CAA Marseille, 17/04/2023, n°23MA00834
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Allamanno a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de prescrire une expertise aux fins de rechercher tous les éléments permettant d'évaluer la nature, la consistance et le montant des prestations qu'elle a réalisées en exécution du lot n° 1 du marché public de travaux conclu avec la Chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence pour l'extension et la rénovation de l'école de management Kedge Business School de Marseille, et notamment d'évaluer les prestations supplémentaires qu'elle aurait effectuées ainsi que les difficultés qu'elle auraient rencontrées et de préciser les causes, l'imputabilité et les conséquences de l'allongement du délai d'exécution.
Par une ordonnance n° 2205829 du 14 mars 2023, il n'a pas été fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 avril 2023, la SAS Allamanno, représentée par Me Carillo, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 14 mars 2023 ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la Chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le litige concernant l'exécution d'un marché public de travaux située à Marseille, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille était territorialement et matériellement compétent ; que son appel est formé dans le délai de 15 jours ; que l'ordonnance attaquée est irrégulière faute d'avoir répondu tant à l'ensemble des objets de la mesure d'expertise demandée tels qu'énumérés dans son mémoire en réplique enregistré le 17 septembre 2022 qu'à l'ensemble des moyens développés au soutien de l'utilité de cette mesure ; que la mesure d'expertise qu'elle demande est utile dans le cadre du litige sur le décompte général et définitif du marché qui l'oppose à la Chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence, afin d'analyser les insuffisances, erreurs et incohérences affectant le projet élaboré par le maître d'œuvre, les fautes du mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre dans le cadre de sa mission de direction de l'exécution des travaux, les faits ou fautes imputables au maître d'ouvrage, les sujétions techniques imprévisibles qu'elle a subies, le règlement partiel par le maître d'ouvrage des travaux supplémentaires ainsi que les faits imputables à la société Gotec chargée d'une mission d'OPC ; que, de même, seul un expert pourra donner un avis technique sur les causes de l'allongement du délai d'exécution et son imputabilité à tel ou tel intervenant ; que ni son mémoire en réclamation, ni les pièces produites au débat ne sauraient se substituer à l'avis technique voire comptable d'un expert d'autant qu'elle ne possède pas les pièces afférents aux 20 autres lots du marché ; que la mission d'expertise demandée ne porte que sur l'appréciation de questions de fait et non de questions de droit ; que la saisine du juge du fond ne fait pas obstacle à la désignation d'un expert par le juge des référés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : "Le juge des référés peut, sur simple requête () prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. La SAS Allamanno a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de prescrire une expertise aux fins de rechercher tous les éléments permettant d'évaluer la nature, la consistance et le montant des prestations qu'elle a réalisées en exécution du lot n° 1 du marché public de travaux qu'elle a conclu avec la Chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence pour l'extension et la rénovation de l'école de management Kedge Business School de Marseille, et notamment d'évaluer les prestations supplémentaires qu'elle aurait effectuées ainsi que les difficultés qu'elle auraient rencontrées et de préciser les causes, l'imputabilité et les conséquences de l'allongement du délai d'exécution. Par l'ordonnance attaquée du 14 mars 2023, la juge des référés a refusé de faire droit à sa demande.
Sur la régularité de l'ordonnance :
3. En premier lieu, si la juge des référés du tribunal administratif a résumé cursivement la mission que la SAS Allamanno souhaitait voir confier à l'expert, en indiquant qu'elle visait à analyser les " difficultés qu'elle a rencontrée dans l'exécution du lot 1 (du marché mentionné au point 1) et d'en déterminer les conséquences économiques, de fournir tous éléments pour établir les comptes entre les parties et pour déterminer les imputabilités ", elle ne s'est pas méprise sur l'objet de la mesure d'expertise ainsi demandée, lequel est afférent au litige relatif au règlement de ce marché qui l'oppose à la Chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence, la société requérante n'ayant jamais soutenu, y compris aux termes du mémoire du 17 septembre 2022, du reste, dûment visé par l'ordonnance attaquée, qu'elle demandait le prononcé d'une mesure d'expertise également dans la perspective d'une action en responsabilité quasi-délictuelle qu'elle serait susceptible d'exercer à l'encontre des autres co-contractants.
4. En second lieu, en jugeant que " les parties disposent de tous les éléments, notamment techniques, produits notamment dans le cadre du mémoire de réclamation, permettant d'évaluer, par postes, le montant des sommes réclamées par la société Allamanno au maître d'ouvrage ", que la mission confiée à l'expert " ne pourrait, à ce stade, consister qu'à fournir une appréciation sur la valeur et la pertinence de ces éléments et donc apprécier le bien-fondé de la réclamation alors que les questions de droit ne relèvent pas de (sa) compétence " et qu'enfin, " il appartiendra au juge du fond, saisi dans le cadre de l'instance n° 2206073, s'il s'estime insuffisamment éclairé par les éléments produits, de faire procéder à une expertise ", la juge des référés doit être regardée comme ayant motivé de façon suffisante, eu égard à son office, le rejet de la mesure d'expertise qui lui était demandée, quand bien même elle n'a pas écarté explicitement tous les arguments invoqués par la société requérante à l'appui de cette utilité.
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
6. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. S'il résulte de l'article R. 625-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de l'article R. 532-1, alors même qu'une requête au fond est en cours d'instruction, il appartient au juge des référés d'apprécier l'utilité de la mesure demandée sur ce fondement (cf. CE, 27.11.2014, n° 385843 et 385844).
7. A la date de la présente ordonnance, comme, du reste, à la date à laquelle la juge des référés du tribunal administratif s'est prononcée, est pendante devant le tribunal administratif de Marseille une requête, enregistrée sous le n° 2206073, présentée par la SAS Allamanno tendant à la condamnation in solidum de la Chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence et des sociétés GPAA et GOTEC à lui verser la somme de 2 019 062,69 euros TTC, au titre du solde restant dû du lot n° 1 du marché mentionné au point 1. La société requérante fait valoir qu'elle a été contrainte de déposer ce recours dans le délai de six mois prévu par l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux mais que le juge du fond n'a été saisi que le 20 juillet 2022, soit postérieurement à sa demande en référé, enregistrée le 13 juillet. La société requérante allègue également l'urgence à disposer de l'avis d'un expert, en se bornant à soutenir, à l'appui de cette allégation, que sa trésorerie est fortement obérée par ce litige, ce dont, au demeurant, elle ne justifie pas. Ces seules circonstances ne sont toutefois pas de nature à conférer à la mesure d'expertise qu'il est ainsi demandé au juge des référés d'ordonner un caractère d'utilité différent de celui de la mesure que le juge saisi de cette requête, pourra décider, le cas échéant, dans l'exercice de ses pouvoirs de direction de l'instruction.
8. Il résulte de ce qui précède que la SAS Allamanno n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la SAS Allamanno est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Allamanno.
Fait à Marseille, le 17 avril 2023LH