CAA Lyon, 08/12/2022, n°20LY01275
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une ordonnance n° 2000832 du 6 avril 2020, la magistrate déléguée par le président du tribunal administratif de Dijon a transmis à la cour la requête de la SCI du Roussay et autres sur le fondement des articles R. 351-3 et R. 311-5 (13°) du code de justice administrative.
Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 mars 2020 et 5 mai 2021, la SCI du Roussay, représentante unique au titre de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, M. D A et M. B C, représentés par Me Monamy, demandent à la cour :
1°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Clomot (21230) du 16 octobre 2019 qui a autorisé son maire à signer avec la SAS Intervent une convention relative à des autorisations de passage de véhicules de chantier ou de transport et de câbles et de gestion écologique de chemins appartenant à la commune, ainsi que la convention signée à cet effet le 22 janvier 2020, et la décision implicite du maire rejetant leur recours tendant au retrait de ces actes ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Clomot et de la SAS Intervent une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la juridiction administrative est compétente pour connaître du présent litige au regard des dispositions des articles L. 111-1 et L. 141-1 du code de la voirie routière ;
- leur requête est recevable ces actes ayant vocation à permettre la réalisation d'un parc éolien ; leurs intérêts sont lésés de manière suffisamment directe et certaine par les actes ;
- il y a violation, par cette délibération, des articles L. 2121-10, L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, L. 2131-11 de ce code, L. 2122-1 et L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques, L. 141-3 du code de la voirie routière et 1er du décret n° 76-921 du 8 octobre 1976 ; la convention en litige, fondée sur la délibération du 16 octobre 2019, est illégale et doit être annulée compte tenu de l'illégalité de cette délibération qui doit être constatée ;
- la convention méconnaît les dispositions des articles L. 2121-29 et L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, L. 2411-1, L. 2421-1, L. 2422-5 et L. 2422-6 du code de la commande publique, L. 2422-7 du même code, ainsi que L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; la délibération du 16 octobre 2019, doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la convention ;
- la convention en litige doit être annulée dès lors qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à son annulation.
La requête a été communiquée à la commune de Clomot et à la SAS Intervent, qui n'ont pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 12 avril 2021 la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Monamy, pour la SCI du Roussay et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de son projet de création d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Clomot (Côte d'Or), la SAS Intervent a demandé à cette dernière l'autorisation d'occuper et d'utiliser la voirie communale. Par une délibération du 16 octobre 2019, le conseil municipal de Clomot a autorisé son maire à signer une convention ayant cet objet, signée le 22 janvier 2020 avec la SAS Intervent. La SCI du Roussay, M. A et M. C ont formé le 12 décembre 2019 auprès du maire de Clomot un recours administratif tendant au retrait de ces actes, implicitement rejeté. La SCI du Roussay et autres demandent l'annulation de la délibération du 16 octobre 2019, de la convention signée le 22 janvier 2020 et du rejet implicite de leur recours administratif.
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif, telle une convention portant occupation du domaine public, susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale concerné. La légalité de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée par les tiers au contrat et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné qu'à l'occasion d'un recours de pleine juridiction en contestation de validité du contrat. Les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, alors que les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.
Sur la délibération du 16 octobre 2019 :
3. Il résulte du point ci-dessus que la légalité de la délibération habilitant un maire à signer un contrat ne peut être critiquée qu'à l'occasion de la contestation de la validité du contrat lui-même. Par suite les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Clomot du 16 octobre 2019, qui sont irrecevables, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la convention :
4.En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales : "Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / 1° De conserver et d'administrer les propriétés de la commune et de faire, en conséquence, tous actes conservatoires de ses droits ; / ()." Il résulte de ces dispositions que, s'il appartient au conseil municipal de délibérer sur les conditions générales d'administration et de gestion du domaine public communal, le maire est seul compétent pour délivrer les autorisations d'occupation du domaine public.
5.Pour demander l'annulation de la convention du 22 janvier 2020, dont rien ne permet de dire qu'elle ne porterait pas que sur des voies appartenant au domaine public communal, la SCI du Roussay et autres se prévalent de l'irrégularité de la délibération du 16 octobre 2019 du conseil municipal de Clomot, mais également de ce que cette autorisation a été consentie alors que la commune n'avait pas la capacité de prendre un tel engagement et n'a pu le donner au regard des dispositions des articles L. 2121-29 et L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, soutenant que le conseil municipal, qui était seul en capacité d'approuver cet accord, n'a pas été mis à même de le faire. Toutefois, et eu égard à la nature de cette convention, le maire de Clomot était compétent pour autoriser l'occupation du domaine public communal, la délibération du 16 octobre 2019 présentant un caractère superfétatoire. Dès lors, et même en admettant que cette délibération serait irrégulière, une telle circonstance serait, en tant que telle, sans incidence sur la légalité de la convention attaquée. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de cette délibération ne peuvent qu'être écartés.
6.En deuxième lieu, la convention du 22 janvier 2020 a pour objet l'occupation domaniale de la commune de Clomot. Par suite, les moyens tirés d'une violation des articles L. 2411-1, L. 2421-1 et L. 2422-5, L. 2422-6 et L. 2422-7 du code de la commande publique doivent être écartés comme inopérants, compte tenu des prescriptions de l'article L. 1100-1 de ce code qui écartent son application pour les contrats ayant pour objet l'occupation domaniale. Aucun des moyens invoqués ici ne saurait donc recevoir satisfaction.
7.En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (). " Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. "
8.Il résulte des stipulations combinées des articles 1er à 10 de la convention en litige que, en contrepartie des droits d'occupation consentis à la SAS Intervent pour construire, assurer la maintenance et procéder au démantèlement du parc éolien, qui comportent des droits de passage, de stationnement et de survol, ainsi que d'enfouissement de câbles électriques, le versement d'une redevance annuelle a été prévu en faveur de la commune, exigible au 1er janvier pour un montant de 2 000 euros par éolienne, avec indexation annuelle, à compter de la date du début d'exploitation du parc jusqu'à sa fin. Il en résulte également que les travaux sur les voies communales sont aux frais de la SAS Intervent, cette dernière s'engageant à remettre ces voies dans leur état initial à l'expiration de la convention, en cas de demande de la commune. De plus, les frais occasionnés en cas de détérioration anormale demeurent à la charge de la SAS Intervent. Aucune des circonstances invoquées par la SCI Du Roussay et autres, qui se prévalent en particulier du décalage entre les dates de signature de la convention, qui empêche pendant plusieurs années de confier des droits similaires à d'autre opérateurs, et celle à compter de laquelle prend effet le versement de la redevance, et qu'il ne permettrait pas de faire face au coût du démantèlement des câbles électriques et de la remise en état des voies, alors que la convention, outre la redevance, met en place différents mécanismes destinés à éviter que la commune soit contrainte d'exposer inutilement des frais, n'est susceptible de caractériser une libéralité. Rien ne permet de dire par ailleurs que le montant de la redevance serait manifestement disproportionné au regard des avantages de toute nature consentis à la société. Par suite, le moyen tiré d'une violation des dispositions ci-dessus, directement dirigé contre la convention en litige, ne peut être admis.
9.En quatrième lieu, à supposer même que la SCI du Roussay et autres auraient notamment entendu invoquer directement à l'encontre de la convention en litige la méconnaissance des dispositions de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière, un tel moyen serait, en l'espèce et en tout état de cause, inopérant eu égard à l'objet de cette convention.
10.En dernier lieu, et comme il vient d'être vu, aucun vice n'a été relevé qui entacherait d'illégalité la convention ici en cause. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'aucun motif d'intérêt général ne s'opposerait à l'annulation de cette convention ne peut qu'être écarté.
11.Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la convention du 22 janvier 2020 doivent être rejetées.
12. Par voie de conséquence de ce qui précède, les conclusions dirigées contre la décision implicite portant rejet du recours administratif dirigé contre la délibération et la convention doivent être rejetées.
13.Par suite, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er :La requête de la SCI du Roussay et autres est rejetée.
Article 2 :Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Roussay représentante unique au titre de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de Clomot et à la SAS Intervent.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologie et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
M. Chassagne, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.
Le rapporteur,
J. Chassagne
Le président,
V-M. Picard La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique, en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière
al