TA Versailles, 03/03/2023, n°2301008

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, et des mémoires en production de pièces, enregistrés les 20 février 2023 et 21 février 2023, la société Salmon demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) de lui communiquer le chiffre d'affaires de la structure Nova Bat sur les trois dernières années ;

2°) d'enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure concernant le lot n°15 " électricité courant forts et faibles SSI " dans le cadre du marché relatif aux travaux de construction de l'école Horizon ;

3°) d'ordonner la suspension de la passation du contrat et toutes décisions y afférant ;

4°) d'ordonner à la commune d'Evry-Courcouronnes de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence et de reprendre la procédure au stade de la publicité préalable ;

5°) d'annuler toutes décisions consécutives aux irrégularités qui entachent la procédure de publicité et de mise en concurrence, notamment les décisions d'attribution du contrat et de rejet des offres éventuellement notifiées aux candidats ;

6°) de mettre à la charge de la commune d'Evry-Courcouronnes une somme correspondant à 25 % de la valeur du marché au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Structure Nova Bat, attributaire du lot en cause, opère dans un secteur d'activité risqué pour sa catégorie et, par conséquent, ne dispose pas de la capacité financière suffisante pour exécuter ce marché ;

- cette société n'a pas des effectifs suffisants pour exécuter le marché dont elle a été désignée attributaire ;

- l'étude technique et économique du projet établie par la société requérante permet, en revanche, de répondre aux exigences mentionnées dans le règlement de consultation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 février 2023 et 20 février 2023, la commune d'Evry-Courcouronnes conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle a été introduite par le responsable administratif et financier de la société requérante, et non par son président désigné dans les conditions prévues par les statuts, conformément aux dispositions de l'article L. 227-6 d code de commerce, précisant que les délégation doivent être mentionnées au registre du commerce et des sociétés et la procuration versée aux débats ne constitue pas une délégation de pouvoir du représentant légal de la société requérante aux fins d'agir en justice ;

- aucun moyen relevant d'une obligation de publicité et de mise en concurrence n'est soulevé ;

- la société requérante, en se bornant à faire valoir qu'une offre est recevable si les garanties professionnelles, techniques et financières sont suffisantes, ne démontre aucune lésion de ses intérêts directement liée à une irrégularité ;

- tant les moyens soulevés par la société requérante que les demandes formulées relèvent de l'appréciation des mérites des offres, dont le juge des référés n'a pas à connaître.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal administratif de Versailles a désigné M. Bélot, premier conseiller, pour statuer sur les référés précontractuels en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique tenue le 22 février 2023 à 15 heures, en présence de Mme Gilbert, greffière d'audience :

- le rapport de M. Bélot, juge des référés,

- les observations de M. A C, représentant la société Salmon, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens,

- les observations de M. B, représentant la commune d'Evry-Courcouronnes, qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens.

L'instruction a été close à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 10 juillet 2022, la commune d'Evry-Courcouronnes a lancé une consultation pour la passation d'un marché public de travaux relatifs à la construction de l'école " Horizon ". Le marché était réparti en dix-neuf lots, dont le lot n°15 " Electricité courants forts et faibles SSI ". Pour la passation de ce marché, selon la procédure d'appel d'offres ouvert, la date limite de remise des offres était fixée au 21 novembre 2022. Les offres des candidats devaient être appréciées selon les trois critères du prix, à hauteur de 60 %, de la valeur technique, à hauteur de 35 %, composé des quatre sous-critères des moyens humains et matériels mis en œuvre pour la réalisation des travaux, pour 30 %, de la méthodologie de travaux proposée pour la gestion des difficultés du chantier, pour 25 %, des mesures en faveur de l'environnement et de la sécurité sur le chantier, pour 20 %, et des matériaux et produits employés, pour 25%, et du respect du planning, à hauteur de 5 %. Par un courrier du 30 janvier 2023, le maire d'Evry-Courcouronnes a informé la société Salmon du rejet de son offre et de l'attribution du lot n° 15 à la société Structure Nova Bat.

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " I.-Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ". Aux termes de l'article L. 551-10 de ce code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient, dès lors, au juge du référé précontractuel de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.

4. En premier lieu, il n'appartient pas au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions citées au point 2, d'ordonner la communication du chiffre d'affaires de la société attributaire d'un contrat administratif à un candidat dont l'offre n'a pas été retenue. Par suite, les conclusions de la société Salmon tendant à ce que soit ordonnée la communication du chiffre d'affaires de la société Structure Nova Bat sur les trois dernières années doivent être rejetées.

5. En second lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

6. En l'espèce, la société Salmon fait valoir que la société Structure Nova Bat ne dispose pas de la capacité financière et d'effectifs suffisants pour exécuter le marché dont elle a été désignée attributaire, alors que sa propre étude technique et économique du projet permet de répondre aux exigences mentionnées dans le règlement de consultation. Ces allégations, qui tendent à se prononcer sur l'appréciation portée par la commune d'Evry-Courcouronnes sur la valeur de l'offre de la société Salmon et sur les mérites de celle-ci par rapport à ceux de la société Structure Nova Bat, ne peuvent être utilement invoquées par la société requérante, qui ne fait, par ailleurs, pas valoir d'éléments et ne produit pas de pièces de nature à établir que la commune d'Evry-Courcouronnes a dénaturé les termes de son offre. Il en résulte que le moyen soulevé par la société requérante doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Evry-Courcouronnes ni d'ordonner de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la présente instance ou de suspendre la passation du contrat et toutes décisions y afférant, que la société Salmon n'est pas fondée à soutenir que la commune d'Evry-Courcouronnes a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence. La requête de la société Salmon doit, dès lors, être rejetée, en ce compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E:

Article 1er : La requête de la société Salmon est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Salmon, à la commune d'Evry-Courcouronnes et à la société Structure Nova Bat.

Fait à Versailles, le 3 mars 2023.

Le juge des référés,

signé

S. Bélot

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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