TA Bastia, 05/01/2023, n°2201565

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 16 décembre 2022 et le 3 janvier 2023, la SAS Valli, représentée par la SELARL Cabanes avocat, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ensemble des décisions relatives à la phase d'analyse des offres de la procédure de passation du lot n° 1 du marché public de travaux ayant pour objet " le développement des modes de déplacement doux Section 1 - Aménagement d'une voie verte du PR 132+640 au PR 134+080 " ;

2°) de condamner la collectivité de Corse à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient :

- que c'est à tort que la collectivité de Corse a écarté son offre comme irrégulière alors même qu'elle aurait dû lui permettre de la régulariser ;

- que la collectivité de Corse a entaché sa procédure d'un défaut de transparence en élaborant des règles ambiguës.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 décembre 2022 et le 3 janvier 2023, la collectivité de Corse, représentée par Me Muscatelli, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Valli une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La collectivité de Corse fait valoir que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2023, la SAS Malagoli, représentée par Me Peres, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Valli une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle s'approprie les moyens présentés dans le premier mémoire de la collectivité de Corse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Pierre Monnier, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 janvier 2023, à 14 heures :

- le rapport de M. Pierre Monnier, vice-président ;

- et les observations de Me Michelin, avocat de la SAS Valli, ainsi que celles de Me Muscatelli, avocat de la collectivité de Corse et substituant Me Peres pour la SAS Malagoli.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié au BOAMP le 12 septembre 2022, la collectivité de Corse a lancé une procédure d'appel d'offres adaptée ouverte pour l'attribution d'un marché de travaux ayant pour objet le long de la section de la route territoriale n° 40 située sur la commune de Bonifacio, entre les points kilométriques 132+640 et 134+080, le développement de déplacement doux par l'aménagement d'une voie verte, divisé en trois lots. Par un courrier du 12 décembre 2022, le président du conseil exécutif de Corse a notifié à la SAS Valli, qui s'était portée candidate au lot n° 1 afférent au génie civil, le rejet de son offre, jugée irrégulière. Cette décision mentionnait également que le marché était attribué au groupement SAS Malagoli et SAS Agostini et Cie.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 de ce code : " I.-Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. Dans le cadre du contrôle de pleine juridiction qu'il exerce, il lui appartient de vérifier en particulier les motifs de l'exclusion d'un candidat de la procédure d'attribution d'un marché.

4. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes de l'article R. 2152-1 du même code : " Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées () ". Aux termes de l'article L. 2152-2 de ce code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation () ". Aux termes de l'article R. 2152-2 du même code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ".

5. Il résulte de ces dispositions que si, dans les procédures d'appel d'offre, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l'offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu'elle n'est pas anormalement basse et que la régularisation n'a pas pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles, il ne s'agit toutefois que d'une simple faculté qui lui est offerte, non d'une obligation.

6. Il résulte de l'instruction que l'irrégularité de l'offre de la SAS Valli repose sur le motif que les délais proposés pour la construction d'un MVL (muret véhicule léger) et de la main courante dépassent les délais imposés.

7. D'une part, l'article 1.2 du cahier des clauses administratives particulières relatif au marché public de travaux de réalisation décompose le lot n° 1 en deux tranches : d'abord, une tranche ferme dévolue à la réalisation de la voie verte, puis la réalisation d'une tranche optionnelle consacrée à la voirie et au réseau d'assainissement pluvial. L'article 6.4 du même cahier prévoyait pour la première tranche un délai d'exécution de onze mois comprenant un mois de préparation et dix mois de travaux. Enfin, l'article 11.5.3 de ce cahier rappelait que le projet de réalisation de voie verte, c'est-à-dire la première tranche, était soumis à un financement européen imposant une fin de travaux au 15 décembre 2023. D'autre part, il résulte des dispositions du cahier des clauses techniques particulières que la réalisation d'un MVL et la pose d'une main courante en bois sur le muret faisaient partie de la tranche ferme consacrée à la réalisation de la voie verte.

8. Il résulte de l'instruction, notamment du mémoire technique de la SAS Valli et du planning y annexé, que cette dernière proposait de réaliser le MVL après la tranche optionnelle en toute fin de chantier, soit au mois d'octobre 2024 pour un commencement des travaux prévu le 2 janvier 2023. Ainsi l'offre de la société requérante ne respectait ni le délai de dix mois imposé pour réaliser la tranche ferme consacrée à la réalisation de la voie verte ni la nécessité d'achever cette tranche ferme avant le 15 décembre 2023. La société requérante ne saurait à cet égard utilement se prévaloir des dispositions du cahier des clauses techniques particulières prévoyant qu'un planning d'exécution des travaux devrait être fourni avant le début des travaux et soumis à l'agrément du maître d'œuvre pour s'exonérer de son obligation de fournir une offre respectueuse des délais imposés sans ambiguïté par les pièces du marché. De même, la circonstance que l'article 8.2-2 a) du règlement de consultation disposait que la pertinence des délais et période de réalisation serait jugée au regard des contraintes imposées dans le CCTP/CCAP, ne faisait pas obstacle à ce que la collectivité de Corse écarte comme irrégulière une offre ne respectant pas les délais clairement énoncés dans les documents de la consultation. Ainsi, l'offre de la SAS Valli était irrégulière dès lors qu'elle ne respectait pas les exigences clairement énoncées dans les documents de consultation. Il suit de là que c'est à bon droit que la collectivité de Corse a écarté l'offre de la SAS Valli comme irrégulière.

9. Enfin, s'il était loisible à la collectivité de Corse d'inviter la société à régulariser son offre, elle n'y était cependant nullement tenue.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la SAS Valli sur le fondement des articles L. 551-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

11. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Valli une somme de 1 500 euros à verser à la collectivité de Corse et la somme de 1 000 euros que la SAS Malagoli demande au titre des frais d'instance que ces défendeurs ont exposés tandis que les conclusions présentées sur le même fondement par SAS Valli, qui succombe à l'instance, ne sauraient être accueillies.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la SAS Valli est rejetée.

Article 2 : La SAS Valli versera une somme de 1 500 euros à la collectivité de Corse en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SAS Valli versera une somme de 1 000 euros à la SAS Malagoli en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la collectivité de Corse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Valli, à la SAS Agostini, à la SAS Malagoli et à la collectivité de Corse.

Fait à Bastia, le 5 janvier 2023.

Le juge des référés,

Signé

P. MONNIER

La greffière,

Signé

R. ALFONSI

La République mande et ordonne au préfet de la Corse-du-Sud en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

la greffière,

R. ALFONSI

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