TA Orléans, 28/02/2023, n°2300522

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 9 février 2023, la société Belta, représentée par son directeur général, doit être regardée comme demandant à la juge des référés, saisie sur le fondement de l'article L.551-1 du code de justice administrative d'annuler la procédure de passation du lot n°5 " consommables informatiques " de l'appel d'offres ouvert relatif aux fournitures de bureau lancé par le groupement de coopération sanitaire Achats du Centre.

Elle soutient que l'offre de la société attributaire, la société Dyadem, dont le prix est de 19% inférieur à celui qu'elle-même a proposé alors qu'elle a une marge proche de 0%, est anormalement basse et que ce prix n'est possible que, soit par une vente à perte, soit du fait de produits non conformes au cahier des charges qui exigeait des produits OEM.

Par un mémoire, enregistré le 22 février 2023 le groupement de coopération sanitaire Achats du Centre, représenté par Me Reine, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la société requérante la somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le seul écart de prix n'est pas suffisant pour considérer qu'une offre est anormalement basse ;

- la requérante n'établit pas que sa marge était proche de 0% ;

- le règlement de consultation prévoyait des variantes obligatoires et des variantes libres et dès lors les candidats n'avaient pas l'obligation de ne proposer que la fourniture de produits de la marque constructeur ;

- la revente à perte alléguée n'est pas établie et en tout état de cause la méconnaissance du code du commerce ne relève pas de l'office du juge des référés précontractuels.

Par un mémoire enregistré le 27 février 2023, la société Dyadem, représentée par Me Dalibard, conclut à titre principal au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- des conclusions tendant à la suspension de la signature du contrat ou de toute décision se rapportant à la passation du contrat sont dépourvues d'objet ;

- aucun manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence n'a été commis et la requérante qui indique avoir prévu une marge proche de 0% ne saurait prétendre avoir été lésée ou risquer de l'être par le prétendu manquement qu'elle revendique.

Vu :

- le courriel reçu le 30 janvier 2023 du groupement de coopération sanitaire Achats du Centre informant la société Belta que son offre n'était pas retenue et que le lot était attribué à la société Dyadem ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision par laquelle le président du tribunal a désigné Mme Lefebvre-Soppelsa, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A B ;

- les observations de Me Reine représentant le groupement de coopération sanitaire Achats du Centre qui a persisté dans ses conclusions de rejet par les mêmes moyens et souligné que à la lettre de la requête il n'est demandé que la suspension et non l'annulation de la procédure de passation en litige.

- et les observations de Me Giraud substituant Me Dalibard représentant la société Dyadem qui a conclu au non-lieu à statuer et à défaut au rejet de la requête par les mêmes moyens.

La société Belta n'étant ni présente, ni représentée.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public () ". Aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. () ". Selon l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".

2. Le groupement de coopération sanitaire Achats du Centre a, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 11 novembre 2022 au JOUE, lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution d'un accord-cadre de fournitures de bureau : articles de bureau, enveloppes, pochettes à archives, papier, tampons et consommables informatiques. Les prestations ont été alloties en cinq lots dont le lot n°5 " Consommables informatiques ".

Les offres ont été analysées au regard des critères définis à l'article 7.2 du règlement de la consultation, soit le prix des prestations à hauteur de 75% et la valeur technique à hauteur de 25%. L'offre de la société Ecoburotic devenue la société Belta, proposée au prix de 588 520,24 euros TTC a été classée deuxième. Elle a obtenu la note globale de 16,98 sur 20 contre 18,24 pour l'attributaire, la société Dyadem dont l'offre a été proposée au prix de 493 434,11 TTC.

3. Aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché. " et aux termes de l'article R. 2152-4 du même code : " L'acheteur rejette l'offre comme anormalement basse dans les cas suivants : / 1° Lorsque les éléments fournis par le soumissionnaire ne justifient pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés ; / 2° Lorsqu'il établit que celle-ci est anormalement basse parce qu'elle contrevient en matière de droit de l'environnement, de droit social et de droit du travail aux obligations imposées par le droit français, y compris la ou les conventions collectives applicables, par le droit de l'Union européenne ou par les stipulations des accords ou traités internationaux mentionnées dans un avis qui figure en annexe du présent code. "

4. S'il résulte de l'instruction que l'écart entre le prix de l'offre de la société attributaire et celui de l'offre de la société requérante est de 19%, cette seule circonstance ne suffit pas à faire regarder l'offre retenue comme anormalement basse alors, d'une part, que si la société requérante soutient qu'elle a pratiqué un taux de marge moyen de 0% sur les produits proposés de marque constructeur elle ne l'établit pas, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que pour le lot n°5, le règlement de la consultation prévoyait aux termes de son article 5.1 que, les candidats devaient soumettre en offre de base, le consommable de marque constructeur ; en variante 1, le consommable remanufacturé et en variante 2, le consommable compatible et que par suite, si l'offre de base correspondait effectivement aux consommables de marque constructeur, les variantes pouvaient comporter des prix moindres, et qu'enfin, et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que la société attributaire ait entendu procéder à des ventes à perte. Dès lors, quand bien même la société attributaire a présenté une offre dont le prix était très inférieur à celui que proposait la société requérante, ce seul écart de prix avec l'offre concurrente ne révèle pas que le prix en cause était en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché, et ne permet pas de regarder l'offre de l'attributaire comme anormalement basse. Par suite, le moyen tiré de ce que l'acheteur aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'écartant pas l'offre litigieuse comme anormalement basse ne peut qu'être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de la procédure de passation du lot 5 du marché doivent être rejetées.

6. Les conclusions présentées par la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, le groupement de coopération sanitaire Achats du Centre n'étant pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SAS Belta, en application de ces mêmes dispositions, la somme de 1 000 euros à verser au groupement de coopération sanitaire Achats du Centre et la somme de 1 000 euros à verser à la société Dyadem au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Belta est rejetée.

Article 2 : La société Belta versera au groupement de coopération sanitaire Achats du Centre la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Belta versera à la société Dyadem la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Belta, au groupement de coopération sanitaire Achats du Centre et à la société Dyadem.

Fait à Orléans, le 28 février 2023.

La juge des référés,

Anne B

La République mande et ordonne au préfet de Loir-et-Cher, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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