TA de Dijon, 02 novembre 2023, n° 2002159

 

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

 

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 août 2020, le 24 juin 2021, le 9 juillet 2021 et le 5 décembre 2022, Grand Dijon Habitat, représenté par ADAES Avocats, demande au tribunal :

1°) de condamner la société Dekra Industrial à lui verser la somme de 56 672 euros, assortie des " intérêts de retard " et de la capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge de la société Dekra Industrial le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Grand Dijon Habitat soutient que :

- la responsabilité contractuelle de la société Dekra Industrial est engagée dès lors que celle-ci a manqué à son devoir de conseil en omettant de l'informer en temps utile de la non-conformité des travaux envisagés pour les poteaux en fonte du bâtiment (déplombage et mise en peinture) compte tenu des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 31 janvier 1986 concernant la stabilité au feu 1/2h ;

- la société Dekra Industrial a manqué à son devoir de conseil dès lors qu'elle avait nécessairement connaissance des travaux prévus pour les différents lots, la convention la liant à Grand Dijon Habitat prévoyant son intervention du début à la fin des travaux et notamment une mission de contrôle au stade de la conception et au cours du chantier ;

- la nécessité d'assurer la stabilité au feu 1/2h des poteaux en fonte situés dans les logements et les circulations du rez-de-chaussée et au R+2 n'était pas contenue dans le rapport initial de contrôle technique de la société Dekra Industrial, ce qui caractérise également un manquement à son devoir de conseil ;

- la société Dekra Industrial aurait dû l'alerter de l'inutilité de travaux de déplombage, auxquels le maître d'ouvrage aurait renoncé s'il en avait été avisé en temps utile ;

- dans le cadre de sa mission SH, relative à la sécurité des personnes dans les bâtiments d'habitation, il lui appartenait d'assurer la prévention des aléas techniques découlant notamment de défauts dans l'application des dispositions réglementaires relatives à la sécurité des personnes ;

- à titre subsidiaire, Grand Dijon Habitat est fondé à engager la responsabilité quasi-délictuelle de la société Dekra Industrial et à demander sur ce fondement la réparation des préjudices qui ont pu lui être causés ;

- elle a subi des préjudices à raison de travaux de déplombage, non prévus au marché et qui se sont révélés inutiles par la suite, pour un montant total de 39 500 euros TTC, de pertes de loyers du mois de décembre, date à laquelle il était prévu que les locataires emménagent, pour un montant de 12 172 euros TTC, ainsi qu'un préjudice d'image évalué à 5 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 novembre 2020 et le 3 août 2022, la société Dekra Industrial, représentée par Me Loctin, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation de la société Chaudonneret et Danon, de la société Bureau d'études Dijonnais et de la Société Allouis à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) en tout état de cause, à ce que la somme de 7 000 euros soit mise à la charge de Grand Dijon Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Dekra Industrial soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente dès lors que le litige porte sur l'exécution d'un marché de droit privé ;

- l'office public Grand Dijon Habitat ne justifie pas d'une délibération de son conseil d'administration autorisant son directeur général à agir ;

- elle n'a commis aucune faute dès lors que, dès le début de l'opération de réhabilitation, en 2016, l'office public Grand Dijon Habitat et les constructeurs ont été informés de la nécessité d'assurer la stabilité au feu 1/2h de l'ensemble des éléments porteurs verticaux et notamment des poteaux en fonte ;

- elle n'a pas commis de manquements à ses obligations contractuelles et de conseil relatif aux travaux de déplombage dès lors que cette question ne relevait pas de sa mission mais de celle de la maîtrise d'œuvre ;

- l'office public Grand Dijon Habitat n'a subi aucun préjudice résultant du déplombage des poteaux dès lors que ce déplombage était prévu au stade de l'appel d'offres, qu'il aurait dû être intégré dès l'origine dans le lot " peinture " et qu'en tout état de cause, l'application d'une peinture intumescente nécessitait le décapage du support quel que soit sa nature ;

- l'office public ne démontre pas que l'allongement du chantier serait en lien avec les griefs formulés et ne justifie pas du montant des loyers dont il aurait été privé ;

- aucune pièce ne vient démontrer le prétendu jugement négatif qu'auraient les locataires de leur bailleur, spécifiquement du fait d'un retard " de près d'un mois " dans l'achèvement des travaux, alors que, dans sa globalité, le chantier a connu plus d'un an de retard par rapport aux prévisions initiales sans aucun rapport avec le litige ;

- les manquements qui lui sont imputés devraient en réalité être dirigés principalement contre la maîtrise d'œuvre à laquelle incombait de définir, dès la rédaction des CCTP et sur la base des diagnostics qui lui ont été fournis, parmi lesquels les diagnostics relatifs au plomb, le périmètre, la nature, les modalités des travaux à réaliser ;

- il appartenait également à la maîtrise d'œuvre, au vu des éléments d'information connus en cours de chantier, ou qu'elle aurait dû connaître avant la phase de réalisation, de prévoir les adaptations nécessaires, leur opportunité, leur coût et les modalités d'exécution dans le cadre de ses missions de coordination, de direction ou de contrôle financier du chantier ;

- l'entreprise qui a réalisé les travaux était aussi sachante sur le plan technique et est réputée avoir eu connaissance de toutes les sujétions du chantier avant de remettre son offre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2021, la SARL Chaudonneret et Danon et la SARL Bureau d'études Dijonnais, représentées par la SELARL CAPA, concluent au rejet de l'action en garantie dirigée contre elles et à ce que soit mis à la charge de la société Dekra Industrial le versement à chacune d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Chaudonneret et Danon et la SARL Bureau d'études Dijonnais soutiennent que :

- l'étude et la vérification du traitement des problématiques constructives liées à la sécurité des utilisateurs finaux de la construction, dont le risque d'incendie, est le cœur de la mission de contrôleur technique ;

- la société Dekra Industrial a commis une faute en se bornant à intégrer dans son rapport initial de contrôle technique une partie de la structure, à savoir le troisième niveau, tout en restant silencieuse sur les autres niveaux ;

- il ne peut être reproché à la maîtrise d'œuvre de ne pas avoir pris en compte l'arrêté du 31 janvier 1986 puisque celui-ci n'était pas d'application obligatoire au projet en cause ;

- quand bien même cet arrêté eût été applicable, c'est le contrôleur technique qui a créé le préjudice du requérant en attendant la fin des travaux pour alerter sur la prétendue nécessité du traitement au feu des poteaux situés à tous les étages ;

- la société bureau d'études Dijonnais est intervenue en qualité de bureau d'études structures, sans mission de suivi de chantier, et n'a donc aucune part de responsabilité au titre de l'exécution de la mission DET ;

- la requérante ne démontre pas que les travaux de déplombage ont conduit à un allongement du chantier de près d'un mois ;

- la SARL Chaudonneret et Danon ne s'est pas vue confier de mission OPC (Ordonnancement, Pilotage et Coordination du chantier) dans le cadre de sa mission de maîtrise d'œuvre ;

- la matérialité du préjudice d'image n'est pas démontrée.

Le procédure a été communiquée à la société Allouis qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;

- l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Desseix,

- les conclusions de M. A,

- et les observations de Me De Mesnard, représentant Grand Dijon Habitat, et de Me Loctin, représentant la société Dekra Industrial.

Considérant ce qui suit :

1. En 2015, l'office public de l'habitat Dijon Habitat, devenu Grand Dijon Habitat, a engagé une opération de réhabilitation des locaux de l'ancien internat de l'Ecole des greffes, consistant à les transformer en bâtiment d'habitation collectif de quarante-sept logements sur trois niveaux. Le 2 septembre 2015, la maîtrise d'œuvre du projet a été confiée à un groupement ayant pour mandataire la société Chaudonneret et Danon, architectes. Le 20 janvier 2016, Grand Dijon Habitat a confié le contrôle technique de l'opération à la société Dekra Industrial. En cours de chantier, il est apparu nécessaire de déplomber des poteaux en fonte situés au niveau des espaces de circulation du rez-de-chaussée, R+1 et R+2 avant toute mise en peinture. Cette prestation n'ayant pas été prévue au marché, elle a fait l'objet d'un avenant spécifique et a été confiée à la société Devarennes, sous-traitante de la société Allouis, elle-même titulaire des lots n°6 " Cloisons, doublages, faux-plafonds " et 10 " Peintures, tentures ". En août 2018, la société Dekra Industrial a informé la maîtrise d'ouvrage de la nécessité d'assurer la stabilité au feu des poteaux en fonte situés au rez-de-chaussée et au niveau R+2 du bâtiment. Le 24 septembre 2018, la société Dekra Industrial a préconisé l'application de peinture intumescente ou l'encoffrement des poteaux en fonte afin d'assurer leur stabilité au feu. Estimant avoir subi un préjudice en raison du caractère tardif de cette préconisation, Grand Dijon Habitat a alors vainement demandé à la société Dekra Industrial d'effectuer une déclaration de sinistre ou d'engager une alternative amiable de règlement du sinistre, à raison d'un surcoût de travaux, correspondant aux travaux de déplombage, devenus inutiles, selon elle, compte tenu de la nécessité d'encoffrer ou d'appliquer une peinture intumescente sur les poteaux en fonte, à un retard de fin de chantier d'une durée d'un mois, ayant entrainé une perte de loyer, et à un préjudice d'image vis-à-vis de ses locataires. Grand Dijon Habitat demande au tribunal de condamner la société Dekra Industrial à lui verser la somme de 56 672 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis dans l'exécution du marché.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de la construction et de l'habitation : " Les offices publics de l'habitat sont des établissements publics locaux à caractère industriel et commercial () ". Aux termes de l'article L. 421-26 du même code, dans sa version applicable au présent litige : " Les marchés des offices publics de l'habitat sont régis par les dispositions applicables aux marchés des personnes publiques ou privées soumises aux règles fixées par l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ".

3. Sauf disposition législative contraire, lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement industriel et commercial, les contrats conclus pour les besoins de ses activités relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, à l'exception de ceux comportant des clauses exorbitantes du droit commun ou relevant d'un régime exorbitant du droit commun ainsi que de ceux relatifs à celles de ses activités qui ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique.

4. Le contrat en litige, qui a pour objet la construction, pour le compte de l'office public de l'habitat Grand Dijon Habitat, d'un bâtiment à usage d'habitation, porte ainsi sur l'exécution pour son compte de travaux immobiliers qui, eu égard à leur objet d'intérêt général, lui donnent le caractère d'un marché de travaux publics. Les litiges nés de l'exécution d'un tel contrat relèvent, par suite, de la compétence de la juridiction administrative. La circonstance que la convention de contrôle technique conclue le 20 janvier 2016 entre la société Dekra Industrial et Grand Dijon Habitat ne prévoit aucune clause exorbitante du droit commun et que les conditions générales d'intervention auxquelles elle renvoie visent la norme NF P 03-100, applicable aux contrats de droit privé, est sans incidence sur la nature de ce contrat. Dans ces conditions, l'exception d'incompétence opposée par la société Dekra Industrial doit être écartée.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

5. Grand Dijon Habitat a produit, en cours d'instance, la délibération du 21 octobre 2022 par laquelle son conseil d'administration a autorisé M. C B, en sa qualité de directeur général, à intenter des actions en justice au nom de l'établissement public. La fin de non-recevoir opposée à ce titre par la société Dekra Industrial doit, par suite, être écartée.

Sur la responsabilité de la société Dekra Industrial :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. / Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ". Aux termes de l'article L. 111-39 du même code, alors en vigueur : " Le contrôle technique obligatoire porte sur la solidité des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert et des éléments d'équipement qui font indissociablement corps avec ces ouvrages, ainsi que sur les conditions de sécurité des personnes dans les constructions () ". Aux termes de l'article L. 111-40 de ce code : " Au cours de la phase de conception, le contrôleur technique procède à l'examen critique de l'ensemble des dispositions techniques du projet. / Pendant la période d'exécution des travaux, il s'assure notamment que les vérifications techniques qui incombent à chacun des constructeurs énumérés à l'article 1792-1 (1°) du code civil s'effectuent de manière satisfaisante ". D'autre part, les responsabilités qui incombent au contrôleur technique dépendent des missions qui lui sont contractuellement fixées, indépendamment des modalités selon lesquelles il exerce son contrôle.

7. La société Dekra Industrial s'est vu confier les missions HAND (accessibilité des constructions pour les personnes handicapées), LE (solidité des existants), LP (solidité des ouvrages et éléments d'équipement indissociables et dissociables), PHh (isolation acoustique des bâtiments d'habitation), PV (recollement des procès-verbaux d'essais de fonctionnement des installations), SH (sécurité des personnes bâtiments d'habitation), et Th (isolation thermique et économies d'énergie dans des bâtiments). Au titre de ces missions, il lui appartenait notamment d'évaluer les risques d'incendie.

8. Grand Dijon Habitat soutient que la société Dekra Industrial l'a informée tardivement de l'obligation d'assurer la stabilité au feu des poteaux en fonte situés au rez-de-chaussée et au niveau R+2 du bâtiment et que ce retard constitue un manquement à son devoir de conseil.

9. La société Dekra Industrial tout d'abord fait valoir que, dès lors que la partie du rapport initial de contrôle technique (RICT) du 7 juin 2016 consacré au risque d'incendie indiquait que l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation devait être appliqué, le maître d'œuvre comme les entreprises titulaires des lots ne pouvaient pas ignorer que leurs ouvrages devraient respecter cette règlementation et les exigences relatives à la stabilité au feu des éléments porteurs verticaux, dont font partie les poteaux en fonte des logements et circulations. Toutefois, il résulte de l'analyse du RICT que la partie portant sur les risques d'incendie ne mentionne, s'agissant des éléments porteurs verticaux existants, que les " poteaux mixtes acier-béton du 3ème étage " et ne contient aucune recommandation relative à d'autres éléments porteurs verticaux, et notamment aux poteaux en fonte situés au niveau des espaces de circulation du rez-de-chaussée, R+1 et R+2. Dans ces conditions, la société Dekra Industrial n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait informé la maîtrise d'ouvrage de la nécessité d'assurer la stabilité au feu 1/2 h de l'ensemble des poteaux, y compris ceux en fonte, dès le 7 juin 2016.

10. La société Dekra Industrial fait également valoir que l'obligation d'assurer la stabilité au feu 1/2 h a été rappelée avant la transmission des plans d'exécution, à l'occasion du compte rendu de visite du 5 octobre 2016 en se prévalant de l'avis suspendu qu'elle a alors émis. Certes, la rubrique " Gros œuvre " comporte la mention selon laquelle " la justification de la stabilité au feu SF 1/2h des poteaux mixtes béton-métallique sera à nous détailler pour avis " tandis que la rubrique " Plâtrerie Cloisons " comporte la mention selon laquelle " les éléments suivant nous seront transmis pour avis : PV de résistance au feu des habillages (poteaux, poutres, trémies de désenfumage) ". Toutefois, aucune de ces mentions ne permet de considérer que les poteaux en fonte étaient concernés par l'obligation de stabilité au feu 1/2h dès lors que seuls sont visés, dans la rubrique " Gros œuvre ", les poteaux mixtes acier béton initialement mentionnés dans le RICT tandis que la mention des habillages des poteaux, dans la rubrique " Plâtrerie Cloisons ", ne peut pas être regardée comme faisant référence à des éléments structurels tels que les poteaux en fonte concernés.

11. Il résulte de ce qui précède que Grand Dijon Habitat est fondé à soutenir n'avoir été informé de la nécessité d'assurer la stabilité au feu des poteaux en fonte situés au RDC et R+2 que par deux courriels des 30 et 31 août 2018. En omettant d'informer la maîtrise d'ouvrage, dès son rapport initial, de cette obligation, la société Dekra Industrial a manqué à son devoir de conseil.

Sur les préjudices :

12. En premier lieu, Grand Dijon Habitat soutient qu'elle a exposé des frais pour les travaux de déplombage par décapage chimique des poteaux en fonte situés au RDC et R+2 qui, selon elle, se sont avérés inutiles au motif que, pour assurer la stabilité au feu de ces poteaux, ils ont finalement dû être recouverts de peinture intumescente ou faire l'objet d'un encoffrement. La société Dekra Industrial fait toutefois valoir, sans être sérieusement contredite, que l'application d'une peinture intumescente nécessitait le décapage du support, quelle que soit sa nature, afin d'assurer la tenue de la peinture. Dans ces conditions, seuls les coûts relatifs au déplombage des poteaux en fonte ayant finalement fait l'objet d'un encoffrement peuvent être regardés comme ayant causé un préjudice à Grand Dijon Habitat. Il résulte toutefois de l'avenant n°1 au marché public de travaux conclu avec la société Allouis que seuls les poteaux restant visibles après la réhabilitation ont fait l'objet d'un déplombage par décapage chimique. Il ne résulte pas de l'instruction que tout ou partie des poteaux ayant été décapés dans le cadre de cet avenant auraient finalement fait l'objet d'un encoffrement, rendant de ce fait inutiles les travaux de déplombage. Dans ces conditions, la matérialité du préjudice allégué par Grand Dijon Habitat à ce titre ne peut pas être regardée comme établie.

13. Si Grand Dijon Habitat se prévaut également de la circonstance que le caractère tardif de l'information relative à la stabilité au feu des poteaux en fonte l'a privée de la possibilité de décider de la solution à adopter en considération notamment des dépenses supplémentaires de déplombage en cas d'application d'une peinture intumescente, il ne résulte pas de l'instruction que de telles considérations auraient eu un caractère décisif sur le choix de la méthode retenue pour assurer la stabilité au feu des poteaux en fonte alors qu'existaient des contraintes techniques, notamment relatives à la largeur de circulation, susceptibles de limiter ce choix.

14. En deuxième lieu, Grand Dijon Habitat soutient que la réalisation des travaux de déplombage, qui n'étaient pas initialement prévus dans le calendrier des travaux, a impliqué un allongement de la durée du chantier et, consécutivement, une perte de loyers. Toutefois, l'office public ne produit aucun élément de nature à justifier de l'impact réel de ces travaux sur la durée du chantier. La matérialité de ce préjudice n'étant pas établie, Grand Dijon Habitat n'est pas fondé à demander à être indemnisé à ce titre.

15. En dernier lieu, Grand Dijon Habitat soutient que le retard pris dans l'exécution des travaux lui a causé un préjudice d'image dans la mesure où les locataires n'ont pas pu disposer de leurs logements à la date prévue et portent un jugement négatif sur la capacité de l'office public à respecter ses engagements. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 14 que l'office public n'établit pas le lien entre le retard de livraison et les travaux de déplombage des poteaux en fonte. L'office public requérant ne produit d'ailleurs aucun justificatif permettant d'établir la réalité du préjudice d'image dont il se prévaut. Dans ces conditions, ce chef de préjudice doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Grand Dijon Habitat n'est pas fondé à demander la condamnation de la société Dekra Industrial à réparer les préjudices dont il se prévaut. Ses conclusions à fin de condamnation doivent par suite être rejetées.

Sur les appels en garantie :

17. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires.

18. Aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre société Dekra Industrial, l'action en garantie exercée par cette société vis-à-vis de la société Chaudonneret et Danon, de la société Bureau d'études Dijonnais et de la société Allouis doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

19. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Dekra Industrial, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par Grand Dijon Habitat d'une part, et par les sociétés Chaudonneret et Danon et Bureau d'études Dijonnais d'autre part, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

20. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Grand Dijon Habitat la somme demandée par la société Dekra Industrial au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Grand Dijon Habitat est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Grand Dijon Habitat, à la société Dekra Industrial, à la société Chaudonneret et Danon, à la société Bureau d'études Dijonnais et à la société Allouis.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Boissy, président,

- Mme Desseix, première conseillère,

- Mme Bois, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2023.

La rapporteure,

M. DesseixLe président,

L. BoissyLa greffière,

E. Herique

La République mande et ordonne au préfet de la Côte-d'Or, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

Le greffier