TA Bordeaux, 03/05/2023, n°2105274
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2021, la société Ginger CEBTP, représentée par Me Allaire, doit être regardée comme demandant au tribunal :
1°) de condamner Bordeaux Métropole à lui verser la somme de 41 596,11 euros au titre des factures impayées, augmentée des intérêts moratoires et indemnités forfaitaires calculées en fonction de sa date d'acquittement effectif ;
2°) à titre subsidiaire, de ramener le montant des pénalités de retard à 574,02 euros pour les prestations visées par le titre de recette exécutoire n°4180, à 153,90 € pour les prestations visées par le titre de recette exécutoire n° 4181 et à 497,88 € pour les prestations visées par le titre de recette exécutoire n° 4182 et de condamner Bordeaux Métropole à lui verser le restant dû soit 39 572,50 € au titre des factures visées en référence augmenté des intérêts moratoires et indemnités forfaitaires calculés en fonction de sa date d'acquittement effectif ;
3°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la compensation qu'a appliquée Bordeaux Métropole entre les pénalités de retard et les sommes dues fixées par les bons de commande est irrégulière dès lors que toute rectification doit être notifiée conformément à l'article 11.7 du cahier des charges administratives générales des prestations intellectuelles, que les dettes n'étaient pas certaines, liquides et exigibles alors qu'elles faisaient l'objet d'un recours juridictionnel, que cette compensation a été opérée sur la base de titres de recettes irréguliers ;
- Bordeaux Métropole a manqué à son obligation de loyauté contractuelle ;
- l'application de pénalités de retard est irrégulière en raison de l'existence d'une exonération pour force majeure tirée de la pandémie de Covid-19 qui a engendré de nombreux arrêts maladie et abouti à des confinements ;
- elle aurait dû bénéficier des garanties prévues par les dispositions de l'article 6-2° de l'ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 qui prévoit que lorsque, durant la période définie par celle-ci, le titulaire du marché ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive, les pénalités de retard ne sauraient s'appliquer ;
- à titre subsidiaire, le montant des pénalités appliquées par Bordeaux Métropole est manifestement excessif au regard de chaque prestation et au regard de leur montant global, en ce qu'il s'élève à 333 % du montant des prestations effectuées, et doit être ramené à de plus justes proportions sur la base des bons de commandes considérés, en prenant en compte la faible importance du retard pris, à la structuration du marché et aux taux plafonds prévus par le cahier des charges administratives générales des prestations intellectuelles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2023, Bordeaux Métropole conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu :
- l'ordonnance du 24 février 2022 par laquelle le juge des référés a accordé à la société Ginger CEBTP une provision de 40 476,70 euros augmentée des intérêts moratoires et indemnités forfaitaires ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code civil ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A,
- les conclusions de Mme Jaouën, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Allaire, représentant la société Ginger CEBTP.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ginger CEBTP est titulaire depuis le 30 juillet 2019 d'un accord-cadre à bons de commande passé par Bordeaux Métropole pour la réalisation du lot n° 2 " Contrôle de matériaux et d'ouvrage " d'un marché portant sur des " études géotechniques et contrôles de matériaux et d'ouvrages hors tramway ". Dans le cadre de l'exécution de ce marché, la société Ginger CEBTP a adressé à Bordeaux Métropole quatorze factures pour un montant total de 41 596,11 euros, correspondant à autant de bons de commande. Ces factures sont restées impayées en tant que telles dans la mesure où le maître d'ouvrage a opéré une compensation entre la somme qu'il devait à ce titre et des pénalités de retard infligées à la société, à raison desquelles des titres de recettes ont été notifiés à cette dernière le 25 février 2021. Les réclamations de la société Ginger CEBTP visant au paiement des factures étant restées vaines, celle-ci a obtenu du juge des référés la condamnation de Bordeaux Métropole à lui verser une indemnité provisionnelle de 40 476,70 euros, augmentée des intérêts moratoires et indemnités forfaitaires. Par la présente requête, la société Ginger CEBTP demande que le juge du fond lui accorde la somme versée à titre provisionnelle et, à titre subsidiaire, que le montant de ses pénalités de retard soit ramené à 574,02 euros pour les prestations visées par le titre de recette exécutoire n°4180, à 153,90 € pour les prestations visées par le titre de recette exécutoire n° 4181 et à 497,88 € pour les prestations visées par le titre de recette exécutoire n° 4182 et que Bordeaux Métropole soit condamnée à lui verser le restant dû soit 39 572,50 € au titre des factures visées en référence augmenté des intérêts moratoires et indemnités forfaitaires calculés en fonction de sa date d'acquittement effectif.
Sur le paiement des factures :
2. Il résulte de l'instruction que les factures dont la société Ginger CEBTP demande le paiement concernent des prestations entièrement réalisées et dont la réception a été prononcée sans réserve. Si les services du Trésor public de Bordeaux, comptable de Bordeaux Métropole, ont procédé, à la demande de l'établissement public, à une compensation entre le montant de ces factures et, à hauteur de 40 476,70 euros, des pénalités de retard notifiées à la société par des ordres de service et ayant entraîné l'émission de trois titres de recettes, le règlement de ces pénalités constitue un litige distinct, sur lequel le tribunal administratif de Bordeaux a statué ce jour. Dans ces conditions, la société Ginger CEBTP est fondée à demander le versement des sommes dues au titre des prestations réalisées.
3. En revanche, si la société requérante chiffre sa créance au montant de 41 596,11 euros, correspondant à la somme des quatorze factures susmentionnées, il résulte de l'instruction, d'une part que la facture SBXK0504 comprenait une somme de 501,60 euros qui a donné lieu à un règlement direct, le 11 février 2021, à l'entreprise Eurofins, sous-traitant de la société requérante, d'autre part qu'un reliquat de 617,81 euros sur la facture SBX6L0057 a fait l'objet d'un règlement à la société Ginger CEBTP le 31 mars 2021.
4. En conséquence de ce qui précède, la société Ginger CEBTP est fondée à demander le règlement par Bordeaux Métropole des factures relatives aux prestations effectuées à hauteur de 40 476,70 euros TTC.
Sur les intérêts moratoires et l'indemnité forfaitaire :
5. Aux termes de l'article 8.3 du CCAP du marché : " Les sommes dues au(x) titulaires(s) seront payées dans un délai global de 30 jours à compter de la date de réception des demandes de paiement. / En cas de retard de paiement, le titulaire a droit au versement d'intérêts moratoires, ainsi qu'à une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros. / Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. ".
6. Aux termes de l'article 2 du décret du 29 mars 2013, précité, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 mars 2019, repris, en substance, à compter du 1er avril 2019 aux articles R. 2192-12, R. 2192-13 et R. 2192-14 du code de la commande publique : " II. '() La date de réception de la demande de paiement et la date d'exécution des prestations sont constatées par les services du pouvoir adjudicateur ou, le cas échéant, par le maître d'œuvre ou la personne habilitée à cet effet. A défaut, c'est la date de la demande de paiement augmentée de deux jours qui fait foi. En cas de litige, il appartient au créancier d'apporter la preuve de cette date ()"
7. Il résulte de l'instruction que Bordeaux Métropole ne conteste pas avoir reçu les factures relatives aux prestations effectuées. En l'absence d'indication de la date exacte de réception de la demande paiement, le délai de paiement doit être regardé, en application des dispositions citées au point précédent, comme ayant commencé à courir à compter des dates des factures augmentées de deux jours. Ainsi, les intérêts moratoires étaient dus à la société Ginger CEBTP, à compter du jour suivant l'expiration du délai global de paiement de 30 jours prévu par le cahier des clauses particulières. Il y a donc lieu d'accorder à la société Ginger CEBTP les intérêts moratoires à concurrence des sommes dues et ce, à compter de l'expiration d'un délai de trente jours suivant les dates d'émission des demandes de paiement augmentées de deux jours.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Ginger CEBTP a droit à l'indemnité forfaitaire de 40 euros à raison de chaque facture impayée.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Bordeaux Métropole une somme de 1 500 euros à verser à la société Ginger CEBTP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Bordeaux Métropole est condamnée à verser à la société Ginger CEBTP la somme de 40 476,70 euros augmentée des intérêts moratoires courant à compter de l'expiration d'un délai de 30 jours augmenté de deux jours suite aux demandes de paiement, ainsi que la somme de 40 euros à raison de chaque facture impayée, sous déduction de toutes sommes versées à titre de provision.
Article 2 : Bordeaux Métropole versera la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Ginger CEBTP et à l'établissement public Bordeaux Métropole.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Zuccarello, présidente,
- Mme De Paz, première conseillère,
- Mme Denys, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2023
La présidente-rapporteure,
F. A L'assesseure la plus ancienne,
D. DE PAZ La greffière,
I. MONTANGON
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière