Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le département de la Haute-Marne a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la société Edeis venant aux droits du BET Pingat devenu SNC Lavalin à lui verser une somme comprise entre 299 169,85 et 394 904,20 euros HT, de condamner la SELARL Tessier-Poncelet à lui verser une somme comprise entre 299 169,85 et 394 904,20 euros HT, de condamner la société Faupin, représentée par Me Deltour, mandataire judiciaire, à lui verser une somme comprise entre 119 667,94 et 179 501,91 euros HT, de condamner la société Qualiconsult à lui verser une somme comprise entre 119 667,94 et 179 501,91 euros HT et de condamner solidairement ces quatre sociétés à supporter les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés.
Par un jugement n°1802474 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné les sociétés Faupin et Qualiconsult à verser chacune au département de la Haute-Marne la somme de 124 884,80 euros TTC, sous déduction de toutes sommes versées à titre de provision, outre les intérêts et leur capitalisation. Le tribunal a condamné le département de la Haute-Marne à verser à la société Amandine Riquelme, en qualité de mandataire judiciaire de la société Faupin, la somme de 64 411,88 euros TTC et mis les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 43 902,65 euros, à la charge solidaire et définitive de la société Faupin et de la société Qualiconsult à hauteur de 10 % chacune et du département de la Haute-Marne à hauteur de 80 %. Le tribunal a rejeté les conclusions d'appel en garantie formées par la SELARL Tessier-Poncelet à l'encontre de la société Unilin comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 septembre 2020, le département de la Haute-Marne, représenté par Me Claisse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner solidairement la société Edeis venant aux droits du BET Pingat devenu SNC Lavalin, la SELARL Tessier-Poncelet, la société Faupin et la société Qualiconsult à lui verser la somme de 1 196 679,40 euros HT, ou subsidiairement de condamner ces sociétés à lui verser, pour la société Edeis, la somme HT de 373 962,31 euros ou de 493 630,25 euros, pour la SELARL Tessier-Poncelet, la somme HT de 314 128,34 euros ou de 266 261,16 euros, pour la société Faupin, la somme HT de 254 295,37 ou de 218 401,99 euros, et pour la société Qualiconsult, la somme HT de 254 295,37 ou de 218 401,99 euros ;
3°) d'assortir ces sommes de la TVA ;
4°) d'assortir ces sommes des intérêts à compter de l'introduction du recours et de leur capitalisation ;
5°) de condamner in solidum les sociétés Edeis, Tessier-Poncelet, Faupin et Qualiconsult aux frais d'expertise, d'un montant de 43 902,65 euros ;
6°) de mettre à la charge de chacune de ces sociétés une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions sur le fondement de la garantie décennale ; il sollicite, à titre principal, la condamnation des constructeurs sur ce fondement ; le délai d'action a été interrompu par sa demande de référé expertise ; les désordres consistant en de multiples et importantes infiltrations portent atteinte à la destination de l'ouvrage et à sa solidité ; les désordres ne s'étaient pas révélés dans toute leur ampleur et leur gravité au moment de la réception ; un désordre réservé lors de la réception peut engager la responsabilité décennale lorsqu'il se révèle postérieurement dans toute son ampleur, comme c'est le cas en l'espèce ; c'est à tort que le tribunal a retenu que le défaut d'étanchéité était déjà connu du maître d'ouvrage sans rechercher si les désordres ne s'étaient pas révélés postérieurement dans toute leur ampleur ;
- ces désordres sont imputables à la société Tessier-Poncelet, architecte, car ils résultent pour partie d'un défaut de conception concernant la toiture et la ventilation, alors qu'il appartenait à l'architecte d'établir les prescriptions de toiture et qu'il s'en est remis sur ce point au bureau d'études, l'expert retenant une part de responsabilité comprise entre 14 et 20 % ; le désordre est également imputable au BET Pingat Ingénierie, qui assurait l'essentiel de la mission d'exécution, qui a élaboré le CCTP de la toiture alors que cette tâche ne lui incombait pas et que la toiture et la ventilation n'étaient pas adaptées l'une à l'autre, sa part de responsabilité peut être évaluée entre 25 et 33 % ; si la responsabilité de la société Unilin Insulation, fournisseur, ne peut être recherchée devant le juge administratif, la société Faupin doit répondre de ses manquements, consistant à avoir fourni des panneaux qui pouvaient être sources de condensation, et qui sont responsables des désordres dans une proportion comprise entre 25 et 33 % selon l'expert ; le dommage est également imputable à la société Faupin au titre de son propre comportement, alors qu'elle était titulaire du lot n° 7, incluant la couverture et les bardages, et qu'elle a manqué à son devoir de conseil envers le maître d'ouvrage, sa part de responsabilité pouvant être évaluée entre 10 et 15 %, l'existence d'une procédure de liquidation judiciaire ne faisant pas obstacle à sa condamnation ; la société Qualiconsult, contrôleur technique, n'a pas anticipé les conséquences prévisibles de l'absence de ventilation de la sous-face du parement inox, alors qu'elle avait une mission sur la solidité et qu'elle a levé à tort son observation sur la nécessité de prévoir la mise en place d'un écran de sous-toiture, alors que cet écran n'a jamais été posé, sa part de responsabilité pouvant être évaluée entre 10 et 15 % ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ; le préjudice indemnisable s'établit à 1 046 671,40 euros HT, soit 1 256 005,68 euros TTC, auxquels il y a lieu d'ajouter un montant de 150 008 euros HT, soit 180 009,60 euros TTC, pour des travaux qualifiés d'aléatoires par l'expert mais qui ont désormais un caractère certain ;
- les constructeurs doivent être condamnés in solidum dès lors que les fautes qu'ils ont commises ont concouru à la réalisation de l'entier dommage ; subsidiairement, il y aurait lieu d'appliquer la méthode de calcul n° 1 de l'expert, retenant des taux de responsabilité de 25 % à l'encontre de la société Edeis, de 20 % à l'encontre de la SELARL Tessier-Poncelet, de 15 % à l'encontre de la société Faupin et de 15 % à l'encontre de la société Qualiconsult, les 25 % de responsabilité du fournisseur devant être répartis à parts égales entre ces quatre constructeurs ; la méthode n° 2 retient des taux de responsabilité de 33 % à l'encontre de la société Edeis, de 14 % à l'encontre de la SELARL Tessier-Poncelet, de 10 % à l'encontre de la société Faupin et de 10 % à l'encontre de la société Qualiconsult, les 33 % de responsabilité du fournisseur devant être répartis à parts égales entre ces quatre constructeurs ;
- à titre subsidiaire, il recherche la responsabilité contractuelle des constructeurs ; les réserves assortissant la réception des toitures, concernant le lot n° 7, n'ont jamais été levées et sont en lien direct avec les désordres dont l'indemnisation est sollicitée ; le décompte général de ce lot n'est jamais devenu définitif, le maître de l'ouvrage ne l'ayant jamais signé et n'ayant pas versé le solde ; la recevabilité de l'action en responsabilité s'apprécie à l'égard du lot sur lequel porte la réserve ; le fait que le décompte général du maître d'œuvre a été accepté sans réserve et que le solde en a été payé est sans conséquence sur la possibilité d'engager la responsabilité de ce constructeur pour les désordres réservés sur le lot n° 7, il lui était impossible en qualité de maître d'ouvrage de porter une réserve sur le décompte général du maître d'œuvre faute pour lui de savoir que ces désordres procédaient, en partie, d'un défaut de conception imputable à la maîtrise d'œuvre ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'œuvre ne pouvait plus être engagée ;
- les fautes des constructeurs sont établies, il n'a lui-même commis aucune faute tenant à un défaut d'entretien de l'ouvrage ;
- il renvoie à ce qui a été indiqué précédemment s'agissant de la demande de condamnation in solidum, des montants à indemniser et de la répartition éventuelle de l'indemnisation entre les constructeurs ;
- les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif doivent être mis à la charge solidaire des quatre sociétés mises en cause ; il est fondé à demander le remboursement des sommes en question, alors qu'il a exécuté ce que prescrivait l'ordonnance n° 17NC02904, 17NC02906 ;
- il a droit à ce que la condamnation prononcée à son profit soit assortie de la TVA, ainsi qu'aux intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement du présent recours et de leur capitalisation.
Par deux mémoires enregistrés les 24 décembre 2020 et 18 octobre 2022, la SELARL Tessier-Poncelet, représentée par Me Thibault, conclut :
- au rejet de la requête ;
- subsidiairement, à ce que les sociétés Edeis, Unilin, Qualiconsult et Faupin soient condamnées à la relever et garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, à ce que les sommes demandées par le département de la Haute-Marne soient appréciées à de plus justes proportions, en excluant la TVA, et à ce que les condamnations soient prononcées en deniers et quittances ;
- à ce que le versement d'une somme de 1 500 euros soit mis à la charge du département au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le département doit justifier avoir introduit sa requête dans le délai d'appel ;
- c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les désordres avaient été réservés pour exclure l'engagement de la garantie décennale et que le décompte du marché de maîtrise d'œuvre était devenu définitif pour rejeter les conclusions présentées sur le fondement de la garantie contractuelle ;
- elle n'a commis aucune faute au titre de son obligation de conseil, puisqu'elle a appelé l'attention du maître d'ouvrage sur les vices décelables ;
- les désordres ne lui sont pas imputables ; c'est le BET Pingat qui a prescrit la dualité d'ouvrages constituée par la toiture et le système de ventilation, alors qu'elle avait la charge des lots architecturaux, à l'exclusion de la conception du complexe de la toiture et du système de ventilation ; elle avait prévu dans ses plans du dossier de consultation des entreprises (DCE) une ventilation de la sous-face de la couverture en inox mais cela n'a pas été repris dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ; la répartition des honoraires ne pouvait être assimilée à une répartition des prestations entre les membres du groupement de maîtrise d'œuvre ;
- elle est recevable à présenter des conclusions d'appel provoqué, afin d'être garantie, alors que les conclusions d'appel en garantie sont prescrites dans les cinq ans suivant l'introduction de la demande et que ces conclusions peuvent être présentées sans délai en appel ;
- le BET Pingat a commis une erreur de conception et de suivi de l'exécution de la couverture ainsi que du système de ventilation ; le bureau de contrôle Qualiconsult a validé ce type de panneau ; la société Faupin n'a pas anticipé les risques alors qu'elle aurait dû déconseiller leur utilisation ; la société Unilin a fourni des panneaux Rexoral selon des caractéristiques de perméance à la vapeur d'eau inexactes ; elle ne saurait avoir à endosser la part de responsabilité de cette dernière ;
- les demandes nouvelles du département doivent être rejetées comme irrecevables, s'agissant des dommages et intérêts non réclamés en première instance, de la demande de condamnation solidaire ou de la répartition des responsabilités ;
- il n'est pas justifié de la nécessité de recourir aux travaux dits aléatoires ;
- chaque constructeur doit être condamné pour ses propres fautes ;
- il n'est pas justifié de l'assujettissement à la TVA ; le département doit justifier du coût effectivement exposé pour les travaux ; la fourchette basse de 299 169,85 euros représentant 14 % de part de responsabilité ne saurait être dépassée ; il doit être fait application d'un taux de vétusté ; il y a lieu de déduire les améliorations, tenant à l'installation d'une VMC, ou à tout le moins de déduire le système de ventilation que le département aurait dû payer.
Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2021, la compagnie Allianz IARD, venant aux droits de la compagnie d'assurances Gan Eurocourtage, représentée par Me Grau, conclut :
- au rejet de la requête et à ce qu'elle soit mise hors de cause ;
- à titre subsidiaire, à ce que les sommes susceptibles d'être accordées au département de la Haute-Marne soient limitées, avec déduction des sommes versées dans le cadre de la procédure de référé provision ;
- au rejet des conclusions d'appel provoqué de la SELARL Tessier-Poncelet ;
- à ce que le versement d'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge du département de la Haute-Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appel est tardif ;
- le département ne présente aucune demande à son encontre ;
- d'éventuelles conclusions dirigées à son encontre relèveraient de la compétence de la juridiction judiciaire ;
- elle entend présenter des observations en défense en soutien à son assuré, le BET Pingat, aux droits duquel vient la société Edeis, dans le cadre d'une intervention ;
- la responsabilité contractuelle de son assuré ne saurait être engagée, compte tenu du caractère définitif du décompte général du marché de maîtrise d'œuvre, qui ne comporte aucune réserve ;
- sa responsabilité ne saurait davantage être recherchée au titre de la garantie décennale, compte tenu du caractère apparent des désordres ayant justifié l'édiction de réserves lors des opérations de réception ;
- en toute hypothèse, le dommage n'est pas imputable à son assuré ; le maître d'ouvrage s'est abstenu d'entretenir l'ouvrage, ce qui justifie qu'une cause exonératoire soit retenue à hauteur d'au moins 50 % ; l'expert retient un défaut d'exécution et la défaillance du produit utilisé ; le caractère inapproprié du choix opéré s'agissant du complexe de la toiture n'est pas démontré, les pièces techniques en cause et la conception de la toiture relevaient de la compétence de l'architecte, il est intervenu en tant que simple sous-traitant de ce dernier ; le système de ventilation était conforme aux préconisations imposées par le maître d'ouvrage ; le choix du produit ne peut être reproché à son assuré, il n'était pas connu que les mentions figurant sur l'avis du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) étaient erronées et le CCTP n'imposait pas de recourir à ces panneaux ; son assuré n'avait aucune mission au titre de l'exécution des travaux et de leur réception ;
- les demandes tendant à une condamnation à indemniser la totalité du préjudice, avec les autres constructeurs, sont nouvelles en appel et donc irrecevables, comme celles tenant à la réintégration des sommes liées aux manquements imputables à la société Unilin ;
- l'indemnité allouée ne saurait inclure les améliorations liées à l'ajout d'une VMC et à la réalisation d'une toiture froide, de sorte que le département devrait conserver à sa charge au moins 50 % des sommes demandées au titre des travaux ; il n'est pas justifié de la certitude du préjudice lié aux travaux dits aléatoires ; il y aurait lieu de prendre en compte la date de constat du désordre établie par l'expert dans son rapport de 2015 et d'appliquer un abattement pour vétusté ; il doit être tenu compte des paiements effectués au titre du référé-provision ;
- l'appel provoqué de la SELARL Tessier-Poncelet à l'encontre de la société Edeis est tardif, car il a été présenté après l'expiration du délai de cinq ans ; ces conclusions ne sont pas fondées.
Par un mémoire enregistré le 22 février 2021, Me Amandine Riquelme, liquidateur judiciaire de la société Faupin, représentée par Me Harant, conclut :
- à la réformation du jugement ;
- au rejet des conclusions dirigées à son encontre ;
- à ce que le département de la Haute-Marne soit condamné à lui verser une somme de 54 411,85 euros ;
- à ce que soit mis à la charge du département de la Haute-Marne le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes formées contre la société Faupin ne sauraient prospérer, compte tenu de la liquidation judiciaire ; aucune conclusion dirigée contre Me Deltour ne saurait prospérer, dès lors que son mandat de liquidateur a pris fin ; ni le département, ni la société Qualiconsult, ni la société Tessier-Poncelet n'ont effectué de déclaration de créance, dans les délais impartis, entre les mains du mandataire, les conclusions correspondantes sont donc irrecevables, en vertu des dispositions du code de commerce applicables aux procédures collectives, qui sont d'ordre public et qui trouvent à s'appliquer devant la juridiction administrative ; les créances seraient en tout état de cause inopposables à la liquidation judiciaire ; le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts, quels qu'ils soient ;
- le marché de la société Faupin n'a pas été réglé en totalité, la somme de 64 411,88 euros n'a pas été payée ; le département, qui n'oppose aucune contestation, doit être condamné à verser cette somme, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges ; aucune compensation ne saurait être sollicitée, faute de déclaration de créance.
Par un mémoire enregistré le 26 mars 2021, la société Edeis, anciennement dénommée SNC Lavalin, venant aux droits de la société Pingat Ingénierie, représentée par Me Arroyo, conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête et des conclusions dirigées à son encontre ;
- subsidiairement, à ce que le montant des sommes demandées par le département de la Haute-Marne soit ramené à de plus justes proportions, à ce que sa part de responsabilité soit limitée à une proportion n'excédant pas 5 % et à ce que les sociétés Qualiconsult, Tessier-Poncelet ainsi que Me Riquelme soient condamnées à la garantir de toute condamnation qui serait supérieure à sa propre part de responsabilité ;
- à ce que soit mis à la charge de tout succombant le versement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- la demande de condamnation in solidum est irrecevable car nouvelle en appel ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la garantie décennale des constructeurs ne pouvait être recherchée s'agissant de désordres ayant fait l'objet de réserves ; les dommages en cause sont la continuation naturelle et prévisible des désordres constatés et réservés lors des opérations de réception ;
- sa responsabilité contractuelle ne saurait davantage être recherchée, ainsi que l'a retenu le tribunal, dès lors que le décompte général du marché de maîtrise d'œuvre, qui est dépourvu de réserve, est devenu définitif ; ce moyen avait été invoqué en première instance, contrairement à ce que soutient le maître d'ouvrage ;
- subsidiairement, sa responsabilité n'est pas engagée car les désordres sont imputables au défaut des panneaux Rexokal posés par la société Faupin, qui ne pouvait être anticipé par le maître d'œuvre au regard de l'avis technique favorable délivré par le CSTB dont disposait alors ce matériel ; alors que le CCTP prévoyait un système qui pouvait correspondre à d'autres types de panneaux, et qui était approprié, c'est la société Faupin qui a choisi les panneaux en question, ce qui n'a donné lieu à aucune observation du contrôleur technique ou de l'architecte, qui était chargé de la mission relative à la direction de l'exécution des travaux ; la preuve d'un défaut de conception de l'ouvrage et de son lien de causalité avec les désordres n'est pas rapportée ; il n'était pas le prescripteur de la dualité d'ouvrages que constituent la toiture et le système de ventilation, la conception du projet relevant de la société Tessier-Poncelet ; la preuve d'un défaut d'exécution n'est pas rapportée, la pose d'un écran sous toiture n'aurait pas permis d'éviter le sinistre et un tel défaut d'exécution n'engagerait pas sa responsabilité ;
- à titre plus subsidiaire, sa responsabilité devrait être limitée à une part ne dépassant pas 5 % ;
- il n'est pas justifié de la nécessité des travaux présentés comme aléatoires par l'expert ;
- les conclusions d'appel en garantie ne sauraient prospérer, dès lors que la cour ne saurait procéder à une condamnation in solidum, chaque constructeur ne pouvant être condamnée qu'au titre de sa propre part de responsabilité et qu'elle n'est pas responsable des désordres invoqués.
Par un mémoire enregistré le 14 janvier 2022, la société Qualiconsult, représentée par Me Launey, conclut :
- à titre principal, à la réformation du jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité, à ce qu'elle soit mise hors de cause et au rejet des conclusions dirigées à son encontre ;
- à titre subsidiaire, à ce que les condamnations demandées par le département de la Haute-Marne soient limitées à de plus justes proportions, à ce que sa part de responsabilité n'excède pas 10 %, sans condamnation solidaire, à ce que les condamnations prononcées le soient en deniers ou quittances, sous déduction de la somme de 40 000 euros qu'elle a déjà versée, et à ce que les sociétés Edeis, Tessier-Poncelet et Faupin soient condamnées in solidum à la relever et garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
- à ce que soit mis à la charge du département de la Haute-Marne, in solidum avec tout succombant, le versement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- l'analyse d'une éventuelle responsabilité du contrôleur technique doit se faire au regard de sa mission et du cadre légal et réglementaire ;
- compte tenu du caractère apparent des désordres au moment de la réception et de l'existence d'une réserve à la réception, la responsabilité décennale des constructeurs ne peut être engagée ;
- sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée compte tenu de l'absence de lien de causalité entre les désordres et son intervention ; en phase conception, elle n'a commis aucune faute qui serait en lien avec les désordres constatés ; le procédé Rexoral bénéficiait d'un avis technique du CSTB ; la vérification des débits de ventilation était hors mission ; en phase exécution, il ne lui appartenait pas d'assurer le suivi du chantier ; la mise en œuvre d'un écran sous toiture incombait à l'entreprise sous le contrôle du maître d'œuvre ;
- les conclusions du département tendant à une condamnation in solidum ou sollicitant une somme supérieure à celle demandée en première instance sont irrecevables car présentées pour la première fois en appel ;
- il doit être tenu compte du fait qu'elle a versé une somme de 40 000 euros ; le département de la Haute-Marne n'établit pas le caractère certain des travaux aléatoires ;
- sa part de responsabilité ne saurait excéder 10 % ;
- elle ne saurait être condamnée solidairement, la solidarité ne se présume pas et n'a pas été stipulée en l'espèce, elle est exclue au regard des dispositions de l'article L. 125-2 du code de la construction et de l'habitation ;
- la société Tessier-Poncelet n'est pas fondée à l'appeler en garantie dès lors qu'elle ne démontre pas qu'elle aurait commis une faute ;
- la conception de la couverture réalisée par le BET Pingat est, selon l'expert, à l'origine des désordres ; ceux-ci sont partiellement imputables à la société Tessier-Poncelet et également à la société Faupin spécialisée dans les couvertures et bardages ; compte tenu de ces manquements, elle est fondée à appeler ces trois constructeurs en garantie.
Vu :
- l'ordonnance du 2 juillet 2015, par laquelle le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a taxé et liquidé les frais de l'expertise réalisée par M. A C à la somme de 43 902,65 euros TTC ;
- l'ordonnance n°1602256 du 6 novembre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a condamné la société Qualiconsult et Me Deltour, es qualité de mandataire judiciaire de la société Faupin, à verser, chacun, la somme de 100 000 euros, à titre de provision, au département de la Haute-Marne ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteure,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;
- et les observations de Me Cornut-Gentille pour la société Edeis et de Me Grau pour la compagnie Allianz IARD.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention du 13 février 2001, le département de la Haute-Marne a confié, pour la reconstruction du collège Anne Franck à Saint-Dizier, une mission de maîtrise d'ouvrage déléguée à la SCET. Par un marché du 4 octobre 2002, celle-ci a confié la maîtrise d'œuvre à un groupement constitué de la SELARL Tessier-Poncelet, architecte mandataire, et de la société Pingat, bureau d'études. Le contrôle technique a été attribué, par acte du 7 janvier 2003, à la société Qualiconsult et le lot n° 7 " bardage - couverture " à la SARL Faupin, par acte du 20 octobre 2003. Afin d'assurer la couverture du bâtiment, cette entreprise a installé des panneaux isolants de marque Rexokal fabriqués par la société Unilin. Le 31 août 2006, la réception des travaux de toiture a été prononcée avec réserves en raison de l'existence de fuites et de condensations d'eau dans le bâtiment C1. Le 31 août 2007, a été dressé un constat d'importantes infiltrations dans la salle du centre de documentation et d'informations et dans le local informatique. Par une ordonnance du 11 décembre 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à la demande du département de la Haute-Marne, a prescrit une expertise aux fins de constater les désordres affectant le collège. L'expert désigné a rendu son rapport le 3 avril 2015. Par une ordonnance du 19 juin 2018, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, saisi d'une contestation de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 6 novembre 2017, a notamment confirmé la condamnation de la société Qualiconsult et de Me Deltour, en qualité de mandataire judiciaire de la société Faupin à verser, chacun, la somme de 100 000 euros au département de la Haute-Marne à titre de provision ainsi que les condamnations de la société Edeis et la Selarl Tessier-Poncelet à garantir chacune la société Qualiconsult à hauteur respectivement de 30 % et de 20 %, et de celle de Me Deltour, es-qualité de mandataire judiciaire de la société Faupin à garantir la société Qualiconsult à hauteur de 10 %.
2. Le département de la Haute-Marne a ensuite demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité décennale, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société Edeis venant aux droits du BET Pingat devenu SNC Lavalin, la SELARL Tessier-Poncelet, le mandataire de la société Faupin et la société Qualiconsult à réparer son préjudice selon les estimations faites par l'expert, et à les condamner solidairement aux frais d'expertise. La société Amandine Riquelme, en qualité de mandataire judiciaire de la société Faupin, a présenté, quant à elle, des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation du département de la Haute-Marne à lui verser une somme de 64 411,88 euros au titre du solde des travaux restant dû. Par un jugement du 17 juillet 2020, le tribunal a d'une part, condamné, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, les sociétés Faupin et Qualiconsult à verser chacune au département de la Haute-Marne la somme de 124 884,80 euros TTC, sous déduction de toutes sommes versées à titre de provision, outre les intérêts et leur capitalisation. Le tribunal a d'autre part, condamné le département de la Haute-Marne à verser à la société Amandine Riquelme, en qualité de mandataire judiciaire de la société Faupin, la somme de 64 411,88 euros TTC au titre du solde de son marché. Le département de la Haute-Marne relève appel de ce jugement uniquement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires dirigées contre les constructeurs. Le mandataire de la société Faupin et la société Qualiconsult contestent, notamment, leur condamnation par la voie de l'appel incident.
Sur les fins de non-recevoir opposées aux conclusions du département :
3. En premier lieu, il ressort du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié au département le 29 juillet 2020. La requête du département, enregistrée le 28 septembre suivant, a donc été formée dans le délai d'appel de deux mois mentionné à l'article R. 811-2 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête, invoquée par la société Tessier-Poncelet, ne peut dès lors qu'être écartée.
4. En deuxième lieu, les conclusions tendant à la condamnation solidaire des sociétés Edeis, Tessier-Poncelet, Faupin et Qualiconsult sont présentées pour la première fois en appel et ne sont, par suite, pas recevables. La fin de non-recevoir opposée à ce titre doit en conséquence être accueillie.
5. En troisième lieu, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.
6. Il ne résulte pas de l'instruction que l'augmentation du montant des prétentions indemnitaires du département résulterait d'une aggravation des désordres ou d'un dommage révélé dans son ampleur postérieurement au jugement attaqué. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'augmentation des conclusions indemnitaires du département doit être accueillie, en tant que la requête d'appel du département de la Haute-Marne ne pourrait donner lieu, toute indemnité confondue, à une condamnation supérieure à celle qu'elle avait demandée en première instance à l'égard de chacun des constructeurs dont il recherche la responsabilité.
Sur la responsabilité des constructeurs :
En ce qui concerne la garantie décennale :
7. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception de l'ouvrage est prononcée avec réserves les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves.
8. Il résulte du procès-verbal de réception du lot n° 7 " bardage - couverture ", en date du 31 août 2006, que ces travaux ont été réceptionnés avec une réserve relative à l'existence de fuites et de constatations d'eau constatées dans le bâtiment C1. Il n'est pas contesté que compte tenu du caractère indissociable des bâtiments C1, C2 et C3 qui forment ensemble le bâtiment d'enseignement général, cette réserve doit être regardée comme portant sur l'ensemble de l'ouvrage, ainsi que l'ont retenu les premiers juges. Il est constant que cette réserve n'a pas été levée. En outre, les désordres dont le département demande réparation se rattachent à ceux sur lesquels porte la réserve. La circonstance, invoquée par le département, selon laquelle le désordre n'aurait pas été apparent, ou n'aurait pas pu être appréhendé dans toutes ses conséquences, est sans incidence sur l'existence de cette réserve comme sur le fait que les désordres dont elle se plaint dans la présente instance s'y rattachent.
9. Ainsi, et en l'absence de stipulations particulières prévues par les documents des marchés en cause, les rapports contractuels se sont poursuivis entre le département et les constructeurs en ce qui concerne les travaux ayant fait l'objet de cette réserve. Il suit de là qu'en l'absence de réception pour les travaux en lien avec les désordres en cause, le département de la Haute-Marne ne peut rechercher la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
S'agissant des maîtres d'œuvre :
10. Il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves. A défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte.
11. Il résulte de l'instruction que le décompte du marché de maîtrise d'œuvre conclu, le 4 octobre 2002, entre la SEM Haute-Marne Aménagement, maître d'ouvrage délégué du département de la Haute-Marne et le groupement de maîtrise d'œuvre composé de la société Tessier-Poncelet et de la société Pingat, aux droits de laquelle vient la société Edeis, a été signé par le maître de l'ouvrage le 22 mai 2008, sans être assorti de réserve. Le décompte du marché de maîtrise d'œuvre est, par conséquent, devenu définitif, ce qui fait obstacle, en application du principe rappelé au point précédent, à ce que la responsabilité contractuelle des membres du groupement de maîtrise d'œuvre soit recherchée par le département de la Haute-Marne. La circonstance que les décomptes des marchés de travaux concernés ne seraient pas devenus définitifs est sans incidence sur l'irrecevabilité des conclusions du maître d'ouvrage contre les maîtres d'œuvre sur un fondement contractuel. La circonstance que les travaux du lot n° 7 ont été assortis d'une réserve non levée est également sans incidence sur cette irrecevabilité. Le département de la Haute-Marne n'est donc pas fondé à se plaindre du rejet par les premiers juges de ses conclusions dirigées, sur un fondement contractuel, contre les sociétés Tessier-Poncelet et Edeis.
S'agissant du titulaire du lot n°7 :
12. Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce, relatif aux sociétés en liquidation en vertu de l'article L. 641-3 du code de commerce : " I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; () ". Aux termes de l'article L. 622-22 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. ". Aux termes de l'article L. 622-24 du même code : " A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat (). " Aux termes de l'article L. 622-26 du même code : " A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait () ".
13. Si ces dispositions réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, soit à titre définitif, soit à titre provisionnel, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance. De plus, la personnalité morale d'une société placée en liquidation judiciaire subsiste pour les seuls besoins de sa liquidation tant que ses droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés. La société Amandine Riquelme, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Faupin, n'est donc pas fondée à soutenir que les premiers juges ne pouvaient condamner la société Faupin, titulaire du lot n° 7, au seul motif qu'elle est placée en liquidation judiciaire. Elle n'est donc pas fondée à demander la censure du jugement en ce qu'il procède à sa condamnation, étant précisé que l'existence de manquements à ses obligations contractuelles ou la part de responsabilité retenue par les premiers juges à hauteur de 10 % ne sont pas contestés.
S'agissant du contrôleur technique :
14. Le collège Anne Frank de Saint-Dizier est sujet, depuis sa rénovation, à des infiltrations d'eau issues de résurgences sous les rampants des toitures constitués par des panneaux sandwich isolants, à l'origine de l'apparition de taches affectant les faux plafonds et de ruissellements autour des fenêtres de toit essentiellement en salle de science. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport réalisé par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, que ces désordres résultent de l'inadéquation entre, d'une part, le choix de recourir à une couverture inox, inadaptée à des locaux à forte hygrométrie, assortie de panneaux sandwichs pour constituer une toiture dite chaude, qui ne permettent pas de faire barrage au transfert de vapeur d'eau provenant de l'intérieur des locaux, et, d'autre part, le système de ventilation retenu, inadapté et affecté d'un défaut de conception. L'inadéquation des panneaux sandwichs posés en l'espèce, de marque Rexokal, a également contribué aux désordres, dès lors que les caractéristiques techniques de ces dispositifs, qui étaient censés offrir des garanties en terme d'imperméabilité et de conditions d'hygrométrie, selon les mentions figurant sur un avis technique délivré par le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), se sont avérées erronées, l'avis ayant été retiré postérieurement aux travaux. Le défaut de pose de l'écran de sous-toiture qui avait été prévu n'a en revanche, au regard notamment des conclusions de l'expert, pas eu d'incidence sur les désordres.
15. Il résulte de l'instruction que la société Qualiconsult, contrôleur technique, était chargée des missions LP, relative à la solidité des ouvrages et des autres éléments d'équipements indissociables, et TH, concernant les caractéristiques thermiques des bâtiments, ce qui concerne les éléments d'équipement concourant à cette isolation, incluant la ventilation. Au regard de ces missions, et alors même que le contrôleur technique n'intervient pas dans la conception technique de l'ouvrage, il lui appartenait, ainsi que l'a retenu l'expert, d'anticiper le risque de désordre résultant de l'absence de ventilation de la sous-face du parement inox et de l'inadéquation entre les choix effectués quant à la toiture retenue et aux modalités de son isolation, d'une part, et le système de ventilation adopté, d'autre part. Ce manquement fautif a participé au désordre dans une proportion qu'il y a lieu d'évaluer, dans les circonstances de l'espèce, à 5 %. En revanche, son abstention à vérifier que les recommandations qu'elle avait préconisées sur la pose d'un écran de sous-toiture avaient été suivies d'effet n'a pas contribué au désordre et ne saurait donc engager sa responsabilité. La société Qualiconsult est donc seulement fondée à demander que sa part de responsabilité, évaluée à 10 % par le tribunal, soit ramenée à 5 %.
Sur le préjudice indemnisable :
16. Il résulte de l'instruction que le préjudice lié à la réparation des désordres en cause inclut, au regard des éléments produits par le département et du rapport d'expertise, les montants hors taxe (HT) de 674 755 euros au titre du remplacement des panneaux déstructurés de toitures, de 53 306 euros pour les études correspondantes, mais aussi, au titre de la modification du plenum, de 51 700 euros pour l'électricité, 87 875 euros pour le faux-plafond, 18 000 euros pour le flocage, 17 500 euros pour la peinture, ainsi que 13 831 euros pour les honoraires de maîtrise d'œuvre y afférent. Pour les travaux en lien avec la ventilation, il y a lieu d'indemniser, ainsi que le demande le département, le surcoût pour un montant de 76 200 euros HT, ainsi que les frais d'études de faisabilité pour 11 600 euros HT et 6 000 euros HT pour les frais de coordination sécurité, protection et santé (SPS). Le département a enfin droit à être indemnisé de travaux de zinguerie, pour 1 104,40 euros HT, ainsi que des frais liés à l'installation de bungalows pendant la durée du chantier de reprise pour 34 800 euros HT.
17. Le département demande par ailleurs une indemnisation supplémentaire au titre de travaux dits aléatoires, correspondant à ce que l'expert avait qualifié comme des travaux optionnels, qu'il avait jugés nécessaires si plus de 12 % de la surface des panneaux s'avérait déstructurée avec altération de la résistance. Le département n'allègue pas que les conditions ainsi retenues par l'expert seraient erronées et il ne produit aucun document de nature à prouver que les désordres atteignent effectivement le seuil mentionné par l'expert. Il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé d'indemniser ces travaux optionnels.
18. Le préjudice indemnisable du département s'établit donc à un montant total HT de 1 046 671,40 euros.
19. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations. Il appartient aux constructeurs mis en cause d'apporter au juge tout élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement des collectivités territoriales à la taxe sur la valeur ajoutée et à établir que le montant de celle-ci ne devait pas être inclus dans le montant du préjudice indemnisable. Il résulte de l'article 256 B du code général des impôts (CGI) que les collectivités territoriales ne sont pas assujetties à la TVA pour l'activité de leurs services administratifs. Si, en vertu de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) vise à compenser la TVA acquittée par les collectivités territoriales notamment sur leurs dépenses d'investissement, il ne modifie pas le régime fiscal des opérations de ces collectivités. Ainsi, ces dernières dispositions ne font pas obstacle à ce que la TVA grevant les travaux de réfection d'un immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à une collectivité territoriale, maître d'ouvrage, alors même que celle-ci peut bénéficier de sommes issues de ce fonds pour cette catégorie de dépenses.
20. En l'absence d'élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement du département de la Haute-Marne à la TVA, le montant de l'indemnité que les constructeurs devront verser au maître d'ouvrage inclut cette taxe, d'un taux de 20 %. Le préjudice indemnisable s'établit ainsi à 1 256 005,68 euros TTC. Compte tenu des parts de responsabilité précédemment mentionnées, la condamnation prononcée à l'encontre de la société Faupin doit être portée à 125 600,57 euros, tandis que celle prononcée à l'encontre de la société Qualiconsult doit être ramenée à 62 800,28 euros, ces montants n'excédant pas ce que le département avait sollicité devant les premiers juges à l'encontre de ces deux sociétés. Il y a lieu de déduire de ces condamnations les sommes versées à titre de provision en application de l'ordonnance n° 1602256 du 6 novembre 2017 du juge des référés du tribunal de Châlons-en-Champagne.
Sur les intérêts et la capitalisation :
21. Aux termes de l'article L. 622-28 du code de commerce : " Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations () Nonobstant les dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts ".
22. Lorsque l'administration dispose d'une créance à l'encontre d'une personne morale privée qui fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, elle est soumise comme les autres créanciers au principe de suspension des poursuites et à la règle qui en découle selon laquelle le cours des intérêts est arrêté par le jugement prononçant l'ouverture de cette liquidation. La procédure de liquidation judiciaire a été ouverte par un jugement du 28 septembre 2007 du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne, soit à un moment où les intérêts demandés par le département, à compter de sa saisine du tribunal le 29 novembre 2018, n'avaient pas commencé à courir. En conséquence, le liquidateur de la société Faupin est fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant que la somme que cette dernière a été condamnée à payer au département a été assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018, ainsi que de leur capitalisation.
23. En revanche, le département de la Haute-Marne a droit, comme il le demande, à ce que la somme de 62 800, 28 euros mise à la charge de la société Qualiconsult soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018, date d'enregistrement de sa demande, puis à ce que les intérêts soient capitalisés à compter du 29 novembre 2019, date à laquelle il était dû une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, selon les modalités qui avaient été retenues à juste titre par les premiers juges.
Sur les frais d'expertise :
24. Compte tenu de la modification de la part de responsabilité de la société Qualiconsult, il y a lieu de répartir les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés, liquidés et taxés à la somme de 43 902,65 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 juillet 2015, en les mettant à la charge du département de la Haute-Marne à hauteur de 85 %, de la société Faupin à hauteur de 10 % et de la société Qualiconsult à hauteur de 5 %.
Sur les conclusions d'appel en garantie :
25. La société Qualiconsult n'est condamnée à indemniser le département qu'en raison de ses propres fautes. Elle ne saurait, dans ces conditions, demander à être garantie par d'autres constructeurs. Ses conclusions d'appel en garantie ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
26. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La somme que la société Faupin est condamnée à verser au département de la Haute-Marne est portée à 125 600,57 euros TTC, de laquelle seront déduites toutes les sommes versées à titre de provision. Cette somme n'est pas assortie d'intérêts.
Article 2 : La somme que la société Qualiconsult est condamnée à verser au département de la Haute-Marne est ramenée à 62 800,28 euros TTC, de laquelle seront déduites toutes les sommes versées à titre de provision.
Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 43 902,65 euros, sont mis à la charge de la société Faupin à hauteur de 10%, de la société Qualiconsult à hauteur de 5 % et du département de la Haute-Marne à hauteur de 85 %.
Article 4 : Le jugement n° 1802474 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 17 juillet 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Haute-Marne, à la SELARL Tessier-Poncelet, à la société Edeis, à la société Qualiconsult, à la société Amandine Riquelme, en qualité de mandataire judiciaire de la société Faupin, à la compagnie Allianz IARD.
Copie en sera adressée à M. A C, expert.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente-assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.
La rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne à la préfète de la Haute-Marne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy