TA Strasbourg, 16/01/2023, n°1908617
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 novembre 2019, 7 avril et 13 juillet 2021, la société à responsabilité limitée (SARL) Sogehô, représentée par Me Bernard, demande au tribunal :
1°) d'annuler la délibération n° 24 du 24 juin 2019 du conseil municipal de la commune de Strasbourg, en tant que cette délibération approuve la cession à la SARL Foncière Grand Est des parcelles cadastrées en section BY n° 232 et n° 210/116, pour un montant de 14 773 000 euros, ensemble la décision du 26 septembre 2019 rejetant son recours gracieux contre ladite délibération ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Strasbourg une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Sogehô soutient que :
- la délibération attaquée est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle ne précise pas que le quorum fixé par l'article L. 2121-17 du code général des collectivités territoriales était atteint ;
- la commune doit justifier que les conseillers municipaux ont été régulièrement convoqués et ont été suffisamment informés, comme l'imposent les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;
- la commune de Strasbourg a méconnu son obligation de publicité et de mise en concurrence ;
- s'agissant d'une vente avec charges, la commune de Strasbourg aurait dû engager une procédure conforme aux principes généraux de la commande publique.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 janvier, 25 juin et 23 novembre 2021, la commune de Strasbourg, représentée par Me Verdin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SARL Sogehô n'est fondé.
Par des mémoires enregistrés les 28 juin et 19 août 2021, la SARL Foncière Grand Est, représentée par Me Soler-Couteaux, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la SARL Sogehô n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B A,
- les conclusions de M. Laurent Guth, rapporteur public,
- et les observations de Me Verdin représentant la commune de Strasbourg et de Me Vienne représentant la Sàrl Foncière Grand Est.
Considérant ce qui suit :
1. La ville de Strasbourg est propriétaire d'un terrain situé avenue Herrenschmidt sur lequel elle a consenti le 29 janvier 1973 un bail emphytéotique en vue de permettre la réalisation d'un hôtel, exploité sous l'enseigne "Mercure Wacken". Par une délibération n° 24 du 24 juin 2019, le conseil municipal de la ville de Strasbourg a, notamment, approuvé la cession au titulaire du bail emphytéotique, la SARL Foncière Grand Est, de l'emprise de l'hôtel, constituée par les parcelles cadastrées en section BY n° 232 et n° 210/116, pour un montant de 14 773 000 euros, en vue de favoriser la reconstruction de l'hôtel par la réunion des droits du preneur et du bailleur de l'emphytéose. La SARL Sogehô demande l'annulation de la délibération n° 24 du 24 juin 2019 en tant qu'elle approuve cette cession ainsi que de la décision du 26 septembre 2019 rejetant son recours gracieux contre ladite délibération.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 2541-1 du même code : "Les dispositions de la première partie sont applicables aux communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la présente partie sont applicables aux communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, à l'exception de celles des articles L. 2121-1, L. 2121-9, L. 2121-10, L. 2121-11, L. 2121-15, du second alinéa de l'article L. 2121-17, de l'article L. 2121-22, des premier, deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 2121-29, de l'article L. 2121-31, des 1° à 8° de l'article L. 2122-21 et des articles L. 2122-24, L. 2122-27, L. 2122-28 et L. 2122-34".
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 de ce code : "Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal () Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les conseillers municipaux de la commune de Strasbourg ont été convoqués par un courriel envoyé le mardi 18 juin 2019, à la séance du 24 juin 2019 au cours de laquelle le conseil municipal a adopté la délibération attaquée. Le délai légal, qui est un délai franc comme les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales le prévoient, a commencé à courir le lendemain du jour de l'envoi de la convocation et a expiré le lendemain du cinquième jour, soit le lundi 24 juin 2019. Il a ainsi été respecté en l'espèce.
5. D'autre part, le défaut d'envoi de la note de synthèse exigée par les dispositions précitées de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que les conseillers n'aient été rendus destinataires, en même temps que de la convocation, de documents leur permettant de disposer d'une information équivalente. La ville de Strasbourg justifie qu'à la convocation envoyée aux conseillers municipaux le 18 juin 2019 était jointe une notice explicative correspondant à la note de synthèse prévue par l'article L. 2121-12. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté dans ses deux branches.
6. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-17 du code général des collectivités territoriales : "Le conseil municipal ne délibère valablement que lorsque la majorité de ses membres en exercice est présente". En vertu de l'article L. 2121-2 du même code, le conseil municipal de Strasbourg, ville de 250 000 à 299 999 habitants, compte 65 membres.
7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu de la séance du 24 novembre 2024 du conseil municipal de Strasbourg que 35 conseillers municipaux étaient présents lors de l'examen du point n° 24. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la délibération attaquée serait entachée d'irrégularité dès lors que le quorum n'était pas atteint lorsqu'elle a été adoptée, ne peut pas être accueilli.
8. En dernier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général n'impose à une commune de faire précéder la vente d'une dépendance de son domaine privé d'une procédure de publicité et de mise en concurrence préalables. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la seule circonstance que la délibération attaquée dispose que la vente sera assortie de la triple condition résolutoire de maintenir l'activité hôtelière pendant une durée de quinze ans, de déposer le permis de construire correspondant à la reconstruction de l'hôtel dans un délai de trois ans et de satisfaire à un quota d'heure d'insertion pendant la réalisation des travaux, n'est pas de nature à caractériser l'existence d'un marché public soumis au droit de la commande publique.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la SARL Sogehô. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, de mettre à la charge de la société requérante le versement à la ville de Strasbourg et à la SARL Foncière Grand Est de la somme de 1 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de la SARL Sogehô est rejetée.
Article 2 : La SARL Sogehô versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à la commune de Strasbourg en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La SARL Sogehô versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à la SARL Foncière Grand Est en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Sogehô, à la commune de Strasbourg et à la SARL Foncière Grand Est.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Julien Iggert, président,
M. Christophe Michel, premier conseiller,
M. Mohammed Bouzar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2023
Le rapporteur,
C. A
Le président,
J. IGGERT
Le greffier,
S. PILLET
La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Strasbourg, le
Le greffier,