TA Versailles, 20/02/2024, n°2400961


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 2, 5, 12 et 14 février 2024, la société Marck et Balsan, représentée par la SELAS KGA avocats, agissant par Me Derouesné, demande, dans le dernier état de ses écritures, au juge des référés statuant par application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, d'annuler l'intégralité de la procédure d'attribution du lot n°2 du marché public du ministère des armées ayant pour objet des prestations de fabrication et de délivrance de tenues personnalisées au profit du personnel militaire du ministère des armées, et, à titre subsidiaire, d'annuler ladite procédure à compter du stade de l'analyse des offres ;

2°) d'enjoindre au ministère des armées de lui communiquer les informations qu'elle a sollicitées dans son courrier du 25 janvier 2024 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le pouvoir adjudicateur n'a pas respecté les exigences découlant du principe de transparence dès lors qu'il a méconnu les articles R. 2181-1, R. 2181-3 et R. 2181- 4 du code de la commande publique ; en effet, le courrier de rejet en date du 24 janvier 2024 mentionne les notes attribuées à l'attributaire et au groupement évincé sur les échantillons et les dossiers techniques sans indiquer les notes attribuées sur leurs éléments d'appréciation respectifs ; ce courrier n'assortit les notes attribuées au groupement évincé sur le critère prix et les dossiers techniques d'aucune explication littérale permettant de comprendre les motifs de rejet et ceux ayant conduit à retenir l'offre de l'attributaire ; ceci l'a lésée notamment dans sa note obtenue pour le critère prix ; la fiche d'examen des échantillons qui a été communiquée avec ce courrier est incomplète en tant qu'elle ne comporte pas d'explication littérale relative aux cinq éléments d'appréciation des échantillons ; par une lettre en date de 25 janvier 2024, elle a demandé au pouvoir adjudicateur de lui communiquer ces informations ainsi que les caractéristiques et avantages de l'offre de l'attributaire ; le courrier en date du 1er février qui lui a été adressé par le pouvoir adjudicateur a été particulièrement lacunaire, la communication par le pouvoir adjudicateur du montant global de son offre et de celui de l'attributaire dans la présente instance ne régularise par la méconnaissance de l'obligation d'information des soumissionnaires évincés ;

- la méthode de notation est irrégulière dès lors que, d'une part, la qualité du tissu n'a fait l'objet d'aucune évaluation et, en particulier, ne constitue pas un sous-critère pour apprécier les échantillons et ce, alors que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) précise la qualité de tissu et ses composants ; en l'absence d'une telle évaluation, il y a une inadéquation manifeste de la méthode de notation avec le CCTP et l'objet du marché ; d'autre part, il n'y a aucun critère de sélection pour apprécier la performance environnementale alors que le pouvoir adjudicateur a posé des conditions d'exécution relatives à la performance environnementale, le pouvoir adjudicateur n'a donc pas fixé des modalités pertinentes d'appréciation de la valeur technique des offres au regard des exigences déterminées par ses soins au CCTP, et enfin, la méthode de notation n'a pas été objectivée dès lors que le règlement de consultation ne prévoit pas que l'examen des offres serait effectué en présence des candidats ;

- l'offre de l'attributaire est anormalement basse et aurait dû, pour ce motif, être écartée par le pouvoir adjudicateur dès lors que l'offre de l'attributaire est trois fois moins chère que son offre et le prix de l'offre de la société attributaire est incompatible avec les estimations prévisionnelles du pouvoir adjudicateur puisqu'il ne couvre pas les coûts incompressibles " matière ", " confection " et " services en points ATLAS " ; ce manquement l'a lésée ; dans l'hypothèse où l'offre de l'attributaire n'est pas anormalement basse, la durée de l'accord-cadre, qui est fixée, par dérogation, à cinq ans est injustifiée et donc irrégulière ;

- le pouvoir adjudicateur méconnaît les règles qu'il s'est fixé lui-même dans le CCAP en ce qui concerne la fréquence du service ;

- le pouvoir adjudicateur a dénaturé le contenu de son offre lors de l'évaluation des dimensions du pantalon masculin, du bien aller et des dimensions du pantalon féminin et de la jupe ;

- l'offre de la société attributaire est irrégulière en tant qu'elle ne respecte pas les délais d'exécution prévus par le cahier des charges ;

- Les documents de la consultation sont lacunaires sur les modalités d'évaluation des échantillons et du bien aller des articles présentés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9, 12, 14 février 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2600 euros soit mise à la charge de la société Marck et Balsan en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- par les deux lettres en date de 24 janvier 2024 et 1er février 2024, le pouvoir adjudicateur a communiqué à la société requérante toutes les informations mentionnées aux articles R. 2181-3 et R.2181-4 du code de la commande publique ; le pouvoir adjudicateur est même allé au-delà de ce qu'exige l'obligation d'information des soumissionnaires évincés quant aux informations à communiquer dès qu'il a également transmis à la société requérante la fiche d'examen des échantillons ;

- les conclusions aux fins d'injonction de communication du rapport d'analyse des offres et ses annexes sont irrecevables dans le cadre d'un référé précontractuel ;

- le pouvoir adjudicateur, qui dispose d'une grande liberté dans le choix des critères de sélection qu'il retient pour examiner les offres, a retenu, en ce qui concerne le lot n°2, d'une part, un critère technique qui vise à évaluer la qualité de confection des tenues par les soumissionnaires et leurs choix logistiques et opérationnels et, d'autre part, un critère prix pour évaluer l'impact budgétaire des prestations sur les finances de l'Etat ; ces critères de sélection sont directement liés à l'objet du marché et à ses conditions d'exécution et donc pertinents ; le pouvoir adjudicateur a librement choisi d'analyser la performance environnementale uniquement en phase d'exécution ;

- aucune règle n'exige la présence des soumissionnaires à la réunion de la commission chargée de l'examen des échantillons ; la société requérante n'apporte aucun élément de nature à révéler une dénaturation du contenu de son offre lors de l'évaluation de ses échantillons par ladite commission ;

- le pouvoir adjudicateur a demandé à la société Paul Boyé Technologies d'expliquer la composition de son offre ; à la suite des précisions et justifications apportées par cette société, le pouvoir adjudicateur a considéré que le prix proposé par cette dernière n'est pas susceptible de compromettre la bonne exécution du marché ; c'est la différence de modèle économique opéré par les deux soumissionnaires qui explique en grande partie l'écart de prix entre les deux offres ; les estimations du précédent marché sur lesquelles se fonde la requérante pour en déduire le caractère anormalement bas de l'offre de l'attributaire ne sont pas pertinentes dès lors que le concurrent qui a été évincé lors de la passation du précédent marché l'a été en raison de la non-conformité technique de son offre ;

- l'allégation avancée par la société requérante selon laquelle l'offre de la société attributaire ne couvre pas le coût " des services en point ATLAS " résulte d'une compréhension erronée par la société requérante des stipulations du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), lesquelles imposent une seule obligation consistant en la satisfaction qualitative de la prestation attendue, sachant que le titulaire est libre d'organiser les rendez-vous parmi les plages horaires mise à sa disposition ;

- la durée de l'accord-cadre qu'il a fixé à cinq ans n'est pas justifiée par les estimations

prévisionnelles mais traduit la volonté du pouvoir adjudicateur de permettre à tout nouvel arrivant de disposer du temps nécessaire pour amortir ses investissements ;

-le fait que son mémoire en défense faisait état de l'absence d'une quelconque obligation de disponibilité résulte d'une simple erreur de plume ; le titulaire du lot n°2 a une obligation de disponibilité en vertu des stipulations du CCAP ;

- le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire manque en fait.

Par deux mémoires enregistrés le 11 et 13 février 2024, la société Paul Boyé Technologies, société attributaire, représentée par la SCP SVA, agissant par Me Rigeade, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5000 euros soit mise à la charge de la société Marck et Balsan en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-les conclusions à fin d'annulation de la totalité du marché présentées par la société requérante sont irrecevables dès lors que celle-ci a candidaté seulement au lot n°2 de ce marché ;

-il n'y a pas de méconnaissance des articles R.2181-1, R.2181-3 et R.2181-4 du code de la commande publique, dès lors que le pouvoir adjudicateur a communiqué à la société requérante toutes les informations exigées en matière d'obligation d'information des soumissionnaires évincés ;

-le moyen tiré de l'irrégularité de la méthode de notation est inopérant en toutes ses branches ;

- son offre n'est pas anormalement basse dès lors qu'elle a produit au pouvoir adjudicateur la justification de ses coûts en comparaison avec les autres marchés similaires dont elle est déjà titulaire, c'est la masse salariale consacrée par la société requérante pour l'exécution des du lot n°2 qui est trop importante.

- l'affirmation selon laquelle il n'y a aucune obligation de disponibilité lors de l'exécution du lot n°2 résulte d'une simple erreur de plume dans les écritures du pouvoir adjudicateur, si bien que celui-ci n'a pas méconnu les exigences qu'il s'est fixées dans les documents de la consultation ;

- la dénaturation du contenu de l'offre du groupement évincé, à la supposer établie, est sans incidence sur la régularité de la procédure de passation, dès lors que la société requérante ne démontre pas en quoi un tel manquement l'aurait lésée ;

- elle a transmis au pouvoir adjudicateur des certificats de bonne exécution de marchés similaires présentant les mêmes délais de livraison que ceux du lot litigieux ; le moyen tiré de l'irrégularité de son offre sur ce point est donc infondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Delage, vice-président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue le 14 février 2024 à 10H00 en présence de Mme Gilbert, greffière d'audience, M. Delage a lu son rapport et entendu :

- les observations de Me Derouesné représentant la société requérante qui maintient ses conclusions et indique que l'objet du marché porte sur des habillements doublement personnalisés ; la qualité du tissu et la performance environnementale auraient dû être retenues parmi les critères de sélection ; la circonstance que les deux soumissionnaires étaient dispensés de produire un tissu lors du dépôt des échantillons est inopérant au regard de l'office du juge des référés précontractuels qui vérifie l'adéquation des critères de sélection par rapport aux besoins exprimés ; elle se réfère à ses écritures en ce qui concerne le moyen tiré de la dénaturation du contenu de l'offre de son groupement ; les produits de la société Paul Boyé sont confectionnés à Madagascar si bien qu'elle ne respectera pas les délais d'exécution prévus dans le cahier des charges et son offre aurait dû être écartée pour ce motif car irrégulière ; il y a des délais d'exécution et pas de cohérence de défense entre la société et le ministère sur ce point ; l'offre de l'attributaire est anormalement basse en tant qu'elle ne couvre pas les coûts de services des points ATLAS, la transformation des exigences de disponibilité pour le point ATLAS par le pouvoir adjudicateur en cours de la présente instance qui indique dans ses écritures qu'il n'y a aucune obligation de disponibilité démontre une méconnaissance de son propre dossier du consultation ; si dans le précédent marché il y a avait une respiration possible de six jours ouvrés tel n'est pas le cas dans le marché en litige ; la société n'est pas lésée par la durée de l'accord-cadre fixée à cinq ans et elle a obtenu la communication de la décomposition de son prix ; le pouvoir adjudicateur n'a pas respecté l'obligation d'information des soumissionnaires évincés telle qu'exigée par les articles R.2181-1, R.2181-3 et R.2181-4 du code de la commande publique, qu'un tel manquement n'a pas été régularisé dans le cadre de la présente instance ; aucune stipulation ne permet au responsable local de s'affranchir des rendez-vous ; qu'il convient de vérifier dans les éléments soumis au secret qu'il n'y a pas une solution de télécabine : le marché exige une solution innovante, certes, mais il faut une présence humaine ;

- les observations de M. C et de M. A représentant le ministre des armées qui persistent dans les précédentes conclusions et indiquent que l'Etat a respecté l'obligation d'information des soumissionnaires évincés ; le pouvoir adjudicateur dispose d'une grande liberté dans le choix des critères de sélection qu'il retient pour satisfaire ses propres besoins ; en ce qui concerne l'évaluation des échantillons, aucune obligation n'impose que l'examen par la commission soit fait de manière contradictoire en présence des soumissionnaires; s'agissant du moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur méconnaîtrait son propre dossier de consultation sur la fréquence du service attendu, il s'agit d'une simple erreur de plume qui a été rectifiée ultérieurement dans son mémoire en défense ; s'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de l'attributaire, les soumissionnaires n'étaient pas tenus de proposer des délais d'exécution et, au surplus, il s'agit d'un élément ayant trait à l'exécution ; s'agissant du moyen tiré de la dénaturation du contenu de l'offre de la société requérante, un tel manquement, à le supposer établi, n'est pas susceptible de l'avoir lésée ou risqué de la léser compte tenu de l'écart de points après une éventuelle attribution des points qu'elle réclamait ; s'agissant du moyen tiré du caractère anormalement bas de l'offre de l'attributaire, le pouvoir adjudicateur a mis en œuvre la procédure de détection d'une telle offre à l'égard des deux soumissionnaires pour comprendre le modèle économique, et les justifications et précisions apportées par la société Paul Boyé ont permis d'établir que son prix n'est pas en lui-même manifestement sous-évalué ainsi que le démontrent les pièces produites selon la procédure de la double enveloppe de l'article R.412-2-1 du code de justice administrative ;

- les observations de Me Hudrisier, substituant Me Rigeade, qui maintient ses conclusions et ses moyens développés dans ses écritures, précise que l'argumentation de la société requérante excède l'office du juge du référé précontractuel au vu du niveau de détail et est proche de l'examen du mérite de l'offre ; la société PBT est une société familiale qui a l'habitude de candidater à ce type de marchés ; les critères sont pertinents au regard de l'objet du marché et ne sont pas discriminatoires ;

-les observations de M. B, directeur général de la société Paul Boyé qui indique que la société requérante dénature le contenu de l'offre de la société Paul Boyé Technologies, que tout n'est pas produit à Madagascar et que les délais seront respectés.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience à 12h00.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 10 mars 2023 au journal officiel de l'Union européenne sous le numéro 144042-2023, l'Etat a lancé une consultation pour la passation, selon la procédure d'appel d'offres ouvert, d'un accord-cadre à bons de commandes et à marchés subséquents, décomposé en deux lots, en vue de la réalisation de prestations personnalisées d'habillement au profit du personnel militaire du ministère des armées. Le groupement constitué des sociétés Marck et Balsan et Groupe Abilis a présenté sa candidature et son offre pour l'attribution du lot n°2 de ce marché. Par un courrier du 24 janvier 2024, la société Marck et Balsan, mandataire du groupement auquel appartient la société requérante, a été informée du rejet de l'offre de son groupement, classée deuxième.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge du référé précontractuel de se prononcer sur les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence incombant à l'acheteur, invoqués à l'occasion de la passation d'un contrat. En vertu de ces mêmes dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements de l'acheteur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge du référé précontractuel de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

En ce qui concerne des conclusions à fin d'annulation de la procédure de passation du lot n°2 :

S'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de la méthode de notation :

4. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code de la commande publique : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ". Aux termes de l'article L.2152-7 du code de la commande publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. Les modalités d'application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire. Les offres sont appréciées lot par lot. Le lien avec l'objet du marché ou ses conditions d'exécution s'apprécie conformément aux articles L. 2112-2 à L. 2112-4.". Aux termes de l'article L.2152-8 du même code : " Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur et garantissent la possibilité d'une véritable concurrence. Ils sont rendus publics dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 2152-7 de ce code : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : 1° Soit sur un critère unique qui peut être : a) Le prix, à condition que le marché ait pour seul objet l'achat de services ou de fournitures standardisées dont la qualité est insusceptible de variation d'un opérateur économique à l'autre ; b) Le coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie défini à l'article R. 2152-9 ;

2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants : a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, (), les performances en matière de protection de l'environnement,(). D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution (). ". Aux termes de l'article R. 2152-11 du code : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation. ". Enfin, aux termes de l'article R. 2151-15 du code : " Dans les documents de la consultation, l'acheteur peut exiger que les offres soient accompagnées d'échantillons, de maquettes ou de prototypes ainsi que de tout document permettant d'apprécier l'offre. () ".

5. Les dispositions de l'article R.2152-7 du code de la commande publique précité laissent au pouvoir adjudicateur le choix des critères d'attribution du marché qu'il entend retenir dès lors que ces critères sont justifiés par l'objet du marché et permettent d'identifier l'offre économiquement la plus avantageuse. Le pouvoir adjudicateur doit, en application des dispositions de l'article L.2111-1 du code de la commande publique, concilier, pour la détermination de la nature et de l'étendue des besoins à satisfaire, des objectifs de protection et de mise en valeur de l'environnement, de développement économique et de progrès social. Si les dispositions de l'article R.2152-7 du même code lui permettent de se fonder notamment, pour attribuer le marché, sur les performances en matière de protection de l'environnement, elles lui imposent seulement de retenir les critères permettant de sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse.

6. Il résulte de l'instruction qu'en vertu des articles 14.1 et 14.2 du règlement de consultation, pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse s'agissant du lot n°2, le ministre des armées a retenu deux critères pour évaluer les offres : d'une part, la valeur technique, pondérée à 60% et, d'autre part, le prix pondéré à 40%. La valeur technique comporte deux sous-critères que sont les échantillons et les dossiers techniques. Le sous-critère relatif aux échantillons concerne des échantillons que les soumissionnaires doivent produire pour "la tenue homme", "la tenue femme", "les pantalons et jupe en série". Les échantillons produits pour "la tenue homme" et "la tenue femme" reposent, pour chacune de ces deux tenues, sur quatre éléments d'appréciation identiques : "analyses en laboratoire", "conformité à la personnalisation", "bien aller", "confection" - chacun des trois premiers éléments d'appréciation est lui-même évalué en prenant en compte un aspect, à savoir, respectivement, "résistance au décollement des thermoadhérents (carrés thermocollés)", "attributs (galonnage, boutons, attentes d'épaule, parement)", "bien aller au porter/adaptation à la morphologie du mannequin (tenues complètes)". Les échantillons produits pour "les pantalons et jupe en série" reposent sur trois éléments d'appréciations : "bien aller", "confection", "dimensions" - le premier élément d'appréciation est lui-même évalué en prenant en compte un aspect qu'est le "bien aller au porter". Le sous-critère relatif aux dossiers techniques repose, quant à lui, sur trois éléments d'appréciation : "fonctionnalités du portail de commande", "procédures de sécurité du portail de commande", "l'organisation logistique" - chacun de ces éléments d'appréciation est lui-même évalué en prenant en compte respectivement sept, dix et six aspects indiqués dans un tableau.

7. En premier lieu, la requérante ne critique pas la pertinence du choix des critères d'attribution du lot n°2 mais se borne à soutenir que la qualité du tissu aurait dû être retenue comme un critère ou un sous-critère. En vertu des dispositions de l'article R. 2152-7 précité, lorsque le pouvoir adjudicateur se fonde sur un critère unique, il doit alors retenir un critère en particulier qu'est le critère financier qui peut être soit le prix soit le coût ; en revanche, lorsqu'il se fonde sur une pluralité de critères, il peut, dans ce cas, retenir le prix ou le coût et un ou plusieurs autres critères. Dès lors, la seule hypothèse où un critère en particulier doit être retenu par le pouvoir adjudicateur est celle où il retient un critère unique. Or, il résulte de l'instruction que le ministère des armées, qui était libre de choisir les critères d'attribution du lot n°2 dès lors qu'ils lui permettaient de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse, a retenu, non pas un critère unique, mais une pluralité de critères en vertu du 2° de l'article R.2152-7, que sont la valeur technique et le prix. Il suit de là qu'il n'était pas tenu de retenir, dans le cas de l'espèce, un critère ou un sous-critère en particulier, et notamment la qualité du tissu, pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse. Par suite, le moyen tiré de ce que la qualité du tissu aurait dû être un critère d'attribution ou un sous-critère ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, si l'article L. 2111-1 précité du code de la commande publique impose à l'acheteur de prendre en compte des objectifs de développement durable, il ne lui impose pas de retenir un critère y afférent au sein des critères de choix des offres. Par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur n'a pas retenu la performance environnementale parmi les critères d'attribution est inopérant et ne peut dès lors qu'être écarté.

9. En troisième lieu, si la société requérante soutient que la méthode de notation n'a pas été objectivée dès lors que le règlement de consultation ne prévoit pas que l'examen des offres serait effectué en présence des candidats, il n'existe aucune obligation imposant le caractère public de la séance d'ouverture des plis. Il s'ensuit que l'absence dans le règlement de consultation de précisions relatives aux personnes autorisées, et notamment les soumissionnaires, à assister à l'ouverture des offres n'a entaché la procédure d'aucun manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Si, en outre, la société Marck et Balsan soutient que le règlement de consultation ne définit pas la méthode d'évaluation des échantillons et du bien aller, il résulte pourtant des termes mêmes de l'article 14.2 du règlement de consultation, qui est suffisament précis sur ce point, que la méthode d'évaluation des échantillons et de leurs éléments d'appréciation est décrite de manière détaillée. Par suite, le moyen ainsi soulevé manque en fait et ne peut qu'être écarté. Enfin, si la société requérante émet des doutes quant à l'absence de preuve sur le fait que les échantillons qui ont été examinés par la commission se rapportent effectivement aux échantillons qu'elle a déposés, il n'est pas établi que les échantillons qui ont été examinés par la commission n'auraient pas été ceux du groupement évincé. Par suite, le moyen ainsi soulevé ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Marck et Balsan n'est pas fondée à soutenir que la méthode de notation est irrégulière.

S'agissant du moyen tiré de la dénaturation du contenu de l'offre du groupement évincé :

11. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

12. La société requérante soutient que le contenu de son offre a été dénaturé lors de l'évaluation des dimensions du pantalon masculin, du bien aller et des dimensions du pantalon féminin et de la jupe, qu'elle a ainsi été privée à tort d'au moins douze points et qu'elle aurait dû obtenir, si cette dénaturation n'avait pas été commise, pour la moyenne des effets en prêt-à-porter la note de 95, 92 sur 100 au lieu de la note de 91, 92 sur 100. Toutefois, si la société avait obtenu la note qu'elle réclamait, elle aurait obtenu pour la note " T1 échantillons " 88, 96 sur 100 au lieu de 86, 96 sur 100 et, par conséquent, elle aurait ainsi obtenu la note globale de 68, 87 sur 100 au lieu de 68, 27 sur 100. Or, une telle note totale n'aurait eu aucune incidence sur le classement de l'offre du groupement évincé qui demeure en deuxième position, avec un écart de 27,66 points derrière la société attributaire qui a obtenu la note totale de 96,53 sur 100. Il en résulte qu'un tel manquement, à le supposer établi, n'est en tout état de cause pas susceptible d'avoir lésé la société requérante.

S'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de l'attributaire :

13. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ". Aux termes de l'article L. 2152-2 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ". Est irrégulière au sens des dispositions de l'article L.2152-1 précité, et donc à éliminer, une offre qui, à défaut de contenir toutes les pièces et renseignements requis par les documents de la consultation, est incomplète. Selon l'article 4.3 du règlement de la consultation relatif au contenu des offres, l'offre doit contenir onze pièces limitativement énumérées que sont, respectivement, l'acte d'engagement, le bordereau de prix unitaires des prestations proposées par les soumissionnaires, les pouvoirs donnés au mandataire par le cotraitant le cas échéant, la fiche de stage de la clause sociale du militaire blessé dûment complété, un relevé d'identité bancaire ou postal, le cas échéant une annexe à l'acte d'engagement relative à la présentation d'un sous-traitant, les échantillons par lot, pour le lot n°2, les FTVE des jupes et pantalons (homme et femme) en prêt à porter, un mémoire technique sur les fonctionnalités du portail de commande, la description de la politique de sécurité du portail de commande et un mémoire technique sur l'organisation logistique.

14. La société requérante soutient que l'offre de la société Paul Boyé Technologies aurait dû être écartée comme irrégulière au sens de l'article L.2152-1 précité dès lors qu'elle confectionne ses produits à Madagascar et, qu'ainsi, il lui est impossible de respecter les délais d'exécution prévus par les articles 9.2.5.2 et 9.5 du CCAP en ce qui concerne les produits en prêt-à-porter et ceux en demi-mesure industrielle. Toutefois, l'article 4.3 du règlement de consultation précité ne requiert aucune pièce ni aucun renseignement ayant trait au respect des délais d'exécution que les soumissionnaires doivent fournir dans leur offre. Par suite le moyen ainsi soulevé est inopérant et ne peut dès lors qu'être écarté.

S'agissant du moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur a méconnu les exigences des documents de la consultation :

15. Si la société requérante soutient que le pouvoir adjudicateur a méconnu les exigences des documents de la consultation dès lors qu'il est fait état dans son mémoire en défense de ce qu'il n'y a aucune obligation de disponibilité à la charge du titulaire du lot n°2, en méconnaissance ainsi de l'article 9.1.1.2 du CCAP qui prévoit pourtant une telle obligation, il résulte toutefois de l'instruction qu'une telle circonstance résulte d'une simple erreur de plume dans les premières écritures en défense et que cette erreur a été rectifiée ultérieurement par le ministre des armées dans ses écritures. Par suite, le moyen ainsi soulevé ne peut qu'être écarté.

S'agissant du moyen tiré du caractère anormalement bas de l'offre de l'attributaire :

16. Aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique : " Une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché. " . Aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. Lorsque une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 2152-3 de ce code : " L'acheteur exige que le soumissionnaire justifie le prix ou les coûts proposés dans son offre lorsque celle-ci semble anormalement basse eu égard aux travaux, fournitures ou services, y compris pour la part du marché qu'il envisage de sous-traiter. Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : 1° Le mode de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, le procédé de construction ; 2° Les solutions techniques adoptées ou les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire pour fournir les produits ou les services ou pour exécuter les travaux ; 3° L'originalité de l'offre ; 4° La règlementation applicable en matière environnementale, sociale et du travail en vigueur sur le lieu d'exécution des prestations ; 5° L'obtention éventuelle d'une aide d'Etat par le soumissionnaire. ". Enfin, aux termes de l'article R. 2152-4 du code : " L'acheteur rejette l'offre comme anormalement basse dans les cas suivants : 1° Lorsque les éléments fournis par le soumissionnaire ne justifient pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés ; 2° Lorsqu'il établit que celle-ci est anormalement basse parce qu'elle contrevient en matière de droit de l'environnement, de droit social et de droit du travail aux obligations imposées par le droit français, y compris la ou les conventions collectives applicables, par le droit de l'Union européenne ou par les stipulations des accords ou traités internationaux mentionnées dans un avis qui figure en annexe du présent code.".

17. Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre. Pour contrôler le caractère anormalement bas ou non d'une offre, le juge du référé précontractuel ne peut se borner à relever un écart de prix important entre cette offre et d'autres offres que les explications fournies par le candidat ne sont pas de nature à justifier sans rechercher si le prix en cause est en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché.

18. D'une part, il résulte de l'instruction que le prix de l'offre de la société attributaire est de 26 219 049, 70 euros hors taxe et le prix de l'offre de la société requérante est de 69 554 937, 68 euros hors taxe. Si la société requérante soutient que l'offre de l'attributaire est anormalement basse en tant qu'elle ne couvre pas les coûts " matières ", " confection " et " services en points ATLAS ", elle n'assortit cette argumentation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé en ce qui concerne les deux premiers coûts. S'agissant du coût " services en points ATLAS ", il résulte de l'instruction, en particulier des termes mêmes de l'article 9.1.1.2 du CCAP, que le titulaire n'a qu'une obligation de disponibilité et non une obligation de permanence sur les points ATLAS et qu'il ne doit se déplacer qu'en cas de prise de rendez-vous. En effet, si des créneaux sont proposés par le pouvoir adjudicateur, l'article 9.1.1.2 du CCAP n'implique aucunement la présence de personnel du titulaire en permanence sur ces créneaux, contrairement à ce que soutient la société requérante. Il résulte en outre de l'instruction, et notamment des pièces produites dans le cadre de la procédure prévue par l'article R.412-2-1 du code de justice administrative et non soumises au contradictoire, que l'écart observé entre les prix des deux offres s'explique par une masse salariale très significative du personnel du groupement évincé allouée pour assurer une permanence sur les points ATLAS, ce qui n'était pas exigé par l'article 91.1.2 du CCAP précité. Il suit de là que le prix de l'offre de la société attributaire n'est pas en lui-même manifestement sous-évalué en tant qu'il ne couvrirait pas le coût relatif aux services en points ATLAS et, ainsi, n'est pas susceptible de compromettre la bonne exécution du marché. Par suite, et contrairement à ce que soutient la société requérante, le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'écartant pas l'offre de la société Paul Boyé comme étant anormalement basse à l'issue de la procédure de détection des offres anormalement basses.

19. D'autre part, aux termes de l'article L.2125-1 du code de la commande publique : " () La durée des accords-cadres ne peut dépasser quatre ans pour les pouvoirs adjudicateurs et huit ans pour les entités adjudicatrices, sauf dans des cas exceptionnels dûment justifiés, notamment par leur l'objet ou par le fait que leur exécution nécessite des investissements amortissables sur une durée supérieure ou par un risque important de restriction de concurrence ou de procédure infructueuse dans le cadre de la procédure de passation d'un accord-cadre engagée par une entité adjudicatrice ; () ".

20. La société requérante soutient en outre que si l'offre de l'attributaire n'est pas anormalement basse, la durée de l'accord-cadre, qui a été fixée de manière dérogatoire à cinq ans par le pouvoir adjudicateur, n'est donc plus justifiée. Toutefois, la seule circonstance tirée de ce que l'offre de l'attributaire n'est pas anormalement basse n'est pas, en elle-même, de nature à démontrer l'irrégularité de la durée de l'accord-cadre. Au surplus, la société requérante, qui était informée dès l'origine de la durée du marché et a présenté son offre en fonction de celle-ci, n'établit ni même n'allègue avoir été lésée par le choix d'une durée totale de cinq ans fixée par le pouvoir adjudicateur. Par suite, le moyen ainsi soulevé ne peut qu'être écarté.

21. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la procédure d'attribution du lot n°2 doivent être rejetées.

S'agissant du moyen tiré du non-respect des exigences découlant du principe de transparence :

22. Aux termes de l'article L. 2181-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 2181-1 du même code : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. ". Aux termes de l'article R. 2181-3 de ce code : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1. ". Enfin, aux termes de l'article R. 2181-4 du code : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : 1° Lorsque les négociations ou le dialogue ne sont pas encore achevés, les informations relatives au déroulement et à l'avancement des négociations ou du dialogue ;

2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue. ".

23. L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations mentionnées aux articles R. 2181-3 et R. 2181-4 précités du code de la commande publique a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

24. Il résulte de l'instruction que le courrier du 24 janvier 2024 adressé par le ministère des armées à la société Marck et Balsan, mandataire, pour lui notifier le rejet de l'offre de son groupement mentionnait le nom de la société Paul Boyé Technologies comme attributaire, les notes globales et les notes sur chacun des deux critères de sélection du lot n°2 ainsi que sur chacun des deux sous-critères du critère technique attribuées à la société attributaire et au groupement évincé, dont se déduisait également le classement de l'offre du groupement en deuxième position, et le délai de suspension de la signature du marché. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la société requérante, ledit courrier comportait, d'une part, la notification du rejet de l'offre du groupement en application de l'article R. 2181-1 précité et, d'autre part, le nom de l'attributaire, les motifs de rejet de l'offre du groupement et les motifs ayant conduit à retenir l'offre de l'attributaire en application de l'article R. 2181-3 précité. Par conséquent, l'Etat a satisfait en l'espèce à l'obligation d'information des soumissionnaires évincés fixée par les articles R. 2181-1 et R. 2181-3 précités du code de la commande publique, lesquels, contrairement à ce que soutient la société requérante, n'imposent pas au pouvoir adjudicateur, dans le cas où il aurait émis d'éventuels éléments explicatifs justifiant les notes qu'il attribue sur chacun des critères de sélection et sur chacun des sous-critères, de lui communiquer lesdits éventuels éléments dans le courrier de notification du rejet de l'offre du groupement auquel elle appartient.

25. Au surplus, si la société requérante soutient que la fiche d'examen de ses échantillons, qui lui a été adressée avec le courrier de rejet du 24 janvier 2024, est incomplète en tant qu'elle ne comporte pas d'élément explicatif relatif à cinq éléments d'appréciation des échantillons, la communication d'une telle fiche par le pouvoir adjudicateur dans ledit courrier de rejet n'était, en tout état de cause, pas exigée par les articles R.2181-1 et R. 2181-3 précités.

26. Il résulte de l'instruction que le courrier en date du 1er février 2024 adressé par le pouvoir adjudicateur à la société requérante mentionnait les notes attribuées sur chacun des éléments d'appréciation relatifs aux échantillons et aux dossiers techniques à la société attributaire et au groupement évincé et les notes qui composent la méthode de notation du critère prix publiée à l'article 14.3 du réglement de consultation. De plus, le ministre des armées a communiqué, dans son mémoire en défense en date du 9 février 2024, le prix global de l'offre de l'attributaire et celui de l'offre du groupement évincé, permettant ainsi à la société requérante d'avoir connaissance, dans le cadre de la présente instance, des informations faisant partie des caractéristiques et avantages de l'offre retenue. Enfin, au bénéfice notamment du délai qui s'est écoulé entre la date de communication du mémoire en défense en date du 9 février 2024 et la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience qui a eu lieu le 14 février 2024 ainsi qu'en témoigne la présente ordonnace, la société requérante a disposé d'un délai suffisant pour lui permettre de contester utilement son éviction. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article R. 2181-4 du code de la commande publique auraient été méconnues. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait méconnu ses obligations découlant du principe de transparence en matière d'information des soumissionnaires évincés ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

27. Si la société requérante présente des conclusions à fin d'injonction tenant à ce que le ministre des armées lui communique les appréciations littérales attribuées à la sociéyé Paul Boyé Technologies en ce qui concerne les éléments d'appréciation des échantillons et des dossiers techniques, l'appréciation détaillée portée sur chacun des deux critères de sélection et chacun des deux sous-critères de la valeur technique, celle manquante sur les cinq éléments d'appréciation des échantillons, l'ensemble des éléments explicatifs portés sur chacun des éléments d'appréciation des dossiers techniques ainsi que les noms des membres de la commission d'examen des échantillons, de telles informations figurent dans le rapport d'analyse des offres, dont la communication est également demandée ainsi que ses annexes. Si la société requérante demande également la communication des sept échantillons déposés par la société Paul Boyé, de tels éléments relèvent du contenu de l'offre de la société attributaire. Or, il n'entre pas dans l'office du juge du référé précontractuel tel que défini par l'article L. 551-1 du code de justice administrative d'ordonner la communication de ces documents. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre des armées tirée de l'irrecevabilité de telles conclusions doit être accueillie.

28. De plus, les paramètres retenus pour apprécier les éléments d'appréciation des échantillons et des dossiers techniques, la méthodologie d'examen des échantillons, la méthode de notation des échantillons, les modalités d'appréciation d'une non-conformité mineure et d'application de la fourchette, les modalités d'appréciation d'une non-conformité majeure et d'application de la fourchette, les modalités d'appréciation d'une non-conformité critique et d'application de la fourchette, la formule du calcul du prix, la méthode de notation du critère prix, sont toutes mentionnées dans le règlement du consultation ainsi que cela ressort des termes mêmes de ses articles 14.2, 14.3 et 14.4. Par suite, les conclusions à fin d'injonction tendant à la communication de telles informations ne peuvent également qu'être rejetées.

29. En outre, les questions posées à l'attributaire dans le cadre de la procédure de détection des offres anormalement basses sont indiquées dans le courrier du 12 juillet 2023. Ce courrier figure parmi les pièces produites dans le mémoire en défense du ministre des armées en date du 9 février 2024 et a été communiqué à la société requérante. De surcroît, les notes attribuées au groupement évincé sur chacun des éléments d'appréciation relatifs aux échantillons et aux dossiers techniques ainsi que les notes attribuées à la société Paul Boyé Technologies sur les éléments d'appréciation relatifs aux échantillons et aux dossiers techniques sont indiquées dans le courrier du 1er février 2024 adressé par le pouvoir adjudicateur à la société requérante. Il suit de là que les conclusions à fin d'injonction tendant à la communication de ces informations ne peuvent qu'être rejetées. Enfin, si la société requérante demande à ce que soit enjoint au pouvoir adjudicateur de lui communiquer le prix global de l'offre de l'attributaire et celui de l'offre du groupement auquel elle appartient, il résulte de ce qui a été exposé au point 26 qu'une telle demande n'a plus d'objet.

30. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'injonction présentées par la société requérante sur le fondement de l'article L.551-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

31. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

32. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Marck et Balsan une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Paul Boyé Technologies et non compris dans les dépens, en application de ces dispositions. Il n'y a pas lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Marck et Balsan la somme réclamée au même titre par le ministre des armées. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par la société Marck et Balsan et non compris dans les dépens

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société Marck et Balsan est rejetée.

Article 2 : La société Marck et Balsan versera la somme de 1 000 euros à la société Paul Boyé Technologies au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du ministre des armées tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Marck et Balsan, au ministre des armées et à la société Paul Boyé Technologies.

Fait à Versailles, le 20 février 2024.

Le juge des référés,

Signé

Ph. Delage

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N°2400961