TA Besançon, 01/06/2023, n°2100187

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février et 10 juin 2021, la SAS de l'Entreprise M. A, représentée par Me Monnet, demande au tribunal :

1°) de condamner la commune de Bousseraucourt à lui verser la somme de 52 042,20 euros correspondant à la facture n° 008-2020 du 22 janvier 2020, assortie des intérêts au taux de trois fois le taux légal à compter du 16 mars 2020 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bousseraucourt la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS de l'Entreprise M. A soutient que :

- les travaux supplémentaires qu'elle a réalisés étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;

- la commune était informée de la réalisation de ces travaux supplémentaires et ne s'y est pas opposée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 avril 2021 et le 28 juin 2021, la commune de Bousseraucourt, représentée par la SELARL Leonard-Viennot, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SAS de l'Entreprise M. A le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Bousseraucourt soutient que :

- la SAS de l'Entreprise M. A ne l'a pas informée de la réalisation de travaux supplémentaires ;

- le montant des travaux supplémentaires est trop élevé par rapport au devis initialement signé ;

- elle accepte de régler un montant total de travaux à hauteur de 39 000 euros TTC.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder,

- et les conclusions de M. B.

Considérant ce qui suit :

1. Par un devis du 18 janvier 2018, accepté et signé par le maire de la commune de Bousseraucourt le 22 février 2018, la SAS de l'Entreprise M. A est intervenue dans le cadre d'un marché de travaux relatif à la création d'un réseau d'eau pluviale sur le territoire de la commune pour un montant de 30 198 euros TTC. Après la fin des travaux, la société requérante a adressé à la commune une facture en date du 22 janvier 2020 d'un montant de 52 042,20 euros TTC du fait de la réalisation de travaux supplémentaires. Par un courrier du 4 juin 2020, la commune a informé la société qu'elle s'opposait au paiement de la somme de 52 042,20 euros. Par l'intermédiaire de son conseil, la SAS de l'Entreprise M. A a adressé à la commune un courrier de mise en demeure de régler la facture du 22 janvier 2020, ce courrier est resté sans réponse. La SAS de l'Entreprise M. A demande au tribunal de condamner la commune de Bousseraucourt à lui verser la somme de 52 042,20 euros TTC correspondant à la facture qu'elle a émise le 22 janvier 2020.

Sur les conclusions aux fins de condamnation :

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

2. Le titulaire d'un marché à prix forfaitaire a droit, en plus du paiement des prestations réclamées par un ordre de service ou tout autre document contractuel de même nature, à l'indemnisation des prestations supplémentaires qui, bien que commandées dans des conditions irrégulières, ont été utiles au pouvoir adjudicateur ou, en l'absence de toute demande de ce dernier, lorsque les prestations réalisées ont été indispensables pour que le marché soit exécuté dans les règles de l'art.

3. La société requérante soutient qu'elle a été contrainte de réaliser des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art consistant en des fouilles en terrain rocheux impliquant une plus-value pour utilisation du brise roche hydraulique et pour réfection de fouille en enrobée.

4. D'une part, si la requérante soutient que la commune était informée de la réalisation des prestations supplémentaires dès lors qu'elle ne s'est pas opposée à un projet de facture d'un montant de 42 106,20 euros TTC, elle ne démontre pas l'accord manifesté par la commune sur les travaux supplémentaires qu'elle soutient avoir réalisés par le simple envoi à cette dernière d'un projet de facture non daté, raturé et avec mentions manuscrites dont l'auteur n'est pas identifiable. Par ailleurs, la circonstance qu'un courriel émanant de la boite fonctionnelle " mairie de Bousseraucourt " ait précisé que la facture serait mise en paiement dès que possible ne vaut pas accord de la commune sur le montant demandé.

5. D'autre part, à l'appui de sa demande, la société n'apporte aucun élément de nature à justifier du caractère indispensable de ces travaux pour l'exécution du marché public de travaux dans les règles de l'art, pas plus qu'elle ne justifie de la réalité, encore moins de l'importance, des quantités supplémentaires alléguées. Or la commune fait valoir qu'elle n'a jamais été informée par la société attributaire du marché de la présence de roche nécessitant des travaux supplémentaires. En conséquence, en se bornant à soutenir " qu'il ne saurait être contesté que les travaux de déroctage ont été indispensables au bon achèvement de l'ouvrage ", la société requérante n'établit pas que ces travaux constitueraient des prestations supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

6. Il résulte de ce qui précède que la SAS de l'Entreprise M. A n'est pas fondée à demander l'indemnisation des travaux supplémentaires au marché public de travaux conclu avec la commune de Bousseraucourt pour la création d'un réseau d'eau pluviale.

En ce qui concerne la détermination du solde du marché :

7. D'une part, il résulte de l'instruction qu'il y a lieu d'inscrire au crédit du décompte général de la SAS de l'Entreprise M. A le montant de 30 198 euros TTC au titre du règlement du solde du marché.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que la commune de Bousseraucourt n'a versé à la SAS de l'Entreprise M. A aucun montant au titre du règlement du solde du marché.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bousseraucourt doit être condamnée à verser à la SAS de l'Entreprise M. A C une somme de 30 198 euros TTC en règlement du solde du marché.

Sur les intérêts moratoires :

10. Aux termes de l'article 39 de la loi du 28 janvier 2013 : "Le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ou l'échéance prévue au contrat. () Le taux des intérêts moratoires est fixé par décret". Aux termes du premier alinéa de l'article 1er du décret du 29 mars 2013 ci-dessus visé : " Le délai de paiement prévu au premier alinéa de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée est fixé à trente jours pour les pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu'ils agissent en tant qu'entité adjudicatrice ". Aux termes du I de l'article 2 du même décret : "Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur ()".

11. Il résulte de l'instruction que le délai maximum de paiement a commencé à courir, en l'absence de preuve de réception du projet de décompte, à compter du 9 juin 2020, date de réception par la commune de Bousseraucourt de la demande indemnitaire préalable aux fins de règlement du solde du marché. Par suite, les intérêts moratoires, courant sur la somme 30 198 euros TTC, étaient dus à compter du 10 juillet 2020, jour suivant l'expiration du délai global de paiement de trente jours décompté à partir du 9 juin 2020.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bousseraucourt, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS de l'Entreprise M. A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS de l'Entreprise M. A la somme demandée par la commune de Bousseraucourt au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La commune de Bousseraucourt est condamnée à verser à la SAS de l'Entreprise M. A la somme de 30 198 euros toutes taxes comprises en règlement du solde du marché relatif à la création d'un réseau d'eau pluviale sur le territoire de la commune. Cette somme est assortie des intérêts moratoires à compter du 10 juillet 2020.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SAS de l'Entreprise M. A et par la commune de Bousseraucourt sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SAS de l'Entreprise M. A et à la commune de Bousseraucourt.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Grossrieder, présidente,

- Mme Besson, conseillère,

- M. Seytel, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023.

La présidente rapporteure,

S. GrossriederL'assesseure la plus ancienne,

M. Besson

La greffière,

C. Quelos

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Saône, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière