CAA de Bordeaux, 12 décembre 2023, n°21BX03586
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par trois requêtes, enregistrées les 15 juillet 2018, 26 octobre 2018 et 17 juillet 2018, la société Softéliance a demandé au tribunal administratif de Guadeloupe, d'une part, d'annuler la décision par laquelle la chambre de commerce et d'industrie des Iles de Guadeloupe a implicitement rejeté sa demande de paiement de trois factures d'un montant de 121 650 euros toutes taxes comprises émises dans le cadre du marché portant sur la réalisation d'un logiciel pour la gestion du registre du commerce et des sociétés de Guadeloupe et de condamner la CCI à lui verser cette somme, d'autre part, d'annuler la décision implicite de rejet de paiement de la somme de 22 810 euros toutes taxes comprises émises dans le cadre du même marché et de condamner la CCI à lui verser cette somme, enfin, d'annuler la décision par laquelle la chambre de commerce et d'industrie (CCI) des Iles de Guadeloupe a implicitement rejeté sa demande tendant à faire constater l'obstruction de la collectivité et de la condamner à lui verser la somme de 628 320 euros au titre de son marché, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.
Par un jugement n°s 1800546-1900123-2000098 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Martinique a rejeté les requêtes n°s 1800546 et 1900123 et, s'agissant de la requête n° 2000098, a arrêté le solde du marché de la société Softeliance à la somme de 125 000 euros toutes taxes comprises, somme qu'il a condamné la société Softeliance à verser à la CCI des Iles de Guadeloupe.
Procédure devant la Cour :
I. Sous le n° 22BX03586, par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 septembre 2021, 26 avril 2023 et 14 juillet 2023, la société Softeliance, représentée par Me Pelgrin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Martinique du 8 juillet 2021 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa mise en demeure de la CCI des Iles de Guadeloupe du 13 mars 2018 tendant au paiement de trois acomptes d'un montant de 121 650 euros toutes taxes comprises et de condamner la CCI des Iles de Guadeloupe à lui verser cette somme ;
3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa mise en demeure de la CCI des Iles de Guadeloupe du 16 juillet 2018 tendant au paiement de deux acomptes d'un montant de 22 810 euros toutes taxes comprises et de condamner la CCI des Iles de Guadeloupe à lui verser cette somme ;
4°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa mise en demeure de la CCI des Iles de Guadeloupe du 13 mars 2018 tendant à faire constater l'obstruction de cette dernière et de condamner, sur le fondement contractuel, la CCI des Iles de Guadeloupe à lui verser la somme de 628 320 euros toutes taxes comprises au titre de son marché portant sur la réalisation d'un logiciel pour la gestion du registre du commerce et des sociétés de Guadeloupe ;
5°) de condamner, sur le fondement contractuel, la CCI des Iles de Guadeloupe la somme de 60 000 euros toutes taxes comprises, à parfaire, en réparation du préjudice résultant de l'allongement de la durée d'exécution du marché en cause, avec intérêts au taux légal ;
6°) de mettre à la charge de la CCI des Iles de Guadeloupe une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le Tribunal a méconnu le principe du contradictoire et les dispositions des articles R. 613-1, R. 613-2 et R. 611-1 du code de justice administrative dès lors que le Tribunal n'a pas communiqué, notamment dans les dossiers n°s 1900123 et 2000098 les mémoires et les pièces complémentaires et en réponse qu'elle a produits le 8 juin 2021 alors qu'il s'agissait d'éléments nouveaux en réponse à des mémoires en défense qui lui ont été communiqués un jour avant la clôture d'instruction en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ;
- le Tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant ses requêtes et a dénaturé les faits de l'espèce ;
Sur le fond :
- la CCI de région des Iles de Guadeloupe a l'obligation contractuelle de lui régler la facture 170030 du 28 septembre 2017 d'un montant de 69 950 euros, la facture 170031 du 28 septembre 2017 d'un montant de 26 600 euros et la facture 170032 du 28 septembre 2017 d'un montant de 25 100 euros ;
- la CCI a également l'obligation contractuelle de lui régler la facture 180012 du 9 mai 2018 d'un montant de 8 310 euros correspondant aux frais de déplacement et la facture 180013 du 9 mai 2018 d'un montant de 14 500 euros correspondant partiellement à la rédaction du guide utilisateur de la version actuelle de l'application ;
- la CCI a également l'obligation contractuelle de ne pas faire obstruction à l'exécution du marché ;
- la CCI a méconnu les dispositions de l'article 91 du code des marchés publics et, en l'absence de dispositions spécifiques prévues dans le CCAP du marché, le procès-verbal de réception n'est pas une condition de règlement des acomptes ;
- aucune résiliation n'a été prononcée et les multiples tests réalisés par la société Dalisys ont conclu à la conformité de ses prestations alors que la CCI a refusé de réceptionner les prestations qu'elle avait exécutées et ne respecte pas l'article 5 du CCAP ;
- elle a droit au paiement de la somme de 628 320 euros au titre des prestations exécutées ainsi que de la somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l'allongement de la durée d'exécution du marché et de l'exécution de prestations non prévues au marché.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 juin 2023 et 27 septembre 2023, la chambre de commerce et d'industrie (CCI) des Iles de Guadeloupe, représentée par Me Colas de la Noue, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Softeliance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête ne respecte pas les dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative ;
- concernant le non-respect du contradictoire, la requérante n'explique, ni ne justifie en quoi les mémoires et pièces communiqués le 8 juin 2021 auraient comporté des éléments nouveaux ; l'erreur manifeste d'appréciation alléguée ne peut qu'être écartée ;
- les demandes indemnitaires ne sont pas fondées.
Par une ordonnance du 27 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2023.
II. Sous le n° 21BX03587, par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 septembre 2021, 1er novembre 2021 et 26 avril 2023, la société Softeliance, représentée par Me Pelgrin, demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n°s 1800546-1900123-2000098 du 8 juillet 2021 ;
2°) de mettre à la charge de la CCI des Iles de Guadeloupe une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en invoquant l'article R. 811-15 du code de justice administrative, que les moyens qu'elle invoque sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, et qu'il soit fait droit à ses demandes.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 octobre 2021 et 1er mars 2023, la chambre de commerce et d'industrie (CCI) des Iles de Guadeloupe, représentée par Me Colas de la Noue, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Softeliance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2023.
Par un courrier du 8 novembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office :
- l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'annulation des décisions implicites de rejet des demandes tendant au paiement d'acomptes et tendant à faire constater l'obstruction de l'administration ;
- l'irrecevabilité des conclusions nouvelles en appel tendant à la condamnation de la CCI des Iles de Guadeloupe à verser à la société requérante une somme de 60 000 euros.
Vu les observations présentées le 10 novembre 2023 par la société Softéliance en réponse aux moyens relevés d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses administratives générales applicables (CCAG) applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication approuvé par l'arrêté du 16 septembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de Mme A,
- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,
- et les observations de Me Pelgrin pour la société Softéliance et de Me Colas de la Noue pour la chambre de commerce et d'industrie des Iles de Guadeloupe.
Considérant ce qui suit :
1. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques prévoyait d'attribuer, à titre d'expérimentation pour trois ans, la gestion du registre de commerce et des sociétés (RCS) aux chambres de commerce et d'industrie des départements d'outre-mer sous la forme d'un guichet unique. Au terme d'une procédure d'appel d'offres ouvert, la chambre de commerce et d'industrie (CCI) des Iles de Guadeloupe a attribué à la société Softeliance un marché portant sur la réalisation d'un logiciel pour la gestion d'un registre unique du commerce et des sociétés qu'elle a notifié à cette dernière par lettre du 31 mai 2016 pour un montant global forfaitaire de 628 320 euros. L'exécution du marché a rencontré des difficultés et la société Softeliance s'est vu refuser le paiement de diverses factures. Par trois requêtes présentées devant le tribunal administratif de la Martinique, auquel le litige a été attribué, la société Softeliance a demandé l'annulation de deux décisions implicites de rejet de demandes de paiement d'acomptes et de la décision implicite de rejet de sa demande tendant à faire constater l'obstruction de la CCI des Iles de Guadeloupe ainsi que la condamnation de cette dernière à lui verser les sommes de 121 650 euros, 22 810 euros ainsi que la somme de 628 320 euros au titre de son marché, assortie des intérêts au taux légal. Par voie reconventionnelle, la CCI des Iles de Guadeloupe a demandé au Tribunal de prononcer la résiliation du marché et de condamner son titulaire à lui rembourser l'avance perçue, de le condamner à rembourser les rémunérations versées aux assistants à maîtrise d'ouvrage ainsi que la somme de 30 000 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement n°s 1800546-1900123-2000098 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Martinique a condamné la société Softeliance à verser à la CCI la somme de 125 000 euros au titre du solde du marché, a mis à la charge de la société Softeliance une somme totale 4 500 euros au titre des frais d'instance et a rejeté le surplus des conclusions.
2. La société Softeliance relève appel de ce jugement dans l'instance n° 21BX03586 et demande à la Cour d'en prononcer le sursis à exécution dans l'instance 21BX03587. La CCI des Iles de Guadeloupe demande à la Cour de rejeter la requête de la société Softeliance et de confirmer le jugement attaqué. Il y a lieu de joindre les deux instances pour y statuer par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux "
4. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que la date de clôture de l'instruction avait été fixée par ordonnance du président de la formation de jugement du 3 mars 2021 au 2 avril 2021, le premier mémoire en défense de la chambre de commerce et d'industrie produit dans les instances n°s 1900123 et 2000098 le 1er avril 2021 a été communiqué le même jour à la société requérante. La mention contenue dans les courriers adressés par le greffe le 1er avril 2021, qui invitaient la société requérante à produire, le cas échéant, ses observations " dans le délai d'un mois ", n'a pas eu pour effet de reporter la date de clôture de l'instruction. La société requérante est, dès lors, fondée à soutenir que le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité, à demander l'annulation du jugement attaqué.
Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Softéliance devant le tribunal administratif de Martinique.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
5. Le juge du contrat ne peut, en principe, lorsqu'il est saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, que rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Par suite, les conclusions que la société Softeliance présente aux fins d'annulation des décisions implicites de rejet de ses réclamations des 13 mars 2018 tendant au paiement de factures d'acomptes sont irrecevables. Il en va de même de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande tendant à faire constater l'obstruction de la CCI à la bonne exécution du marché dont la société Softeliance était titulaire.
Sur les conclusions indemnitaires de la société Softeliance :
6. Si les parties à un marché public à un marché public de techniques de l'information et de la communication peuvent convenir que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs, elles n'y sont pas tenues. En l'espèce, le marché en cause n'a fait l'objet ni d'une résiliation de la part de la CCI des Iles de Guadeloupe, ni d'un décompte. Par conséquent, il convient d'apprécier l'ensemble des demandes indemnitaires que la société Softéliance a présentées devant le Tribunal et qu'elle réitère en appel, la CCI se bornant en appel à demander la confirmation du jugement attaqué.
7. Il résulte de l'instruction que compte tenu des difficultés d'exécution du marché la CCI a fait appel à des assistants à maîtrise d'ouvrage, la société Oling en novembre 2016, puis la société Dalisys à compter de janvier 2018. Si la société Softeliance soutient qu'elle a respecté ses engagements contractuels en se prévalant du procès-verbal du 24 janvier 2017, ce procès-verbal ne concerne que la livraison du lot 1 A et la société Softeliance qui s'était engagée à réaliser le marché dans un délai de sept mois, critère déterminant qui avait conduit à retenir son offre, ne peut sérieusement soutenir qu'elle a respecté ses obligations contractuelles. Si elle ajoute que le litige en cause est imputable à la CCI qui a abandonné l'expérimentation du registre unique, il résulte des différents échanges entre les parties que le logiciel n'était toujours pas opérationnel en mars 2018, sans que la société Softéliance puisse invoquer des problèmes de gouvernance au sein de la CCI ou l'hostilité de la direction du centre de formalités des entreprises (CFE) au projet. Les délais d'exécution ont été en effet reportés en décembre 2016 jusqu'au 30 juin 2017, puis une nouvelle planification a été décidée en février 2017 avec transformation des 7 modules prévus par la société Softeliance et chiffrés dans son offre en 11 lots. A la suite de la réunion tenue le 30 mai 2017 afin de redéfinir à nouveau les délais de livraison des différents lots, la société Softeliance devait livrer l'intégralité du lot 1 A correspondant à la saisie des formalités ainsi que la saisie des courriers du lot 1 C pour le 15 juillet 2017 et le lot 1 C, correspondant aux devis factures, statistiques et fichier consulaire, au cours du mois d'août 2017. Il résulte toutefois du courrier de la CCI du 15 septembre 2017 que la société Softeliance était toujours, à cette date, sur le développement du lot 1 A, qui était loin d'être terminé dès lors que les derniers tests de septembre 2017 effectués par le centre des formalités des entreprises (CFE) n'avaient porté que sur les cas passants relatifs aux immatriculations et qu'il restait à traiter dans ce lot tous les autres évènements au nombre de 106 et les cas non passants pour les immatriculations. Il résulte ainsi de l'instruction que la société Softéliance a cumulé de nombreux retards, la livraison ayant ainsi dû être reportée en mars 2017, puis juillet 2017, décembre 2017 et début 2018, la dernière version présentée en mars 2018 ne remplissant pas les objectifs prévus et ne permettant pas compte tenu de nombreuses anomalies de présenter le prototype attendu dans les délais impartis par le projet. Selon le rapport d'assistance à la réception du lot 1A planifiée du 5 février 2018 au 2 mars 2018 établi par la société Dalisys, la société Oling ayant cessé sa mission en raison de l'impossibilité de la mener à bien compte tenu des incomplétudes dans l'exécution par la société Softéliance de sa mission, seul l'évènement " immatriculations " du lot 1A, qui comprenait 114 évènements, a été testé et livré et la directrice du CFE a émis, par courriel du 5 mars 2018, de nombreuses réserves. La CCI n'a pu en conséquence expérimenter les modules et transmettre des formalités de créations, modifications et radiations via EDI avec les principaux partenaires tels le greffe, l'INSEE, l'URSSAF, la DRFIP et tester le module 1A et, en l'absence au final d'un logiciel répondant aux attentes, l'Etat n'a pas signé avec la CCI des Iles de Guadeloupe de convention accordant à cette dernière la gestion du guichet unique du RCS ainsi que le prévoyait l'article 60 de la loi du 6 août 2015.
En ce qui concerne le paiement des factures n°s 170030, 170031 et 170032 émises le 28 septembre 2017 :
8. La société Softéliance demande le paiement de sa facture n° 170030 du 28 septembre 2017 d'un montant de 69 950 euros portant le libellé " lot EDI [échange de données informatisées] 2016 selon notre offre moins 20 % d'avance et 50 % facturation socle technique ", de sa facture n° 170031 du 28 septembre 2017 d'un montant de 26 600 euros portant le libellé " développement extranet greffe selon réunion ministère " pour 14 300 euros et " développement KBis " pour 12 300 euros et de sa facture 170032 portant le libellé " développement immatriculation " pour 25 100 euros, soit la somme totale de 121 650 euros.
9. Pour justifier de l'exécution des prestations correspondant à ses demandes, la société requérante se prévaut du procès-verbal de réception en date du 24 janvier 2017, signé par la société Oling, la CCI et la société Softéliance, la CCI validant par ce procès-verbal la livraison des fonctionnalités applicatives du lot 1A du RCS-GU et plus précisément " le socle technique gestion CFE " comprenant " la mise à disposition du socle technique de gestion des formalités sur infrastructure Softeliance, le module validation EDI selon la norme 2008V11 et la livraison des 114 évènements pour collecte des exigences fonctionnelles complémentaires par CCI ". Il résulte de l'instruction, qu'en dépit du nouveau planning mis en place le 30 mai 2017, un seul évènement (01M) sur les 114 évènements du lot 1A était traité au 5 octobre 2017 ainsi qu'il ressort du calendrier détaillé de l'opération et des livrables, un nouveau cadrage méthodologique et financier ayant été mis en place par l'AMO Oling à cette date.
10. En outre, l'article 5 du CCAP du marché prévoyait trois étapes préalables à la constatation de l'exécution des prestations, que sont la mise en ordre de marche des matériels ou logiciels que devait effectuer la société Softeliance dans le délai d'un mois suivant la date de livraison, puis la vérification d'aptitude et enfin la vérification de service régulier, la réception étant prise par le pouvoir adjudicateur à l'issue de ces opérations de vérification conformément aux stipulations des articles 27 et 28 du CCAG-TIC. Si la société Softeliance se prévaut également d'un procès-verbal de livraison établi le 16 février 2018 par la société Dalisys, ce procès-verbal concerne la réception du lot 1A-Immatriculation après les tests effectués à Versailles. Alors que le marché ne fixe pas la périodicité des acomptes, la société Softéliance ne justifie pas de la réalité des prestations effectuées au regard du nouveau calendrier qui avait été défini et ne conteste pas que le lot 1 A n'a pu être validé en février 2018 que sur le seul évènement " immatriculation ". En outre, les montants facturés dans les demandes d'acomptes s'appuient sur la décomposition du prix global forfaitaire du marché qu'elle avait établie à l'appui de son offre alors que les 7 modules planifiés jusqu'au 31 décembre 2016 et chiffrés par la société Softeliance ont donné lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, à une reprogrammation en 11 lots dont 8 lots fonctionnels et 3 lots techniques comportant une nouvelle répartition du prix.
En ce qui concerne le paiement des factures n°s 180012 et 180013 émises le 9 mai 2018 :
11. La société Softéliance demande le paiement de sa facture n° 180012 du 9 mai 2018 d'un montant de 8 310 euros au titre de " frais de déplacement dans le cadre du marché RCS-GU " et de sa facture n° 180013 au titre de " la rédaction du guide utilisateur selon notre offre marché ", soit la somme totale de 22 810 euros.
12. D'une part, la société Softeliance ne justifie pas davantage en appel des frais de déplacement ainsi exposés. D'autre part, si la société Softeliance a adressé à la CCI un guide utilisateur du logiciel CFE, sans justifier à cet égard de la demande qui lui aurait été adressée à ce titre, et a sollicité le paiement d'une somme de 22 810 euros, la CCI fait valoir à juste titre que ce guide ne pouvait être qu'incomplet eu égard à l'avancement des prestations du marché et ne présentait par suite aucune utilité.
En ce qui concerne la demande de 60000 euros au titre du préjudice lié à l'allongement de la durée d'exécution du marché :
13. Si la société Softeliance demande à être indemnisée du préjudice résultant selon elle de l'allongement des délais d'exécution de son marché à hauteur de 60 000 euros, ces conclusions doivent être rejetées dès lors qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment que le retard lui est entièrement imputable.
En ce qui concerne le solde du marché :
14. D'une part, la société Softeliance sollicite le paiement de la somme de 628 320 euros correspondant au montant du marché qui lui a attribué le 16 mai 2016. Toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la société Softeliance n'a pas été en mesure d'exécuter les prestations qui lui avaient été confiées alors qu'elle s'était engagée à réaliser le logiciel RCS-GU dans le délai de sept mois et qu'en février 2018, seul le lot 1A immatriculation avait fait l'objet d'une réception partielle. Elle ne peut en conséquence prétendre au versement de la somme de 628 320 euros.
15. D'autre part, la société Softeliance n'a ainsi livré en février 2018 que le seul lot 1A du programme de logiciel, et seul l'évènement " immatriculation " a pu être testé alors que le montant des lots 1 A et 1 C était chiffré à la somme totale de 193 480 euros. Dans ces conditions, et alors que la société requérante n'apporte en appel pas d'éléments de nature à justifier et préciser le montant des prestations effectivement réalisées sur le lot 1 A, le Tribunal a pu à juste titre estimer que le montant de ces prestations pouvait être fixé à la somme de 67 490 euros correspondant au paiement des deux factures n° 170003 du 27 janvier 2017 d'un montant de 60 000 euros et n° 17026 du 16 août 2017 d'un montant de 7 490 euros.
16. Enfin, la société Softeliance a perçu une avance d'un montant de 125 000 euros en juin 2016 représentant environ 20 % du marché. Dès lors que la créance de la CCI correspondant au remboursement de cette avance versée au titulaire est certaine et exigible, alors même que le décompte du marché n'aurait pas été établi, les premiers juges ont à bon droit fait droit à la demande de remboursement de cette avance présentée par la CCI et condamner en conséquence à la société Softeliance à verser à la CCI la somme de 125 000 euros.
17. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la société Softeliance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Martinique a rejeté ses demandes et l'a condamnée à verser à la CCI la somme de 125 000 euros. Par suite, et la Cour statuant au fond sur la requête n° 2103586, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ont perdu leur objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les frais du litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la CCI, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Softeliance la somme que celle-ci sollicite au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés au même titre par la CCI de Iles de Guadeloupe.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22BX03587.
Article 2 : La requête n° 22BX03586 de la société Softeliance est rejetée.
Article 3 : la société Softeliance versera la CCI de Iles de Guadeloupe une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Softeliance et à la CCI de Iles de Guadeloupe
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2023.
La présidente-rapporteure,
Ghislaine A
Le président-assesseur,
Frédéric FaickLe président-assesseur,
Frédéric Faick Le président-assesseur,
Frédéric Faick
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 21BX03586-21BX03587