TA Nantes, 16/11/2022, n°2000707

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 janvier 2020 et 5 janvier 2021, la société Construction Métallique du Bocage (CMB), représentée par la SELAS Acty, demande au tribunal :

1°) de condamner la commune des Epesses à lui verser une somme de 30 966,85 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2019 au titre du solde du marché conclu avec la commune des Epesses pour la restructuration et l'extension de la salle de sport de ladite commune (lot n° 3-charpente et bardage) ;

2°) de mettre à la charge de la commune des Epesses une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application de l'article 5.3 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux, aucun retard ne peut lui être imputé dans l'exécution de ses prestations, dès lors qu'aucun retard n'a été inscrit dans les procès-verbaux des rendez-vous de coordination ;

- elle a droit à ce que la somme de 30 966,85 euros retenue sur le solde du marché au titre de pénalités de retard lui soit versée par la commune.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 juillet 2020 et 26 janvier 2021, la commune des Epesses, représentée par Me Tertrais, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société CMB au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, dès lors que le décompte général du marché litigieux est devenu définitif ;

- la requête est irrecevable, dès lors que la société CMB n'a pas formé sa réclamation dans les conditions prévues à l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché litigieux ;

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A,

- les conclusions de M. Dias, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tertrais, avocat de la commune des Epesses.

Considérant ce qui suit :

1. Par d'acte d'engagement signé le 30 janvier 2017, la commune des Epesses a confié à la société Construction Métallerie du Bocage (CMB) le lot n° 3 charpente-bardage pour la réalisation de travaux de restructuration et d'extension de sa salle de sports pour un montant de

377 011,43 euros HT. La durée des travaux a été fixée à douze mois à compter du 3 février 2017, date de l'ordre de service n° 1. La réception des travaux a été prononcée avec réserves le

15 janvier 2018. Les réserves ont été levées le 1er mars 2019. Par courrier du 15 mai 2019, notifié à la société CMB le 16 mai suivant, le projet de décompte général a été envoyé par la société DGA Architectes et Associés, maître d'œuvre. Par courrier du 11 juin 2019 adressé à la maitrise d'œuvre et à la commune, la société CMB a présenté un mémoire en réclamation à l'encontre du projet de décompte général. Par courrier du 26 juin 2019 notifié à la société CMB le 1er juillet suivant, le maître d'œuvre a rejeté la réclamation de la société CMB et lui a transmis un projet de décompte modifié, rectifiant une erreur matérielle correspondant au nombre de jours de retard retenus porté de 45 jours à 82 jours, lequel fait état de la somme inchangée de 30 914,82 euros retenue au débit du solde au titre de pénalités de retards. Par courrier du 2 juillet 2019 adressé à la maîtrise d'œuvre et à la commune, la société CMB a contesté ce dernier décompte. Par courrier du 3 octobre 2019, la société CMB a adressé à la commune une demande indemnitaire préalable tendant au paiement de la somme de 30 966,85 euros. Par sa requête, la société CMB doit être regardée comme demandant au tribunal de réintégrer à son crédit la somme de 30 966,85 euros dans le décompte général du marché litigieux et d'arrêté le solde de ce marché.

Sur la recevabilité des conclusions de la société CMB :

2. Aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction approuvée par l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié par l'arrêté du 3 mars 2014, applicable au marché en litige : " () 13.3.1. Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. / Le projet de décompte final est établi à partir des prix initiaux du marché, comme les projets de décomptes mensuels, et comporte les mêmes parties que ceux-ci, à l'exception des approvisionnements et des avances. Ce projet est accompagné des éléments et pièces mentionnés à l'article 13.1.7 s'ils n'ont pas été précédemment fournis. / Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final. / Dans le projet de décompte final, le titulaire doit récapituler les réserves qu'il a émises et qui n'ont pas été levées, sous peine de les voir abandonnées. / 13.3.2. Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. / Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. / S'il est fait application des dispositions de l'article 41.6, la date de notification de la décision de réception des travaux est la date retenue comme point de départ des délais ci-dessus. / 13.3.3. Le maître d'œuvre accepte ou rectifie le projet de décompte final établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte final. / En cas de rectification du projet de décompte final, le paiement est effectué sur la base provisoire des sommes admises par le maître d'œuvre. / 13.3.4. En cas de retard dans la transmission du projet de décompte final et après mise en demeure restée sans effet, le maître d'œuvre établit d'office le décompte final aux frais du titulaire. Ce décompte final est alors notifié au titulaire avec le décompte général tel que défini à l'article 13.4 ; / 13.4. Décompte général. - Solde : / 13.4.1. Le maître d'œuvre établit le projet de décompte général, qui comprend : / - le décompte final ; / - l'état du solde, établi à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; / - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. / Le montant du projet de décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. / Le maître d'œuvre transmet le projet de décompte général au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai compatible avec les délais de l'article 13.4.2. / 13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. / Si, lors de l'établissement du décompte général, les valeurs finales des index de référence ne sont pas connues, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire la révision de prix afférente au solde dans les dix jours qui suivent leur publication. La date de cette notification constitue le point de départ du délai de paiement des sommes restant dues après révision définitive des prix. / Lorsque les sommes dues au titulaire n'ont pas été payées à l'échéance du délai de paiement, celui-ci a droit à des intérêts moratoires dans les conditions prévues par le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. / 13.4.3. Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. La date de sa notification au pouvoir adjudicateur constitue le départ du délai de paiement. / Ce décompte lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les montants des révisions de prix et des intérêts moratoires afférents au solde. / En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le représentant du pouvoir adjudicateur règle, dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la notification du décompte général assorti des réserves émises par le titulaire ou de la date de réception des motifs pour lesquels le titulaire refuse de signer, les sommes admises dans le décompte final. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire. / Ce désaccord est réglé dans les conditions mentionnées à l'article 50 du présent CCAG. / Si les réserves sont partielles, le titulaire est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte général sur lesquels ses réserves ne portent pas. ". Aux termes de l'article 50 du même cahier : " 50.1. Mémoire en réclamation : /50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. /Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. () ".

3. Il résulte de ces stipulations que le titulaire du marché doit dresser un projet de décompte final après l'achèvement des travaux, lequel projet doit être remis au maître d'œuvre dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de réception des travaux. S'il ne se conforme pas à cette obligation, et après mise en demeure restée sans effet, le décompte final peut être établi d'office par le maître d'œuvre. Il appartient ensuite au maître d'ouvrage d'établir, à partir de ce décompte final et des autres documents financiers du marché, un décompte général et de le notifier au titulaire du marché. Si celui-ci n'a pas renvoyé ce décompte général dans les trente jours, en exposant le cas échéant les motifs de son refus, ce décompte général est réputé accepté par lui et devient le décompte général et définitif du marché.

4. Ainsi qu'il a été au point 1, le projet de décompte général a été adressé par le maître d'œuvre à la société CMB par courrier du 15 mai 2019. Par courrier du 11 juin 2019, la société CMB a formé un mémoire en réclamation. En réponse à cette réclamation, le maître d'œuvre a notifié à la société CMB un nouveau décompte général modifié, le 1er juillet 2019, d'un même montant, accompagné toutefois d'un courrier précisant que le montant des pénalités correspondait non pas à 45 mais 82 jours de retard, et que le décompte général pouvait être contesté dans le délai de 30 jours prévu à l'article 13.4.3 du cahier des clauses administratives générales applicable. Si la société CMB a manifesté son désaccord à ce décompte par courrier du 2 juillet 2019, celui-ci n'indique pas le montant des sommes dont le paiement est demandé ni d'autre part, les motifs de sa demande, notamment les bases de calcul des sommes réclamées, et ne fait pas référence à une réclamation antérieure de la société CMB et ne pouvait, dès lors, être regardé comme un mémoire en réclamation au sens du 1.1 de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable. Dans ces conditions, le décompte général du marché est devenu définitif le

31 juillet 2019. Par suite, la commune des Epesses est fondée à soutenir que la requête de la société CMB, enregistrée le 17 janvier 2020, est irrecevable.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune des Epesses, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande la société CMB au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société CMB une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune des Epesses et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société CMB est rejetée.

Article 2 : La société CMB versera à la commune des Epesses une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la sociétés Construction Métallique du Bocage (CMB) et à la commune des Epesses.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Loirat, présidente,

M. Gauthier, premier conseiller,

M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2022

Le rapporteur,

P-E. A

La présidente,

C. LOIRAT

La greffière,

P. LABOUREL

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière