TA Montpellier, 26/01/2023, n°2200347

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 janvier 2022, et des mémoires complémentaires enregistrés le 22 avril 2022 et le 1er juillet 2022, la société SUNZIL Océan Indien, représentée par Me Cheval, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ou à défaut résilier le marché public de travaux conclu le 23 novembre 2021 entre le centre de coopération international en recherche agronomique (CIRAD) et l'attributaire ;

2°) de condamner le CIRAD à l'indemniser du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge du CIRAD la somme de 5 000 euros en application de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir contre le contrat ;

- les certificats de qualification exigés par le CIRAD sont injustifiés en l'absence de lien avec l'objet du marché ; ce moyen est opérant, l'absence des certificats ayant entraîné l'irrecevabilité de la candidature ;

- la candidature de l'attributaire du marché est également irrégulière faute de prouver la production des deux certificats de qualification exigés ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2022, le centre de coopération international en recherche agronomique (CIRAD), représenté par Me Gaspar, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société SUNZIL la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 19 novembre 2022, présenté par la société Sunzil, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- l'arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président-rapporteur ;

- les conclusions de Mme Moynier, rapporteure publique ;

- les observations de Me Cheval, représentant la société SUNZIL ;

- et les observations de Me Gaspar, représentant le CIRAD.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis de marché de juillet 2021, le CIRAD a lancé une procédure adaptée ouverte pour l'attribution d'un marché public de travaux ayant pour objet l'installation de panneaux photovoltaïques en autoconsommation sur des bâtiments du CIRAD Réunion et de ses partenaires accueillis sur la commune de Saint-Pierre à la Réunion. Conformément à l'article 5.1 du règlement de la consultation, relatif au dossier de candidature, les candidats devaient notamment produire deux certificats de qualification. La société SUNZIL a remis sa candidature ainsi que son offre par voie électronique dans le délai imparti. Par un message électronique du 1er octobre 2021, le CIRAD a informé la société SUNZIL que son dossier de candidature était incomplet en l'absence des deux certificats susmentionnés et qu'en l'absence de production avant le 5 octobre 2021, sa candidature serait déclarée non-admissible. Le 17 novembre 2021, le CIRAD l'a informée du rejet de sa candidature, déclarée irrecevable en raison de l'absence desdits certificats. Le marché a été signé le 23 novembre 2021. Par la présente requête, la société SUNZIL demande d'annuler, ou à tout le moins résilier, le marché public de travaux conclu le 23 novembre 2021 et de condamner le CIRAD à l'indemniser du préjudice subi des suites de son éviction.

Sur les conclusions tendant à contester la validité du contrat :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

3. Aux termes de l'article R. 2143-11 du code de la commande publique : " Pour vérifier que les candidats satisfont aux conditions de participation à la procédure, l'acheteur peut exiger la production des renseignements et documents dont la liste figure dans un arrêté annexé au présent code. " Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 22 mars 2019 pris en application de l'article précité : " I - Dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités techniques et professionnelles des candidats, l'acheteur peut exiger un ou plusieurs renseignements ou documents figurant dans la liste ci-dessous. Pour les marchés publics autres que de défense ou de sécurité, cette liste est limitative. () 12° Des certificats de qualification professionnelle établis par des organismes indépendants. Dans ce cas, l'acheteur accepte tout moyen de preuve équivalent ainsi que les certificats équivalents d'organismes établis dans d'autres Etats membres. " L'article 5.1 du règlement de la consultation applicable à la procédure litigieuse exigeait des candidats qu'ils produisent deux certificats de qualification professionnelle " Courant forts : QUALIFELEC MGTI classe 2 (4 à 8 exécutants et mention ET (études et conception) " et " Photovoltaïque : QUALIFELEC SPV classe 2 (4 à 8 exécutants et RGE) ". Le même article précisait que, pour le certificat QUALIFELEC MGTI, la preuve de la capacité du candidat pourrait être apportée par tout moyen, et qu'à défaut de qualification de ce niveau, l'entreprise devrait fournir " des références d'opération d'importance et de technicité équivalente datant de moins de 3 ans ". Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres. L'administration ne peut en conséquence attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement.

4. Il résulte de l'instruction que les certifications exigées sont bien en lien avec l'objet du marché portant sur des travaux concernant des bâtiments accueillant du public de taille importante et des activités de recherche nécessitant une maîtrise des courants électriques forts et la conception et pose de panneaux voltaïques de puissance élevée. Il en résulte que le CIRAD pouvait à bon droit exiger lesdits certificats ou, en vertu des dispositions citées au point précédent, des certificats équivalents. Or, il n'est pas contesté que la société SUNZIL n'a pas produit les deux certificats, ni adressé de certificats équivalents, ce malgré la procédure de régularisation mise en œuvre par le CIRAD. Dès lors, ce dernier n'a commis aucun manquement à ses obligations de mise en concurrence et de publicité en déclarant irrecevable la candidature de la société SUNZIL. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que sa candidature n'aurait pas dû être rejetée comme irrégulière en ce que les certifications exigées étaient dépourvues de lien avec l'objet du marché. Ce moyen ne peut qu'être écarté.

5. Si la société SUNZIL expose que la candidature de la société attributaire aurait dû être écartée comme incomplète, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 1er octobre 2021, les certificats de qualification exigés ont été produits par le sous-traitant de la société attributaire. Le moyen ne peut donc qu'être écarté en tout état de cause.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requérante tendant à l'annulation, ou à défaut, la résiliation du marché litigieux, doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de production desdits certificats ou de toute référence, la société SUNZIL n'est pas fondée à se prévaloir de ce qu'elle avait des chances sérieuses de remporter le marché, les conclusions à fin d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CIRAD, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société SUNZIL non compris dans les dépens. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la société SUNZIL la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de la société SUNZIL est rejetée.

Article 2 : La société SUNZIL versera au CIRAD la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société SUNZIL et au CIRAD.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président,

Mme Bayada, première conseillère,

Mme Gavalda, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

Le président-rapporteur,

JP. Gayrard

L'assesseure la plus ancienne,

A. Bayada

La greffière,

B. Flaesch

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 26 janvier 2023.

La greffière,

B. Flaesch

N°2200347

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