TA de de Nice, 03 octobre 2023, n° 2203363

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

I. - Par un déféré et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 2203362 les 7 juillet 2022 et 25 janvier 2023, le préfet des Alpes-Maritimes demande au tribunal d'annuler le marché public conclu le 16 avril 2021 entre la régie d'électricité de Roquebillière et la société TP SPADA aux fins de réhabilitation de la centrale électrique de Roquebillière.

Il soutient que :

- son déféré est recevable ;

- le contrat a été transmis tardivement au contrôle de légalité, faisant naître une suspicion légitime d'une volonté de soustraire le marché à ce contrôle et aux procédures subséquentes notamment contentieuses ;

- le marché n'a pas fait l'objet des mesures de publicité prévues par le 2° de l'article R. 2131-12 du code de la commande publique, constituant alors un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ;

- l'organisation d'une visite commune sur site est constitutive d'une atteinte au libre jeu de la concurrence et a pu favoriser des ententes entre les candidats ;

- l'examen par la régie d'électricité de Roquebillière des offres des candidats au regard des critères " prix " et " délais d'exécution " est irrégulier et entaché d'une méconnaissance des principes de transparence et d'égalité entre les candidats et d'erreurs manifestes d'appréciation ; l'erreur manifeste d'appréciation ainsi commise ou l'examen intentionnellement biaisé des offres ont pu avoir pour effet de modifier le classement des entreprises et le choix du titulaire du marché, en faveur de l'entreprise TP SPADA ;

- les irrégularités ainsi commises constituent des vices suffisamment graves, justifiant l'annulation du marché litigieux, quand bien même il a été entièrement exécuté ;

- les conséquences de l'annulation du marché, consistant en la privation pour la régie des garanties post-contractuelles qui y sont attachées, ne constituent pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants faisant obstacle au prononcé d'une annulation.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 22 novembre 2022 et 1er mars 2023, la régie d'électricité de Roquebillière, représentée par Me Labetoule, conclut au rejet du déféré du préfet des Alpes-Maritimes et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La régie fait valoir que :

- à titre principal, le déféré est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- à titre subsidiaire, le moyen tiré de la transmission tardive du contrat au contrôle de légalité est inopérant et les autres moyens soulevés ne sont pas fondés dès lors que les obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que les principes de transparence de la procédure et d'égalité de traitement des candidats ont été respectées ;

- à titre subsidiaire, la société requérante n'est pas susceptible d'avoir été lésée par les manquements invoqués dès lors que son offre était irrégulière ;

- à titre infiniment subsidiaire, aucun des moyens soulevés par le préfet n'a pour effet de conférer un contenu illicite au contrat, de l'affecter d'un vice du consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité ;

- si toutefois un des moyens était retenu par le tribunal, il ne pourra en aucun cas conduire à l'annulation du marché et encore moins à sa résiliation dès lors qu'il a été entièrement exécuté.

Par un mémoire enregistré le 20 mars 2023, la société TP SPADA, représentée par Me Deplano, conclut au rejet du déféré préfectoral.

Elle fait valoir que :

- le déféré du préfet est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- les moyens soulevés par le préfet sont infondés ;

- le contrat n'est pas entaché d'un vice d'une particulière gravité.

II. - Par un déféré, enregistré sous le n° 2203363 le 7 juillet 2022, le préfet des Alpes-Maritimes demande au tribunal d'annuler l'avenant conclu le 15 mars 2022 par la régie d'électricité de Roquebillière dans le cadre du marché public de réhabilitation de la centrale électrique de Roquebillière.

Il soutient que :

- l'avenant a été transmis tardivement au contrôle de légalité ;

- cet avenant est illégal en raison de sa rétroactivité dès lors que les prestations de travaux objet de celui-ci ont commencé à recevoir un début d'exécution en septembre 2021 pour se terminer avant même sa signature ;

- les circonstances invoquées par la régie pour fonder cet avenant ne constituent pas des sujétions imprévues ;

- à supposer que la réalité de ces sujétions imprévues soit établie, cet avenant est néanmoins intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2194-1 3° du code de la commande publique au regard de la nature et de l'ampleur des modifications engendrées ;

- ayant été pris sur la base d'un marché gravement vicié par une rupture d'égalité, cet avenant se trouve lui-même affecté d'une illégalité justifiant son annulation ;

- les conséquences de l'annulation de cet avenant, consistant en la privation pour la régie des garanties post-contractuelles qui y sont attachées, ne constituent pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants faisant obstacle au prononcé d'une annulation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, la régie d'électricité de Roquebillière, représentée par Me Labetoule, conclut, à titre principal, au rejet du déféré, à titre subsidiaire, à ce qu'il lui soit enjoint de régulariser l'avenant en litige et demande, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La régie fait valoir que :

- le marché principal n'étant pas entaché d'illégalité, l'avenant en litige ne saurait être annulé par voie de conséquence de l'illégalité dudit marché ;

- le moyen tiré de la transmission tardive de l'avenant au contrôle de légalité est inopérant ;

- la rétroactivité de cet avenant, qui ne produit d'effets qu'entre les parties au contrat, n'a pas pour conséquence de l'entacher d'illégalité ; en tout état de cause, à supposer que le caractère rétroactif d'un avenant puisse affecter sa légalité, cette circonstance est insusceptible d'emporter son annulation ;

- cet avenant est intervenu en raison de sujétions imprévues auxquelles ont été confrontées les parties ;

- si par extraordinaire, l'existence de sujétions imprévues n'était pas retenue, il devra être vérifié si les nouveaux prix arrêtés par l'avenant pouvaient relever de l'un des cinq autres motifs ouvrant droit à la conclusion d'un avenant, prévus aux articles R. 2194-1 à R. 2194-9 du code de la commande publique et dans ce cas une substitution de motifs s'imposera ou à tout le moins une mesure de régularisation ;

- en tout état de cause, à supposer que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2194-1 3° du code de la commande publique soit fondé, il ne saurait entrainer son annulation.

Par un mémoire, enregistré le 20 mars 2023, la société TP SPADA, représentée par Me Deplano, conclut au rejet du déféré du préfet des Alpes-Maritimes.

Elle fait valoir que :

- le déféré du préfet est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- les moyens soulevés par le préfet sont infondés ;

- le contrat n'est pas entaché d'un vice d'une particulière gravité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 12 septembre 2023 :

- le rapport de Mme Gazeau,

- les conclusions de Mme Belguèche, rapporteure publique,

- et les observations de M. A, représentant le préfet des Alpes-Maritimes, de Me Labetoule, représentant la régie d'électricité de Roquebillière et de Me Bessis-Osty, représentant la société TP SPADA.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la tempête Alex survenue le 2 octobre 2020 ayant endommagé la centrale électrique de la commune de Roquebillière, la régie d'électricité de Roquebillière a lancé, selon la procédure adaptée ouverte, une consultation en vue de l'attribution d'un marché à lot unique ayant pour objet des travaux de réhabilitation de la centrale électrique de la commune de Roquebillière. Par un acte d'engagement signé le 19 mars 2021 et notifié le 16 avril 2021, ce marché a été attribué à la société TP SPADA. Les travaux ont fait l'objet de plusieurs arrêts et d'une prolongation à la suite de différents évènements. Par un avenant signé le 15 mars 2022, des prix nouveaux correspondant à des travaux supplémentaires induits par des sujétions imprévues rencontrées et ordonnées par ordres de service ont été arrêtées pour un montant de 1 241 811 euros hors taxes. Par deux déférés, formés en application de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, le préfet des Alpes-Maritimes demande au tribunal d'annuler le marché public conclu le 16 avril 2021 entre la régie d'électricité de Roquebillière et la société TP SPADA ainsi que l'avenant signé le 15 mars 2022.

Sur la jonction :

2. Les déférés nos 2203362 et 2203363 présentés par le préfet des Alpes-Maritimes concernent l'exécution d'un même marché et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de la tardiveté du déféré n° 2203362 :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission ". Aux termes de l'article R. 2131-7 de ce code : " Le préfet ou le sous-préfet peut demander, pour exercer le contrôle de légalité, que des pièces complémentaires lui soient fournies ".

4. Le délai de deux mois ainsi imparti au représentant de l'Etat dans le département court à compter, soit de la réception du texte intégral de l'acte ou des documents annexes réclamés, soit de la décision, explicite ou implicite, par laquelle l'autorité locale refuse de compléter la transmission initiale. En revanche, à défaut d'un recours gracieux dirigé contre l'acte ou d'une demande tendant à ce que l'autorité locale en complète la transmission, présentés par le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois de la réception de l'acte, le délai imparti à ce dernier pour déférer cet acte au tribunal administratif court à compter de ladite réception. Dans le délai de deux mois suivant la transmission des documents annexes nécessaires, le représentant de l'Etat a la faculté de former un recours gracieux auprès de l'autorité locale compétente. L'exercice d'un tel recours a alors pour effet de proroger le délai imparti au préfet pour saisir le tribunal administratif.

5. Il résulte de l'instruction que le marché litigieux a été transmis au contrôle de légalité par un courrier du 17 décembre 2021. Le préfet des Alpes-Maritimes a, par une lettre du 18 janvier 2022, demandé au président de la régie d'électricité de Roquebillière de produire 8 pièces aux fins d'apprécier la légalité du contrat en litige. Le président de la régie d'électricité de Roquebillière a répondu à cette demande par un courrier en date du 14 février 2022, réceptionné le 16 février suivant. Par un courrier en date du 8 avril 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a fait part au président de la régie de ses observations quant à la légalité dudit contrat et a indiqué à ce dernier qu'" à défaut d'être en mesure de produire les documents et justifications permettant d'infirmer cette analyse, ce marché devra être considéré comme irrégulier et il vous appartiendra de procéder à son retrait ". Ce courrier, qui fait état, d'une part, des éléments sur lesquels le préfet se fonde pour estimer que le marché en cause est irrégulier, d'autre part, d'une demande de procéder au retrait de ce marché sauf si la régie est en mesure de justifier de la régularité de ce contrat, doit dès lors être regardé, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, comme un recours gracieux. Le président de la régie a répondu au préfet des Alpes-Maritimes par un courrier daté du 16 mai 2022, réceptionné par le préfet le 19 mai suivant. Par suite, le déféré préfectoral enregistré au greffe du tribunal administratif de Nice le 7 juillet 2022 n'est pas tardif et la fin de non-recevoir opposée à cet égard par la régie et la société TP SPADA doit être écartée.

Sur les conclusions en contestation de validité du contrat conclu le 16 avril 2021 :

6. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini.

En ce qui concerne la transmission tardive du contrat litigieux au contrôle de légalité :

7. Aux termes de l'article L. 1411-9 du code général des collectivités territoriales, applicable aux marchés passés par les communes et les établissements publics communaux en vertu de l'article L. 2131-13 du même code : " L'autorité territoriale transmet au représentant de l'Etat dans le département ou, le cas échéant, à son délégué dans l'arrondissement, ou au représentant de l'Etat dans la région, les délégations de service public des collectivités territoriales, en application des articles L. 2131-2, L. 3131-2 et L. 4141-2 du présent code. Elle joint l'ensemble des pièces dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat dans un délai de quinze jours à compter de la signature du contrat () ".

8. Il résulte de l'instruction que le marché de travaux de réhabilitation de la centrale électrique de Roquebillière a été conclu entre la régie d'électricité de Roquebillière et la société TP SPADA le 16 avril 2021. Il résulte également de l'instruction que ce marché n'a été transmis au préfet des Alpes-Maritimes en vue de l'exercice du contrôle de légalité que le 17 décembre 2021. Toutefois, la circonstance que le marché en cause ait été, du moins en partie, exécuté avant qu'il ne soit transmis au préfet des Alpes-Maritimes, en méconnaissance des dispositions précitées, ne saurait affecter sa légalité dès lors qu'elle ne concerne que les modalités d'exécution du marché. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient le préfet, que cette transmission tardive au contrôle de légalité traduirait une manœuvre de la part de la régie pour échapper au contrôle des conditions d'attribution du marché et les procédures contentieuses qui peuvent en découler.

En ce qui concerne le manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence résultant du défaut de publication de l'avis d'appel à la concurrence au bulletin officiel des annonces des marchés publics ou dans un journal d'annonces légales :

9. Aux termes de l'article L. 2124-1 du code de la commande publique : " Lorsque la valeur estimée hors taxe du besoin est égale ou supérieure aux seuils européens mentionnés dans un avis qui figure en annexe au présent code, l'acheteur passe son marché selon l'une des procédures formalisées définies par le présent chapitre, dans les conditions et selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2131-12 de ce code : " Les marchés passés selon une procédure adaptée par l'Etat, ses établissements publics autres qu'à caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, font l'objet d'une publicité dans les conditions suivantes : / () 2° Lorsque la valeur estimée du besoin est égale ou supérieure à 90 000 euros hors taxes et inférieure aux seuils de procédure formalisée, un avis de marché établi conformément au modèle fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie figurant en annexe du présent code est publié soit dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics soit dans un journal habilité à recevoir des annonces légales () ".

10. Il est constant que l'avis d'appel à concurrence du marché litigieux, qui répondait aux critères fixés par ces dispositions, n'a fait l'objet d'aucune publication dans un journal d'annonces légales ou dans le bulletin officiel des annonces de marchés publics et que seul un avis de publication a été déposé sur la plate-forme dématérialisée " marchés.sécurisés.fr ". Le vice entachant le contrat litigieux, tiré de l'absence de publicité au bulletin officiel des marchés publics ou dans un journal d'annonces légales, a ainsi affecté la régularité de la mise en concurrence et la légalité du choix des cocontractants. Le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que le marché litigieux est entaché d'illégalité.

En ce qui concerne l'irrégularité de la visite commune sur le site :

11. Aux termes de l'article 9 du règlement de la consultation du marché en cause : " Une visite du site, préalable au dépôt des offres, est obligatoire. / Cette visite aura lieu le lundi 22 février 2021 à 10 heures. Un certificat de visite sera délivré à l'issue de la visite ".

12. Il résulte de cette disposition, dès lors qu'elle prévoyait une visite sur site préalable au dépôt des offres à une date et un horaire déterminés, que cette visite obligatoire était nécessairement commune. En outre, aucune autre disposition applicable au marché litigieux interdisait d'organiser une visite commune sur site. Il suit de là qu'en organisant une visite commune aux candidats potentiels, la régie n'a commis aucune irrégularité au regard des règles applicables au marché en cause.

13. Le préfet des Alpes-Maritimes soutient par ailleurs que l'organisation d'une visite commune a permis d'exclure l'incertitude pour chacun des candidats quant à l'identité des compétiteurs, faussant ainsi le libre jeu de la concurrence avec le risque de favoriser les ententes. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'une entente aurait existé entre les candidats au marché en litige, notamment s'agissant du groupement attributaire. La circonstance invoquée par le préfet selon laquelle la société TP SPADA aurait été apte à réaliser seule l'ensemble des travaux et disposait des références nécessaires n'est pas de nature à établir, par elle-même, que les sociétés attributaires auraient conclu entre elles une entente anti-concurrentielle, susceptible, en raison de son caractère dolosif, de vicier le consentement de la régie et de justifier l'annulation du marché.

En ce qui concerne l'atteinte aux principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats :

14. Le préfet des Alpes-Maritimes soutient que les principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats ont été méconnus en raison des carences de la régie d'électricité de Roquebillière dans l'analyse des offres concernant les critères " prix " et " délai d'exécution ", ayant alors conduit soit à la commission d'erreurs manifestes d'appréciation dans ladite analyse des offres, soit à un examen intentionnellement biaisé en faveur de l'entreprise TP SPADA.

S'agissant du manquement commis lors de la mise en œuvre du critère relatif aux délais d'exécution et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la régie sur ce critère :

15. Aux termes de l'article R. 2123-5 du code de la commande publique : " Lorsque l'acheteur prévoit une négociation, il peut attribuer le marché sur la base des offres initiales sans négociation, à condition d'avoir indiqué qu'il se réserve cette possibilité dans les documents de la consultation ".

16. Aux termes de l'article 2.4 " négociations " du règlement de la consultation : " A l'issue de l'examen des offres initiales, effectué conformément aux critères exposés ci-après, l'acheteur procèdera à leur classement. / Le marché pourra être attribué sur la base des offres initiales. / Toutefois, l'acheteur se réserve le droit de négocier avec les trois candidats ayant présenté les meilleures offres. / Cette phase de négociation donnera lieu à un nouveau classement des offres en vue de l'attribution du marché ".

17. Il résulte de l'instruction que la régie d'électricité de Roquebillière a fait application de l'article 2.4 du règlement de la consultation en engageant une phase de négociation avec les trois sociétés mieux disantes, à savoir la société BONNA TRAVAUX PRESSION, la société AGENCE COZZI-COLAS FRANCE et la société TP SPADA. La régie a indiqué, dans un même courrier adressé aux trois sociétés, souhaiter négocier sur le montant des offres du marché et leur valeur technique. A l'issue de la phase de négociation le groupement attributaire a modifié son offre en réduisant notamment le délai d'exécution des travaux initialement proposé. Si la lettre d'invitation à entrer en voie de négociation ne précisait pas expressément que la négociation portait sur l'ensemble des critères et notamment le critère relatif au délai d'exécution, cette circonstance n'est cependant pas de nature à démontrer l'existence d'une atteinte au principe de transparence et au principe d'égalité de traitement des candidats dès lors que, d'une part, il résulte notamment de l'instruction que la modification du volet financier de l'offre de la société TP SPADA a été proposée en raison de la réduction des délais laquelle a été rendue possible suite à une réorganisation générale du planning, les trois critères de notation pouvant être interdépendants selon la structure des offres présentées, comme cela l'était pour l'attributaire, d'autre part, il était loisible aux deux autres concurrents, qui ont reçu le même courrier que l'attributaire, d'utiliser également le levier financier et/ou le levier technique pour faire évoluer le délai d'exécution global de leur offre. Dans ces conditions, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la négociation serait intervenue dans des conditions irrégulières, ni que le groupement attributaire aurait bénéficié d'un traitement de faveur, la régie d'électricité de Roquebillière n'a ainsi commis aucune irrégularité de nature à fausser les principes de transparence et d'égalité entre les candidats.

18. Le préfet soutient, en outre, que la régie a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'analyser le caractère réalisable des délais proposés par les candidats et notamment le groupement attributaire. Toutefois, la circonstance que le rapport d'analyse des offres ne ferait pas mention du caractère réalisable des délais proposés par les candidats et la circonstance que le délai de 21 semaines proposé par l'attributaire est très éloigné du délai plafond ne sont pas de nature à elles-seules à démontrer que la régie se serait livrée à une erreur manifeste dans l'appréciation des offres remises. En outre, s'il incombe au pouvoir adjudicateur, lorsqu'il prévoit, pour fixer un critère ou un sous-critère d'attribution du marché, que la valeur des offres sera examinée au regard du respect d'une caractéristique technique déterminée, d'exiger la production des justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats, une telle obligation ne s'étend pas à un critère non technique tel que celui des délais. A cet égard, il ne résulte pas de l'instruction que le délai d'exécution proposé par l'attributaire ne serait pas réaliste. Au demeurant, et contrairement à ce qui est soutenu, les retards constatés dans l'exécution du marché, tenant aux conséquences du blocage de tuyaux en mer rouge et aux circonstances propres à la crise sanitaire n'étaient pas prévisibles. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la régie n'aurait pas procédé à une analyse effective de l'offre présentée par la société TP SPADA s'agissant notamment du délai d'exécution prévu et aurait entaché son appréciation de sa valeur d'une erreur manifeste. Il suit de là que la première branche du moyen, tiré de l'atteinte portée aux principes de transparence et d'égalité entre les candidats au regard de l'erreur manifeste d'appréciation commise et de la volonté de favoriser l'attributaire dans la mise en œuvre du critère " délai d'exécution ", doit être écarté.

S'agissant du manquement commis dans la mise en œuvre du critère relatif au prix :

19. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'analyse des offres que la société TP SPADA a proposé une offre initiale d'un montant de 3 560 227 euros, supérieur à ceux proposés par les deux autres concurrents. La régie d'électricité de Roquebillière a décidé, ainsi qu'elle le pouvait, d'ouvrir une phase de négociation sur la valeur technique et le montant des offres. Il résulte à cet égard du rapport d'analyse des offres que deux candidats ont modifié, à l'issue de cette phase de négociation, leur offre financière (BONNA TRAVAUX PRESSION et l'attributaire), ramenant ainsi l'offre du groupement TP SPADA à 2 497 233 euros compte tenu des modifications apportées quant à l'organisation des travaux (doublement de l'équipe de soudage, meilleur amortissement des engins et équipes, réévaluation des travaux de génie civil et de dépose de la canalisation existante, nouveaux retours sur des fournitures et des opérations conduisant à des moins-values), impactant alors le délai d'exécution de ceux-ci. Il résulte également de ce rapport que les offres des trois candidats ont été analysées au regard des trois critères de notation, et notamment s'agissant du critère prix, par vérification des pièces financières produites et notamment des BPU et DQE et que les trois offres, d'un montant proche, se situent toutes en dessous de l'estimation de l'administration. Ainsi, et dès lors que le rapport d'analyse des offres n'a pas à obéir à un formalisme précis, le préfet n'est pas fondé à soutenir que la régie ne se serait pas livrée à une véritable analyse exhaustive et probante du prix des offres au regard de la viabilité de l'exécution technique et financière du contrat. De même, s'il soutient que la négociation menée par la régie souffrirait d'une insuffisante traçabilité, il ne se prévaut de la méconnaissance d'aucun texte ou principe. Par ailleurs, la circonstance que l'offre du groupement attributaire, qui est la plus élevée, serait la plus proche de l'estimation de l'administration, n'est pas de nature à elle seule à démontrer une rupture d'égalité de traitement entre les candidats en faveur du premier, alors qu'au demeurant, celui-ci a obtenu la moins bonne note concernant le critère " prix ".

20. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu des motifs exposés au point précédent, que la régie aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en raison de sa négligence ou légèreté dans l'analyse des offres au regard du critère " prix ". Il ne résulte pas davantage de l'instruction, contrairement à ce qu'allègue le préfet, qu'une telle erreur manifeste d'appréciation découlerait d'une définition insuffisante des besoins de l'acheteur public. Par suite, dès lors que le préfet des Alpes-Maritimes n'établit pas que l'analyse menée par la régie s'agissant du critère prix des offres et la notation et le classement des candidats qui en découlent auraient été entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'une volonté de favoriser intentionnellement l'attributaire du marché, le moyen tiré de l'atteinte portée aux principes de transparence et d'égalité entre les candidats, pris en sa seconde branche, doit être écarté.

21. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes est seulement fondé à invoquer l'insuffisance de l'avis de l'appel à concurrence et, par suite, un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, pour les motifs exposés au point 10.

Sur les conséquences du vice constaté :

22. Il appartient au juge du contrat, lorsqu'il est saisi par le représentant de l'Etat d'un déféré contestant la validité d'un contrat, d'apprécier l'importance et les conséquences des vices entachant la validité du contrat. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci.

23. Ce n'est ainsi que dans le cas où le contrat a un contenu illicite ou se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité devant être relevé d'office que le juge peut prononcer son annulation, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

24. D'une part, le marché en cause ayant été entièrement exécuté, il n'y a pas lieu d'en prononcer la résiliation.

25. D'autre part, le vice tiré du défaut de publication au BOAMP ou dans un journal d'annonces légales de l'avis d'appel à concurrence n'a pas pour effet de conférer au contrat litigieux un contenu illicite ni de l'affecter d'un vice de consentement. En outre, il résulte de l'instruction que la publication de l'avis d'appel d'offres sur la plateforme dématérialisée " marches.securises.fr ", libre d'accès, a donné lieu à 34 téléchargements du dossier de consultation par des entreprises. Il ressort du registre des retraits produit par la régie que les entreprises qui ont téléchargé le dossier de consultation sont situées, pour une partie d'entre elles, hors du département des Alpes-Maritimes et, pour certaines, hors de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Si la mesure de publicité utilisée n'a pas vocation à remédier à l'irrégularité commise, elle a néanmoins permis la diffusion de l'avis d'appel public à la concurrence auprès des opérateurs économiques intéressés et la réception de trois candidatures. Dans ces conditions, l'irrégularité ayant entaché la procédure de passation du marché en cause a ainsi eu une portée limitée et n'a eu aucune incidence significative sur la présentation des offres des candidats. Elle ne révèle par suite aucune volonté de la personne publique de favoriser ou d'évincer un candidat ni aucune partialité dans la procédure suivie par la personne publique. Dès lors, le manquement constaté ne constitue pas un vice d'une gravité telle qu'il devrait être relevé d'office par le juge et justifierait l'annulation du marché litigieux. Il s'ensuit que le préfet des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à demander l'annulation du marché portant sur les travaux de réhabilitation de la centrale électrique de Roquebillière en raison de cette irrégularité.

Sur les conclusions en contestation de validité de l'avenant :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du marché initial :

26. A l'appui de ses conclusions dirigées contre l'avenant du 15 mars 2022, le préfet des Alpes-Maritimes soulève l'exception d'illégalité du marché initial. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 25, l'irrégularité ayant entaché la procédure de passation du marché au regard des règles de publicité, tenant au défaut de publication de l'avis des marchés litigieux au BOAMP ou dans un journal d'annonces légales, ne constitue pas un vice suffisamment grave qui justifierait l'annulation du marché litigieux. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de l'avenant doit être écarté.

En ce qui concerne la transmission tardive de l'avenant litigieux au contrôle de légalité :

27. Il résulte de l'instruction que l'avenant au marché de travaux de réhabilitation de la centrale électrique de Roquebillière a été conclu entre la régie d'électricité de Roquebillière et la société TP SPADA le 15 mars 2022. Il résulte également de l'instruction que cet avenant n'a été transmis au préfet des Alpes-Maritimes en vue de l'exercice du contrôle de légalité que le 13 mai 2022. Toutefois, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, la circonstance que l'avenant en cause ait été transmis au représentant de l'Etat dans le département au-delà du délai de 15 jours imparti par l'article L. 1411-9 du code général des collectivités territoriales cité au point 7 est sans incidence sur sa légalité.

En ce qui concerne le caractère rétroactif de l'avenant en litige :

28. Lorsque le montant des prestations exécutées atteint le montant fixé par le marché, la poursuite de l'exécution des prestations est subordonnée à la conclusion d'un avenant ou à une décision de poursuivre prise par le pouvoir adjudicateur. Les travaux ordonnés par le maître de l'ouvrage, notamment ceux qui seraient nés de sujétions imprévues et nécessaires à l'exécution du marché, y compris lorsqu'ils ont été réalisés, dans la mesure où les travaux en cause présentent un caractère indissociable du marché initial et qu'ils n'induisent pas un bouleversement de l'économie générale du contrat, peuvent faire l'objet d'un avenant, lequel n'aura d'effet exécutoire en ce qui concerne les droits et obligations déterminés par les parties qu'à la date de transmission au contrôle de légalité.

29. En l'espèce, la régie a conclu avec la société TP SPADA, le 15 mars 2022, un avenant, qui n'a d'autre objet que de permettre la poursuite de l'exécution des prestations du marché conclu le 16 avril 2021. Pour les motifs exposés au point précédent, dès lors qu'un avenant n'a d'effet exécutoire entre les parties qu'à la date de sa transmission au contrôle de légalité, la circonstance que les prestations travaux objet de l'avenant ont commencé à recevoir un début d'exécution avant sa transmission au préfet et avant même sa signature, ne porte pas atteinte au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, contrairement à ce que soutient le préfet. Le moyen ainsi soulevé ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique :

30. Aux termes de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique : " Un marché peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence dans les conditions prévues par voie réglementaire, lorsque : () / 3° Les modifications sont rendues nécessaires par des circonstances imprévues ; () / Qu'elles soient apportées par voie conventionnelle ou, lorsqu'il s'agit d'un contrat administratif, par l'acheteur unilatéralement, de telles modifications ne peuvent changer la nature globale du marché ". Aux termes de l'article R. 2194-5 de ce code : " Le marché peut être modifié lorsque la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu'un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir. / Dans ce cas, les dispositions des articles R. 2194-3 et R. 2194-4 sont applicables ". Selon l'article R. 2194-3 du même code : " Lorsque le marché est conclu par un pouvoir adjudicateur, le montant de la modification prévue à l'article R. 2194-2 ne peut être supérieur à 50 % du montant du marché initial. () / Ces modifications successives ne doivent pas avoir pour objet de contourner les obligations de publicité et de mise en concurrence ". Selon l'article R. 2194-4 dudit code : " Pour le calcul du montant de la modification mentionnée à l'article R. 2194-2, l'acheteur tient compte de la mise en œuvre de la clause de variation des prix ".

31. D'une part, il résulte de ces dispositions que les modifications qu'elles permettent peuvent concerner, sur le fondement des dispositions du code de la commande publique, sous réserve qu'elles ne changent pas la nature globale du contrat, tant les caractéristiques et conditions d'exécution des prestations que le prix ou les tarifs, leur montant ou les modalités de leur détermination, ou encore la durée initialement convenus.

32. D'autre part, il résulte des dispositions précitées que les modifications qu'elles permettent ne sauraient être justifiées par des événements ainsi que leurs conséquences financières qui pouvaient raisonnablement être prévus par les parties au moment de contracter : ces dispositions n'ont pas pour objet et ne peuvent avoir pour effet d'assurer au cocontractant la couverture des risques dont il a tenu compte ou aurait dû tenir compte dans ses prévisions initiales et qu'il doit en conséquence supporter. Par suite, la modification du contrat sur le fondement de ces dispositions n'est possible que si l'augmentation des dépenses exposées par l'opérateur économique ou la diminution de ses recettes imputables à ces circonstances nouvelles ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat.

33. Enfin, lorsque les parties mettent en œuvre ces mêmes dispositions, leur liberté contractuelle n'est pas sans limite. Les modifications apportées au contrat sur leur fondement doivent être directement imputables aux circonstances imprévisibles et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire pour y répondre ni, en tout état de cause, le plafond, apprécié pour chaque modification, de 50 % du montant du contrat initial lorsqu'il est passé par un pouvoir adjudicateur. Elles ne peuvent pas non plus changer la nature globale du contrat.

34. Il résulte de l'instruction que l'avenant contesté a été conclu entre les parties en raison de l'intervention de plusieurs évènements lors de l'exécution du marché tenant à la découverte de nouveaux dommages ne pouvant être constatés au préalable, des difficultés de coordination entre les différents chantiers d'envergure engagés, de façon simultanée, sur ce secteur, impactant lourdement son avancement, la hiérarchisation des priorités en termes de travaux en simultané par les interventions ordonnées par plusieurs maitres d'ouvrage et le renchérissement du coût des matières premières en conséquence de la crise sanitaire mondiale. Cet avenant a été conclu afin de tenir compte des prix nouveaux s'agissant de prestations impactées par ces sujétions imprévues et afin de prolonger, compte tenu de ces évènements, la durée du marché de trois mois supplémentaires.

35. D'une part, en se bornant à soutenir que le bien-fondé de l'avenant litigieux n'est pas établi dès lors que les sujétions imprévues invoquées par la régie ne sont attestées par aucune pièce probante, sans apporter aucun élément au soutien de ses allégations, le préfet des Alpes-Maritimes n'établit pas que l'avenant en litige aurait été conclu en méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique.

36. D'autre part, les difficultés rencontrées par les cocontractants lors de l'exécution du contrat, résultant de l'existence de plusieurs chantiers d'envergure sur le même secteur et de leur absence de coordination, d'interventions ordonnées par d'autres maitres d'ouvrage en simultané, de la découverte de nouveaux dommages sur le site et du renchérissement du coût des matières premières en raison de la crise sanitaire mondiale, ne sont pas contestées par le préfet à l'exception des conséquences résultant de l'échouage du port container en mer rouge qui n'est d'ailleurs même pas énumérée dans le rapport de présentation de l'avenant en litige au titre des sujétions imprévues. Il résulte à cet égard de l'instruction et notamment du rapport de présentation de l'avenant que des prestations non prévues initialement ont dû être ajoutées en raison de la découverte de nouveaux dommages, de la survenance d'aléas ou de l'existence de travaux entrepris par d'autres maitres d'ouvrage sur ce secteur, que des chantiers ont dû être arrêtés temporairement compte tenu de l'existence d'autres travaux devant être réalisés en urgence et que les prix ont dû être révisés s'agissant de la canalisation 1200 compte tenu de la flambée des prix des matières premières liées à la crise sanitaire mondiale. Dans ces conditions, et en tout état de cause, les évènements précités ayant présidé à la conclusion de cet avenant, au regard de leur objet et leur nature, relèvent des circonstances imprévisibles qu'un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir, justifiant dès lors la conclusion d'un avenant afin d'intégrer les modifications de prix et de durée qui en résultent.

37. En outre, il résulte de l'instruction que la modification litigieuse porte sur une augmentation du montant initial du marché de 49,73 %, compatible ainsi avec les dispositions de l'article R. 2194-3 applicable en l'espèce.

38. Au vu de l'objet et de la nature des modifications prévues par l'avenant, lesquelles portent sur la prise en compte de nouvelles prestations ou de prestations modifiées ainsi que sur un allongement des travaux compte tenu des arrêts de chantier provoqués par l'existence d'autres travaux devant être réalisés en urgence sur le même secteur, ainsi que du montant de l'avenant par rapport au marché initial, l'avenant en litige ne modifie pas considérablement l'objet du contrat et ne change pas non plus la nature globale du marché en cause.

39. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique doit être écarté.

40. Enfin, à supposer que le préfet ait entendu se prévaloir de la méconnaissance du 5° de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique selon lequel un marché peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence lorsque les modifications ne sont pas substantielles, d'une part, il n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. D'autre part et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que cet avenant aurait introduit, au vu des modifications qu'il prévoit, des conditions qui, si elles avaient été incluses dans la procédure de passation initiale, auraient attiré davantage d'opérateurs économiques ou permis l'admission d'autres opérateurs économiques ou permis le choix d'une offre autre que celle retenue. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que cet avenant a eu pour effet de modifier l'équilibre économique du marché en faveur du titulaire d'une manière qui n'était pas prévue au contrat initial et enfin qu'il a modifié considérablement l'objet du marché. Il suit de là que la modification résultant de l'avenant en litige n'est pas substantielle.

41. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à demander l'annulation de l'avenant signé le 15 mars 2022 par la régie d'électricité de Roquebillière et la société TP SPADA.

42. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin de contestation de la validité du marché conclu le 16 avril 2021 entre la régie d'électricité de Roquebillière et la société TP SPADA aux fins de réhabilitation de la centrale électrique de Roquebillière, ensemble celle de l'avenant conclu le 15 mars 2022, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

43. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme demandée par la régie d'électricité de Roquebillière au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les déférés nos 2203362 et 2203363 du préfet des Alpes-Maritimes sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions présentées par la régie d'électricité de Roquebillière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au préfet des Alpes-Maritimes, à la régie d'électricité de Roquebillière et à la société TP SPADA.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Taormina, président,

Mme Gazeau, première conseillère,

Mme Guilbert, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.

La rapporteure,

signé

D. Gazeau

Le président,

signé

G. Taormina

La greffière,

signé

E. Gialis

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation, la greffière

Nos 2203362 et 2203363