TA de Poitiers, 06 novembre 2023, n° 2102280
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 septembre 2021 et le 4 octobre 2023, la SARL Atelier Chaneac architecture, représentée par Me Laurent, demande au tribunal :
1°) d'annuler le titre de recettes émis à son encontre le 2 juillet 2021 par la commune d'Angoulême pour un montant de 18 874,40 euros au titre des pénalités de retard dans l'exécution d'un marché de maitrise d'œuvre pour l'aménagement d'équipements sportifs ;
2°) de mettre à la charge de la commune d'Angoulême la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-les pénalités au titre du retard dans les réponses aux remarques du contrôleur technique sur les problèmes d'accessibilités ne sont pas fondées dès lors que ledit retard résulte exclusivement des absences du contrôleur technique aux réunions organisées par le maitre d'œuvre ou le maitre d'ouvrage, et de l'absence de réponse aux avis demandés par la maitrise d'œuvre ;
-les pénalités au titre du retard dans la validation de la solution technique pour résoudre les problèmes de légionnelle des vestiaires ne sont pas fondées dès lors que le contrôleur technique n'a jamais fait mention d'une prétendue non-conformité à ce titre ;
- les pénalités au titre du retard dans la transmission des documents Exe 8 de la société Art Dan ne pouvaient commencer à courir qu'à compter de la réception de la mise en demeure, en vertu de l'article 7.9 du CCAP, soit le 17 février 2021 ;
- les pénalités au titre du retard dans la transmission du rapport de visite et de l'Exe 8 pour les levées de réserves de ATEMCO ne sont pas fondées dès lors que ces documents ont été fournis dans les délais ;
-les pénalités de retard au titre des omissions de travaux ne sont pas fondées dès lors qu'il s'agit de travaux additionnels et qu'en tout état de cause, de telles pénalités ne devaient pas s'appliquer en dessous d'un certain seuil, en vertu de l'article 8 du CCAP.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2022 et un mémoire non communiqué enregistré le 13 octobre 2023, la commune d'Angoulême, représentée par la SELAS Elige Bordeaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SARL Atelier Chaneac architecture au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-la requête est irrecevable en l'absence de mémoire en réclamation préalable ;
-aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Thévenet-Bréchot,
- les conclusions de Mme Bréjeon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Grossin-Bugat, représentant la commune d'Angoulême.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 25 février 2019, la commune d'Angoulême a confié au groupement Atelier Chaneac architecture / Even BTP / Anne Moreau Architecte DPLG / E3F Ingénierie, le marché de maitrise d'œuvre pour la réalisation d'un terrain de football de 4ème catégorie. Les travaux ont été réceptionnés entre le 29 mai et le 12 août 2020 avec des réserves pour plusieurs lots. Par un courrier du 18 janvier 2021, la commune d'Angoulême a enjoint à la société Atelier Chaneac d'achever le chantier sous 2 semaines. Par un courrier du 26 mars 2021, la commune d'Angoulême a informé la société qu'elle appliquerait les pénalités de retard prévues par l'article 7.7 du CCAP. Le 11 juin 2021, la commune d'Angoulême a, d'une part, notifié à la société Atelier Chaneac une décision de résiliation du marché pour faute et, d'autre part, notifié le décompte des pénalités de retard qui lui seront appliquées, d'un montant de 18 874,40 euros. Par la présente requête, la société Atelier Chaneac demande au tribunal d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 2 juillet 2021 d'un montant de 18 874,40 euros.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " () L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. () ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles (CCAG - PI) dans sa version issue de l'arrêté du 16 septembre 2009 : " () Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation. "
4. La contestation contentieuse d'un titre exécutoire en vue du recouvrement d'une créance née de l'exécution d'un marché, dont la recevabilité est régie par les dispositions précitées de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, n'est pas subordonnée au respect de la procédure prévue par l'article 37 du CCAG - PI.
5. Il résulte de l'instruction que le différend entre la commune d'Angoulême et la SARL Atelier Chaneac n'est pas né avec l'émission du titre exécutoire du 2 juillet 2021, mais avec la lettre du 26 mars 2021 par laquelle la commune d'Angoulême a informé la société qu'elle appliquerait des pénalités de retard prévues par l'article 7.7 du CCAP, ou au plus tard avec la lettre du 11 juin 2021 par laquelle la commune d'Angoulême a notifié à la requérante l'application d'une pénalité de retard de 18 874,40 euros. La société Atelier Chaneac devait donc, en application des stipulations de l'article 37 du CCAG PI, présenter un mémoire en réclamation dans le délai de deux mois suivant cette notification. Or, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait présenté un tel mémoire en réclamation. La circonstance que la société Atelier Chaneac n'ait pas respecté cette procédure de recours préalable obligatoire n'est pas de nature à rendre irrecevable son recours contre le titre exécutoire attaqué, mais seulement à établir le bien-fondé de la créance dont se prévaut la commune d'Angoulême, c'est-à-dire à établir son caractère certain, liquide et exigible, faute pour le titulaire du marché de l'avoir contestée en temps voulu et selon la procédure prévue.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Atelier Chaneac n'est pas fondée à demander l'annulation du titre exécutoire d'un montant de 18 874,40 euros émis à son encontre le 2 juillet 2021 par la commune d'Angoulême. Ses conclusions présentées à ce titre doivent par conséquent être rejetées, de même que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Atelier Chaneac une somme de 1 300 euros à verser à la commune d'Angoulême, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Atelier Chaneac est rejetée.
Article 2 : La société Atelier Chaneac versera à la commune d'Angoulême une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Atelier Chaneac architecture et à la commune d'Angoulême.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Cristille, président,
Mme Thèvenet-Bréchot, première conseillère,
Mme Gibson-Théry, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé
A. THEVENET-BRECHOTLe président,
Signé
P. CRISTILLE
La greffière,
Signé
N. COLLET
La République mande et ordonne à la préfète de la Charente en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour le greffier en chef,
La greffière,
N. COLLET