TA Nîmes, 15/12/2022, n°2000259

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 janvier 2020, le 22 juillet 2021 et le 25 février 2022, la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Méditerranée (ci-après Groupama Méditerranée), représentée par la SCP Verbateam Montpellier, demande au tribunal :

1°) de condamner solidairement la communauté de communes du Pont-du-Gard, la société Faustine B et M. C A à lui verser la somme de 101 377,35 euros toutes taxes comprises (TTC) euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2019 et de leur capitalisation, en réparation des frais qu'elle a avancés à la commune de Saint-Bonnet-du-Gard pour la reprise des désordres affectant le lavoir et la fontaine de la commune ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la communauté de communes du Pont-du-Gard, de la société Faustine B et de M. C A les entiers dépens de l'instance ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la communauté de communes du Pont-du-Gard, de la société Faustine B et de M. C A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a indemnisé la commune de Saint-Bonnet-du-Gard à hauteur de la somme de 101 377,35 euros TTC en sa qualité d'assureur-dommage et elle est par conséquent subrogée dans les droits de la commune ;

- les désordres affectant le lavoir et la fontaine de la commune, constatés par l'expert, rendent les ouvrages impropres à leur destination et relèvent du champ d'application de la garantie décennale ;

- la maîtrise d'œuvre est responsable, sur le fondement de la garantie décennale, d'un défaut de conception à l'origine des désordres affectant le lavoir et la fontaine dès lors qu'elle n'a pas réalisé, en cours d'étude de projet, d'étude dynamique de l'ouvrage qui aurait permis de quantifier les efforts que devait supporter la structure sous les effets du vent et des surcharges exceptionnelles ;

- la responsabilité contractuelle de la communauté de communes du Pont-du-Gard, maître d'ouvrage délégué, est engagée en raison d'une faute dans la définition des conditions techniques et d'exécution de l'ouvrage tenant au choix initial d'une couverture en zinc ;

- les préjudices qu'elle a subis doivent être évalués à la somme totale de 101 377,35 euros qu'elle a intégralement versée à la commune de Saint-Bonnet-du-Gard.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 mars 2020, 25 août 2020, 8 juillet 2021, 8 novembre 2021, 25 février 2022 et 7 mars 2022, la société Faustine B et M. C A, représentés par la SCP Albertini Alexandre et L'Hostis, concluent dans le dernier état de leurs écritures :

1°) au rejet de la requête en tant qu'elle porte sur la somme de 101 377,35 euros et demandent que leur responsabilité soit limitée à la somme de 50 688,68 euros ou au montant qui sera défini par le tribunal, déduction faite de la quote-part de responsabilité imputable à la maîtrise d'ouvrage déléguée ;

2°) à défaut de condamner la communauté de communes du Pont-du-Gard à les garantir à hauteur de la moitié du montant des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ou de la part de responsabilité que le tribunal définira, y compris au titre des frais et dépens ;

3°) de fixer les parts de responsabilité de chacun des intervenants a minima de la façon suivante : communauté du Pont-du-Gard : 50%, société SOP 34 : 30%, société Serge Rousselet : 15% ;

4°) de condamner les sociétés SOP 34 et Serge Rousselet à les garantir respectivement à hauteur de 30% et 15% de toute condamnation qui pourrait être prononcée leur encontre, y compris au titre des frais et dépens ;

5°) de dire le jugement commun à la société SMABTP en sa qualité d'assureur de la société SOP 34 et à la société GAN Assurances en sa qualité d'assureur de la société Serge Rousselet ;

6°) de débouter les sociétés GAN Assurance, SOP 34 et SMABTP des demandes formées à leur encontre ;

7°) de mettre à la charge de toute société succombante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en qualité d'assureur subrogé dans les droits et actions de son assurée, la société requérante ne saurait prétendre obtenir leur condamnation à l'indemniser de la faute caractérisée commise par la commune de Saint-Bonnet-du-Gard, agissant par la communauté de communes du Pont-du-Gard, son mandataire, et évaluée par l'expert à 50% dans l'origine des désordres et non à 40% ; par ailleurs, la maîtrise d'ouvrage, alors même qu'elle a défini l'ampleur et la nature des travaux à réaliser, s'est abstenue de recourir à un bureau de contrôle technique ;

- la responsabilité de la communauté de communes du Pont-du-Gard est engagée, dès lors qu'elle s'étend à la poursuite de l'élaboration du programme qu'elle a immédiatement entériné ; les fautes du maître d'ouvrage délégué sont de nature à atténuer leur responsabilité ;

- ils n'ont pas commis de faute dans l'exercice de la mission qui leur a été confiée par le maître d'ouvrage, limitée à la maîtrise d'œuvre dès l'étude d'avant-projet sommaire pour la réalisation exclusive de la couverture ; ils ne disposent pas des compétences d'un bureau d'étude technique, leurs compétences se limitant à l'établissement de plans architecturaux de principes en phase projet ; ils ont été missionnés à partir de la phase avant-projet définitif, soit après la réalisation des premières phases de conception par la communauté de communes sans que le maître d'ouvrage ait préalablement missionné un bureau d'étude ;

- si l'architecte porte éventuellement une part de responsabilité pour ne pas avoir rappelé au maître d'ouvrage la nécessité de faire intervenir un bureau d'étude structure pour vérifier la structure des piliers existants et avoir accepté d'intervenir dans ces conditions, une telle responsabilité ne peut occulter celle des entreprises en charge de la réalisation des travaux ;

- la faute commise par la société SOP 34, qui n'a pas réalisé de note de calcul sur la couverture de l'ouvrage, a nécessairement concouru au désordre ;

- les fautes commises par la société Serge Rousselet, qui n'a pas réalisé de note de calcul sur la solidité des piliers de l'ouvrage, à défaut, n'a pas alerté le maître d'ouvrage sur l'absence de vérification de la structure par un BET structure et a réalisé des travaux inadaptés, a nécessairement concouru au désordre ;

- la part de responsabilité du maître d'ouvrage dans l'apparition des désordres doit être fixée a mimima à 50%, celle de la société SOP 34 à 30%, celle de la société Serge Rousselet à 15% et la leur à 5%.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juin 2021, 14 septembre 2021 et 25 janvier 2022, la communauté de communes du Pont-du-Gard, représentée par la SELARL Maillot Avocats et Associés, conclut, à titre principal, au rejet de l'ensemble des conclusions dirigées à son encontre, à la condamnation des constructeurs et intervenants à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, à ce que les dépens de l'instance soient mis à la charge des parties perdantes et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de ces dernières au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le défaut de conception relevé par l'expert ne saurait lui être imputé ; les choix du mode de restauration de l'ouvrage, en particulier l'allégement de la couverture à la suite du remplacement des ardoises amiantées par du zinc, sont antérieurs à son intervention ; la maîtrise d'œuvre ne l'a pas alerté sur le défaut de conception originel du programme de travaux pré-validé par la commune ; si son conseil communautaire a validé le programme de restauration dont il s'agit, cette validation n'est intervenue qu'après celle de la commune ;

- elle n'a commis aucune faute dès lors que sa responsabilité en tant que maître d'ouvrage délégué ne peut être recherchée qu'en ce qui concerne la conclusion des marchés publics ayant pour objet les études et l'exécution des travaux de l'opération ;

- aucune carence fautive tenant à l'absence de recours à une mission de contrôle technique ne peut lui être imputée ; la restauration du lavoir et de la fontaine ne relevait pas du champ d'application du contrôle technique obligatoire prévu à l'article L.111-23 du code de la construction et de l'habitation ; elle n'a assuré que la conclusion des marchés publics ayant pour objet les études et l'exécution de l'opération au titre des attributions du maître d'ouvrage ;

- c'est à tort que sa responsabilité est recherchée à raison des modalités d'attribution des éléments de conception et d'assistance à la maîtrise d'œuvre ;

- la responsabilité de la maîtrise d'œuvre ne peut qu'être engagée dès lors qu'elle s'est abstenue d'attirer son attention dès le stade des études de projet sur le défaut de conception originel du programme de travaux validé par la commune et, en cours de chantier, à la suite du signalement de la société SOP 34 concernant la solidité des piliers ;

- le partage de responsabilité retenu par l'expert est, en ce qui la concerne, erroné en droit et en fait dès lors qu'il retient sa responsabilité pour des faits qui ne lui sont pas imputables et qui ne sont pas fautifs.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet et 24 septembre 2020 et les 11 janvier, 15 février et 29 mars 2022, la société GAN Assurances, représentée par Me Boudailliez, conclut au rejet des conclusions formulées par la société Faustine B et M. C A à son encontre et des conclusions portées par la société SOP 34 et la SMABTP à l'encontre de la société Serge Rousselet, de dire que le désistement de Mme D B et M. C A est accepté et parfait et de mettre à la charge solidaire de la société Faustine B, de M. C A, de la SOP 34 et de la SMABTP la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge administratif est incompétent pour statuer sur les conclusions d'appel en garantie formulées à son encontre ;

- les conclusions formulées à l'encontre de la société Serge Rousselet sont irrecevables faute de représentant légal de cette société radiée du registre du commerce et de l'industrie suite au jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 11 septembre 2019 prononçant la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs ; en tout état de cause le maître d'œuvre s'est désisté de sa demande présentée à l'encontre de cette société en cours d'instance ;

- le rapport de l'expert n'est pas opposable à la société Serge Rousselet qui n'a pas participé aux opérations d'expertises ;

- la société Serge Rousselet, qui est intervenue hors marché et sur la demande du maître d'œuvre aux fins de reprise du joint et d'un brochage ensembles des bases colonnes postérieurement à la réception des travaux, ne peut être considérée comme un constructeur ;

- la responsabilité de la société Serge Rousselet, qui a été écartée par le rapport d'expertise, ne peut être engagée ;

- le maître d'œuvre s'est désisté des conclusions présentées à son encontre ; ce désistement devra être constaté par le tribunal.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 janvier 2022 et 14 février 2022, la société SOP 34 et la SMABTP, représentées par ELEOM Avocats, intervenant par la SCP Monceaux-Favre et Thierrens-Barnouin-Thevenot-Vrignaud, concluent, à titre principal, au rejet de toute demande formulée à l'encontre de la société SOP 34, à titre subsidiaire, à la limitation des prétentions indemnitaires de la requérante à la somme de 50 688,68 euros tenant à la part de responsabilité de la communauté de communes du Pont-du-Gard dans la réalisation du sinistre, de condamner la communauté de communes du Pont-du-Gard, la société Faustine B et M. C A à garantir la société SOP 34 de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, de constater le désistement de la société Faustine B et M. C A à l'encontre de la SMABTP et de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune responsabilité de la société SOP 34, qui s'est conformée au CCTP de son lot tel qu'établi par le maître d'œuvre, n'est engagée ;

- la responsabilité de la communauté de communes à concurrence de 50% dans la survenance du dommage doit être retenue ;

- la responsabilité du maître d'œuvre pour manquement à son obligation de conseil doit être retenue, dès lors qu'il s'est vu attribuer une mission complète.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office tirés de :

- l'impossibilité pour l'assureur de la commune de Saint-Bonnet-du-Gard, maître d'ouvrage, de rechercher la responsabilité contractuelle de la communauté de communes du Pont-du-Gard maître d'ouvrage délégué, en raison d'une faute dans la définition des conditions techniques et d'exécution de l'ouvrage tenant au choix initial d'une couverture en zinc, compte tenu de la réception définitive des travaux, intervenue sans réserve le 14 octobre 2011, valant quitus pour le maître d'ouvrage délégué en ce qui concerne ses attributions se rattachant à la réalisation de l'ouvrage (CE 8 février 2010, Région Ile-de-France, n° 304812, en B) ;

- de ce que les conclusions d'appel en garantie présentées par la société B et M. A contre la communauté de communes du Pont-du-Gard sont mal dirigées, les constructeurs ne pouvant rechercher la responsabilité du mandataire du maître d'ouvrage en raison de fautes dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées par le maître d'ouvrage (CE 26 septembre 2016, Société Dumez Ile-de-France, n° 390515).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'ordonnance prescrivant une expertise à la demande de la commune de Saint-Bonnet-du-Gard et désignant comme expert M. F ;

- le rapport de l'expert, déposé le 11 janvier 2018 ;

- l'ordonnance en date du 27 février 2018 par laquelle le président du tribunal a liquidé et taxé les honoraires et frais d'expertise à la somme de 4 476,12 toutes taxes comprises (TTC) ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- les observations de Me Rémy, représentant la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Méditerranée, de Me Castagnino, représentant la communauté de communes du Pont-du-Gard, Me Ponce-Cheinet, représentant la société Faustine B et M. C A, de Me Roussel représentant la société GAN Assurances, et de Me Vrignault, représentant les sociétés SOP 34 et SMABTP.

Une note en délibéré, enregistrée le 24 novembre 2022, a été produite pour la société Faustine B et M. C A.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 17 avril 2009, le conseil municipal de la commune de Saint-Bonnet-du-Gard a validé le Plan "Patrimoine Restauration" du lavoir et de la fontaine

de la commune, proposé par le conseil Général du Gard, intervenant en qualité de maître d'ouvrage délégué, pour un montant de travaux de 32 315 euros hors taxe (HT). La communauté de communes du Pont-du-Gard est intervenue, dans le cadre de sa compétence en matière de patrimoine, en qualité de maitre d'ouvrage délégué de l'opération. Sur la base d'un diagnostic et d'un programme de travaux établis par le département du Gard, la maîtrise d'œuvre a été confiée à la société B et à M. A. La société Reis Oliveira Construction s'est vue attribuer lot n°1 "du lot gros œuvre", la société Serge Rousselet, assurée auprès de la société GAN Assurances, le lot n°2 "taille de pierre", et la société SOP 34, assurée auprès de la SMABTP, le lot n°3 " charpente métallique, couverture, zinguerie ". La réception des travaux est intervenue avec réserves courant 2011 et les réserves ont été levées le 14 octobre 2011. Lors d'un épisode venteux du 16 janvier 2015, le chapiteau du lavoir a été emporté et s'est écroulé sur les piliers la soutenant, provoquant l'effondrement de l'ouvrage.

2. Sur requête de la commune de Saint-Bonnet-du-Gard et par une ordonnance du 13 janvier 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a désigné M. F en qualité d'expert, qui a déposé son rapport le 11 janvier 2018. En sa qualité d'assureur de la commune de Saint-Bonnet-du-Gard, la société Groupama Méditerranée est intervenue au titre de la garantie dommage à hauteur de 101 377, 35 euros. Par une réclamation du 25 septembre 2019, la société Groupama Méditerranée a sollicité la somme de 42 662,01 euros auprès de la communauté de communes du Pont-du-Gard. Parallèlement une demande de règlement a été adressée au groupement d'architectes pour la part lui revenant. En l'absence de réponse, une nouvelle demande a été adressée à la communauté de communes le 26 décembre 2019. Par la présente requête, la société Groupama Méditerranée, subrogée dans les droits du maître d'ouvrage, demande au tribunal de condamner solidairement la communauté de communes du Pont-du-Gard, la société Faustine B et M. C A à lui verser la somme de 101 377,35 euros en réparation du préjudice correspondant aux frais qu'elle a versés à la commune de Saint-Bonnet-du-Gard.

Sur les interventions volontaires des sociétés Gan Assurances et SMABTP :

3. Dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui peuvent se prévaloir d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier. Ainsi, l'assureur d'un constructeur dont la responsabilité est recherchée ne peut être regardé comme pouvant, dans le cadre d'un litige relatif à l'engagement de cette responsabilité, se prévaloir d'un droit de cette nature. Par suite, les interventions volontaires des sociétés GAN Assurances et SMABTP, qui ne sont ni constructeur ni intervenant dans la réalisation de l'ouvrage dont il s'agit, ne sont pas admises.

Sur la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage délégué :

4. La délivrance du quitus au maître d'ouvrage délégué fait obstacle à ce que la responsabilité de celui-ci envers le maître de l'ouvrage puisse être recherchée, sauf dans l'hypothèse où il aurait eu un comportement fautif qui, par sa nature ou sa gravité, serait assimilable à une fraude ou un dol. En l'absence toutefois de stipulation contraire de la convention de mandat, si la réception de l'ouvrage vaut quitus pour le maître d'ouvrage délégué en ce qui concerne ses attributions se rattachant à la réalisation de l'ouvrage, elle demeure en revanche sans effet en ce qui concerne ses attributions relatives aux droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché.

5. En l'espèce, la réception sans réserve de l'ouvrage a été prononcée par un procès-verbal du 14 octobre 2011. Par suite, l'assureur de la commune de Saint-Bonnet-du-Gard, maître d'ouvrage, n'est plus fondé à rechercher la responsabilité contractuelle de la communauté de communes du Pont-du-Gard, maître d'ouvrage délégué, en raison d'une faute dans la définition des conditions techniques et d'exécution de l'ouvrage tenant au choix initial d'une couverture en zinc, compte tenu de cette réception définitive des travaux, valant quitus pour le maître d'ouvrage délégué en ce qui concerne ses attributions se rattachant à la réalisation de l'ouvrage.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de la requête formulées à l'encontre de la communauté de communes du Pont-du-Gard sur le fondement de la responsabilité contractuelle doivent être rejetées.

Sur la garantie décennale des constructeurs :

7. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres, apparus dans le délai d'épreuve de dix ans et affectant l'ouvrage dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, même dissociable, engagent la responsabilité de ces constructeurs au titre de la garantie décennale s'ils sont de nature à compromettre sa solidité ou à le rendre impropre à sa destination. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

8. En premier lieu, il n'est pas contesté que les désordres constatés par l'expert consistent en la mise à bas du lavoir lors d'intempéries survenues dans la nuit du 15 au 16 janvier 2015. Il n'est pas non plus contesté que celle-ci a emporté la quasi-totalité des piliers soutenant la couverture, les rendant inutilisables, et a causé des dommages aux abords du lavoir lors de l'impact ainsi qu'une torsion partielle de la charpente. En outre, ces désordres, que l'expert impute à un défaut de conception du projet de dépose de la toiture du lavoir avec remplacement par une toiture allègée en zinc et légèrement surélevée, ayant rendu l'édifice vulnérable aux vents et charges exceptionnelles, rendent impropre l'ouvrage à sa destination. Dans ces conditions, ces vices doivent être regardés comme entrant dans le champ d'application de la garantie décennale des constructeurs.

9. En deuxième lieu, le constructeur peut voir sa responsabilité engagée dès lors qu'il a participé de manière directe et effective à l'acte de construction en cause, sans que l'administration ait à prouver qu'il a commis une faute ni que le constructeur puisse utilement par suite invoquer l'absence de faute. Il résulte de l'instruction que les désordres précités sont imputables à la maîtrise d'œuvre qui s'est abstenue de diligenter une étude structure de l'ouvrage. La société Faustine B et M. C A, membres du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre, qui ne démontre pas ne pas avoir participé d'une quelconque manière aux travaux en litige, ne sont donc pas fondés à faire valoir qu'ils n'ont commis aucune faute dans l'exercice de la mission qui leur a été confiée par le maître d'ouvrage, limitée à la maîtrise d'œuvre dès l'étude d'avant-projet sommaire pour la réalisation exclusive de la couverture, qu'ils ne disposent pas des compétences d'un bureau technique, que leurs compétences se limitaient à l'établissement de plans architecturaux de principes en phase projet et qu'ils ont été missionnés à partir de la phase avant-projet définitif, soit après la réalisation des premières phases de conception par la communauté de communes sans que le maître d'ouvrage ait préalablement missionné un bureau d'étude. Par suite, la responsabilité décennale de la société Faustine B et de M. C A est engagée.

10. En dernier lieu, d'une part, dès lors que le sinistre est imputable à un vice de conception, la circonstance que le dommage pourrait également résulter d'autres causes que l'intervention du maître d'œuvre, notamment celle d'autres constructeurs, ne suffit pas à exonérer celui-ci. Ainsi, pour s'exonérer de leur responsabilité décennale, la société Faustine B et M. C A ne sont pas fondés à se prévaloir des fautes de la société SOP 34, qui n'a pas réalisé de note de calcul sur la couverture de l'ouvrage, ou de la société Serge Rousselet, qui n'a pas réalisé de note de calcul sur la solidité des piliers, et à défaut, n'a pas alerté le maître d'ouvrage sur l'absence de vérification de la structure par un BET structure et a réalisé des travaux inadaptés.

11. D'autre part, pour s'exonérer de leur responsabilité décennale, la société Faustine B et M. C A se prévalent également de la faute de la communauté de communes du Pont-du-Gard, qui a adopté un programme de travaux entraînant un allégement de la couverture sans autre préconisation et en l'absence de mission de bureau de contrôle. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, la commune de saint-Bonnet-du-Gard a délégué à la communauté de communes du Pont-du-Gard la maîtrise d'ouvrage pour la réfection de l'ouvrage litigieux. La faute commise par cette dernière, constatée par l'expert qui déplore la conception du projet d'allègement de toiture en zinc sans préconisation technique et la limitation de la mission des architectes à partir de la phase avant-projet définitif sans mission de bureau de contrôle, et tenant dans la définition du programme de travaux et des missions de la maîtrise l'œuvre, est opposable à la commune de Saint-Bonnet-du-Gard. Ainsi, les choix de la maîtrise d'ouvrage déléguée étant un facteur déclenchant du sinistre, sa faute exonère la société Faustine B et M. C A à hauteur de 40 %.

12. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité solidaire de la société Faustine B et de M. A est engagée à hauteur de 60 % des conséquences dommageables des désordres affectant l'ouvrage.

Sur les préjudices et la réparation :

13. Il résulte de l'instruction que la société requérante a versé au maître d'ouvrage la somme de 101 377,35 euros en remboursement de l'indemnité immédiate sur dommage, de l'indemnité différée après déduction de la franchise et des frais de déblais démolition et d'architecte. Il en résulte également que les travaux de reprise, que l'expert a chiffré à la somme de 97 562 euros hors taxe (HT), en isolant une amélioration pour la somme de 2 274 euros HT qui ne peut être mise à la charge des constructeurs, à laquelle doivent être ajoutés 11,5% de maîtrise d'œuvre et 20% de taxe sur la valeur ajoutée, soit une somme totale de 130 538 euros. Compte-tenu du partage de responsabilité fixé à 40% pour la communauté de communes du Pont-du-Gard, ainsi qu'il a été dit au point 12, il sera fait une juste appréciation du préjudice en fixant à 78 323 euros la somme due solidairement par la société Faustine B et M. A destinée à le réparer.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

14. La société Groupama Méditerranée a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 78 323 euros à compter du 25 septembre 2019, date de sa réclamation adressée à la maîtrise d'œuvre. Elle a également droit à la capitalisation de ces intérêts à compter du 25 septembre 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les appels en garantie :

15. En premier lieu, la société Faustine B et M. A appellent en garantie les sociétés SOP 34 et Serge Rousselet en raison de la réalisation de renforts inefficaces car sans réelle accroche après demande de devis de renfort, de l'absence de vérification par des notes de calculs de la stabilité des ouvrages réalisés qui incombe à chaque entrepreneur en application de l'article 29 du CCAG Travaux et de la méconnaissance du devoir de conseil de l'entreprise de travaux, sachante. Toutefois, au vu des constatations contradictoires de l'expert, que les sociétés défenderesses contestent sans apporter d'éléments techniques probants, le dommage a pour seule cause la conception et non pas la réalisation de l'ouvrage. Par suite, la société Faustine B et M. A ne sont pas fondés à appeler en garantie les sociétés SOP 34 et Serge Rousselet.

16. En second lieu, la société Faustine B et M. A appellent en garantie la communauté de communes du Pont-du-Gard, sur un fondement quasi délictuel, en lui reprochant de n'avoir pas fait réaliser d'étude sur la structure de l'existant conservé, limité la mission des architectes et d'avoir choisi une couverture en zinc. Toutefois, en raison de la transparence du mandat dont bénéficiait le maître d'ouvrage délégué, les constructeurs ne peuvent rechercher la responsabilité du mandataire du maître d'ouvrage en raison de fautes dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées par le maître d'ouvrage. Par suite, ces conclusions d'appel en garantie doivent être rejetées comme mal dirigées.

Sur la charge définitive des dépens :

17. En application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre les frais et honoraires de l'expertise, liquidée et taxée à la somme de 4 476,12 euros TTC, à la charge définitive de la société Faustine B et de M. A d'une part, et d'autre part, de la communauté de communes du Pont-du-Gard, à hauteur respective de 60 et 40 %.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Groupama Méditerranée, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent la communauté de communes du Pont-du-Gard, la société SOP 34, la société Faustine B et M. C A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge la société Faustine B et de M. C A la somme de 1 000 euros à verser chacun à la société Groupama Méditerranée, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les interventions des sociétés GAN Assurances et SMABTP ne sont pas admises.

Article 2 : La société Faustine B et M. C A sont condamnés solidairement à verser à la société Groupama Méditerranée la somme de 78 323 euros assortie des intérêts compter du 25 septembre 2019, et de la capitalisation des intérêts à compter du 25 septembre 2020.

Article 3 : Les entiers dépens taxés et liquidés à la somme de 4 476,12 euros toutes taxes comprises sont dévolus à la charge de la société Faustine B, de M. C A et de la communauté de communes du Pont-du-Gard, à hauteur respective de 60 et 40 %.

Article 4 : La société Faustine B et M. C A verseront chacun la somme de 1 000 euros à la société Groupama Méditerranée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la société Groupama Méditerranée, à la société Faustine B, à M. C A, à la communauté de communes du Pont-du-Gard, à la commune de Saint-Bonnet-du-Gard, à la société SOP 34, à Me Bertholet, mandataire ad hoc de la société Serge Rousselet, à la société GAN Assurances et à la SMABTP.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Corneloup, présidente de la 2ème chambre,

Mme Galtier, première conseillère,

M. Chevillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. E

La présidente de la 2ème chambre

F. CORNELOUP

La greffière,

F. GARNIER

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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