Golfe-Juan en vue de l'attribution d'une concession pour le réaménagement et l'exploitation du Vieux port de Vallauris-Golfe-Juan ;
- d'enjoindre à la commune de Vallauris Golfe-Juan de différer la signature de la concession en cause jusqu'au terme de la procédure ;
- de mettre à la charge de la commune de Vallauris-Golfe-Juan une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- son recours est recevable dès lors, d'une part, qu'elle a un intérêt lui donnant qualité pour agir par la voie du présent référé et, d'autre part, que le contrat en cause n'est ni signé ni même attribué ;
- la procédure d'appel public à la concurrence est entachée d'un vice d'une particulière gravité qui l'a lésée dans ses intérêts en raison de la méconnaissance du principe d'impartialité qui s'impose au pouvoir adjudicateur ; la commune de Vallauris-Golfe-Juan a en effet fait appel à un maître d'ouvrage délégué pour l'assister notamment dans l'organisation de la procédure de passation et mise en place de nouvelles concessions pour le vieux port et le port Camille Rayon ; la société Corinthe Ingénierie qui fait partie du groupement de maîtrise d'ouvrage délégué et son représentant M. A entretiennent des liens avec des candidats à l'attribution de la concession litigieuse ; la société Corinthe Ingénierie a ainsi fait partie avec la société Edeis d'un groupement candidat à l'attribution de la concession d'une zone de mouillage sur la commune de Pampelone ; cette même société Edeis est candidate à l'attribution de la concession litigieuse ; M. A a collaboré plusieurs années, au sein du groupe Vinci Construction, avec le responsable de l'agence Eiffage responsable de la candidature de cette société à la concession litigieuse ; la société Corinthe Ingénierie travaille régulièrement avec la société Travaux maritimes et sous-marins de Monaco (Trasomar) et la société Mare Nostrum qui appartiennent au groupe J.B. Pastor et Fils, également candidat aux appels à concurrence pour l'attribution des concessions pour le réaménagement et l'exploitation du Vieux Port et du Port Camille Rayon de Vallauris-Golfe-Juan ; l'existence d'un doute légitime sur l'impartialité de la société Corinthe Ingénierie et de M. A est donc avérée ; par ailleurs, la société Corinthe Ingénierie, par l'intermédiaire de M. A, est impliquée dans des affaires dont la presse s'est faite écho concernant des délits de corruption et favoritisme dans l'attribution de concessions portuaires ;
- le maire de Vallauris a annoncé à son conseil municipal, lors de la séance du 5 décembre 2023, que la société Corinthe Ingénierie se retirait du groupement d'assistance à maîtrise d'ouvrage ainsi que de l'ensemble des procédures relatives au Vieux Port et au Port Camille Rayon de Vallauris-Golfe-Juan ;
- la société Corinthe Ingénierie, par l'intermédiaire de M. A, est intervenue dans la procédure de sélection des candidatures ; leurs liens avérés avec de nombreux candidats admis à soumissionner entache de suspicion de favoritisme non seulement la phase de sélection des candidature mais l'ensemble de la procédure vicié ab initio par cette suspicion d'absence d'impartialité ; l'exposante a été lésée dès lors que sa candidature a été écartée ;
- l'assistant au maître d'ouvrage et notamment la société Corinthe Ingénierie a fait preuve à plusieurs reprises d'une animosité à l'égard de l'exposante en dénigrant publiquement les conditions d'exploitation du chantier naval dont elle est responsable et recommandant ouvertement aux membres de la Commission Concession -Délégation de Service Public de la Commune de Vallauris d'écarter ses candidatures pour les deux procédures d'attribution comme en témoigne les attestations sur l'honneur de membres de la commission ;
Par un mémoire en défense et des pièces produites, enregistrés le 29 janvier 2024, la commune de Vallauris-Golfe-Juan, prise en la personne de son maire en exercice, représentée par Me Blanc, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante.
La commune soutient que :
- la requête est tardive ;
- aucun élément du dossier n'est susceptible de susciter un doute sur le respect du principe d'impartialité de la procédure de sélection des candidatures dès lors que la société Corinthe Ingénierie n'entretient de relation privilégiée avec aucun des candidats et qu'aucune des affaires pénales évoquées par la requérante. Aucune des affaires pénales citées n'a abouti à la moindre condamnation à ce jour ni ne met en cause les relations entre la société Corinthe Ingénierie et d'autres candidats aux concessions portuaires de Vallauris Golfe-Juan ; s'agissant de la procédure pénale ouverte concernant l'attribution des concessions litigieuses, le seul fait qu'il existe des plaintes contre un membre du groupement d'assistance à maîtrise d'ouvrage ne saurait suffire pour caractériser une suspicion d'impartialité ;
- la société Corinthe Ingénierie a vu ses accès à la procédure supprimés dès le 20 juillet 2023 ; elle n'a ainsi pas eu connaissance des offres déposées par les candidats et n'a pas participé aux commissions de délégation de service public ; un avenant n° 2 au contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage a été signé le 27 octobre 2023, actant le retrait de la société Corinthe Ingénierie du groupement d'assistance à maîtrise d'ouvrage.
- la société Corinthe Ingénierie qui a essentiellement réalisé l'audit technique des installations portuaires n'a eu aucune influence sur la sélection des candidatures ; par ailleurs, la société requérante ne justifie d'aucune clause du cahier des charges qui aurait été rédigée de façon à favoriser un candidat ;
- les allégations de la société requérante quant à l'animosité de l'assistant à maître d'ouvrage à son égard ne sont pas établies ;
- la candidature de la société requérante a été écartée du fait de son insuffisance technique et financières.
2°) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 30 janvier 2024 sous le numéro 2400078, la société anonyme Rodriguez Yachts, prise en la personne de son représentant légal, représentée par Me Grimaldi, demande au tribunal :
- d'annuler dans son intégralité la procédure lancée par la commune de Vallauris-Golfe-Juan en vue de l'attribution d'une concession pour le réaménagement et l'exploitation du Port Camille Rayon de Vallauris-Golfe-Juan ;
- d'enjoindre à la commune de Vallauris Golfe-Juan de différer la signature de la concession en cause jusqu'au terme de la procédure ;
- de mettre à la charge de la commune de Vallauris-Golfe-Juan une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- son recours est recevable dès lors, d'une part, qu'elle a un intérêt lui donnant qualité pour agir par la voie du présent référé et, d'autre part, que le contrat en cause n'est ni signé ni même attribué ;
- la procédure d'appel public à la concurrence est entachée d'un vice d'une particulière gravité qui l'a lésée dans ses intérêts en raison de la méconnaissance du principe d'impartialité qui s'impose au pouvoir adjudicateur ; la commune de Vallauris-Golfe-Juan a en effet fait appel à un maître d'ouvrage délégué pour l'assister notamment dans l'organisation de la procédure de passation et mise en place de nouvelles concessions pour le vieux port et le port Camille Rayon ; la société Corinthe Ingénierie qui fait partie du groupement de maîtrise d'ouvrage délégué et son représentant M. A entretiennent des liens avec des candidats à l'attribution de la concession litigieuse ; la société Corinthe Ingénierie a ainsi fait partie avec la société Edeis d'un groupement candidat à l'attribution de la concession d'une zone de mouillage sur la commune de Pampelone ; cette même société Edeis est candidate à l'attribution de la concession litigieuse ; M. A a collaboré plusieurs années, au sein du groupe Vinci Construction, avec le responsable de l'agence Eiffage responsable de la candidature de cette société à la concession litigieuse ; la société Corinthe Ingénierie travaille régulièrement avec la société Travaux maritimes et sous-marins de Monaco (Trasomar) et la société Mare Nostrum qui appartiennent au groupe J.B. Pastor et Fils, également candidat aux appels à concurrence pour l'attribution des concessions pour le réaménagement et l'exploitation du Vieux Port et du Port Camille Rayon de Vallauris-Golfe-Juan ; l'existence d'un doute légitime sur l'impartialité de la société Corinthe Ingénierie et de M. A est donc avérée ; par ailleurs, la société Corinthe Ingénierie, par l'intermédiaire de M. A, est impliquée dans des affaires dont la presse s'est faite écho concernant des délits de corruption et favoritisme dans l'attribution de concessions portuaires ;
- le maire de Vallauris a annoncé à son conseil municipal, lors de la séance du 5 décembre 2023, que la société Corinthe Ingénierie se retirait du groupement d'assistance à maîtrise d'ouvrage ainsi que de l'ensemble des procédures relatives au Vieux Port et au Port Camille Rayon de Vallauris-Golfe-Juan reconnaissant ainsi le problème d'impartialité ;
- la société Corinthe Ingénierie, par l'intermédiaire de M. A, est intervenue dans la procédure de sélection des candidatures ; leurs liens avérés avec de nombreux candidats admis à soumissionner entache de suspicion de favoritisme non seulement la phase de sélection des candidature mais l'ensemble de la procédure viciée ab initio par cette suspicion d'absence d'impartialité ; l'exposante a été lésée dès lors que sa candidature a été écartée ;
- l'assistant au maître d'ouvrage et notamment la société Corinthe Ingénierie a fait preuve à plusieurs reprises d'une animosité à l'égard de l'exposante en dénigrant publiquement les conditions d'exploitation du chantier naval dont elle est responsable et en recommandant ouvertement aux membres de la Commission Concession -Délégation de Service Public de la Commune de Vallauris d'écarter ses candidatures pour les deux procédures d'attribution comme en témoigne les attestations sur l'honneur de membres de la commission ;
Par un mémoire en défense et des pièces produites, enregistrés le 29 janvier 2024, la commune de Vallauris-Golfe-Juan, prise en la personne de son maire en exercice, représentée par Me Blanc, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante.
La commune soutient que :
- la requête est tardive ;
- aucun élément du dossier n'est susceptibles de susciter un doute sur le respect du principe d'impartialité de la procédure de sélection des candidatures dès lors que la société Corinthe Ingénierie n'entretient de relation privilégiée avec aucun des candidats et qu'aucune des affaires pénales évoquées par la requérante ; aucune des affaires pénales citées n'a abouti à la moindre condamnation à ce jour ni ne met en cause les relations entre la société Corinthe Ingénierie et d'autres candidats aux concessions portuaires de Vallauris Golfe-Juan ; s'agissant de la procédure pénale ouverte concernant l'attribution des concessions litigieuses, le seul fait qu'il existe des plaintes contre un membre du groupement d'assistance à maîtrise d'ouvrage ne saurait suffire pour caractériser une suspicion d'impartialité ;
- la société Corinthe Ingénierie a vu ses accès à la procédure supprimés dès le 20 juillet 2023 ; elle n'a ainsi pas eu connaissance des offres déposées par les candidats et n'a pas participé aux commissions de délégation de service public ; un avenant n° 2 au contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage a été signé le 27 octobre 2023, actant le retrait de la société Corinthe Ingénierie du groupement d'assistance à maîtrise d'ouvrage.
- la société Corinthe Ingénierie qui a essentiellement réalisé l'audit technique des installations portuaires n'a eu aucune influence sur la sélection des candidatures ; par ailleurs, la société requérante ne justifie d'aucune clause du cahier des charges qui aurait été rédigée de façon à favoriser un candidat ;
- les allégations de la société requérante quant à l'animosité de l'assistant à maître d'ouvrage à son égard ne sont pas établies ;
- la candidature de la société requérante a été écartée du fait de son insuffisance technique et financières.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Soli, vice-président, pour statuer sur les demandes de référés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 30 janvier 2024 à 14 heures :
- le rapport de M. Soli, juge des référés,
- les observations de Me Grimaldi, pour la société requérante, qui reprend le moyen soulevé dans ses écritures et tenant à la méconnaissance du principe général du droit d'impartialité qui s'impose aux pouvoirs adjudicateur ;
- et les observations de Me Blanc, pour la commune de Vallauris-Golfe-Juan, qui conclut au rejet de la requête ;
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence, publié au BOAMP le 20 décembre 2022, la commune de Vallauris-Golfe-Juan a lancé une consultation portant sur l'attribution d'une concession ayant pour objet le réaménagement et l'exploitation du port Camille Rayon de Vallauris-Golfe-Juan, et une autre consultation portant sur l'attribution d'une concession ayant pour objet le réaménagement et l'exploitation du vieux port de Vallauris-Golfe-Juan. Neuf sociétés ont présenté une offre dont la société requérante, qui exploite le chantier naval du Port Camille Rayon depuis 1993 dans le cadre d'une convention de sous-traité avec le concessionnaire actuel, la société du nouveau port de Vallauris Golfe Juan (SNPVGJ). Par courrier du 23 mars 2023, la commune a informé la société requérante du rejet de sa candidature pour l'attribution des deux contrats, faute de posséder les capacités ou aptitudes exigées par les documents de la consultation. La société Rodriguez Yachts demande au tribunal, par la voie du référé précontractuel, l'annulation des procédures d'attribution des deux concessions en cause.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées n° 2400074 et 2400078 sont dirigées contre la même procédure de passation et présentent à juger des mêmes questions. Il y a dès lors lieu de les joindre pour y statuer par une seule ordonnance.
Sur la fin de non recevoir opposée par la commune :
3. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ".
4. Ni les dispositions des articles L.551-1 et suivants du CJA ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impliquent que les personnes ayant intérêt à conclure le contrat et qui s'estiment susceptibles d'être lésées par des manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence soient tenues de saisir le juge du référé précontractuel dans un délai déterminé à compter du moment où elles ont connaissance de ces manquements. Une telle absence de délai ne conduit pas à ce que ces manquements puissent être contestés indéfiniment devant le juge du référé précontractuel, dès lors que la signature du contrat met fin à la possibilité de saisir ce juge. Au cas d'espèce, il est constant que les contrats de concession n'ont toujours pas été signés à la date de la présente ordonnance. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Vallauris fondée sur la tardiveté de la requête doit être écartée et qu'il y a donc lieu de statuer au fond.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
5. En application des dispositions des articles L.551-1 et L. 551-2, il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
6. Les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Le principe d'impartialité implique l'absence de situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure de sélection du titulaire du contrat.
7. En outre, il résulte des dispositions de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales que les collectivités territoriales qui confient la gestion d'un service public dont elles ont la responsabilité à un ou plusieurs opérateurs économiques par une convention de délégation de service public doivent se conformer au code de la commande publique. Aux termes de l'article L. 2141-10 du code de la commande publique : " L'acheteur peut exclure de la procédure de passation du marché les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il ne peut y être remédié par d'autres moyens. / Constitue une telle situation toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché ".
8. Le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public, ou d'une concession comme en l'espèce, au vu des documents ou renseignements demandés à cet effet dans les avis d'appel public à concurrence ou dans le règlement de la consultation dans les cas de procédures dispensées de l'envoi de tels avis. Aux termes de l'article L. 3123-18 du code de la commande publique : " L'autorité concédante ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du contrat de concession / Lorsque la gestion d'un service public est concédée, ces conditions de participation peuvent notamment porter sur l'aptitude des candidats à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution ". Est irrecevable une candidature présentée par un candidat qui ne possède pas les capacités ou les aptitudes exigées. Le juge du référé précontractuel ne peut censurer l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les garanties et capacités économiques, financières et techniques que présentent les candidats, ainsi que sur leurs références professionnelles, que dans le cas où cette appréciation est entachée d'une erreur manifeste.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le principe d'impartialité s'impose au pouvoir adjudicateur et que de ce fait les liens d'intérêt entre une personne participant à l'organisation de la procédure d'appel d'offres et un ou plusieurs candidats est de nature à entacher la procédure d'une suspicion de partialité et donc d'une atteinte aux obligations de la personne publique en matière de mises en concurrence. Cependant pour qu'un tel moyen, tenant à la méconnaissance du principe général du droit d'impartialité, puisse être utilement articulé devant le juge du référé précontractuel, il est nécessaire, compte tenu de l'office de ce juge, que le candidat évincé qui s'en prévaut démontre qu'il est susceptible d'avoir été directement ou indirectement lésé par cette absence d'impartialité.
10. Il résulte de l'instruction que les candidatures de la société requérante à l'attribution des contrats litigieux de concession pour le réaménagement et l'exploitation du port Camille Rayon et du vieux port de Vallauris-Golfe-Juan n'ont pas été admises au motif que la société ne présentait, selon les synthèses de l'analyse de ses deux candidatures produites par la commune, " aucune référence en matière d'exploitation de port de plaisance d'une part mais également en matière de travaux d'aménagement portuaires et " aucune référence en matière de travaux portuaires terrestres ou maritimes ". Les synthèses relèvent que " la seule référence du candidat est la gestion de l'actuel chantier naval, de l'aire de carénage et d'une boutique sur le port Camille Rayon de Vallauris, activités ne représentant qu'une partie des activités d'un port de plaisance " et que ses activités portent uniquement " sur des travaux sur des bateaux ". S'agissant des capacités financières, les synthèses mentionnent qu'"au regard du montant prévisionnel de la concession (92 millions d'euros sur 25 ans pour le Vieux port et 330 millions pour le port Camille Rayon ) et notamment du montant de travaux (19,5 millions d'euros pour le Vieux port et 45 millions pour le port Camille Rayon), les garanties financières apportées par le candidat ne paraissent pas suffisantes " et " il ne présente aucun partenariat financier avéré ". S'agissant enfin des compétences techniques, les synthèses précisent que " l'ensemble des compétences nécessaires à la mise en œuvre du futur contrat de concession ne sont pas réunies, le candidat ne présente aucune référence via son personnel ou des sous-traitants ". Par ailleurs, elle ajoute que " le candidat ne présente à ce stade aucun partenariat () permettant de combler les insuffisances identifiées ". Les rapports concluent que, dans chacune des deux procédures, la candidature de la société Rodriguez Yachts " est conforme mais que le candidat ne présente pas l'ensemble des garanties techniques et financières suffisantes ". La commune fait valoir que les délégations de service public litigieuses comprennent à la fois la maîtrise d'œuvre de travaux de près de 65 millions d'euros, la réalisation de ceux-ci et l'exploitation d'installations portuaires comprenant 800 postes d'amarrage, alors qu'il ressort des analyses de candidatures précitées que la société requérante ne présente aucune capacité technique et financière lui permettant d'assumer de telles missions ni aucun partenariats potentiels pour suppléer ses manques.
11. La société requérante se borne à soutenir l'unique moyen de la méconnaissance du principe d'impartialité de la procédure en raison des liens, d'une part, entre certains des sept candidats dont les candidatures ont été admises et, d'autre part, à travers son dirigeant, la société Corinthe Ingénierie, membre du groupement d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) recruté par la commune pour l'assister dans les opérations de fin des concessions portuaires actuelles et dans les procédures d'attributions des nouvelles concessions. S'en tenant à cet unique moyen, la société Rodriguez Yachts ne conteste aucunement l'analyse de ses candidatures et son absence de toute capacité financière et technique pour se charger de concessions portuaires de l'importance de celles qui sont en litige. Au regard de ces éléments non contestés, la circonstance que la société Corinthe Ingénierie aurait eu des liens avec certains des candidats ne saurait constituer une circonstance de nature à avoir lésé la société requérante dont la candidature ne pouvait qu'être écartée dès lors que, du fait de ses insuffisances techniques et financières, elle ne présentait pas les capacités ou les aptitudes exigées.
12. Au demeurant, si le conseil de la société requérante a soutenu lors de l'audience, que l'absence d'impartialité lors de l'analyse des candidatures d'un membre de l'AMO, à savoir la société Corinthe Ingénierie qui depuis s'est retirée de l'AMO, est de nature à permettre aux candidats qui seront évincés au stade de l'analyse des offres de contester la régularité de la procédure, la société Rodriguez Yachts ne peut se prévaloir des intérêts hypothétiquement lésés de ses concurrents.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions susmentionnées doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Vallauris-Golfe-Juan, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros, au bénéfice de la commune de Vallauris-Golfe-Juan.
O R D O N N E :
Article 1er : Les requêtes n°s 2400074 et 2400078 de la société Rodriguez Yachts sont rejetées.
Article 2 : La société Rodriguez Yachts versera une somme de 2 000 euros à la commune de Vallauris-Golfe-Juan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Rodriguez Yachts et à la commune de Vallauris-Golfe-Juan.
Fait à Nice, le 2 février 2024.
Le juge des référés,
signé
P. SOLI
La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour le greffier en chef,
Ou par délégation, la greffière, et 2400078