Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2021, la société Edeis concessions, représentée par Me Gondran de Robert, demande au tribunal :
1°) d'ordonner à la communauté d'agglomération Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération (GMVA) de verser aux débats le registre d'enregistrement des offres et le
procès-verbal d'ouverture des plis, l'offre détaillée de l'entreprise retenue et les mentions qui s'y rapportent comprenant l'ensemble des documents relatifs à des propositions de prix, l'ensemble des pièces contractuelles après, le cas échéant, occultation des mentions intéressant le secret commercial et industriel ;
2°) d'annuler la procédure de passation de la délégation de service public pour la gestion et l'exploitation de l'aéroport Vannes-Golfe du Morbihan ;
3°) d'annuler le contrat de concession de l'aéroport de Vannes-Golfe du Morbihan ;
4°) de condamner Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération à lui verser la somme de 1 445 865 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son éviction irrégulière ;
5°) de mettre à la charge de Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a vainement demandé la communication du contrat signé entre l'autorité concédante et le concessionnaire et il lui est impossible de produire cette pièce ;
- la société d'exploitation et d'action locale pour les aéroports régionaux (SEALAR) ne présentait pas les garanties économiques et financières nécessaires, dès lors qu'elle n'a été créée qu'un an avant le lancement de la procédure et disposait d'un capital social de 1000 euros seulement, ne lui permettant pas de satisfaire aux exigences résultant de l'article 5.1 du règlement de la consultation ;
- l'autorité concédante a méconnu les dispositions de l'article L. 3124-5 du code de la commande publique dès lors que le règlement de la consultation ne fixe pas une liste de critères suffisamment précis, de sorte qu'aucune indication n'est donnée quant à la notion de qualité de l'offre attendue, ce qui permet une liberté de choix illimitée pour l'autorité concédante ;
- le critère 1 tenant au montant du chiffre d'affaires prévisionnel est irrégulier dès lors que l'autorité concédante n'a pas vérifié le montant prévisionnel avancé par la SEALAR pendant la durée de la concession ;
- le critère 2 ne permet pas de savoir si l'appréciation du développement économique est quantitative ou qualitative, les éléments sur lesquels il repose étant énoncés de manière
lapidaire ;
- le critère 3 ne permet pas de connaître les travaux concernés par ce critère ni ce que signifie la qualité de l'offre en matière d'exploitation ;
- les engagements du candidat en matière de politique globale de gestion des ressources humaines sont dépourvus de lien avec la qualité de l'offre en matière de travaux et d'exploitation, objet du critère 3 ;
- son offre a été dénaturée s'agissant du critère 1 relatif aux garanties juridiques et au niveau des engagements financiers apportés par le candidat dès lors qu'elle n'a pas fait l'objet de commentaire positif, alors qu'elle était moins disante que celle de la société SEALAR avec une différence d'1,3 millions d'euros ;
- son offre a été dénaturée s'agissant du critère 2 relatif à la qualité du projet de développement économique de l'aéroport, dès lors que son plan pluriannuel d'investissements a été jugé à tort incomplet sans que l'autorité délégante ne lui fasse part de la nécessité d'améliorer ce plan au cours des négociations ;
- son offre a été dénaturée s'agissant du critère 3 relatif à la qualité de l'offre en matière de travaux et d'exploitation compte tenu, d'une part, de l'absence d'appréciation portée sur la réfection des chaussées, alors que ce même élément a été valorisé pour l'offre de la SEALAR et, d'autre part, d'une absence de valorisation de l'homologation dont elle bénéficie mais également de la diminution du tarif du carburant qu'elle propose ;
- son offre a été dénaturée s'agissant du critère 4 relatif à la qualité de la politique environnementale et de développement durable en raison de l'absence d'appréciation portée
sur son tableau indiquant des objectifs environnementaux qui comportent des actions à long
terme ;
- l'autorité concédante a méconnu la hiérarchie des critères annoncés ;
- l'offre de la SEALAR méconnaît le principe de spécialité territoriale et matérielle des chambres de commerce et d'industrie, lesquelles sont les principales actionnaires de cette société et aurait ainsi dû être écartée comme irrégulière ;
- l'autorité concédante a manqué à son obligation de vérifier les informations soumises par l'attributaire, en particulier pour examiner si le groupement retenu n'avait pas bénéficié de financements publics ;
- l'offre du candidat retenu aurait dû être regardée comme anormalement basse par l'autorité concédante ;
- elle a subi un manque à gagner de 982 171 euros en raison de son éviction irrégulière de la procédure ;
- les frais de soumission de son offre s'élèvent à la somme de 151 194 euros ;
- elle a subi un préjudice commercial en raison de l'altération de son image à hauteur de 300 000 euros ;
- elle doit être indemnisée pour le coût du transfert résultant des perturbations de son plan de charge à hauteur de 12 500 euros ;
- elle doit être indemnisée à hauteur de 1 445 865 euros en raison du préjudice total qu'elle a subi du fait de son éviction irrégulière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2022, la société d'exploitation et d'action locale pour les aéroports régionaux (SEALAR), représentée par Me Briec (société d'avocats Ernst et Young), conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- en qualité de nouvelle société, elle disposait d'un faible capital social mais bénéficiait des garanties financières et techniques nécessaires en raison de la qualité et de l'expérience de ses actionnaires ;
- son offre est celle d'une société commerciale dont les actionnaires ne sont pas des chambres de commerce et d'industrie mais des filiales de tels établissements et de TPF Ingénierie ;
- son objet social permet sa candidature ;
- le principe de spécialité ne s'applique pas aux sociétés de droit privé ;
- elle n'a pas bénéficié de subventions ou d'aides publiques et le contrôle des coûts directs et indirects n'a pas à être réalisé, dès lors qu'elle est une société commerciale de droit privé ;
- les règles relatives aux offres anormalement basses ne sont pas applicables aux concessions ;
- son offre était la plus onéreuse de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée d'anormalement basse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2023, la communauté d'agglomération Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération (GMVA), représentée par Me Bonnat et Me Costard (sociétés d'avocats Avoxa), conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Edeis Concessions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de communication des documents est devenue sans objet en raison des suites favorables données à celle-ci ;
- elle n'a commis aucun manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;
- l'offre du candidat retenu présentait toutes les garanties administratives, techniques économiques et financières nécessaires ;
- les critères d'attribution étaient suffisamment précis pour permettre aux candidats de construire leur offre ;
- les critères étaient explicités dans le règlement de la consultation et ses annexes
ainsi que dans le projet de contrat de concession et permettaient d'identifier les attentes du concédant ;
- le critère 2 relatif au développement économique était explicité par les documents de la consultation et a fait l'objet d'un échange avec la société requérante dans le cadre des négociations ;
- la société requérante a reçu des compléments d'information sur le critère 3 en cours de négociations ;
- les engagements du candidat en matière de politique globale de gestion des ressources humaines sont en lien avec la gestion et l'exploitation de l'aéroport ;
- le moyen tiré de l'erreur manifeste dont serait entachée l'appréciation portée par l'autorité concédante sur les mérites respectifs de chaque offre ne peut être qu'écarté ;
- l'attributaire est une société de droit privé, dont les actionnaires sont des sociétés de droit privé et non des chambres de commerce et d'industrie, en sorte que le principe de spécialité n'a pas été méconnu ;
- l'offre de l'attributaire est la plus onéreuse, de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée d'anormalement basse ;
- en l'absence d'irrégularité, les conclusions indemnitaires de la société requérante doivent être rejetées ;
- les préjudices allégués ne sont démontrés ni dans leur principe ni dans leur montant ;
- les frais de soumission de l'offre sont surévalués ;
- la réalité du coût de transfert, inhérent à la précarité des contrats publics, n'est pas établie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de commerce ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grenier,
- les conclusions de Mme Thalabard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Costard, représentant la communauté d'agglomération Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération, et de Me Duros, représentant la SEALAR.
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis publié le 21 janvier 2020 au bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), la communauté d'agglomération Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération a engagé une consultation en procédure ouverte en vue du renouvellement du contrat de concession conclu en 2017 pour une durée de cinq ans pour la gestion et l'exploitation de l'aéroport Vannes-Golfe du Morbihan. La société Edeis Concessions, délégataire sortant, s'est portée candidate. Par un courrier du 8 avril 2021, la communauté d'agglomération du Pays de Vannes a informé la société Edeis Concessions, d'une part, du rejet de son offre, d'autre part, de l'attribution du contrat de concession à la société SEALAR, constituée entre les sociétés Ingénierie Services France Ouest (INSFO), TPF Ingénierie et Chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence (CCIMP) Infrastructures. L'avis d'attribution de cette concession a été publié au BOAMP le 25 mai 2021. Par un courrier du 20 juillet 2021, la société Edeis Concessions a formé une demande préalable indemnitaire auprès de Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution de la concession pour la gestion et l'exploitation de l'aéroport de Vannes-Golfe du Morbihan. Le silence gardé par la communauté d'agglomération sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par la présente requête, la société Edeis Concessions demande au tribunal l'annulation de la procédure de passation et du contrat signé entre l'autorité concédante et la société SEALAR ainsi qu'une indemnisation de 1 445 865 euros au titre des préjudices subis.
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.
3. Saisi par un tiers, dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
Sur les conclusions en contestation de la validité du contrat de concession :
En ce qui concerne les capacités économiques et financières du concessionnaire :
4. Aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Les collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics peuvent confier la gestion d'un service public dont elles ont la responsabilité à un ou plusieurs opérateurs économiques par une convention de délégation de service public définie à l'article L. 1121-3 du code de la commande publique préparée, passée et exécutée conformément à la troisième partie de ce code. ". L'article L. 1411-5 du même code dispose que la commission de délégation de service public " dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières () et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. ". Aux termes de l'article L. 3123-18 du code de la commande publique : " L'autorité concédante ne peut imposer aux candidats des conditions de participation à la procédure de passation autres que celles propres à garantir qu'ils disposent de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l'exécution du contrat de concession. / Lorsque la gestion d'un service public est concédée, ces conditions de participation peuvent notamment porter sur l'aptitude des candidats à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers devant le service public. / Ces conditions sont liées et proportionnées à l'objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution. ". Aux termes de l'article R. 3123-1 de ce code : " L'autorité concédante vérifie les conditions de participation relatives aux capacités et aux aptitudes des candidats nécessaires à la bonne exécution du contrat de concession. ".
5. Il résulte de ces dispositions, que l'autorité délégante doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution de la concession. Alors même que l'autorité délégante peut exiger, au stade de l'admission des candidatures, la détention par les candidats de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, cette exigence, lorsqu'elle a pour effet de restreindre l'accès du marché à des entreprises de création récente ou n'ayant réalisé jusqu'alors que des prestations d'une ampleur moindre, doit être objectivement rendue nécessaire par l'objet de la délégation et la nature des prestations à réaliser. Dans le cas contraire, l'autorité délégante doit permettre aux candidats de justifier de leurs capacités financières et professionnelles et de leur aptitude à assurer la continuité du service public par tout autre moyen.
6. Il résulte des stipulations de l'article 5.1 du règlement de la consultation relatif à la présentation des candidatures que le dossier de candidature devait notamment comprendre un dossier économique et financier comportant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires relatif aux prestations objet de la consultation au cours des trois derniers exercices, les liasses fiscales, une note de présentation de la société ou de l'organisme (statut, évolution du chiffre d'affaires, capital, composition du capital, certification, démarche qualité, etc.), ainsi que tout élément de nature à faire apparaître la capacité et la solidarité financières du candidat et sa capacité d'endettement. La candidature devait également comprendre un dossier technique comportant une note décrivant les moyens en personnel du candidat (composition du personnel et notamment les différentes compétences de ses membres) et en matériel ainsi qu'une liste des références détaillées réalisées par le candidat correspondant à des missions similaires. Pour chacune des références, la nature et les caractéristiques principales de la concession ou autre forme de partenariat
public-privé, sa durée, son programme, le contexte réglementaire, la nature des prestations personnelles effectuées et les moyens mis en œuvre pour l'exécution des contrats devaient être précisés.
7. Il résulte de l'instruction que la société SEALAR a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 16 octobre 2019 avec un capital social de 1 000 euros. S'agissant d'une société récemment créée, son dossier de candidature n'était pas accompagné des documents relatifs au chiffre d'affaires réalisé au cours des précédents exercices et des liasses fiscales, qu'elle était dans l'impossibilité de produire. Elle pouvait cependant valablement justifier de ses capacités financières et professionnelles par d'autres moyens et notamment se prévaloir des capacités de ses actionnaires. Or, la SEALAR est constituée de trois actionnaires exerçant dans le domaine aéroportuaire, qui, selon leurs explications, souhaitent mettre leur expertise et leurs moyens en commun de manière pérenne, au moyen de la constitution de cette société. D'ailleurs, l'attestation fiscale délivrée par l'attributaire était signée par son président, également président d'une des sociétés détentrices de son capital. En outre, le dossier de candidature de la SEALAR comprenait notamment le curriculum-vitae des responsables et experts de cette société et de ses actionnaires ainsi qu'une liste de références des trois actionnaires de cette société, permettant d'attester de leur expérience en matière de gestion et d'exploitation d'aéroports et notamment de l'attribution de trois délégations de service public depuis 2016 concernant les aéroports de Brest, Quimper et Morlaix, outre des références dans le domaine portuaire. Par ailleurs, la SEALAR exploite en propre l'aéroport de Poitiers-Biard. Le dossier administratif de l'attributaire indiquait que l'expertise de ses actionnaires serait mise au service de développement de l'aéroport de Vannes-Golfe du Morbihan et que la solidité de la SEALAR était assurée par ses actionnaires. Les actionnaires de la SEALAR étaient nécessairement engagés, financièrement, par la candidature de cette société. Par conséquent, en l'absence d'exigence minimale imposée par le règlement de la consultation, la SEALAR justifiait suffisamment de ses capacités financières, techniques et professionnelles pour que sa candidature soit admise.
En ce qui concerne la précision des critères d'attribution de la concession :
8. Aux termes de l'article L. 3124-5 du code de la commande publique : " Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l'avantage économique global pour l'autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution. Parmi ces critères peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux ou relatifs à l'innovation. Lorsque la gestion d'un service public est concédée, l'autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers. / Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'autorité concédante et garantissent une concurrence effective. Ils sont rendus publics dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. () ". Aux termes de l'article R. 3124-4 du même code : " Pour attribuer le contrat de concession, l'autorité concédante se fonde, conformément aux dispositions de l'article L. 3124-5, sur une pluralité de critères non discriminatoires. Au nombre de ces critères, peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux, relatifs à l'innovation. / Les critères et leur description sont indiqués dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. ". Selon l'article R. 3124-5 du même code : " L'autorité concédante fixe les critères d'attribution par ordre décroissant d'importance. Leur hiérarchisation est indiquée dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation (). ".
9. En premier lieu, il résulte des stipulations de l'article 12 du règlement de la consultation que quatre critères, classés par ordre décroissant de priorité, permettaient de juger les offres et portaient respectivement, premièrement, sur les garanties juridiques et le niveau des engagements financiers apportés par le candidat, notamment du point de vue de la participation sollicitée de la communauté d'agglomération et/ou du niveau de la redevance proposé, deuxièmement, sur la qualité du projet de développement économique de l'aéroport, troisièmement, sur la qualité de l'offre en matière de travaux et d'exploitation, " et ce compris les engagements du candidat en matière de politique globale de gestion des ressources humaines " et, quatrièmement, sur la qualité de la politique environnementale et de développement durable.
10. Par ailleurs, le règlement de la consultation décrivait, en ses articles 2.1 et 2.2, les caractéristiques générales du service public concédé et mentionnait les principales données d'exploitation de l'aéroport de Vannes-Golfe du Morbihan par types de mouvements et de vols, ainsi que les travaux réalisés depuis 2012. Le projet de contrat de concession et un document d'orientation, énonçant notamment les perspectives souhaitées en termes de développement de l'aéroport et de services offerts, étaient annexés aux documents de la consultation. En outre, l'article 5.2 du règlement de la consultation précisait la structure des offres, devant comporter une note de présentation générale, une proposition juridique, une proposition technico-économique et une proposition financière. Le contenu de chacun de ces quatre documents était ensuite indiqué précisément permettant aux candidats de connaître les attentes de l'autorité concédante et les éléments à présenter dans leur offre et ainsi d'appréhender ce que recouvrait la notion de " qualité " de l'offre mentionnée par les trois premiers critères d'attribution.
11. Eu égard au caractère clair et précis des stipulations rappelées aux deux points précédents permettant aux candidats de présenter une offre répondant aux besoins et attentes de l'autorité concédante, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 3124-5 du code de la commande publique ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, il résulte du règlement de la consultation que la proposition financière permettant l'appréciation de la qualité des offres respectives des candidats sur le
critère 1 relatif aux " garanties juridiques et au niveau des engagements financiers apportés par le candidat, notamment du point de vue de la participation sollicitée de Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération et/ou du niveau de la redevance proposé " devait comporter un formulaire financier, l'évaluation des charges et recettes d'exploitation expliquant les principes mis en œuvre, les modes de calcul de chaque type de recette en lien avec le trafic prévisionnel, l'évaluation des comptes des missions régaliennes, le plan de financement des investissements, une note fiscale, le plan de comptabilité, un tableau synthétisant, année par année et en valeur cumulée sur la durée du contrat, le montant de la redevance versée avec le détail de son mode de calcul, le montant des subventions d'équipement et de la subvention d'équilibre, le montant envisagé de la rémunération du candidat, le montant et la nature de tout autre flux financier identifié avec le concédant et enfin une note détaillée de différents tests de sensibilité élaborés sur la base d'hypothèses déterminées, devant servir de support à une note présentant la stratégie retenue pour assurer un développement pérenne de l'aéroport.
13. La société Edeis Concessions soutient que l'autorité concédante a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en prévoyant, dans le règlement de consultation, que le critère 1 prend en compte le " compte prévisionnel d'exploitation ", ce qui inclut notamment le chiffre d'affaires prévisionnel et repose seulement sur les déclarations des candidats, sans être assorti d'engagements contractuels. Toutefois, un tel élément d'appréciation ne saurait être regardé, du fait du caractère purement déclaratif des données sur lesquelles il repose, comme entachant d'irrégularité la méthode d'évaluation de ce critère, dès lors qu'il n'est pas dépourvu de tout lien avec celui-ci et qu'il vise à apprécier non la valeur financière de l'offre mais la cohérence et la crédibilité de celle-ci au plan financier et s'insère dans l'appréciation globale de l'équilibre financier de l'offre. Le moyen tiré d'une irrégularité affectant l'évaluation du critère 1 doit donc être écarté.
14. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le critère 2 relatif à la " qualité du projet de développement économique de l'aéroport " était précisé tant dans le règlement de la consultation que dans le document d'orientation annexé à celui-ci présentant les principales données d'exploitation ainsi que les attentes de Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération, notamment en ce qui concerne le développement de l'activité aéronautique et les investissements attendus du futur concessionnaire. En outre, au cours de la phase de négociation des offres, l'autorité délégante a précisé à la société Edeis Concessions, par des courriers des
10 novembre 2020 et 18 janvier 2021, comment elle pouvait améliorer son offre et lui a indiqué, en particulier, qu'il lui était permis de détailler ses propositions de développement " côté piste " et " côté ville " et d'optimiser ses propositions relatives au développement du chiffre
d'affaires sur la plateforme. Par suite, le moyen tiré de ce que le critère 2 n'aurait pas été suffisamment précis faute d'indiquer si le développement économique était quantitatif ou qualitatif doit être écarté.
15. En quatrième lieu, s'agissant du critère 3, les engagements du candidat en matière de politique globale de gestion des ressources humaines, explicités par le f) du point 5.2.3 du règlement de la consultation, sont en lien direct avec la qualité de l'offre en matière de travaux et d'exploitation qui fait l'objet du critère 3. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, l'article 2.1 du règlement de la consultation présentait les caractéristiques générales de la concession et indiquait les équipements et services la constituant. Un plan de maintenance et un plan d'investissements étaient annexés au projet de contrat et le document d'orientation annexé au règlement de la consultation précisait les missions assurées par le futur concessionnaire s'agissant notamment des travaux et des services à fournir. Le courrier du 10 novembre 2020 en cours de négociation invitait également la société requérante à préciser plusieurs points de son projet d'exploitation notamment en matière de formation, de prestations sous-traitées et d'accueil des passagers hors espace Schengen. Par suite, le moyen tiré de l'imprécision du critère 3 et de ce qu'il ne pouvait inclure la politique de gestion des ressources humaines doit être écarté.
16. En dernier lieu, si l'autorité concédante peut, pour sélectionner l'offre présentant le meilleur avantage économique global, et ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article R. 3124-4 du code de la commande publique, mettre en œuvre des critères comprenant des aspects environnementaux, c'est à la condition, notamment, qu'ils soient liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, ces dispositions n'ayant ni pour objet, ni pour effet de permettre l'utilisation d'un critère relatif à la politique générale de l'entreprise en matière environnementale, apprécié au regard de l'ensemble de son activité, indépendamment de l'objet ou des conditions d'exécution propres au contrat de concession en cause.
17. Il résulte des stipulations de l'article 5.2.3 du règlement de la consultation que les candidats devaient présenter " les actions qu'ils envisagent de mettre en œuvre pour la préservation de l'environnement en matière de gestion des déchets, de l'eau, de la consommation énergétique, de préservation de la faune et de la flore locale, ainsi que tous les engagements de développement durable. / Un projet de charte environnementale est demandé aux candidats pour traduire formellement leurs engagements en la matière (maximum 5 pages) ". Ainsi, les demandes de l'autorité concédante relatives au critère 4 " qualité de la politique environnementale et de développement durable " portaient sur la concession et ses conditions d'exécution et non sur la politique générale de l'entreprise candidate en matière environnementale. En outre, alors même que, ainsi que le soutient la société requérante, les termes de " politique environnementale " et " politique de développement durable " ont une signification proche, la société Edeis Concessions n'explicite pas en quoi cette circonstance entacherait le critère 4 d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité concédante a mis en œuvre un critère illégal de sélection des offres fondé sur des aspects environnementaux dépourvus de tout lien avec l'exécution des prestations de la concession de service public doit être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance de la hiérarchisation des critères :
18. Il appartient au juge du contrat, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats. Par ailleurs, l'autorité concédante définit librement la méthode d'évaluation des offres au regard de chacun des critères d'attribution qu'elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'évaluation des offres que les modalités de leur combinaison. Une méthode d'évaluation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d'attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités d'évaluation des critères d'attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l'ensemble des critères, à ce que l'offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie.
19. Il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération a, pour évaluer les offres qui lui étaient soumises, associé une appréciation qualitative des offres à chacun des quatre critères classés par ordre décroissant qu'elle avait fixés et rendus publics. Cette appréciation était composée d'une évaluation littérale décrivant les qualités des offres pour chaque critère, suivie d'une flèche et d'une appréciation qui la résumait, telle que " très satisfaisant ", " satisfaisant ", " moyen " ou " insuffisant ". Une flèche verte orientée vers le haut représentait la meilleure appréciation, une flèche rouge vers le bas la moins bonne, tandis que des flèches orange orientées en haut à droite ou horizontalement constituaient deux évaluations intermédiaires. La communauté d'agglomération a enfin classé les offres compte tenu de l'appréciation qu'elle avait portée sur chacun des critères.
20. La société Edeis Concessions soutient qu'elle a obtenu une meilleure appréciation sur le premier critère, ce qui aurait dû conduire à lui attribuer le marché. Toutefois, il résulte de ce que précède que les critères, rappelés au point 9 ci-dessus, étaient hiérarchisés mais non pondérés. La méthode d'évaluation retenue permettait de comparer et de classer tant les évaluations portées sur une même offre au titre de chaque critère que les différentes offres entre elles, sans que l'autorité concédante méconnaisse leur hiérarchisation. De plus, l'appréciation du premier critère ne portait pas uniquement sur le montant de la redevance à verser par la communauté d'agglomération mais sur l'ensemble de l'offre financière des candidats. Ainsi, en n'attribuant pas la concession à la société Edeis Concessions, dont l'offre était mieux classée que celle de l'attributaire sur le critère 1, Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération, qui a porté une appréciation globale sur les offres en attribuant le contrat à l'offre présentant le meilleur avantage économique, n'a pas méconnu la hiérarchisation des critères résultant du règlement de la consultation.
En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la requérante :
21. En premier lieu, la société requérante soutient que l'autorité concédante n'a pas porté de commentaire positif sur le montant de son offre, alors même que cette dernière était moins onéreuse que celle retenue, à hauteur de 1,3 millions d'euros. Cependant, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'analyse des offres que cet écart a été pris en compte, le niveau des engagements contractuels juridiques et financiers de la société Edeis Concessions étant regardé comme satisfaisant et respectant les prescriptions minimales de l'autorité délégante, alors que le niveau des engagements contractuels juridiques et financiers de l'offre de la société SEALAR a été qualifié de " parfois limité ", son offre étant évaluée comme " moyenne " sur le
critère 1. Il suit de là qu'en jugeant que le niveau des engagements contractuels juridiques et financiers de la société Edeis Concessions était satisfaisant, l'autorité concédante n'a pas dénaturé son offre. Par suite, le moyen, qui est sans rapport direct avec l'éviction de la société requérante, doit, en tout état de cause, être écarté.
22. En deuxième lieu, d'une part, si la société Edeis Concessions soutient également que son programme pluriannuel d'investissements a été jugé, à tort, incomplet, il résulte de l'instruction que les documents de la consultation, et plus précisément de l'annexe 4 b au contrat, précisaient les attentes de l'autorité concédante. Les candidats devaient ainsi compléter un plan prévisionnel d'investissements. En se bornant à relever qu'elle a revu à deux reprises le programme pluriannuel d'investissements, la société requérante ne démontre pas le caractère erroné de l'appréciation du rapport d'analyse des offres selon laquelle certains investissements pourtant prévus manquaient, le plan ne respectait pas la forme souhaitée pour la codification et certaines informations requises faisant défaut. D'autre part, le rapport détaillé de l'analyse des offres sur le critère 2 indiquait que la société requérante s'engageait à diminuer de 20 % la redevance carburant pour les clients de la plateforme, ce qui constituait un point positif de son offre, lequel a été valorisé, contrairement à ce qu'elle soutient. Par suite, le moyen tiré de l'erreur
manifeste entachant l'appréciation de l'offre de la société Edeis Concessions sur le critère 2 doit être écarté.
23. En troisième lieu, d'une part, le rapport d'analyse des offres relève que les plans de maintenance et de renouvellement de la société Edeis Concessions sont " pertinents et bien détaillés ". S'agissant de l'offre de la SEALAR, il indique que l'état des chaussées à l'échéance du contrat ne nécessitera aucune réfection. Il ne résulte pas de l'instruction que l'offre de la société Edeis, alors même qu'elle prévoyait des travaux de réfection des chaussées, présentait un programme d'entretien et de maintenance aussi complet permettant d'en faire un élément distinctif de son offre devant être valorisé. D'autre part, il résulte de l'instruction que, s'agissant de la certification aéroportuaire, le rapport d'analyse des offres relève que la société Edeis Concessions est titulaire d'un certificat " prestataire de services de navigation aérienne " (PSNA) et qu'ainsi la continuité de la sécurité aérienne est assurée, mais qu'elle ne compte pas demander de certification ou homologation aéroportuaire. Si la certification PSNA n'est pas mentionnée dans la synthèse du rapport d'analyse des offres sur le critère 3, alors que les démarches précises de la société SEALAR pour obtenir tant l'homologation CHEA (" conditions d'homologation et procédures d'exploitation des aérodromes ") que le certificat PSNA sont mentionnées dans l'analyse détaillée des offres et dans cette synthèse, il ne résulte de l'instruction ni que l'appréciation de l'offre de la société Edeis Concessions sur le critère 3 serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation en raison de la seule omission de sa certification PSNA, ni que le classement final des offres aurait été modifié si cet élément avait été pris en compte dans l'évaluation du critère 3. A cet égard, l'offre de la société Edeis Concessions a été regardée comme " satisfaisante " sur ce critère,
sans qu'il ne résulte de l'instruction que la prise en compte de la certification PSNA aurait
permis un classement " très satisfaisant " en l'absence de démarche de certification
aéroportuaire.
24. En dernier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'analyse des offres que plusieurs éléments de l'offre de la société Edeis Concessions sur le quatrième critère relatif à la qualité de la politique environnementale et de développement durable, ont été valorisés et que son offre a d'ailleurs été regardée comme " satisfaisante " sur ce critère. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'en relevant qu'aucune action à long terme n'était documentée dans le tableau " objectifs environnement 2020 " qui constituait l'un des éléments de la note de développement durable présentée à l'appui de l'offre de la société requérante, le rapport d'analyse des offres aurait dénaturé son offre. Ce tableau liste en effet plusieurs actions, dont plusieurs pourront être mise en œuvre à court terme, sans présenter d'objectifs concrets à long terme spécifiques à l'aéroport de Vannes, alors que la durée totale de la concession est de dix ans. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste entachant l'appréciation de l'offre de la société requérante sur le critère 4 doit être écarté.
En ce qui concerne les irrégularités de l'offre de l'attributaire :
S'agissant de l'application du principe de spécialité et de l'obligation de vérification de l'autorité concédante :
25. Aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ".
26. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 710-1 du code de commerce : " Les établissements du réseau des chambres du commerce et de l'industrie () peuvent, avec l'accord de l'autorité de tutelle, participer à la création et au capital de sociétés civiles et de sociétés par actions dont l'objet social entre dans le champ de leurs missions. Ils peuvent participer dans les mêmes conditions à la création de groupements d'intérêt public ou privé ainsi qu'à toute personne morale de droit public. ". Selon ces mêmes dispositions, figurent, parmi les missions des établissements du réseau des chambres du commerce et de l'industrie, la création et gestion d'équipements, en particulier portuaires et aéroportuaires.
27. En premier lieu, le principe de spécialité qui régit les établissements publics leur interdit d'exercer des activités étrangères à leur mission, sauf si ces activités en constituent le complément normal et si elles sont directement utiles à l'établissement.
28. Si le principe de spécialité s'impose à tous les établissements publics qui ne doivent avoir d'autre objet que celui qui leur a été spécialement attribué par leurs règles constitutives et ne peuvent avoir comme activités que celles s'inscrivant dans les limites que définit cet objet, il résulte de l'instruction que la convention de gestion et d'exploitation de l'aéroport de
Vannes-Golfe du Morbihan a été attribuée à la SEALAR, société par action simplifiée (SAS), qui a elle-même pour actionnaires trois SAS, à savoir TPF Ingénierie, Ingénierie Services Forces Ouest (INSFO), et la CCI Marseille-Provence Infrastructures (CCIMP). Ces deux dernières sociétés ont été créées respectivement par la CCI Métropolitaine Bretagne Ouest et par la CCI Marseille-Provence, ainsi que le permettent les dispositions précitées de l'article L. 710-1 du code de commerce dès lors que leur objet social entre dans le champ des missions des chambres de commerce et d'industrie. Par conséquent, et dès lors que l'attributaire de la concession de service public, société de droit privé, n'est pas soumis au principe de spécialité, tant matérielle que territoriale, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de sa méconnaissance. Par suite, le moyen doit être écarté.
29. En deuxième lieu, lorsqu'une personne publique est candidate à l'attribution d'un contrat de concession, il appartient à l'autorité concédante, dès lors que l'équilibre économique de l'offre de cette personne publique diffère substantiellement de celui des offres des autres candidats, de s'assurer, en demandant la production des documents nécessaires, que l'ensemble des coûts directs et indirects a été pris en compte pour la détermination de cette offre, afin que ne soient pas faussées les conditions de la concurrence. Saisi d'un moyen en ce sens, il incombe au juge du contrat de vérifier que le contrat n'a pas été attribué à une personne publique qui a présenté une offre qui, faute de prendre en compte l'ensemble des coûts exposés, a faussé les conditions de la concurrence.
30. Il n'appartenait pas à l'autorité concédante, avant d'attribuer le contrat de concession en litige, de contrôler que l'offre financière retenue, présentée, ainsi qu'il a été dit, par une société de droit privé dont les actionnaires sont également des sociétés de droit privé, incluait
bien l'ensemble des coûts directs et indirects ou ne reposait pas sur le bénéfice d'un avantage découlant des ressources ou des moyens attribués à une personne publique au titre de sa mission de service public.
31. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit, que les candidats devaient fournir un certain nombre de documents à l'appui de leur offre, ce qui permettait à l'autorité délégante de vérifier de manière effective les informations soumises et d'apprécier si les offres répondaient aux critères d'attribution. Par suite, le moyen tiré de ce que la communauté d'agglomération n'aurait pas vérifié les informations soumises par la société attributaire doit être écarté.
32. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'offre de la société SEALAR aurait dû être écartée comme irrégulière en application de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique doit être écarté.
S'agissant du caractère anormalement bas de l'offre retenue :
33. Aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché. ". Aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsque une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. / Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État. ".
34. Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre. Toutefois, pour estimer que l'offre de l'attributaire est anormalement basse, le pouvoir adjudicateur ne peut se fonder sur le seul écart de prix avec l'offre concurrente, sans rechercher si le prix en cause est lui-même manifestement
sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché.
35. Si la société Edeis Concessions soutient que l'offre de la société SEALAR est anormalement basse, la prohibition des offres anormalement basses et le régime juridique relatif aux conditions dans lesquelles de telles offres peuvent être détectées et rejetées ne sont pas applicables, en tant que tels, aux concessions. Au surplus, il résulte de l'instruction que l'offre de la société SEALAR était plus onéreuse s'agissant de la redevance à verser par l'autorité concédante sur toute la durée de la concession, de sorte que le moyen tiré de ce que l'autorité concédante aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant une offre anormalement basse doit, en tout état de cause, être écarté.
36. Il résulte de tout ce qui précède, que les conclusions présentées par la société Edeis Concessions tendant à contester la validité de la concession litigieuse ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit utile d'ordonner à Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération de produire les documents qu'elle demande, d'autant, d'ailleurs, qu'elle les a effectivement produits en cours
d'instance. Les conclusions à fins d'annulation du contrat de concession et d'indemnisation des préjudices subis, présentées par la société Edeis Concessions, doivent également être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés au litige :
37. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté d'agglomération Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Edeis Concessions une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Edeis Concessions une somme de 1 500 euros à verser Golfe du
Morbihan-Vannes Agglomération au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Edeis Concessions est rejetée.
Article 2 : La société Edeis Concessions versera à la communauté d'agglomération Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Edeis Concessions, à la communauté d'agglomération Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération et à la société d'exploitation et d'action locale pour les aéroports régionaux.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024 à laquelle siégeaient :
M. Kolbert, président du tribunal,
Mme Grenier, présidente,
M. Jouno, président.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.
La rapporteure,
signé
C. GrenierLe président du tribunal,
signé
E. KolbertLa greffière,
signé
I. Le Vaillant
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°2103797