TA Nantes, 04/01/2023, n°1911981

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 octobre 2019, 27 mars 2020 et

14 octobre 2021, M. A C et Mme B C, représentés par Me Plateaux, demandent au tribunal :

1°) d'annuler le contrat portant concession d'aménagement conclu le 4 novembre 2019 entre Nantes Métropole et la société Loire Atlantique Développement - SPL (LAD-SPL), pour poursuivre la réalisation des zones d'aménagement concertées (ZAC) " Maison Neuve 2- Haute Foret " à Sainte-Luce-Sur-Loire et Carquefou ;

2°) de mettre à la charge de Nantes Métropole la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est recevable dès lors qu'ils justifient d'un intérêt à agir à la fois en qualité de propriétaires d'immeubles situés dans le périmètre de la ZAC et en qualité de contribuables locaux ;

- le contrat est illégal dès lors qu'en application de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, sa signature aurait dû être précédée d'une procédure de publicité et mise en concurrence ;

* l'exception de " quasi-régie " ne peut trouver à s'appliquer aux concessions d'aménagement au titre de l'article L. 300- 4 du code de l'urbanisme ;

* dans l'hypothèse où l'exception de " quasi-régie " trouverait à s'appliquer, Nantes Métropole devra justifier qu'elle exerce effectivement un contrôle analogue sur le concessionnaire ;

* il lui faut en outre, qu'il était préférable de recourir à la quasi-régie ; en tout état de cause, compte tenu du contrôle analogue exercée par cette dernière sur d'autres entités d'économie mixte en concurrence directe avec l'attributaire, l'exception de quasi-régie ne pouvait être mise en oeuvre ;

- le contrat méconnaît l'article L. 1521-1 alinéa 2 du code général des collectivités territoriales dès lors que l'attributaire n'avait pas la capacité de signer le contrat ; le cocontractant ne respecte pas les orientations prescrites par le législateur, ses statuts n'étant pas encore définitivement fixés et ne sont pas strictement conformes à ces orientations;

- le contrat a un objet illicite ; il méconnaît les dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme dès lors qu'il a été signé en méconnaissance des normes urbanistiques en vigueur ; l'intégralité des travaux programmés ne respecte pas la totalité des prescriptions urbanistiques en vigueur :

* la signature du contrat litigieux n'a pas été précédée d'une étude d'impact, requise sur le fondement de l'article R. 311-2 du code de l'urbanisme et de l'article R.122-3 du code de l'environnement ;

* la signature du contrat n'a pas été précédée d'un dossier de création complet, réactualisé le cas échéant du fait de la signature de la précédente concession, conformément à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme, et alors qu'il est constant qu'entre la date de la création initiale de la ZAC et la signature du contrat contesté, des évolutions substantielles sont intervenues, ce qui nécessite un réexamen du dossier de présentation ;

* l'existence d'une zone humide dans le périmètre de la ZAC interdit l'exécution d'un projet d'aménagement urbain au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme;

- le contrat est illégal dès lors que le choix d'attribuer ledit contrat à la LAD-SPL est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; les mérites de cette entité ne surpassent pas celles des autres entités contrôlées par Nantes Métropole, à l'instar de la SPL Nantes Métropole Aménagement ou de la SAMOA ; par ailleurs, les capacités financières de la LAD-SPL et celles de Nantes Métropole, marquées par un déficit aggravé, ne permettent pas de porter l'exécution du contrat, qui l'oblige à consentir de nombreuses avances financières au concessionnaire ;

- le contrat est entaché d'un détournement de procédure dès lors qu'il constitue en réalité un marché public de travaux :

* la rémunération de l'aménageur n'est pas liée à un risque d'exploitation, Nantes Métropole ayant à deux reprises souscrit une garantie d'emprunt, au moins à deux reprises pour permettre à l'aménageur de poursuivre l'exécution du contrat litigieux ; au regard des liens financiers unissant Nantes Métropole et l'attributaire, il existe un doute sur le risque financier réel supporté par l'aménageur ; en l'absence de récupération des aides irrégulièrement versées par Nantes Métropole au profit de la LAD-SPL venant aux droits de la SAEML LAD-SELA, dans le cadre de l'exécution du précédent traité de concession, le risque financier subi par l'aménageur est inexistant ;

* en l'absence de risque financier supporté par le concessionnaire, il faut requalifier le contrat litigieux en marché public de travaux ; or ce contrat est illicite dès lors qu'il procède au transfert à l'attributaire des droits de préemption et d'expropriation, qui ne sont autorisés que dans le cadre d'une concession d'aménagement, au sens et pour l'application de l'article L. 300-4 alinéa 3 du code de l'urbanisme et dès lors qu'il autorise la perception par l'aménageur des taxes d'urbanisme théoriquement dues à Nantes Métropole, sur le fondement des articles R. 311-4 et suivants du code de l'urbanisme ;

- le contrat est illégal car il ne comporte pas l'intégralité de la dizaine de mentions obligatoires requises, à peine de nullité, en application des dispositions combinées de l'article L.1523-2 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 300-5 du code de l'urbanisme ;

- l'article 27.2-1 du traité de concession, qui vise une participation forfaitaire de Nantes Métropole, au titre de la réalisation des études pré-opérationnelles visées à l'article 3

dudit traité, par exception à l'engagement visé par l'article 16 dudit traité, est illégal et doit entraîner une annulation partielle du contrat;

- l'article 22.4 du traité de concession méconnaît les dispositions de l'article L.1523-2-4° du code général des collectivités territoriales dès lors qu'il vise des " conditions dans lesquelles le concédant peut consentir des avances justifiées " sans préciser lesdites conditions, qui se trouvent par conséquent inexistantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2020, Nantes Métropole, représentée par Me Claisse, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête pour irrecevabilité et, à titre subsidiaire, à son rejet pour absence de bien-fondé ;

2°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des époux C au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, dès lors que les requérants ne justifient pas de leur intérêt à agir, ni en qualité de contribuables locaux, dès lors qu'ils ne démontrent pas que le traité de concession litigieux aurait des conséquences significatives sur les finances publiques ou sur le patrimoine de la collectivité, ni en qualité de propriétaires de terrains situés dans le périmètre de la ZAC dès lors que le contrat litigieux en lui-même n'aura aucun effet sur leurs intérêts de propriétaires ;

- le moyen tiré de la méconnaissance par Nantes Métropole de ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence ne peut être invoqué par les requérants car sans lien avec les intérêts lésés dont ils se prévalent et il est mal fondé ; il n'est pas d'une gravité telle que le juge devrait le relever d'office et n'est donc pas susceptible d'entraîner l'annulation du contrat litigieux ; contrairement à ce que les requérants soutiennent, les règles de passation des contrats de la commande publique (la troisième partie du code de la commande publique) s'appliquent aux concessions d'aménagement ; la concession a pu dès lors être attribuée régulièrement par le recours à la quasi-régie ; l'ensemble des stipulations du traité concession litigieux, notamment ses articles 8.2 et 22, montrent que les risques économiques liés à l'opération d'aménagement ont bien été transférés à la LAD-SPL ;

- le moyen tiré de ce que Nantes Métropole ne justifie pas des conditions du recours à la " quasi-régie " n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; au demeurant, il manque en fait : les trois conditions posées par l'article L. 3211-3 du code de la commande publique sont réunies ; Nantes Métropole participe non seulement au capital de la LAD-SPL mais également aux organes de direction de cette société ; la condition tenant à la réalisation de plus de 80% des activités de la SPL pour le ou les pouvoirs adjudicateurs, est également remplie ; enfin, il n'y a aucun actionnaire privé au sein de la LAD-SPL ;

- le moyen tiré de ce que Nantes Métropole exercerait un contrôle analogue sur d'autres entités d'économies mixtes dans le même ressort géographique, qui assureraient les mêmes prestations que la LAD-SPL et que leur pluralité ferait obstacle au recours à la quasi-régie ne repose sur aucun texte et vise à ajouter une condition permettant de recourir à la quasi-régie qui n'est prévue par aucun texte ;

- le moyen tiré de l'incapacité juridique de la LAD-SPL à conclure le traité d'aménagement litigieux manque en fait dès lors que cette société est immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 25 juin 2013 et que ses statuts ont été adoptés lors de l'assemblée générale extraordinaire du 27 juin 2014, soit avant la signature du traité de concession ;

- le moyen tiré de ce que l'objet du contrat serait illicite au motif qu'il ne respecterait pas les prescriptions urbanistiques et l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme est inopérant dès lors que les requérants ne démontrent pas le lien avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ; il ne s'agit pas là en tout état de cause d'un vice d'une particulière gravité que le juge devrait relever d'office ; au demeurant, l'indépendance des législations s'oppose au lien fait par les requérants entre le respect des règles d'urbanisme et la validité d'une concession d'aménagement ;

- à supposer même que les vices invoqués seraient établis, aucun n'est susceptible d'être qualifié de vice d'une particulière gravité en application de la jurisprudence Tarn-et-Garonne et donc de donner lieu à l'annulation du contrat de concession d'aménagement ; les époux C n'établissent pas davantage qu'au vu des moyens invoqués, l'exécution du marché ne pourrait pas être poursuivie et la convention devrait être nécessairement annulée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2020, La société Loire Atlantique Développement - SPL, représentée par Me Marchand, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des époux C au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que les requérants ne démontrent pas que la concession d'aménagement litigieuse léserait leurs intérêts de manière suffisamment directe et certaine ; ni leur qualité de contribuables locaux ni celle de propriétaires de terrains ne leur permettent d'agir à l'encontre de la concession d'aménagement ; ils n'établissent pas que la conclusion de la concession litigieuse serait susceptible d'emporter des conséquences significatives sur les finances de la collectivité et ce contrat n'a pas pour objet d'affecter leur droit de propriété ;

- les moyens soulevés par les requérants sont inopérants dès lors qu'ils ne démontrent pas que ces moyens sont en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ;

- les moyens sont infondés :

* l'exception de quasi-régie est applicable aux concessions d'aménagement ;

* Nantes Métropole exerce, avec les autres actionnaires de la LAD-SPL, un contrôle analogue sur celle-ci : les conditions propres à l'absence de capitaux privés et au degré d'activité exercée pour le compte des pouvoirs adjudicateurs membres sont par définition acquises s'agissant de la LAD-SPL puisque celle-ci ne peut, compte tenu de sa qualité de SPL, comporter de capitaux privés et intervenir que pour le compte de ses actionnaires ; la métropole de Nantes participe au capital social de la LAD-SPL avec d'autres pouvoirs adjudicateurs et elle est représentée au sein du conseil d'administration ;

* le fait que Nantes Métropole participe au capital social d'autres sociétés et exerce sur celles-ci un contrôle analogue ou conjoint ne la prive pas du bénéfice de la quasi-régie dans ses relations avec la LAD-SPL ;

* il ne résulte d'aucun texte ni d'aucune jurisprudence de la CJUE que le pouvoir adjudicateur soit tenu de démontrer les avantages à recourir à une quasi-régie ;

* le moyen tiré de ce que la LAD-SPL ne respecte pas le second aliéna de l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales est inopérant dès lors que ces dispositions régissent le maintien en qualité d'actionnaire d'une commune ayant transféré sa compétence à un établissement public de coopération intercommunale ;

* en vertu de la loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l'actionnariat des entreprises publiques locales, une collectivité territoriale peut participer au capital d'une SEM ou d'une SPL dès lors qu'elle détient au moins l'une des compétences correspondant aux missions, et donc à l'objet social, de la société ;

* le moyen tiré de ce que les statuts de la LAD-SPL ne seraient pas conformes aux prescriptions du législateur n'est pas étayé ;

* le moyen tiré du non-respect de l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme ainsi que des prescriptions du plan local d'urbanisme n'est assorti d'aucune précision quant aux règles urbanistiques qui seraient méconnues.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E,

- les conclusions de M. Dias, rapporteur public,

- les observations de Me Plateaux, représentant M. et Mme C,

- les observations de Me Coquillon, substituant Me Claisse, représentant Nantes Métropole,

- et les observations de Me Amon, substituant Me Marchand, représentant la société LAD-SPL.

Considérant ce qui suit :

1. Les zones d'aménagement concertée (ZAC) de la Haute-Forêt à Carquefou et de Maison Neuve 2 à Sainte-Luce-sur-Loire, portant sur un périmètre de 100 et 49 hectares et destinées à accueillir des activités logistiques, industrielles et artisanales, ont été créées le

23 juin 2006. Leur aménagement avait été confié par Nantes Métropole à la société anonyme d'économie mixte Loire Atlantique Développement-SELA dans le cadre d'une concession d'aménagement signée le 4 juillet 2005. Cette concession a été résiliée à l'amiable par avenant approuvé par le conseil métropolitain le 4 octobre 2019. Le même jour, ce conseil a approuvé la signature d'une nouvelle concession avec la société Loire Atlantique Développement - SPL (LAD-SPL) afin de poursuivre l'aménagement des deux ZAC, portant sur les 18 hectares restant à aménager. M. et Mme C, se prévalant de leur double qualité de contribuables locaux et de propriétaires de terrains inclus dans le périmètre de la ZAC, demandent au tribunal d'annuler ce nouveau contrat signé le 4 novembre 2019.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du contrat :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Les tiers au contrat ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

3. En premier lieu, les concessions d'aménagement, prévues aux articles L. 300-4 et suivants et R. 300-4 et suivants du code de l'urbanisme, permettent à l'État, aux collectivités territoriales ainsi que leurs établissements publics, de concéder à un tiers, aménageur, sous sa maîtrise d'ouvrage, la réalisation d'une opération ayant pour objet de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménageur assure la réalisation des travaux et équipements concourant à l'opération prévue dans la concession d'aménagement, ainsi que les études et toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut également être chargé, par le concédant, d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par voie d'expropriation ou de préemption. Le concessionnaire se rémunère en procédant à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession.

4. Les contrats de concession d'aménagement, qui ne constituent pas une catégorie autonome de contrat, revêtent tantôt le caractère d'un marché public, tantôt celui d'une concession, ce qui résulte des dispositions des articles R. 300-4 et suivants du code de l'urbanisme qui distinguent clairement les deux types de concessions d'aménagement. Le critère permettant de distinguer les concessions d'aménagement qui relèvent du droit des marchés publics de celles qui relèvent du droit des concessions réside dans la question de savoir si un risque d'exploitation est supporté par l'aménageur. L'existence d'un risque assumé par l'aménageur doit s'apprécier au regard de l'ensemble des stipulations du contrat de concession, s'agissant du mode de rémunération retenu, de l'importance des apports et subventions des collectivités publiques, du sort des biens non commercialisés en fin de contrat et des garanties consenties par la personne publique contractante. En l'absence de risques pour le concessionnaire, le contrat de concession d'aménagement relève du régime des marchés publics, résultant notamment de la deuxième partie du code de la commande publique, sous réserve des règles spécifiques édictées par les articles R. 300-11-2 et R. 300-11-3 du code de l'urbanisme.

5. En l'espèce, il résulte des stipulations du contrat, notamment de son article 8.2 qu'il est mené "() aux risques du concessionnaire " et de son article 22 que " les charges supportées par le Concessionnaire pour la réalisation de l'opération sont couvertes par, notamment, les produits à provenir des cessions, des concessions d'usage, et des locations de terrains ou d'immeubles bâtis, les subventions, ainsi que le cas échéant par les participations visées à l'article 23 ci-après". La participation du concédant prévue à l'article 23 pour un montant de 1 149 820 euros HT est versée au titre de la remise d'ouvrages et équipements publics venant s'intégrer au patrimoine de Nantes Métropole. Par ailleurs, la circonstance que l'article 26 du contrat permette à Nantes Métropole, concédant, d'accorder des garanties d'emprunt au concessionnaire sur sa demande, n'est pas de nature à supprimer tout risque financier pour ce dernier et ne le dispense d'assumer l'exécution du contrat à ses frais et risques. Il résulte donc de l'instruction que l'exécution du contrat litigieux expose l'attributaire à un risque économique et que sa rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'opération d'aménagement. Ce constat ne saurait être démenti par les allégations imprécises des requérants sur les liens financiers entre le concédant et le concessionnaire et sur l'existence d'aides irrégulières versées à la LAD-SELA à la faveur du contrat de concession d'aménagement résilié et non récupérées. Le moyen tiré de ce que la concession d'aménagement doit être requalifiée en marché public et que cela révèlerait un détournement de procédure n'est dès lors pas fondé.

6. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l'attributaire du marché public d'aménagement n'aurait pas qualité pour exercer des prérogatives de puissance publique pour le compte de la collectivité concédante (exercice du droit de préemption urbain, expropriation, perception des participations d'urbanisme prévues par le 3ème alinéa de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme) doit, en tout état de cause, être écarté par voie de conséquence de ce qui précède.

7. En troisième lieu, de première part, aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige: " L'attribution des concessions d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". L'article L. 300-5-2 du même code précise que ces dispositions ne sont pas applicables aux concessions d'aménagement conclues entre le concédant et un aménageur sur lequel il exerce un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de ses activités avec lui ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui le contrôlent. Aux termes de l'article R. 300-4 du code de l'urbanisme: "Les dispositions de la troisième partie du code de la commande publique et les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux concessions d'aménagement lorsque le concessionnaire assume un risque économique lié à l'opération d'aménagement". Aux termes de l'article L. 3211-3 du code de la commande publique : " Sont soumis aux règles définies au titre II les contrats de concession conclus par un pouvoir adjudicateur, y compris lorsqu'il agit en qualité d'entité adjudicatrice, qui n'exerce pas sur une personne morale un contrôle dans les conditions prévues à l'article L. 3211-1, lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° Le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée, conjointement avec d'autres pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu'ils agissent en qualité d'entité adjudicatrice, un contrôle analogue à celui qu'ils exercent sur leurs propres services ; 2° La personne morale réalise plus de 80 % de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par les pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent ou par d'autres personnes morales contrôlées par les mêmes pouvoirs adjudicateurs ; 3° La personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés au capital, à l'exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par la loi qui ne permettent pas d'exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée. ".

8. Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'application combinée de ces dispositions du code de l'urbanisme et du code de la commande publique permettaient de recourir à l'exception de quasi-régie dans le cadre de la passation d'une concession d'aménagement. L'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. () Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres () ". En l'espèce, par sa délibération du 4 octobre 2019, le conseil métropolitain de Nantes Métropole a autorisé la signature du traité de concession attaqué en précisant que " conformément aux articles L. 3211-3 et L. 3221-1 du code de la commande publique, ce contrat est conclu sans procédure de publicité, ni mise en concurrence, compte tenu du statut de SPL de LAD-SPL, et du contrôle exercé conjointement sur cette société par Nantes Métropole et les autres personnes publiques actionnaires, analogue à celui qu'ils exercent sur leur propres services ". Il résulte de l'instruction que Nantes Métropole participe au capital de la SPL-LAD à hauteur de 5,56% et il résulte par ailleurs des statuts de la SPL, notamment des articles 16, 28 et 32, que Nantes Métropole est représentée par un administrateur au sein du conseil d'administration de la société et qu'elle dispose d'un réel pouvoir décisionnaire au sein de la SPL. Par ailleurs, il résulte des statuts de la LAD-SPL que cette société exerce son activité exerce plus de 80% de son activité au profit des autorités qui la contrôlent et en sont actionnaires, et que la participation de capitaux privés est exclue. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, Nantes Métropole justifie exercer sur la LAD-SPL un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services et pouvait, en conséquence, lui attribuer la concession d'aménagement litigieuse sans avoir à procéder à des mesures de publicité et de mise en concurrence.

9. De seconde part, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire ni des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne que le recours à un contrat de quasi-régie soit subordonné à la démonstration de son caractère plus avantageux qu'une solution d'externalisation.

10. De troisième part, la circonstance que Nantes Métropole exerce un contrôle analogue sur d'autres entités d'économie mixte, exerçant dans le même ressort géographique et assurant les mêmes prestations que la SPL-LAD, ne faisait pas obstacle au recours à la quasi régie. Les requérants ne se prévalent en outre d'aucun texte, notamment de droit communautaire, en vertu desquels Nantes Métropole aurait dû organiser une mise en concurrence entre ces entités. Ainsi, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle sur ce point, ce moyen doit être écarté.

11. En quatrième lieu, en se bornant à soutenir que les mérites de la LAD-SPL ne surpassent pas celles des autres entités contrôlées par Nantes Métropole, à l'instar de la SPL Nantes Métropole Aménagement ou de la SAMOA et que par ailleurs, les capacités financières de la LAD-SPL et celles de Nantes Métropole, marquées par un déficit aggravé, ne permettraient pas de porter l'exécution du contrat sans de nombreuses avances financières, les époux C ne démontrent pas que le choix d'attribuer la concession d'aménagement à la LAD-SPL serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation

12. En cinquième lieu, si les requérants soutiennent que la LAD-SPL n'avait pas la capacité juridique pour conclure le contrat litigieux, il résulte de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales que les sociétés publiques locales revêtent la forme de sociétés anonymes régies par le livre II du code de commerce et l'article R. 210-1 du code de commerce prévoit que les sociétés anonymes sont immatriculées au registre du commerce et des sociétés dans les conditions définies par le livre Ier dudit code. Il résulte également de l'article

L. 225-2 du même code que le projet de statuts doit être établi par un ou plusieurs fondateurs, qui déposent un exemplaire au greffe du Tribunal de commerce du lieu du siège social. Au cas présent, la SPL-LAD est immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le

25 juin 2013 et elle existe donc juridiquement depuis cette date. L'affirmation selon laquelle les statuts de la SPL ne seraient pas définitivement fixés est matériellement inexacte, ceux-ci ayant été approuvés par l'assemblée générale extraordinaire en date du 27 juin 2014, soit avant la signature du contrat. Le moyen doit être écarté.

13. En sixième lieu, de première part, aux termes de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme : " () Le concessionnaire assure la maîtrise d'ouvrage des travaux, bâtiments et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption. Il procède à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession. ". En l'espèce, l'article

27-2.1 du traité de concession stipule que " Pour les missions de conduite opérationnelle, l'aménageur percevra une rémunération forfaitaire annuelle () ". Ces stipulations n'ont ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge du concessionnaire le coût des études réalisées avant sa signature. Les requérants ne sont dès lors et en tout état de cause pas fondés à se prévaloir de leur illicéité.

14. De seconde part, aux termes de l'article L1523-2 de ce code: " Lorsqu'une société d'économie mixte locale est liée à une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou une autre personne publique par une concession d'aménagement visée à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, celle-ci prévoit à peine de nullité : () 4° Les conditions dans lesquelles le concédant peut consentir des avances justifiées par un besoin de trésorerie temporaire de l'opération ; celles-ci doivent être en rapport avec les besoins réels de l'opération mis en évidence par le compte rendu financier visé à l'article L. 300-5 du code de l'urbanisme ; ces avances font l'objet d'une convention approuvée par l'organe délibérant du concédant et précisant leur montant, leur durée, l'échéancier de leur remboursement ainsi que leur rémunération éventuelle ; le bilan de la mise en œuvre de cette convention est présenté à l'organe délibérant du concédant en annexe du compte rendu annuel à la collectivité ; ". En l'espèce, l'article 22.4 du contrat prévoit la possibilité, pour financer les besoins de trésorerie de l'opération, la possibilité pour le concessionnaire de solliciter du concédant des avances remboursables, dans les conditions qu'elle définit, (notamment au vu du compte rendu financier annuel et avec la passation d'une convention définissant strictement le montant, la durée et les modalités de remboursement). Cet article prévoit en outre que le bilan de la mise en œuvre de cette convention sera présentée à l'organe délibérant du concédant en annexe du compte rendu annuel à la collectivité. Ces stipulations ne sont dès lors pas entachées de l'imprécision alléguée par les requérants, et elles ne méconnaissent pas les dispositions du 4° de l'article L. 1523-2 du code général des collectivités territoriales.

15. En septième lieu, de première part, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le contrat attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme au motif qu'il a été signé en méconnaissance des normes urbanistiques en vigueur et que l'intégralité des travaux programmés ne respecte pas la totalité des prescriptions urbanistiques en vigueur dès lors que par un avis contentieux n°356221 du 4 juillet 2012, le Conseil d'Etat a jugé que les actes de création de la ZAC ainsi que les délibérations approuvant le dossier de réalisation du projet et le programme des équipements publics, en ce qu'ils fixent seulement la nature et la consistance des aménagements à réaliser, ne sont pas tenus de respecter les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) en vigueur à la date de leur adoption et que seules les autorisations individuelles d'urbanismes délivrées dans le cadre de l'aménagement et de l'équipement de la ZAC doivent respecter les dispositions du PLU ou du plan d'occupation des sols (POS). En tout état de cause, les intéressés ne démontrent pas quelles règles urbanistiques n'auraient pas été respectées. Le moyen, dont le lien direct et certain avec les intérêts lésés des époux C n'est en tout état de cause pas établi, doit être écarté dans sa première branche.

16. De seconde part, aux termes de l'article R311-2 du code de l'urbanisme : " La personne publique qui a pris l'initiative de la création de la zone constitue un dossier de création, approuvé, sauf lorsqu'il s'agit de l'Etat, par son organe délibérant. Cette délibération peut tirer simultanément le bilan de la concertation, en application de l'article

L. 103-6. Le dossier de création comprend : () d) L'étude d'impact définie à l'article R. 122-5 du code de l'environnement lorsque celle-ci est requise en application des articles R. 122-2 et

R. 122-3-1 du même code. Le dossier précise également si la part communale ou intercommunale de la taxe d'aménagement sera ou non exigible dans la zone. ". Si les requérants font valoir que la signature du contrat litigieux n'a pas été précédée d'une étude d'impact, ils ne démontrent pas que le projet, objet de la concession, relevait d'une des hypothèses visées au tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, tel qu'en vigueur à la date de la création de la ZAC, par délibération du 23 juin 2006. Ils n'établissent donc pas la nécessité en l'espèce d'une étude d'impact, ni, a fortiori, la nécessité de son actualisation. Ce moyen, ainsi non assorti des précisions nécessaires pour permettre d'en apprécier le bien-fondé, doit donc être écarté dans sa seconde branche.

17. De troisième part, si les requérant allèguent l'existence d'une zone humide dans le périmètre de la ZAC qui interdirait l'exécution d'un projet d'aménagement urbain au sens de l'article L.300-1 du code de l'urbanisme, les intéressés n'assortissent leur moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Le moyen doit être écarté dans sa quatrième branche.

18. En huitième lieu, en se bornant à alléguer sans plus de précision que le contrat litigieux " ne comporte pas l'intégralité de la dizaine de mentions obligatoires " requises, à peine de nullité, en application des dispositions combinées de l'article L.1523-2 du code général des collectivités territoriales et de l'article L.300-5 du code de l'urbanisme, les requérants n'assortissent pas leur moyen des précisions nécessaires et ne peuvent en tout état de cause être ainsi regardés comme justifiant ainsi d'irrégularités de nature à entacher la validité du contrat que le juge devrait relever d'office.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par Nantes Métropole et la LAD-SPL, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du traité de concession d'aménagement des zones d'aménagement concertées (ZAC) " Maison Neuve 2 " à Sainte-Luce-Sur-Loire et " Haute-forêt " à Carquefou.

Sur les frais liés au litige :

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des époux C la somme de 1000 euros chacune à verser à Nantes Métropole et à la LAD-SPL au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de Nantes Métropole et de la LAD-SPL, qui ne sont pas les parties perdantes.

D E C I D E :

Article 1er : La requête des époux C est rejetée.

Article 2 : Les époux C verseront une somme de 1000 (mille) euros à Nantes Métropole et une somme de 1 000 (mille) euros à la LAD-SPL au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme B C, à M. D C, à Nantes Métropole et à la société Loire Atlantique Développement - SPL.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Loirat, présidente,

M. Gauthier, premier conseiller,

M. Marowski, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 janvier 2023.

Le rapporteur,

Y. E

La présidente,

C. LOIRAT

La greffière,

P. LABOUREL

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°1911981

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