TA Cergy-P, 01/02/2024, n°2004293


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu les procédures suivantes :

I- Par une requête, enregistrée le 29 avril 2020 sous le numéro 2004293, et des mémoires enregistrés le 29 octobre 2021, le 16 juin 2023 et le 15 septembre 2023, la société à responsabilité limitée (SARL) FMI Bâtiment, représentée par Me Frölich, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du 4 février 2020 par laquelle la commune de Clamart (Hauts-de-Seine) a refusé de procéder au paiement des états de situation n°s 3, 5, 8 et 15 en date des 21, 22 et 30 octobre 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son mémoire en réclamation, dans le cadre du lot n° 1 du marché de travaux portant sur la réalisation des travaux de restructuration et de démolition-reconstruction de l'école maternelle des Rochers ;

2°) de condamner la commune de Clamart à lui verser la somme de 15 824,45 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de l'état de situation n° 15 du 30 octobre 2019, la somme de 8 975,73 euros TTC au titre de l'état de situation n° 3 du 21 octobre 2019, la somme de 12 266,79 euros TTC au titre de l'état de situation n° 5 du 22 octobre 2019 et la somme de 33 936,32 euros TTC au titre de l'état de situation n° 8 du 22 octobre 2019, à assortir des intérêts au taux légal à compter de la notification de son mémoire en réclamation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Clamart la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un droit au paiement des états de situation en litige, en application des dispositions des articles L. 2191-4 et R. 2191-20 du code de la commande publique, de l'article 13.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG-Travaux) ainsi que des stipulations de l'article 3.1.4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché faisant l'objet du présent litige, dès lors qu'elles correspondent à des prestations réalisées dans le cadre du marché dont elle était titulaire ;

- la commune de Clamart n'est pas fondée à lui demander le versement d'une somme au titre du solde du nouveau décompte qu'elle a établi en cours d'instance, qui est entaché d'erreurs et qui ne lui a pas été notifié, contrairement aux stipulations de l'article 47.2 du CCAG-Travaux ;

- elle ne saurait lui réclamer le remboursement de l'avance forfaitaire en se fondant sur le nouveau certificat de paiement n° 15, établi de manière erronée et pour les besoins de la cause.

Par un courrier du 2 avril 2021, le tribunal a proposé aux parties de régler leur litige par une médiation. Cette demande a été explicitement rejetée par E le 14 avril 2021.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 août 2021, le 30 décembre 2021, le 1er juin 2023, le 4 août 2023 et le 12 octobre 2023, la commune de Clamart, représentée par Me Aaron, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 806 230,55 euros TTC soit mise à la charge de E au titre du décompte du marché.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par E ne sont pas fondés.

II- Par une requête, enregistrée le 29 avril 2020 sous le numéro 2004294, et des mémoires enregistrés le 29 octobre 2021, le 16 juin 2023 et le 15 septembre 2023, E, représentée par Me Frölich, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le courrier du 6 janvier 2020 par lequel la commune de Clamart l'a informée qu'elle allait procéder au recouvrement de pénalités de retard pour un montant de 1 677 024 euros, ensemble la décision implicite de rejet de son mémoire en réclamation, dans le cadre du lot n° 1 du marché de travaux portant sur la réalisation des travaux de restructuration et de démolition-reconstruction de l'école maternelle des Rochers ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 677 024 euros correspondant aux pénalités mises à sa charge ou, à défaut, d'en moduler le montant ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Clamart la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune a commis une erreur de droit en lui infligeant des pénalités sur le fondement des stipulations de l'article 20.1 du CCAG-Travaux, qui n'étaient pas applicables ;

- la commune n'était pas fondée à lui infliger des pénalités sur le fondement de l'article 4 du CCAP applicable au marché eu égard au principe d'interprétation stricte des clauses de pénalités ;

- la commune ne justifie pas des manquements fondant les pénalités infligées ;

- les retards d'exécution des prestations fondant les pénalités infligées ne lui sont pas imputables ;

- le montant des pénalités infligées est manifestement excessif ;

- la commune de Clamart n'est pas fondée à lui demander le versement d'une somme au titre du solde du nouveau décompte qu'elle a établi en cours d'instance, qui est entaché d'erreurs et qui ne lui a pas été notifié, contrairement aux stipulations de l'article 47.2 du CCAG-Travaux ;

- elle ne saurait lui réclamer le remboursement de l'avance forfaitaire en se fondant sur le nouveau certificat de paiement n° 15, établi de manière erronée et pour les besoins de la cause.

Par un courrier du 2 avril 2021, le tribunal a proposé aux parties de régler leur litige par une médiation. Cette demande a été explicitement rejetée par E le 14 avril 2021.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 août 2021, le 30 décembre 2021, le 1er juin 2023, le 4 août 2023 et le 12 octobre 2023, la commune de Clamart, représentée par Me Aaron conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 806 230,55 euros TTC soit mise à la charge de E au titre du décompte du marché.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par E ne sont pas fondés.

Par un courrier du 16 mai 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le tribunal était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation du courrier du 6 janvier 2020, qui ne fait pas grief.

Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public relevé par le tribunal, enregistré le 19 mai 2023, E, représentée par Me Frölich, demande au tribunal de ne pas retenir le moyen d'ordre public communiqué aux parties le 16 mai 2023.

III- Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2020 sous le numéro 2013156, et des mémoires enregistrés le 29 octobre 2021, le 24 avril 2023, le 16 juin 2023, le 24 avril 2023 et le 15 septembre 2023, E, représentée par Me Frölich, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le décompte général notifié par la commune de Clamart le 21 septembre 2020 dans le cadre du lot n° 1 du marché de travaux portant sur la réalisation des travaux de restructuration et de démolition-reconstruction de l'école maternelle des Rochers et de fixer le solde de ce marché ;

2°) d'annuler le courrier du 6 janvier 2020 par lequel la commune de Clamart l'a informée qu'elle allait procéder au recouvrement de pénalités de retard pour un montant de 1 677 024 euros, ensemble la décision implicite de rejet de son mémoire en réclamation ;

3°) d'annuler la décision du 4 février 2020 par laquelle la commune de Clamart a refusé de procéder au paiement des états de situation n°s 3, 5, 8 et 15 en date des 21, 22 et 30 octobre 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son mémoire en réclamation ;

4°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 677 024 euros au titre des pénalités mises à sa charge ;

5°) de condamner la commune de Clamart à lui verser la somme de 15 824,45 euros TTC au titre de l'état de situation n° 15 du 30 octobre 2019, la somme de 8 975,73 euros TTC au titre de l'état de situation n° 3 du 21 octobre 2019, la somme de 12 266,79 euros TTC au titre de l'état de situation n° 5 du 22 octobre 2019 et la somme de 33 936,32 euros TTC au titre de l'état de situation n° 8 du 22 octobre 2019, à assortir des intérêts au taux légal à compter de la notification de son mémoire en réclamation ;

6°) de condamner la commune de Clamart à lui verser la somme de 125 668,80 euros TTC au titre des travaux supplémentaires réalisés, à assortir des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2021 ;

7°) de mettre à la charge de la commune de Clamart la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un droit au paiement des états de situation en litige, en application des dispositions des articles L. 2191-4 et R. 2191-20 du code de la commande publique, de l'article 13.2 du CCAG-Travaux ainsi que des stipulations de l'article 3.1.4 du CCAP du marché faisant l'objet du présent litige, dès lors qu'elles correspondent à des prestations réalisées dans le cadre du marché dont elle était titulaire.

- elle dispose d'un droit au paiement des travaux supplémentaires réalisés, dès lors qu'ils étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art.

- la commune a commis une erreur de droit en lui infligeant des pénalités sur le fondement des dispositions de l'article 20.1 du CCAG-Travaux, qui n'étaient pas applicables ;

- la commune n'était pas fondée à lui infliger des pénalités sur le fondement de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché eu égard au principe d'interprétation stricte des clauses de pénalités ;

- la commune ne justifie pas des manquements fondant les pénalités infligées ;

- les retards d'exécution des prestations fondant les pénalités infligées ne lui sont pas imputables ;

- le montant des pénalités infligées est manifestement excessif ;

- la commune de Clamart n'est pas fondée à lui demander le versement d'une somme au titre du solde du nouveau décompte qu'elle a établi en cours d'instance, qui est entaché d'erreurs et qui ne lui a pas été notifié, contrairement aux stipulations de l'article 47.2 du CCAG-Travaux ;

- elle ne saurait lui réclamer le remboursement de l'avance forfaitaire en se fondant sur le nouveau certificat de paiement n° 15, établi de manière erronée et pour les besoins de la cause.

Par un courrier du 2 avril 2021, le tribunal a proposé aux parties de régler leur litige par une médiation. Cette demande a été explicitement rejetée par E le 14 avril 2021.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre 2021, le 30 décembre 2021, le 1er juin 2023, le 4 août 2023 et le 12 octobre 2023, la commune de Clamart, représentée par Me Aaron conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 806 230,55 euros TTC soit mise à la charge de E au titre du décompte du marché.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par E ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gay-Heuzey, rapporteure,

- les conclusions de M. Sitbon, rapporteur public,

- les observations de Me Sellier représentant E ;

- et les observations de Me Pensalfini représentant la commune de Clamart elle-même représentée par Mme C et M. B.

Des notes en délibéré ont été présentées dans les trois affaires par Me Aaron pour la commune de Clamart, le 22 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement notifié le 28 février 2018, la commune de Clamart (Hauts-de-Seine) a confié à la société à responsabilité limitée (SARL) FMI Bâtiment le lot n° 1 " Clos couvert : Terrassement, gros œuvre, charpente bois, étanchéité, couverture, façade, menuiseries extérieures, serrureries, VRD, aménagements extérieurs " du marché de travaux de restructuration, démolition et reconstruction de l'école maternelle des Rochers, pour un montant de 4 023 813,33 euros hors taxes (HT). Par un courrier du 4 décembre 2019, la commune de Clamart a résilié le marché aux frais et risques de E à compter du 20 décembre 2019 en raison du retard accumulé dans l'exécution de ce marché, puis, par un courrier du 6 janvier 2020, l'a informée de son intention de procéder au recouvrement de pénalités, en raison de 432 jours de retard constatés le 20 décembre 2019, pour un montant de 1 677 024 euros. Ensuite, par un courrier du 4 février 2020, la commune de Clamart a rejeté les demandes de règlement formées par E concernant les états de situation n°s 3, 5, 8 et 15 en date des 21, 22 et 30 octobre 2019 pour des montants s'élevant à 8 975,73 euros, 12 266,79 euros, 33 936,32 euros et 15 824,45 euros respectivement. Enfin, par un courrier du 17 septembre 2020, la commune de Clamart a notifié un projet de décompte de liquidation à E. Par un mémoire en réclamation, reçu le 15 octobre 2020 par la commune de Clamart qui n'y a pas répondu, E a contesté ce document et sollicité, d'une part, la décharge des pénalités infligées pour un montant de 1 677 024 euros, et, d'autre part, l'inscription des factures précitées ainsi que de travaux supplémentaires réalisés pour un montant de 125 668,80 euros. Par les présentes requêtes, E demande au tribunal, à titre principal, d'établir un nouveau décompte et de fixer le solde du marché. Quant à la commune de Clamart, elle demande, dans le dernier état de ses écritures, que la somme de 1 806 230,55 euros TTC soit mise à la charge de E au titre du décompte du marché.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n°s 2004293, 2004294 et 2013156 présentées par E présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul et même jugement.

Sur l'étendue du litige :

En ce qui concerne la requête n° 2004293 :

3. La décision du 4 février 2020 par laquelle la commune de Clamart a rejeté les demandes de règlement formées par E concernant les états de situation n°s 3, 5, 8 et 15 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de la société, qui a donné à sa requête n° 2004293 le caractère d'un recours de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir les sommes auxquelles elle prétend, ses conclusions, formées dans le cadre de la requête n° 2004293, tendant à l'annulation de la décision contestée sont sans objet. Elles ne peuvent par suite qu'être rejetées.

En ce qui concerne la requête n° 2004294 :

4. Par un courrier du 6 janvier 2020, la commune de Clamart a informé E de son intention de procéder au recouvrement de pénalités, en raison de 432 jours de retard constatés le 20 décembre 2019, pour un montant de 1 677 024 euros. Dès lors qu'une telle information ne fait pas grief, les conclusions de E dirigées contre elle, dans le cadre de la requête n° 2004294, sont irrecevables. Par suite, elles ne peuvent qu'être rejetées. Par ailleurs, les conclusions de E tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 677 024 euros correspondant à ces pénalités ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Clamart aurait mis cette somme en recouvrement.

Sur l'établissement du décompte :

5. Aux termes de l'article 45 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG-Travaux) dans sa version applicable au litige : " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut mettre fin à l'exécution des prestations faisant l'objet du marché avant l'achèvement de celles-ci () Le règlement du marché est effectué alors selon les modalités prévues aux articles 13.3 et 13.4, sous réserve des stipulations de l'article 47 ". Selon l'article 47.2 du même cahier : " 47.2.1. En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. 47.2.2. Le décompte de liquidation comprend : a) Au débit du titulaire : - le montant des sommes versées à titre d'avance et d'acompte ; - la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ; - le montant des pénalités ; - le cas échéant, le supplément des dépenses résultant de la passation d'un marché aux frais et risques du titulaire dans les conditions fixées à l'article 48. b) Au crédit du titulaire : - la valeur contractuelle des travaux exécutés, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; - le montant des rachats ou locations résultant de l'application de l'article 47.1.3 ; - le cas échéant, le montant des indemnités résultant de l'application des articles 46.2 et 46.4. ".

6. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte général. Il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves.

En ce qui concerne les états de situation impayés :

7. Aux termes de l'article 11 du CCAG-Travaux, dans sa version applicable au litige : " Le règlement des comptes du marché se fait par des acomptes mensuels et un solde établis et réglés comme il est indiqué à l'article 13. ". Selon l'article 13 du même cahier : " 13.1. Demandes de paiement mensuelles : 13.1.1. Avant la fin de chaque mois, le titulaire remet sa demande de paiement mensuelle au maitre d'œuvre sous la forme d'un projet de décompte. Ce projet de décompte établit le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché depuis son début. Ce montant est établi à partir des prix initiaux du marché, mais sans actualisation ni révision des prix et hors TVA. () 13.2. Acomptes mensuels : 13.2.1. A partir du décompte mensuel, le maître d'œuvre détermine le montant de l'acompte mensuel à régler au titulaire. Le maître d'œuvre dresse à cet effet un état d'acompte mensuel faisant ressortir : a) Le montant de l'acompte mensuel établi à partir des prix initiaux du marché : ce montant est la différence entre le montant du décompte mensuel dont il s'agit et celui du décompte mensuel précédent ; () c) Le montant des pénalités, le cas échéant ; () 13.2.2. Le maître d'œuvre notifie par ordre de service au titulaire l'état d'acompte mensuel et propose au représentant du pouvoir adjudicateur de régler les sommes qu'il admet. En cas de contestation sur le montant de l'acompte, le représentant du pouvoir adjudicateur règle les sommes admises par le maître d'œuvre. () 13.3. Demande de paiement finale : 13.3.1. Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. Le projet de décompte final est établi à partir des prix initiaux du marché, comme les projets de décomptes mensuels, et comporte les mêmes parties que ceux-ci, à l'exception des approvisionnements et des avances. Ce projet est accompagné des éléments et pièces mentionnés à l'article 13.1.7 s'ils n'ont pas été précédemment fournis. () ". Enfin, l'article 3.1.4 du cahier des clauses administratives particulières applicables (CCAP) stipule que : " Des acomptes seront versés mensuellement d'après les décomptes provisoires établis par les entrepreneurs et dans les conditions prévues par l'article 13-2 du C.C.A.G. - Travaux. ".

8. Le titulaire d'un marché peut demander au juge du contrat la condamnation du maître d'ouvrage à lui verser des acomptes avant même l'établissement du décompte général du marché. Il appartient alors au juge de l'exécution du contrat, saisi par la voie du plein contentieux, d'apprécier si les circonstances de fait en vigueur à la date à laquelle il statue ouvrent droit au paiement des sommes demandées. Le titulaire du marché a droit au versement des acomptes, présentés dans le respect des stipulations contractuelles, pour les prestations qui ont donné lieu à un commencement d'exécution, y compris si elles ne sont pas achevées. Toutefois, si la personne responsable du marché décide d'infliger au titulaire du marché des pénalités ou bien constate des malfaçons susceptibles de fonder une demande d'indemnisation auprès de l'entreprise qui devra être intégrée au décompte général, la demande de paiement d'acompte, même présentée antérieurement, ne peut être regardée, à concurrence du montant de ces pénalités ou du coût de ces malfaçons, comme susceptible de faire naître une obligation de payer à la charge du maître d'ouvrage.

9. Premièrement, E est fondée à demander le règlement de la somme de 8 975,73 euros TTC au titre de la facture n° 3 du 21 octobre 2019 et la somme de 12 266,79 euros TTC au titre de la facture n° 5 du 22 octobre 2019 dès lors que la commune de Clamart admet leur bien-fondé. Deuxièmement, si la commune de Clamart conteste la réalisation des prestations dont le règlement est sollicité au titre de la facture n° 8 du 22 octobre 2019 pour un montant de 33 936,32 euros TTC par E, le constat d'huissier du 13 décembre 2019 versé à l'instance fait état d'une réalisation partielle de ces prestations, tandis que la facture en cause indique que celles-ci ont été réalisées à hauteur de 86,76 %. Ainsi, la commune de Clamart, qui allègue l'existence de malfaçons dans le cadre de ces prestations mais ne justifie pas qu'elle aurait infligé des pénalités d'un montant supérieur à celles-ci, n'est pas fondée à opposer la règle du service fait pour rejeter la demande de règlement de ces prestations qui ont fait l'objet d'un commencement d'exécution. Par suite, la société FMI Bâtiment est fondée à demander le règlement de la facture n° 8 du 22 octobre 2019 d'un montant de 33 936,32 euros TTC. Troisièmement, si E sollicite le versement de la somme de 15 824,45 euros au titre de la facture n° 15 du 30 octobre 2019, elle ne justifie pas ce montant en produisant une facture d'un montant de 6 212 euros TTC ni ne justifie de la nature des prestations réalisées par les documents produits. Elle n'est donc pas fondée à demander son règlement.

10. Quand bien même, ainsi qu'il vient d'être dit, E a partiellement droit au paiement des sommes sollicitées, il résulte des stipulations précitées des articles 11, 13 et 47.2 du CCAG-Travaux que les demandes de paiement mensuelles adressées au maître d'œuvre par le titulaire du marché sont établies à partir des prix initiaux du marché et, en tant qu'elles correspondent aux acomptes payés, sont ainsi incluses dans le décompte de liquidation au titre du montant du marché, ce que ne conteste pas E. Ainsi, ses conclusions tendant au paiement des états de situation n°s 3, 5 et 8, pour des montants respectifs de 8 975,73 euros TTC, 12 266,79 euros TTC et 33 936,32 euros TTC doivent être rejetées.

En ce qui concerne les intérêts moratoires sur les états de situation impayés :

11. Aux termes de l'article 13.1.1 du CCAG-Travaux, dans sa version applicable au litige : " Avant la fin de chaque mois, le titulaire remet sa demande de paiement mensuelle au maître d'œuvre, sous la forme d'un projet de décompte. / () ". Selon l'article 13.2.1 du même cahier : " () En cas de contestation sur le montant de l'acompte, le représentant du pouvoir adjudicateur règle les sommes admises par le maître d'œuvre. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire. ". Selon l'article 1er du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique : " Le délai de paiement prévu au premier alinéa de l'article 37 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée est fixé à trente jours pour les pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu'ils agissent en tant qu'entité adjudicatrice. () ". L'article 2 du même décret dispose que : " I. - Le délai de paiement court à compter de la date de réception de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur () ". Selon son article 7 : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement () à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée ". Selon l'article 8 du même décret : " I. ' Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. / Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse () ".

12. Ainsi qu'il a été dit au point 10 du présent jugement, E a droit au paiement, dans le cadre du décompte de liquidation, des sommes de 8 975,73 euros, 12 266,79 euros et 33 936,32 euros TTC correspondant aux états de situation n°s 3, 5 et 8 qu'elle a adressés à titre d'acomptes à la commune de Clamart. En vertu des stipulations et dispositions précitées des articles 13.1.1 et 13.2.1 du CCAG-Travaux et du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013, elle a droit au paiement des intérêts moratoires sur ces sommes à compter du 2 février 2020, date d'expiration du délai de trente jours qui a couru à compter du 2 janvier 2020, date à laquelle il résulte de l'instruction que la commune de Clamart a réceptionné les demandes de paiement afférentes à ces états de situation, et jusqu'à la date de leur paiement.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

13. Dans le cadre d'un marché à prix global et forfaitaire, l'entrepreneur a le droit d'être indemnisé du coût des travaux supplémentaires, non prévus au contrat, s'ils ont été prescrits par ordre de service ou acceptés par le maître de l'ouvrage ou si à défaut d'ordre de service ou d'acceptation du maître de l'ouvrage, ils présentent un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. La charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage.

14. E soutient qu'elle est fondée à solliciter le versement de la somme de 125 668,80 euros TTC au titre de travaux supplémentaires dès lors qu'elle a réalisé un mur de soutènement à la demande expresse du maître d'œuvre. Pour s'en défendre, la commune de Clamart fait valoir que ces travaux n'ont été rendus indispensables qu'en raison de la faute de la requérante, qui n'a pas réalisé les voiles par passe sur l'intégralité du périmètre de l'ouvrage, en méconnaissance des stipulations contractuelles. Toutefois, l'existence d'une telle obligation contractuelle n'est pas justifiée par les documents produits, notamment par le plan du 25 mars 2018 dont la valeur contractuelle n'est pas établie. Par ailleurs, si la commune de Clamart verse à l'instance un courrier du 6 mars 2020 établi par le cabinet Cobalt Architectes indiquant que " les plans prévoyaient les voiles par passe sur l'ensemble du périmètre " et que " la société a fait le choix de ne pas le réaliser sur l'ensemble du périmètre ", ce courrier se borne à exclure toute faute de la maîtrise d'œuvre mais est insuffisant pour établir l'existence d'une faute de E, faute d'être assorti de documents de nature à étayer ce constat, par exemple un compte rendu de chantier. Dans ces conditions, dès lors qu'il résulte de l'instruction, notamment du compte rendu de chantier n° 33 du 24 octobre 2018, qu'il était indispensable que la société requérante conforte le mur en limite de propriété qui menaçait de s'effondrer, il y a lieu de mettre la somme de 125 668,80 euros TTC à son crédit dans l'établissement du décompte.

En ce qui concerne les pénalités :

15. Aux termes de l'article 4.2 du CCAP " () Le délai d'exécution des travaux de restructuration et démolition-reconstruction, tous corps d'états est de 22 mois. La phase préparatoire de chantier de 2 mois est comprise dans les délais. Le délai d'exécution des travaux prend effet à la date indiquée dans l'ordre de service pour le commencement des travaux. () ". Selon l'article 4.4 du même cahier : " () Par dérogation aux dispositions de l'article 20.1 CCAG Travaux, au cas où les travaux ne seraient pas terminés dans le délai d'exécution indiqué à l'acte d'engagement, et sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable, une pénalité de 1/1000ème du montant du marché HT par jour calendaire de retard sera retenue sur le total des sommes dues au titulaire du marché. Cette pénalité est applicable pour l'ensemble des délais intermédiaires fixés dans le calendrier d'exécution par phase qui sera notifié au titulaire lors du démarrage des travaux. La pénalité est applicable en cas de dépassement du délai global d'exécution. () ".

16. Il résulte de l'instruction que la commune de Clamart a appliqué des pénalités de retard d'exécution à E concernant le lot n° 1 " Clos Couvert ", dans le cadre de la phase 1 du délai global d'exécution, en raison de 432 jours de retard à la date du 20 décembre 2019, pour un montant de 1 677 024 euros. Toutefois, si la commune de Clamart indique dans ses écritures que ces pénalités ont été infligées pour la période du 15 juin 2018 au 28 août 2019, elle ne justifie pas des dates retenues en se bornant à produire deux documents non datés indiquant que la société avait accumulé, au 20 décembre 2019, 439 jours de retard dont 7 jours d'intempérie, un autre document non daté indiquant que la société avait accumulé, au 3 mai 2019, 322 jours de retard dont 7 jours d'intempérie, un courrier du 13 novembre 2019 indiquant que la société avait accumulé 315 jours de retard à cette date, un document intitulé " Avancement - Planning pointage " indiquant notamment que la société avait accumulé 315 jours de retard le 26 juin 2019 et plusieurs comptes rendus de chantier indiquant que la société avait, notamment, accumulé 187 jours de retard le 20 février 2019 puis 84 jours de retard supplémentaires le 7 août 2019, qui ne permettent pas de recouper les dates de début et d'échéance du retard accumulé par E dans l'exécution de ses prestations, ni les retards mentionnés dans les comptes rendus de chantier versés à l'instance. Par suite, la demande de E tendant à la levée des pénalités de retard d'un montant de 1 677 024 euros doit être accueillie.

En ce qui concerne le solde du décompte de liquidation :

17. Il y a lieu de fixer le solde du décompte de liquidation, qui se substitue au décompte général établi dans les autres cas, en faisant état de tous les éléments actifs et passifs résultant d'obligations ayant une existence certaine et devant figurer sur ledit décompte.

18. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I - Le remboursement de l'avance s'impute sur les sommes dues au titulaire, selon un rythme et des modalités fixés par le marché public par précompte sur les sommes dues à titre d'acompte ou de règlement partiel définitif ou de solde. () II - Dans le silence du marché public, le remboursement s'impute sur les sommes dues au titulaire quand le montant des prestations exécutées par le titulaire atteint 65 % des montants mentionnés au I. "

19. Il résulte de l'instruction que préalablement à la résiliation du marché en litige, E n'avait réalisé les prestations contractuellement prévues qu'à hauteur de 54,06 %. Ainsi, aux termes des dispositions précitées, la commune de Clamart ne pouvait solliciter de E le remboursement, dans le cadre des acomptes réglés pendant l'exécution du marché, de l'avance forfaitaire d'un montant de 109 440,28 euros. Par suite, la commune de Clamart est fondée à solliciter l'inscription de la somme de 109 440,28 euros au débit de E dans le décompte de liquidation.

20. En deuxième lieu, si E conteste avoir reçu le versement de la somme globale de 1 999 617,57 euros TTC au titre du règlement des acomptes n°s 1 à n°14 par la commune de Clamart, elle ne l'établit pas par la production d'un extrait de son grand livre de comptes, non daté ni certifié par un expert-comptable, mentionnant le versement de la somme de 1 993 239 euros TTC par la commune au même titre.

21. En troisième lieu, E n'est pas fondée à contester le bien-fondé du certificat de paiement n°15 du 27 juillet 2023 au seul motif qu'il a été réalisé après la résiliation du marché dès lors qu'il s'agit d'un élément du décompte de liquidation du 26 juin 2023 dont elle n'a pas soulevé l'irrecevabilité.

22. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit qu'il y a lieu de déduire du décompte de liquidation établi par la commune de Clamart le 26 juin 2023, d'un montant de 1 806 230,55 euros TTC au débit de E, la somme de 125 668,80 euros au titre des travaux supplémentaires et la somme de 1 677 024 euros au titre des pénalités de retard. Par suite, la somme due au titre du solde du marché par E s'élève à 3 537,75 euros TTC au crédit de la commune de Clamart.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Clamart, qui n'a pas principalement la qualité de partie perdante, verse à E une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1 : Le solde du marché restant à régler par E à la commune de Clamart est fixé à la somme de 3 537,75 euros toutes taxes comprises.

Article 2 : La commune de Clamart versera à E les intérêts sur les situations impayées calculés selon les modalités indiquées au point 12 du présent jugement.

Article 3 : Les conclusions des requêtes de E sont rejetées pour le surplus.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société à responsabilité limitée FMI Bâtiment et à la commune de Clamart.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Oriol, présidente, Mme Gay-Heuzey et Mme D, conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

Signé

A. GAY-HEUZEY

La présidente,

Signé

C. ORIOL

La greffière,

Signé

M. A

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour ampliation,

La greffière

N°s 2004293 - 2004294 - 2013156