TA Versailles, 15/12/2022, n°2104737

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 juin et 15 juillet 2021 et le 29 septembre 2022, la société Golden star, M. B F et M. A E, en qualité d'associés de la société Golden star, et M. C D, en qualité d'associé et gérant de la société Golden star, représentés par Me Loctin, demandent au tribunal, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler la décision du 6 avril 2021 par laquelle le maire de la commune de Trappes a résilié unilatéralement le contrat de délégation de service public conclu le 27 février 2020 ayant pour objet l'exploitation du café-culture l'Étoile d'or ;

2°) d'annuler les décisions implicites des 15 mai et 14 juillet 2021 par lesquelles le maire de la commune de Trappes a rejeté leurs réclamations préalables des 15 mars et 10 mai 2021 ;

3°) de condamner la commune de Trappes à verser une indemnité de 241 436 euros à la société Golden star, une indemnité de 124 000 chacun à MM. F et M. E, et une indemnité de 10 000 euros à M. D, assorties des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la résiliation unilatérale de la convention de délégation de service public conclue le 27 février 2020 et des manquements de la commune de Trappes à ses obligations contractuelles résultant des stipulations de l'article 7 de cette convention ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Trappes une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S'agissant de l'illégalité de la décision de résiliation du 6 avril 2021 :

- cette décision est entachée d'un vice d'incompétence ;

- le motif d'intérêt général invoqué par la commune de Trappes pour justifier la résiliation unilatérale du contrat de délégation de service public litigieux n'est pas fondé ;

- la décision de résiliation contestée est entachée d'un détournement de pouvoir ;

S'agissant de la responsabilité de la commune de Trappes :

- à titre principal, la responsabilité pour faute de la commune de Trappes est engagée à raison, d'une part, de l'illégalité de la décision de résiliation du 6 avril 2021 et, d'autre part, de ses manquements à ses obligations contractuelles résultant des stipulations de l'article 7 du contrat de délégation de service public ;

- à titre subsidiaire, même en l'absence de faute commise par la commune de Trappes, la résiliation de la convention de délégation de service public ouvre droit à l'indemnisation des investissements réalisés et non amortis et du manque à gagner ;

S'agissant des préjudices :

- MM. F et E ont quitté leur emploi pour la réalisation du projet d'exploitation du café-culture l'Étoile d'or, pour lequel ils étaient rémunérés respectivement 1 900 et 1901 euros par mois, et la résiliation de la convention de délégation de service public a causé à chacun d'eux une perte de rémunération d'un montant de 114 000 euros ;

- le manque à gagner de la société Golden star doit être évalué à la somme de 61 005 euros ;

- les dépenses exposées par la société Golden star en vue de l'exploitation du café-culture l'Étoile d'or et non amorties, constituées des honoraires, des dépenses de formation, des frais et échéances d'emprunt et des frais de restaurants, s'élèvent à la somme totale de 31 802 euros ;

- les frais de maintien d'activité indispensables à la survie de l'activité de la société Golden star postérieurement à la résiliation s'élèvent à la somme de 138 629 euros ;

- le préjudice moral subi par la société Golden star et par MM. F, E et D du fait de la résiliation de la délégation de service public doit être réparé en allouant une somme de 10 000 euros à chacun d'eux.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juin et 17 octobre 2022, la commune de Trappes, représentée par Me Banel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme globale de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Golden star et de MM. F, E et D au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- MM. F et E, associés de la société Golden star, et M. D, associé et gérant de cette société, sont dépourvus d'intérêt leur donnant qualité pour agir contre la mesure de résiliation contestée et pour demander la réparation des préjudices en résultant ;

- les moyens dirigés contre la décision de résiliation du 6 avril 2021 ne sont pas fondés ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de la convention de délégation de service public ;

- la société Golden star n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation de son manque à gagner, dès lors que le prévisionnel inscrit dans son dossier de candidature présentait un résultat déficitaire sur les trois premières années ;

- les autres préjudices allégués n'entrent dans aucune des catégories de préjudices indemnisables au titre de l'article 33 du contrat de délégation de service public ;

- le préjudice relatif à la perte de rémunération de MM. F et E ne présente pas un caractère certain, et son montant doit être diminué des aides et salaires perçus par les intéressés ;

- les honoraires que la société Golden star aurait exposés ne sont pas justifiés ni établis dans leur montant ;

- le montant du préjudice lié aux dépenses de formation comprend notamment la somme de 1 731 euros correspondant à la rémunération du stagiaire, déjà inclue dans le poste de préjudice relatif aux honoraires, et doit, le cas échéant, être ôtée des remboursements des droits de formation dont les requérants ont bénéficié ;

- il n'est pas établi que le montant de l'emprunt contracté par la société Golden star ait servi à l'achat de matériels nécessaires à l'exploitation du café-culture l'Étoile d'or, seuls les intérêts sur les échéances remboursées du prêt pouvant faire l'objet d'une indemnisation ;

- la société Golden star n'est pas fondée à demander l'indemnisation des frais de restaurant, exposés soit avant la signature de la délégation de service public, soit avant que le contrat ait reçu un début d'exécution ;

- les "frais de maintien d'activité indispensables à la survie de l'activité de la société Golden star", qui ne sont pas justifiés ni en lien direct et certain avec la résiliation de la délégation de service public, ne sauraient être indemnisés ;

- le préjudice moral allégué n'est établi, ni dans son principe, ni dans son montant.

Par une ordonnance du 18 octobre 2022, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 17 octobre 2022, a été reportée au 2 novembre 2022.

Les pièces produites pour les requérants, en réponse à la demande que leur a adressée le tribunal en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, ont été enregistrées le 21 novembre 2022 et communiquées à la commune de Trappes.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur trois moyens relevés d'office, tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision de résiliation du 6 avril 2021 du maire de la commune de Trappes, le juge du contrat n'ayant pas le pouvoir de prononcer, à la demande de l'une des parties, l'annulation de mesures prises par l'autre partie, lesquelles ne sont pas détachables de l'exécution du marché, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions présentées par les requérants tendant à l'annulation des décisions implicites des 15 mai et 14 juillet 2021 portant rejet de leurs demandes indemnitaires préalables, et, enfin, de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par MM. F, E et D en application du principe de l'effet relatif des contrats.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Connin, conseiller ;

- les conclusions de Mme Marc, rapporteure publique ;

- les observations de Me Efthymiou, pour la société Golden star, MM. F, E et D, et celles de Me Habibi-Alaoui, pour la commune de Trappes.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Trappes a attribué le 17 décembre 2019 à la société Golden star une délégation de service public portant sur l'exploitation du café-culture l'Étoile d'or, comportant des activités et missions culturelles, l'animation d'un lieu de vie et de restauration et la mise en place d'un service de "Poste relais". Le contrat a été conclu le 27 février 2020 pour une durée de cinq ans à compter du 1er juin 2020. Par une décision du 6 avril 2021, le maire de la commune de Trappes a résilié unilatéralement ce contrat à compter de l'expiration d'un délai de six mois suivant la notification de cette décision. La société Golden star, M. B F, M. A E, associés de cette société, et M. C D, associé et gérant de la même société, demandent au tribunal, outre l'annulation de la décision de résiliation du 6 avril 2021 et des décisions implicites de rejet de leurs demandes indemnitaires préalables, de condamner la commune de Trappes à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des manquements contractuels de cette dernière et de la résiliation de la convention de délégation de service public.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, le juge du contrat n'a pas, en principe, le pouvoir de prononcer, à la demande de l'une des parties, l'annulation de mesures prises par l'autre partie, lesquelles ne sont pas détachables de l'exécution du marché. Il lui appartient seulement de rechercher si ces mesures sont intervenues dans des conditions de nature à ouvrir un droit à indemnité. Dès lors, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2021 par laquelle le maire de la commune de Trappes a résilié unilatéralement le contrat de délégation de service public conclu le 27 février 2020 avec la société Golden star sont irrecevables et doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense.

3. En second lieu, les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par le maire de la commune de Trappes sur les réclamations préalables des requérants ont eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de ces derniers qui, en formulant les conclusions analysées ci-dessus, ont donné à l'ensemble de leur requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Il suit de là que les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ces décisions ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par MM. F, E et D :

4. Les tiers à un contrat administratif ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l'exception de ses clauses réglementaires. Dès lors, en leur qualité de tiers au contrat de délégation de service public litigieux, MM. F, E et D ne peuvent se prévaloir, dans le cadre de leur demande indemnitaire fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle de la commune de Trappes, ni de la méconnaissance des stipulations de l'article 7 de ce contrat relatif à la mise à disposition du délégataire d'installations immobilières et mobilières par la commune de Trappes, qui n'ont pas de valeur règlementaire, ni de la résiliation du contrat intervenue en application de l'article 33 de la convention de délégation de service public. Il suit de là que les conclusions indemnitaires présentées par MM. F, E et D doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée en défense.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par la société Golden star :

En ce qui concerne les manquements de la commune de Trappes à ses obligations contractuelles résultant de l'article 7 de la convention de délégation de service public :

5. En vertu du premier alinéa de l'article 7 de la convention de délégation de service public litigieuse, la commune de Trappes s'est engagée, pour l'exécution du contrat, à mettre à disposition du délégataire "toutes les installations immobilières et mobilières" décrites aux articles 5 et 6 de cette convention. Il résulte de l'instruction qu'au 1er juin 2020, date de prise d'effet de la délégation de service public, l'administration contractante n'avait pas effectué les travaux nécessaires pour permettre à la société Golden star de disposer de l'ensemble de ces biens et, ainsi, d'exploiter le café-culture l'Étoile d'or.

6. Il résulte toutefois de l'instruction que l'émergence d'un nouveau coronavirus, dit SARS-CoV-2, responsable de la covid-19, particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français ont conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique. Par un arrêté du 14 mars 2020, antérieur à la prise d'effet de la délégation de service public en litige, un grand nombre d'établissements recevant du public ont été fermés au public, en particulier les salles d'auditions, de conférences, de réunions, de spectacles et les restaurants. Cette mesure a été reprise et prolongée jusqu'au 19 mai 2021. Dans ces conditions, l'impossibilité pour la société Golden star d'exploiter, entre le 1er juin 2020 et la date d'effet de la résiliation du contrat en litige, le café-culture l'Étoile d'or, ainsi que les préjudices en résultant, ne trouvent pas leur cause directe et certaine dans les manquements contractuels de la commune de Trappes relevés au point précédent.

En ce qui concerne la résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général de la convention de délégation de service public :

7. Aux termes de l'article L. 6 du code de la commande publique : "S'ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent code sont des contrats administratifs, sous réserve de ceux mentionnés au livre V de la deuxième partie et au livre II de la troisième partie. Les contrats mentionnés dans ces livres, conclus par des personnes morales de droit public, peuvent être des contrats administratifs en raison de leur objet ou de leurs clauses. / A ce titre : () / 5° L'autorité contractante peut résilier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le présent code. Lorsque la résiliation intervient pour un motif d'intérêt général, le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat".

8. Aux termes de l'article 33 de la convention de délégation de service public en litige, relatif à la résiliation du contrat à l'initiative du délégant : "La Ville peut mettre fin au contrat avant son terme normal pour des motifs d'intérêt général. La décision ne peut prendre effet qu'après un délai de 6 mois minimum à compter de sa date de notification dûment motivée, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au délégataire. / Dans ce cas, le délégataire a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice. / Les indemnités dues correspondent aux dommages suivants : / • Bénéfices prévisionnels établis sur la base du résultat de la première année civile complète d'exercice. A défaut d'une période complète, sera pris comme base le prévisionnel inscrit dans le dossier de candidature retenu (annexé au contrat) ; / • Amortissements financiers relatifs aux matériels mis en œuvre par le délégataire ; / • Autres frais et charges engagés par le délégataire pour assurer l'exécution du présent contrat au-delà de la date effective de résiliation ; / • Frais liés à la rupture des contrats de travail qui devraient nécessairement être rompus à la suite de cette résiliation dans le cas où la poursuite de ces contrats ne pourrait pas [être] prévue dans le cadre de la reprise du service. / Le règlement éventuel s'effectuera à la libération des locaux".

S'agissant du principe de la responsabilité de la commune de Trappes :

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par une délibération du 22 mars 2021, le conseil municipal de Trappes a autorisé le maire de la commune à résilier la convention de délégation de service public conclue le 27 février 2020 avec la société Golden star. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de résiliation contestée serait entachée d'un vice d'incompétence ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, par la délibération du 22 mars 2021, le conseil municipal de Trappes, à la suite de son renouvellement en juin 2020 et dans un contexte marqué notamment par la fermeture des établissements recevant du public due à l'épidémie de covid-19, a décidé la reprise en régie par la commune de la programmation culturelle et des activités socioculturelles sur son territoire. La mesure de résiliation contestée est ainsi fondée sur le motif tiré de la nécessité d'une reprise en régie de l'exploitation du café-culture l'Étoile d'or afin de permettre la mise en œuvre de la nouvelle politique culturelle et socioculturelle de la commune, qui inclut notamment une mise en cohérence avec l'offre de la Halle culturelle de la Merise, déjà exploitée en régie. En outre, l'activité de restauration n'était pas distincte des missions culturelles qui incombaient au délégataire, dès lors que, selon l'article 1er du contrat de délégation de service publique, elle devait " s'articuler autour d'une programmation culturelle "et ne devait" pas prendre le pas sur la dynamique d'un café ouvert à tous et sur une large amplitude ", lequel devait être conçu comme un lieu d'animation du quartier. Ainsi, l'activité de restauration venait au soutien de l'animation culturelle. Dans les circonstances de l'espèce, le motif d'intérêt général lié à la nouvelle orientation de la politique culturelle de la commune était de nature à justifier la résiliation unilatérale de la convention de délégation de service public conclue avec la société Golden star.

11. En troisième lieu, le détournement de pouvoir allégué, tiré de ce que la résiliation de la convention de délégation de service public aurait eu pour seul but de confier l'activité de restauration à un opérateur privé, n'est pas établi.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Golden star n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle pour faute de l'administration contractante à raison de la résiliation unilatérale de la délégation de service public dont elle était titulaire. En revanche, cette résiliation lui ouvre droit à indemnisation, sur le fondement de la responsabilité contractuelle sans faute de la commune de Trappes, dans les conditions prévues contractuellement par l'article 33 de la convention de délégation de service public cité ci-dessus.

S'agissant des préjudices :

13. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la résiliation de la convention de délégation de service public en litige n'ouvre droit qu'à l'indemnisation des préjudices se rattachant aux postes limitativement énumérés à l'article 33 de cette convention citée au point 8 du présent jugement.

Quant au manque à gagner :

14. Il résulte de l'instruction, et notamment du compte d'exploitation prévisionnel qu'il convient, à défaut d'une année complète d'exercice, de prendre comme base de calcul du manque à gagner subi par la société délégataire en vertu du quatrième alinéa de l'article 33 de la convention litigieuse, que les bénéfices prévisionnels de celle-ci s'élevaient à 61 005 euros sur la durée totale d'exécution de la délégation de service public, qui est la durée pertinente pour évaluer le manque à gagner eu égard aux modalités particulières d'exécution financière attachées à la nature d'un tel contrat. Compte tenu de la période d'indemnisation du manque à gagner, du 16 octobre 2021, date effective de la résiliation, au 1er juin 2025, date à laquelle le contrat aurait normalement pris fin, soit 1324 jours, il y a lieu de condamner la commune de Trappes à verser à la société Golden star une indemnité de 44 258 euros (61 005 * 1324/1825) en réparation du manque à gagner résultant de la résiliation du contrat de délégation de service public dont elle était titulaire.

Quant aux frais et charges exposés par le délégataire :

15. Il résulte des stipulations du sixième alinéa de l'article 33 de la convention de délégation de service public litigieuse que seuls sont indemnisables, notamment, les frais et charges engagés par le délégataire pour assurer l'exécution du contrat au-delà de la date effective de résiliation.

16. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les dépenses de la société Golden star au titre des formalités nécessaires à sa création, tels que les frais d'insertion dans un JAL, le dépôt d'actes, les frais d'inscription greffe ou encore les honoraires d'avocat, de la documentation sur la gestion d'une unité de restauration, de l'achat d'un tampon commercial et de la formation de M. F, des frais de restaurant des 24 janvier, 3 mars et 5 août 2020, ou encore du recrutement d'un stagiaire du 11 mai au 14 août 2020 ont été exposées pour assurer l'exécution du contrat litigieux ab initio, et ne peuvent ainsi être regardées comme ayant été engagées exclusivement en vue d'assurer l'exécution de la délégation de service public au-delà de la date effective de sa résiliation. Dès lors, les demandes indemnitaires de la société requérante relatives aux formalités juridiques de sa création, à l'achat de la documentation sur les "indicateurs clés de performance en restauration" et d'un tampon commercial, à la formation de M. F à la sécurité des spectacles et à la prévention des risques pour la licence d'exploitant de lieu, dispensée du 5 octobre au 9 octobre 2020, aux frais de bouche que cette formation a occasionnés, aux frais de restaurant des 24 janvier, 3 mars et 5 août 2020 et à la rémunération d'un stagiaire en 2020 ne sont pas indemnisables et doivent être rejetées.

17. En deuxième, il résulte de l'instruction que la société Golden star a conclu avec la société Nadel deux contrats d'assistance technique et de prestations de services.

18. Le premier contrat, signé le 3 février 2020 pour un prix forfaitaire de 5 000 euros, avait pour objet de lui procurer une assistance technique pour sa création et les formalités administratives nécessaires à son démarrage et à son exploitation, telles que l'ouverture d'un compte, la rédaction des contrats de travail, la comptabilité et l'élaboration d'un plan de financement. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 16, ces prestations ne peuvent être regardées comme ayant été engagées exclusivement pour assurer l'exécution de la délégation de service public au-delà de la date effective de sa résiliation. Ainsi, elles n'entrent pas dans les prévisions de l'article 33 de la convention de délégation de service public et doivent, dès lors, être rejetées.

19. Le second contrat, signé le 27 février 2020, avait pour objet de procurer à la société Golden star une assistance technique dans les domaines social, comptable, fiscal, juridique, budgétaire, administratif, commercial et des ressources humaines dans le cadre de son fonctionnement quotidien. Ce contrat, prenant effet au 1er juin 2020, prévoyait une rémunération annuelle de la société Nadel de 23 080 euros hors taxes. La société requérante demande une indemnité de 11 540 euros au titre des dépenses engagées dans le cadre de ce contrat d'assistance technique. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'exécution de ce contrat ait été poursuivie au-delà de la date effective de la résiliation de la convention de délégation de service public. La demande indemnitaire de la société requérante n'entre ainsi dans aucune des catégories de préjudices prévues par l'article 33 de cette convention et doit, par suite, être rejetée.

20. En dernier lieu, la société délégataire a souscrit en août 2020 un emprunt de 35 000 euros au taux d'intérêt fixe de 1,50 %. Cet emprunt, d'une durée de soixante mois, a été souscrit pour assurer l'exécution de la convention de délégation de service public sur toute sa durée, y compris la période postérieure à sa résiliation effective.

21. Il résulte de l'instruction que ce prêt, qui n'a pas fait l'objet d'un remboursement anticipé, a généré des intérêts à hauteur de 807,58 euros et des frais d'assurance de 285,36 euros sur la période du 16 octobre 2021, date effective de la résiliation, au 6 août 2025, date de la dernière échéance de l'emprunt. Ainsi, la société Golden star est fondée à réclamer la somme de 1 092,94 euros au titre des intérêts et des frais d'assurance générés par l'emprunt postérieurement à la date effective de résiliation de la délégation de service public.

22. En revanche, la société requérante ne peut prétendre ni au remboursement du capital emprunté, dès lors que le présent jugement procède déjà à l'indemnisation de son manque à gagner et des dépenses qu'elle a exposées et non amorties, ni au remboursement des frais de dossier qui ont été exposés pour souscrire cet emprunt sans lequel l'exploitation du café-culture n'aurait pu commencer et ne peuvent ainsi être regardés comme ayant été exposés au-delà de la date effective de sa résiliation.

23. Il résulte de ce qui précède que la commune de Trappes doit être condamnée, en application du sixième alinéa de l'article 33 de la convention de délégation de service public, à verser à la société Golden star une indemnité de 1 092,94 euros au titre des dépenses qu'elle a exposées pour assurer l'exécution du contrat de délégation de service public litigieux au-delà de la date effective de résiliation.

Quant aux autres demandes de la société requérante :

24. Ni les honoraires d'avocat et d'expert-comptable que la société Golden star aurait exposés en vue d'introduire la présente instance, ni les frais de maintien d'activité dont elle sollicite l'indemnisation, lesquels ne sont pas susceptibles d'avoir été engagés en vue d'assurer l'exécution du contrat litigieux, n'entrent dans les catégories de préjudices énumérées à l'article 33 de la convention de délégation de service public. Le préjudice moral d'image que la société Golden star estime avoir subi du fait de la résiliation n'est pas davantage au nombre des chefs de préjudices pouvant être indemnisés en application de ces stipulations.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Trappes doit être condamnée à verser à la société Golden star une somme de 45 350,94 euros.

Sur les intérêts :

26. La société Golden star a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 45 350,94 euros à compter de la date de réception de sa première demande du 15 mars 2021 par la commune de Trappes.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Golden star, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Trappes demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Trappes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Golden star et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La commune de Trappes est condamnée à verser à la société Golden star la somme de 45 350,94 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable du 15 mars 2021.

Article 2 : La commune de Trappes versera à la société Golden star une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Golden star, à M. B F, à M. A E, à M. C D et à la commune de Trappes.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Christine Grenier, présidente,

Mme Virginie Caron, première conseillère,

M. Nicolas Connin, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le rapporteur,

signé

N. CONNIN

La présidente,

signé

C. GRENIER

La greffière,

signé

A. ESTEVES

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 1901371

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