Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2021, la société K. Stat Consulting, représentée par Me Brault (Cabinet Palmier - Brault - associés), demande au tribunal :
1°) de condamner la ministre du travail, de la santé et des solidarités (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) à lui verser la somme globale de 64 815 euros au titre du préjudice qu'elle a subi, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable et de la capitalisation des intérêts ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la responsabilité contractuelle sans faute de l'Etat est engagée sur le fondement de la théorie dite de l'imprévision s'agissant du préjudice financier, évalué à 11 920 euros, tenant à la hausse imprévue de 16 jours de travail sur le projet 1 " panel des bénéficiaires des contrats aidés " en conséquence de la situation sanitaire et des confinements sur la période allant du 17 mars 2020 au 15 décembre 2021 ;
- la responsabilité quasi-contractuelle est engagée en raison des prestations complémentaires effectuées pour le projet 1, pour un temps équivalent à 26 jours de travail, évalués à 18 625 euros HT du fait de l'absence de traitement des données par la DARES et pour le projet 2 " Trajam ", soit 34 270 euros HT supplémentaires, correspondant à 26 820 euros HT au titre des 36 jours supplémentaires pour réaliser ce projet dans les conditions figurant au cahier des charges et 7 450 euros HT au titre des 10 jours pour réaliser les prestations supplémentaires demandées, dont le bien-fondé a été admis par la DARES dans son projet d'avenant n° 4.
La requête a été communiquée le 5 janvier 2022 à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques).
Par une lettre du 4 avril 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques), par application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, a été mise en demeure de produire ses observations.
Par une ordonnance du 24 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 23 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil,
- le code de la commande publique,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guglielmetti,
- les conclusions de Mme Castéra, rapporteure publique,
- les observations de Me Brault, représentant de la société K. Stat Consulting.
Deux notes en délibéré, enregistrés les 29 et 30 avril 2024, ont été présentées pour la société requérante.
Considérant ce qui suit :
1. La société K. Stat Consulting a conclu, le 2 décembre 2019, avec le département insertion professionnelle de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, un marché, à prix global et forfaitaire, d'une durée de 9 mois, pour un montant de 59 600 euros, portant sur une prestation d'assistance d'exploitation de données statistiques pour deux programmes : le panel des bénéficiaires de contrats aidés (projet 1) et " TRAJAM " (trajectoires des jeunes appariées aux mesures actives du marché du travail) (projet 2). A la suite de l'état d'urgence sanitaire défini par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 et aux mesures de restriction sanitaires afférentes, le marché a fait l'objet de deux avenants, conclus le 26 juin 2020 et le 26 janvier 2021, afin d'en prolonger la durée, en dernier lieu, de vingt-deux mois. Par un courrier du 23 août 2021, notifié le jour suivant, la société K. Stat Consulting a présenté une demande indemnitaire préalable à la DARES. Par la présente requête, la société K. Stat Consulting demande la condamnation de l'Etat (ministère du travail - Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) à lui verser la somme globale de 64 815 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Il résulte de ces dispositions que l'acquiescement aux faits est acquis lorsque le délai imparti à l'administration a expiré et que la date de clôture d'instruction est échue sans que le défendeur ait présenté d'observations. Cette circonstance ne saurait dispenser le juge, d'une part, de vérifier que les faits allégués par le demandeur ne sont pas contredits par les autres pièces versées au dossier, d'autre part, de se prononcer sur les moyens de droit que soulève l'affaire.
3. Dans le cadre d'un marché à prix global et forfaitaire, l'entrepreneur a droit d'être indemnisé du coût des travaux supplémentaires, non prévus au contrat, s'ils ont été prescrits par ordre de service ou, si à défaut d'ordre de service, ils présentent un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. La charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage. D'autre part, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie, soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché.
Sur les conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité contractuelle sans faute pour imprévision :
4. La société K. Stat Consulting sollicite une indemnité d'imprévision en raison d'une charge de 16 jours de travail supplémentaire nécessaire à la réalisation des prestations prévues au contrat du fait de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, au cours de la période du 17 mars 2020 au 15 décembre 2021. Si, d'une part, elle soutient, sans être contredite par la défense qui a acquiescé aux faits et par les pièces du dossier, que la situation sanitaire impliquait, pour assurer la coordination du projet 1, un surnombre de 150 courriels et de dix réunions en ligne du fait de l'impossibilité de se rendre dans les locaux de la DARES, et, d'autre part, qu'elle a été contrainte de fournir un travail supplémentaire d'harmonisation dès lors qu'elle ne disposait pas, sur la période comprise entre mars et juin 2020, de l'accès aux bases de données nécessaires à l'exécution de ses programmes, le montant des dépenses qu'elle évalue pour l'exécution de son contrat du fait de sujétions imprévues, est de 11 920 euros. Cette somme, qui représente 20% du montant global du marché en cause, ne saurait constituer un bouleversement de l'économie du contrat. Par suite, la société K. Stat Consulting n'est pas fondée à demander le paiement d'une indemnité d'imprévision.
5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle sans faute de l'Etat pour imprévision doivent être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires fondées sur la responsabilité quasi-contractuelles du fait des prestations supplémentaires liées aux projets 1 et 2 du marché :
6. La société K. Stat Consulting soutient, d'une part, qu'elle a effectué des missions complémentaires non prévues dans le contrat initial, indispensables à la réalisation du projet 1, sans que la DARES ne s'y oppose, équivalent à 25 jours de travail supplémentaires et qu'elle évalue à 18 625 euros. D'autre part, la société K. Stat Consulting soutient qu'elle a réalisé des prestations supplémentaires au titre de la mise en œuvre du projet 2, à hauteur de 26 820 euros, au titre de 36 jours de travail supplémentaires, et de 7 450 euros, au titre de 10 jours de travail supplémentaires, alors que la DARES lui a proposé le 30 avril 2021 la signature d'un quatrième avenant portant paiement de 24 000 euros au titre de 66 jours de travail supplémentaires. Malgré une mise en demeure, à peine d'acquiescement aux faits, adressée le 4 avril 2022, la DARES n'a pas produit d'observations et les allégations de la société requérante ne sont contredites par aucune des pièces du dossier. Dans ces conditions, la société requérante, est fondée à soutenir que la responsabilité du ministre du travail est engagée en l'absence de rémunération supplémentaire versée par la DARES au titre des prestations supplémentaires réalisées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société K. Stat Consulting est fondée à solliciter le versement d'une somme de 52 895 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 août 2021, date de réception de la demande indemnitaire préalable, et de la capitalisation des intérêts à compter du 24 août 2022 et à chaque échéance annuelle. Il y a lieu dès lors de condamner l'Etat à verser à la société requérante la somme de 52 895 euros.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société K. Stat Consulting et non compris dans les dépens.
9. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance, les conclusions présentées par la société requérante à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'Etat versera à la société K. Stat Consulting la somme de 52 895 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 août 2021, et de la capitalisation des intérêts à compter du 24 août 2022 et à chaque échéance annuelle.
Article 2 : L'Etat versera à la société K. Stat Consulting une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société K. Stat Consulting et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Salzmann, présidente,
Mme Armoët, première conseillère,
Mme Guglielmetti, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2024.
La rapporteure,
S. GUGLIELMETTI
La présidente,
M. SALZMANNLa greffière,
P. TARDY-PANIT
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°2128176