TA Polynésie française, 09/05/2023, n°2200206

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 17 mai 2022, complétée par un mémoire enregistré le 19 décembre 2022, la société Pae Tai Pae Uta demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 mars 2022 par laquelle le directeur du Port autonome de Papeete, statuant sur sa réclamation, " limite la réduction au titre des pénalités de retard à un montant de 5 581 251 XPF et refuse les prorogations de délais sollicitées " ;

2°) de condamner le Port autonome de Papeete à lui payer la somme de 6 232 083 XPF au titre du règlement de son marché ;

3°) d'enjoindre au Port autonome de Papeete d'arrêter le décompte général du marché 2019/29 à un montant en sa faveur de 26 519 000 XPF HT ;

4°) de mettre à la charge du Port autonome de Papeete une somme de 200 000 XPF à lui verser au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le retard pris entre la date de démarrage et toute la phase de diagnostic des missions attendues représentant 88 jours de pénalités est exclusivement imputable au maître d'ouvrage en raison de son manquement à son obligation de fournir au titulaire les informations et la base de travail nécessaires à l'exécution de ses missions ; aucune pénalité ne peut donc être appliquée, conformément à l'article 13.3.1 du CCAG FCS applicable au marché ;

- le Port autonome s'est abstenu de fournir le minimum d'informations auquel le titulaire pouvait raisonnablement s'attendre telles que la liste des tiers à contacter et auprès de qui les informations nécessaires à l'étude devaient être collectées, soit une telle liste détaillée, complète et exploitable de ses propres locataires/amodiataires localisés sur son périmètre, tel que décrit par le tableau disponible en page 3 du CCTP ; or malgré les nombreuses demandes du titulaire restées infructueuses, aucune liste complète et exploitable n'a été communiquée avant le 8 juillet 2020 ; à aucun moment le Port autonome de Papeete n'a pu également fournir au titulaire les contrats liant l'EPIC aux amodiataires/locataires définissant les coûts des services durables analysés (eaux usées, déchets, ) et les obligations des parties, rendant le travail attendu beaucoup plus compliqué que ce qui était raisonnablement prévisible à la lecture du CCTP ; la seule liste transférée s'est avérée par ailleurs inexacte, pénalisant fortement le titulaire dans les prises de contact et les nécessaires corrections ; certains fournisseurs ou intervenants du Port autonome de Papeete ont refusé de communiquer les informations ; la TSP a refusé d'adresser des données sur les déchets au groupement ; le Port autonome a fourni des informations erronées concernant la liste des amodiataires jusqu'au 12 février 2020 ; certains plans n'ont été fournis qu'en octobre 2020 soit 10 mois après la demande ; la liste des navires communiquée par le Port automne était incomplète ; les programmes du Port autonome de Papeete indispensables pour une étude en bonne et due forme ont été actés dans le CR2 puis annulés, entre autres le terminal de croisière ; la période allant du 15 décembre 2019 au 15 janvier 2020 ne permettait pas de joindre de nombreuses sociétés, cette période étant celle des vacances de noël, peu des personnels du Port autonome de Papeete étant disponibles ;

- à l'article 4 du CCTP, il est prévu, d'une part, l'organisation de réunions préparatoires avec les services du Port autonome sous un mois, et d'autre part, une méthodologie de visite de terrain et de collecte des données des entreprises (sous 4 mois) dont une " réunion de sensibilisation des occupants du Port autonome de Papeete par secteur d'activités, sous l'égide du Port autonome de Papeete " ; or malgré les relances du titulaire, le Port autonome n'a pas coopéré et aucune réunion de sensibilisation n'a pu se tenir avec les tiers ; celle prévue a été annulée le 9 janvier 2020 ; à aucun moment le Port autonome n'a fait de communication auprès des locataires/amodiataires afin d'identifier le rôle du titulaire et demander leur coopération dans le cadre des enquêtes de ce dernier, ceci contribuant également au ralentissement général de l'exécution des missions ; le courrier d'information aux amodiataires n'a été adressé par le Port autonome de Papeete que le 22 janvier 2020, et encore, de nombreux amodiataires disent ne pas l'avoir reçu ; même relativement au comité de suivi défini par l'article 4-5 du CCTP sous la supervision de la direction technique du Port autonome, il n'y a eu que peu de réunions organisées en raison des réticences du Port autonome qui avait notamment mis lui-même ses agents en télétravail ;

- à ce jour, certains documents n'ont jamais été communiqués tels que les plans des exutoires pluviaux, ceci causant un retard considérable au titulaire qui a dû solutionner ce manquement autrement, et à sa charge ;

- les retards pris entre le 23 mars 2020 et la date de réception des prestations par

l'acheteur public, représentant 147 jours de pénalités, sont concurremment

imputables à des faits extérieurs au titulaire et notamment, d'une part, au maître

d'ouvrage en raison du manquement à son obligation de fournir au titulaire les

informations ainsi que la base de travail raisonnablement nécessaires à l'exécution

de ses missions et, d'autre part, à un cas de force majeure que constituent la crise

sanitaire débutée en mars 2020 et ses conséquences ; les circonstances de la crise sanitaire, de l'état d'urgence qui a été décrété et des mesures de restrictions prises par le gouvernement de la Polynésie française durant toute l'année 2020 ainsi qu'en 2021 ont concourues à la situation, n'ayant pas permis au titulaire d'exécuter ses missions de diagnostic et d'état des lieux auprès de tiers situés sur le périmètre du Port autonome, dont la disponibilité s'est faite rare en raison de la gestion en urgence des effets de la crise sanitaire et de la mise en place du système de télétravail afin de respecter les mesures de restrictions de déplacements ; la transmission des questionnaires complétés par les amodiataires a été retardée compte tenu du ralentissement organisationnel général des entreprises, consécutif à la crise sanitaire ; aussi les prises de rendez-vous entre le Port Autonome de Papeete et la société Pae Tai Pae Uta avec les amodiataires n'ont été initiées qu'à compter de fin juin 2020 ;

- le calcul des pénalités de retard repose sur une base erronée et en particulier le fondement de l'article 20.1 du CCAP Travaux tel que stipulé à la fiche de délai d'exécution et qui indique le montant de la pénalité journalière à 26 520 F CFP ; le CCAP du marché ne fait référence à aucun montant de pénalité journalière sous son article 20 relatif aux livraisons, et l'acheteur public ne justifie pas au titulaire sur quelle base contractuelle ou légale est appliqué le nombre de jours de pénalités ;

- le groupement est en droit de réclamer au Port autonome la somme de 6 232 083 F CFP correspondant au montant des pénalités journalières qui ont été indûment mises à sa charge.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 juillet 2022 et 27 janvier 2023, le Port autonome de Papeete conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Sarl Pae Tai Pae Uta la somme de 200 000 F CFP à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le maître d'ouvrage n'a commis aucune faute ; sur l'absence de transmission des informations relatives aux amodiataires du Port autonome de Papeete, il n'existe en réalité aucune obligation contractuelle du Port autonome en la matière dès lors que cette transmission n'est prévue par aucune des pièces contractuelles du marché ; en l'espèce, une transmission de cette liste a simplement été évoquée à l'occasion d'une réunion de cadrage en date du 3 décembre 2019 avec comme échéance les semaines 50 et 51, soit du 9 au 22 décembre 2019 et une première liste des amodiataires a été transmise par le Port autonome le 8 janvier 2020, soit avec un retard de 17 jours ; s'il n'est pas contesté que cette première liste était incomplète, il n'en demeure pas moins que ces imprécisions n'étaient pas de nature à faire obstacle, à ce stade, à la poursuite de la mission du titulaire comme cela a été retranscrit dans le compte-rendu de réunion du 9 janvier 2020 ; le planning établi lors de la première réunion du comité de suivi prévoyait que le titulaire transmettrait au Port autonome, pour validation, un premier jet de questionnaires dans le courant de la semaine 51 de l'année 2019, or, celui-ci n'a été transmis pour validation au Port autonome que le 13 janvier 2020, soit postérieurement à la transmission de la liste querellée ; le retard imputable à l'établissement public n'a finalement engendré aucune conséquence pour la société requérante ; la seule minoration de pénalités de retard qui pourrait être envisagée en l'état actuel des éléments fournis par la partie adverse serait une minoration de ces 17 jours (retard dans la transmission par le Port autonome du premier jet de la liste des amodiataires), réduisant le montant des pénalités à la somme de 5 781 251 F CFP ;

- il est erroné d'énoncer que certains plans n'ont été fournis qu'en octobre 2020, soit 10 mois après la demande ; la requérante a demandé les plans de bâtis des amodiataires le 3 décembre 2019, demande satisfaite le 30 décembre 2019 puis les plans relatifs aux toitures des amodiataires, demande à laquelle il a été répondu le jour même ;

- s'il est patent que pour exécuter la mission qui lui a été confiée, la Sarl Pae Tai Pae Uta devait procéder à une récolte d'informations auprès de tiers, la charge de cette " récolte " lui incombait exclusivement en application du marché et la circonstance que lesdits tiers refusent de coopérer ne peut constituer une faute imputable au Port autonome ; si le Port autonome de Papeete n'a pas pu obliger ses fournisseurs et intervenants à collaborer, il a néanmoins accompli les démarches nécessaires afin de les inciter à le faire ; un employé du Port autonome de Papeete a ainsi été très largement mis à disposition de la requérante et a accompagné pendant plusieurs semaines le représentant de la société pour rencontrer en personne lesdits tiers ;

- aucune faute n'a été commise procédant du caractère incomplet de la liste des navires, de la modification des programmes (terminal de croisière) et de la transmission " tardive " des conventions liant le Port autonome de Papeete à ses amodiataires ; sur la gestion des déchets par les navires, il n'est pas apparu impérieux de fournir une liste parfaitement exhaustive pour appréhender cette question ; la modification du programme d'investissement relatif au terminal de croisière ne peut être regardée comme une faute relative à l'information délivrée ; il n'a pas paru nécessaire à l'établissement de délivrer une copie des conventions liant le Port autonome de Papeete à ses amodiataires afin de proposer la rédaction d'une clause type relative au traitement des déchets et a été seulement délivrée à cette fin une convention type ; à aucun moment il n'est établi un lien de causalité entre les prétendues fautes du Port autonome de Papeete et le retard pris dans l'exécution du marché ;

- un questionnaire a été envoyé au Port autonome de Papeete le 2 mars 2020, sans mention d'un quelconque délai à respecter et il y a répondu le 16 mars 2020, soit dans un délai de 14 jours qui ne peut être qualifié de déraisonnable, et en tout état de cause n'est pas constitutif d'une faute contractuelle ;

- sur l'absence d'organisation de la " réunion de sensibilisation des occupants du Port autonome de Papeete " : lors de la réunion de suivi en date du 9 janvier 2020, il a été acté par les parties au marché que la tenue de cette " réunion de sensibilisation " était définitivement supprimée, ce, afin d'éviter l'apparition d'un " cluster ", ce qu'elle a même expressément acté ; il n'y a aucun lien de causalité certain entre l'annulation de la réunion et le refus de collaboration des amodiataires de l'établissement ; à défaut d'avoir organisé la réunion d'information précitée, le Port autonome de Papeete a diffusé aux amodiataires un courrier officiel les informant de la démarche initiée et les invitant à coopérer à l'étude de la société requérante ;

- sur le fait que le retard pris entre le 23 mars 2020 et le 24 juillet 2021 puisse être regardé comme imputable à la crise sanitaire débutée en mars 2020 et constituant un cas de force majeure : s'il peut être considéré que les restrictions sanitaires et règlementaires les plus strictes en Polynésie française ont été mises en place sur la période du 21 mars au 29 avril 2020, environ 40 jours, il paraît en revanche difficile de justifier un retard aussi important dans le calendrier d'exécution de la mission au motif de la crise sanitaire ; les mesures de confinement ou encore de restrictions de circulation n'obligeaient pas à la cessation de toute activité économique ; le Port autonome, sur demande du titulaire, a d'ailleurs octroyé une prolongation du délai d'exécution équivalente à la période stricte des restrictions ; le titulaire ne démontre pas, par la production de justificatifs permettant d'attester de leur réalité, que l'exécution de ses prestations était impossible ; la totalité des arguments développés par la partie adverse concernent en réalité la première étape relative à l'état des lieux / diagnostic, or sur les 235 jours de retard comptabilisés, 78 jours concernent cette première étape ; aucun argument n'est développé pour la seconde étape de l'élaboration du plan d'action ayant subi un retard de 147 jours ;

- pour calculer le montant des pénalités de retard querellées, il convient de faire application des dispositions de l'article 14.1 du CCAP (et non 20.1) qui permet de calculer l'exact montant réclamé ;

La clôture de l'instruction a été prononcée à la date du 25 mars 2023 par une ordonnance du 6 mars 2023.

Un mémoire a été enregistré le 21 avril 2023, présenté pour la Sarl Pae Tai Pae

Uta, qui n'a pas été communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D,

- les conclusions de Mme C de Saint-Germain, rapporteure publique,

- et les observations de Me Eftimie Spitz pour la société Pae Tai Pae Uta et de Mme A représentant le Port autonome de Papeete.

Une note en délibéré, enregistrée le 3 mai 2023, a été produite pour la société Pae Tai Pae Uta.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 12 novembre 2019, la Sarl Pae Tai Pae Uta, mandataire du groupement constitué avec les sociétés Luseo Pacific et Alter Echo, a signé un marché 2019/29 de fourniture de services ayant pour objet l'élaboration du schéma directeur du plan de transition écologique et énergétique du Port autonome de Papeete, pour un montant initial de 26 519 500 F CFP HT. Le délai d'exécution du marché a été fixé à 35 semaines. Par ordre de service du 19 novembre 2019, reçu le 21 novembre 2019, le démarrage des prestations a été fixé à la date du 25 novembre 2019. Le délai contractuel fixé pour l'exécution des travaux étant de 35 semaines, ceux-ci devait être achevés le 27 juillet 2020. Une décision 2020/21 du 26 juin 2020 a, à la demande du mandataire du groupement, prolongé le délai d'exécution de 41 jours, puis les travaux ont été successivement ajournés de 47 jours par ordre de service (OS) du 27 novembre 2020 et de 40 jours par OS du 23 avril 2021, l'achèvement des travaux était ainsi reporté au 2 décembre 2020. Par décision du 18 octobre 2021, le représentant du maître d'ouvrage a décidé que " la réception des prestations est prononcée sans réserve avec effet à la date du 24 juillet 2021. Les réserves ont été levées le 2 septembre 2021 ". Le décompte final et l'état du solde du 15 octobre 2021 adressés à l'entreprise mettent à la charge du groupement la somme de 6 232 083 F CFP au titre de 235 jours de pénalités de retard. La Sarl Pae Tai Pae Uta a saisi le Port autonome d'un mémoire en réclamation le 30 décembre 2021 contestant les pénalités ainsi mises à sa charge. Elle soutient que les retards de délivrance de ses prestations sont imputables à des fautes du Port autonome dans l'exécution de ses obligations contractuelles et à la situation de force majeure qui a résulté de la crise sanitaire liée à la covid 19. Par un courrier en date du 15 mars 2022, le Port autonome expose que, sous réserve de l'approbation du conseil des ministres, l'établissement est disposé à réduire les pénalités de retard appliquées à la société requérante à un montant de 5 781 251 F CFP, afin de prendre en compte le retard de 17 jours dans la transmission de la liste des amodiataires et l'invite à produire tout document susceptible de justifier une réduction supplémentaire.

2. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer à l'acheteur public le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Le titulaire est toutefois fondé à demander à être exonéré de l'application de ces pénalités si le retard de l'exécution des prestations ne lui est pas imputable, étant le fait du maitre d'ouvrage ou d'un autre intervenant au marché, ou provenant d'un événement constituant un cas de force majeure.

3. Aux termes de l'article 14.1 du CCAP du marché, identiques à celles du CCAG applicables : " Pénalités pour retard. Les pénalités pour retard commencent à courir, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une mise en demeure, le lendemain du jour où le délai contractuel d'exécution des prestations est expiré, sous réserve des stipulations des articles 13.3 et 20.4. du C. C.A.G. Fournitures courantes et Services. Cette pénalité est calculée par application de la formule suivante : P=VxR/1000 dans laquelle : P= le montant de la pénalité; V= la valeur des prestations sur laquelle est calculée la pénalité, cette valeur étant égale au montant en prix de base, hors variations de prix et hors du champ d'application de la TVA, de la partie des prestations en retard, ou de l'ensemble des prestations si le retard d'exécution d'une partie rend l'ensemble inutilisable ; R = le nombre de jours de retard ".

4. Aux termes de l'article 13.3. du Cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services : " Prolongation du délai d'exécution. 13. 3. I. Lorsque le titulaire est dans l'impossibilité de respecter les délais d'exécution, du fait de l'acheteur public ou du fait d'un évènement ayant le caractère de force majeure, l'autorité compétente prolonge le délai d'exécution. Le délai ainsi prolongé a les mêmes effets que le délai contractuel. 13. 3. 2. Pour bénéficier de cette prolongation, le titulaire signale à l'autorité compétente les causes faisant obstacle à l'exécution du marché dans le délai contractuel. Il dispose, à cet effet, d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle ces causes sont apparues ou d'un délai courant jusqu'à la fin du marché, dans le cas où le marché arrive à échéance dans un délai inférieur à quinze jours. Il indique, par la même demande, à l'autorité compétente la durée de la prolongation demandée. 13. 3. 3. L'autorité compétente dispose d'un délai de quinze jours, à compter de la date de réception de la demande du titulaire pour lui notifier sa décision, sous réserve que le marché n'arrive pas à son terme avant la fin de ce délai. La demande de prolongation ne peut être refusée, lorsque le retard est dû à l'intervention du prestataire, dans le cadre d'un ordre de réquisition () ".

5. Aux termes de l'article 2 du CCTP du marché : " La présente étude concerne la circonscription affectée au Port autonome de Papeete située sur la commune de Papeete. Il conviendra de considérer autant la partie maritime comprise entre les passes de Papeete et de Taunoa que la partie terrestre du Port () Pour chaque partie il conviendra d'identifier les acteurs et les ressources disponibles sur le territoire du Port et de définir les pistes de partenariat à envisager ainsi que des moyens pour pérenniser les initiatives qui en découleront. Pour ce faire, des réunions de concertation seront prévues avec les différents acteurs ". Aux termes de l'article 4 : " Déroulement de la mission. Article 4-1(délai : 1 mois) ; Réunions préparatoires avec les services du Port autonome de Papeete. Le soumissionnaire pourra organiser une ou des réunions plénières avec l'ensemble des services du Port concernés ou choisir de les consulter séparément () ". L'article 4.2 stipule " (4 mois) : Visite de terrain et collecte des données des entreprises. Une réunion de sensibilisation des occupants du Port autonome de Papeete par secteur d'activités sera organisée au début de cette phase sous l'égide du port autonome de Papeete afin d'informer tous les partenaires des travaux en cours. Lors de cette réunion, un questionnaire d'enquête sera présenté et éventuellement envoyé aux responsables désignés (). Des visites de terrain seront organisées afin d'imprégner le soumissionnaire du contexte dans lequel s'inscrira le plan de transition écologique et énergétique du Port autonome de Papeete ".

Sur les fautes imputées au Port autonome de Papeete :

6. En premier lieu, il ne résulte pas des stipulations invoquées des articles 2 et 3 du CCTP, relatives à l'objet de l'étude et aux missions dévolues au titulaire du marché, des obligations incombant au Port autonome de Papeete. Si l'article 4-1 traite des réunions préparatoires avec les services du Port autonome de Papeete, celles-ci sont à l'initiative du soumissionnaire et il ne résulte pas de l'instruction que le Port autonome de Papeete n'aurait pas répondu à des demandes en ce sens. S'il est constant qu'une réunion de sensibilisation des occupants du Port autonome de Papeete par secteur d'activités devait être organisée au début de la première phase sous l'égide du Port autonome de Papeete et que la tenue de celle prévue a été annulée lors de la réunion du 9 janvier 2020, il résulte toutefois de l'instruction que, d'une part, le 22 janvier 2020 un courrier a été adressé à l'ensemble des amodiataires par le directeur du Port autonome de Papeete afin précisément de les sensibiliser à la démarche entreprise, suivi le 13 février de l'envoi du questionnaire annoncé, envoi réitéré le 16 mars 2020, d'autre part, que les prolongations et ajournements du marché ont pu permettre la prolongation si nécessaire de ces actions de sensibilisation auprès des amodiataires réticents à répondre au questionnaire, enfin, la Sarl Pae Tai Pae Uta n'établit en rien le retard qui serait objectivement imputable à la seule absence de tenue de cette réunion. Les autres stipulations du CCTP ne mettent pas, par ailleurs, à la charge du Port autonome de Papeete d'obligations particulières.

7. En second lieu, le Port autonome de Papeete justifie en défense la production immédiate ou dans un délai raisonnable des divers documents ou plans demandés par le groupement, notamment le 30 décembre 2019 pour la cartographie de l'occupation de la zone d'étude, le plan des réseaux EP et la localisation des séparateurs HC, le plan des réseaux électriques de la zone, le plan des voiries/trottoirs et stationnements affectés au Port autonome de Papeete. Si la requérante invoque l'absence de réponse à une demande de communication de plans des exutoires pluviaux, la Sarl Pae Tai Pae Uta ne justifie ni de cette demande, ni au surplus du lien entre l'absence de leur fourniture et les retards d'exécution en cause.

8. S'il est vrai qu'à la demande de fourniture du plan des toitures de certains amodiataires du 26 octobre 2020, pour l'implantation de panneaux photovoltaïques, le Port autonome a répondu le même jour, de façon erronée eu égard aux stipulations du CCTP, que l'exécution du marché n'exigeait pas ce niveau de détail, la société requérante n'établit en rien le lien avec l'important retard avec lequel les prestations du marché ont été délivrées.

Sur la force majeure :

9. La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 modifiée d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a déclaré l'état d'urgence sur l'ensemble du territoire national du 24 mars au 10 juillet 2020 et, en Polynésie française, une restriction des déplacements a été instaurée du 21 mars au 29 avril 2020. Par courrier en date du 25 mai 2020, la Sarl Pae Tai Pae Uta a adressé au Port autonome de Papeete une demande de prolongation de délais de 41 jours, courant du 1er avril au 11 mai 2020, en raison des perturbations engendrées par la pandémie. Le Port autonome a accédé à cette demande le 26 juin 2020, reportant ainsi la date théorique de fin de mission au 7 septembre 2020. Une deuxième demande de prolongation de délais a été formulée par le titulaire le 19 août 2020 motivée par de nouvelles difficultés rencontrées dans l'obtention de données, refusée par lettre du 3 septembre 2020 du directeur du Port autonome de Papeete. Le même jour, en réponse, la société requérante réitérait sa demande, pour un report au 4 décembre 2020, en se fondant sur la loi de pays 2020-13 et le dispositif adopté en raison de la crise sanitaire, demande rejetée par décision du 8 septembre 2020. Par lettre du 14 septembre 2020, la Sarl Pae Tai Pae Uta réitérait sa demande, à nouveau refusée par décision du 6 octobre 2020. Puis, par ordres de service des 27 novembre et 28 décembre 2020, l'exécution du marché était ajournée pour un total de 87 jours.

10. Il ne résulte pas de l'instruction, dans ces circonstances, compte tenu de l'allongement ainsi décidé des délais contractuels, pour un total de 128 jours, eu égard par ailleurs à la possibilité de poursuivre les communications et études par télétravail, que la crise sanitaire de la Covid-19 ait été constitutive, en l'espèce, d'un cas de force majeure irrésistible susceptible de justifier l'important dépassement en litige des délais d'exécution du marché.

Sur le fondement contractuel des pénalités de retard :

11. Il est constant que les pénalités ont été appliquées conformément aux stipulations de l'article 14.1 du CCAP du marché cité au point 4. Le moyen tiré de ce qu'elles reposeraient sur une base erronée, l'article 20.1 du " CCAP Travaux ", ne peut donc qu'être écarté. De même, la société requérante ne peut, les prestations du marché étant, en l'espèce, livrées à la fin de son exécution, se prévaloir d'un mode de calcul devant seulement prendre en compte celles qui auraient été délivrées en retard.

12. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, le Port autonome de Papeete n'ayant pas constitué avocat, de faire droit à ses conclusions sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Port autonome de Papeete au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Pae Tai Pae Uta et au Port autonome de Papeete.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Devillers, président,

M. Graboy-Grobesco, premier conseiller,

M. Boumenjel, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023.

Le rapporteur,

P. D

L'assesseur le plus ancien,

A Graboy-Grobesco

La greffière,

D. Germain

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier,