TA Versailles, 22/06/2023, n°2103453

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 avril 2021 et les 2 et 15 mars 2023, la société Icare, représentée par Mes Laskier et Kanno, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner l'État à lui verser, d'une part, une indemnité de 646 305 euros hors taxes (HT) correspondant au préjudice financier qu'elle estime avoir subi en raison du non-respect du minimum fixé par l'accord-cadre à bons de commande qui lui a été attribué le 29 novembre 2018 et, d'autre part, une indemnité de 35 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'impossibilité d'exécuter ce contrat du fait des manquements de l'administration contractante ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable en l'ensemble de ses conclusions ;

- la responsabilité contractuelle pour faute de l'État est engagée à raison de l'inertie du pouvoir adjudicateur et du non-respect des clauses du contrat, rendant impossible l'exécution du marché, hormis le poste n° 1 relatif à la formation des instructeurs de l'école de l'aviation légère de l'armée de terre (EALAT) ;

- l'administration contractante a méconnu le principe de loyauté contractuelle ;

- le marché litigieux prévoyait un montant minimum annuel correspondant à l'achat de 400 heures de vol pour l'ensemble de la flotte, de sorte qu'elle est fondée à réclamer une indemnité de 646 305 euros HT correspond au préjudice économique qu'elle a subi et aux frais et investissements qu'elle a engagés pour satisfaire à ses obligations contractuelles au titre des années 2018 à 2020, soit 79 105 euros HT pour les salaires et les frais relatifs à l'emploi du représentant du prestataire auprès de l'unité bénéficiaire, 56 393 euros HT pour la location de l'avion DR 400 F GLVA et l'achat de l'avion DR 400 F HJLR, 458 245 euros HT pour les commandes des appareils neufs HJBT et F HJLR, 3 966 euros HT pour le vol de présentation organisé au bénéfice de l'EALAT, 5 746 euros HT au titre des frais de direction et 48 000 euros HT correspondant au préjudice de perte d'exploitation ;

- elle est fondée à réclamer une indemnité de 35 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle a subi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge de la société Icare au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que le " mémoire valant réclamation préalable " que lui a adressé la société Icare le 22 janvier 2021 n'indique pas les bases de calcul des sommes réclamées et n'est accompagné d'aucune pièce justificative, de sorte qu'il ne saurait être regardé comme un mémoire en réclamation au sens de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- la société requérante n'est pas recevable à réclamer l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'impossibilité d'utiliser les aéronefs sur la piste de Dax, dès lors que son " mémoire valant réclamation préalable " lui a été communiqué plus de deux mois après l'apparition du différend sur ce point ;

- les conclusions de la société Icare relatives au non-respect du montant minimum annuel fixé par le marché ne sont pas recevables, faute pour la société titulaire d'avoir transmis au représentant du pouvoir adjudicateur, dans le délai prévu par l'article 1.4 du cahier des clauses particulières (CCP), les justificatifs nécessaires à l'évaluation de l'indemnité qu'elle réclame ;

- aucun manquement contractuel susceptible d'engager la responsabilité pour faute de l'État n'a été commis ;

- le lien de causalité entre les manquements allégués et les préjudices dont la société Icare demande réparation n'est pas établi ;

- les prétentions indemnitaires relatives à la perte de marge bénéficiaire et aux frais que la société requérante prétend avoir engagés pour satisfaire à ses obligations contractuelles ne sont assorties d'aucun justificatif indiquant les bases de calcul de ces préjudices et la période d'exécution de l'accord-cadre à laquelle ils se rapportent ;

- la société requérante n'apporte pas la preuve du préjudice moral qu'elle estime avoir subi.

Par une ordonnance du 15 mars 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 17 mars 2023, a été reportée au 3 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2013-367 du 29 avril 2013 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Connin, conseiller ;

- les conclusions de Mme Marc, rapporteure publique ;

- les observations de Me Laskier, pour la société Icare, en présence de M. B, directeur de la société Icare et de Mme A, représentant le ministre des armées.

Considérant ce qui suit :

1. La société Icare s'est vue attribuer le 29 novembre 2018 un accord-cadre à bons de commande relatif " à la mise à disposition de deux aéronefs coque nue au profit des pilotes avions de l'école de l'aviation légère de l'armée de terre (EALAT) du commandement de l'aviation légère de l'armée de terre (COMALAT) ". Ce marché, conclu pour une période initiale comprise entre la date de sa notification, le 12 décembre 2018 et le 31 décembre 2018, pouvait être reconduit annuellement de manière expresse, sans que sa durée totale puisse excéder quarante-huit mois, dans la limite de quatre reconductions. Il prévoyait, en outre, un montant minimum annuel correspondant à l'achat de 400 heures de vol pour l'ensemble de la flotte comprenant deux aéronefs, ce montant étant calculé au prorata temporis de la période d'exécution. Le marché a été reconduit à deux reprises, pour les périodes comprises entre les 1er janvier et 31 décembre 2019 et les 1er janvier et 31 décembre 2020. Par un courrier du 6 novembre 2020, le directeur de la plateforme affrètement et transport (PFAT), représentant du pouvoir adjudicateur, a notifié à la société titulaire sa décision de ne pas reconduire le marché au-delà du 31 décembre 2020. La société Icare demande au tribunal de condamner de l'État à lui verser une indemnité à raison du non-respect du montant minimum annuel fixé par le marché et du préjudice moral résultant de l'impossibilité d'exécuter le contrat du fait des manquements de l'administration contractante.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la réparation du préjudice moral :

2. La société Icare n'apporte aucun élément susceptible d'établir l'existence du préjudice moral qu'elle prétend avoir subi du fait des manquements allégués de l'administration contractante. Dès lors, les conclusions indemnitaires qu'elle présente à ce titre doivent être rejetées.

En ce qui concerne le versement d'une indemnité à raison du non-respect du montant minimum annuel fixé par le marché :

3. Aux termes de l'article 38 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) des marchés publics de fournitures courantes et de services, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 19 janvier 2009, applicable au marché en litige en vertu de l'article 2 de son cahier des clauses particulières (CCP) : " Lorsqu'au terme de l'exécution d'un marché à bons de commande le total des commandes du pouvoir adjudicateur n'a pas atteint le minimum fixé par le marché, en valeur ou en quantités, le titulaire a droit à une indemnité, égale à la marge bénéficiaire qu'il aurait réalisée sur les prestations qui restaient à exécuter pour atteindre ce minimum. / Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d'apporter au pouvoir adjudicateur toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. ".

4. Aux termes de l'article 1.4 du cahier des clauses particulières (CCP) du marché en litige : " Le montant minimum annuel du marché correspond à l'achat de 400 heures de vol pour l'ensemble de la flotte (les deux avions). Il n'y a pas de montant maximum. / L'attention du titulaire est appelée sur le fait que le montant minimum est ajustable au prorata temporis en fonction de la période d'exécution telle que définit à l'article 1.3 du présent CCP. / Lorsque le total des commandes ne parvient pas au montant minimum par période, le titulaire, à sa demande, bénéficie d'une indemnité égale à la marge bénéficiaire qu'il aurait réalisée sur les prestations restant à exécuter pour atteindre ce minimum. En outre, le titulaire a droit à une indemnisation correspondant aux frais et investissements éventuels, engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution. Il incombe au titulaire d'apporter au RPA toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l'indemnité dans un délai de 15 jours calendaires. Les dispositions liées à l'indemnisation sont indiquées à l'article 38 du CCAG/FCS. / Aucune indemnité n'est due si le montant minimum du marché n'est pas atteint du fait du titulaire. ".

5. Il résulte de la combinaison des stipulations précitées de l'article 38 du CCAG des marchés publics de fournitures courantes et de services et de l'article 1.4 du CCP du marché en litige que lorsque le montant minimum fixé par l'accord-cadre à bons de commande n'est pas atteint, le titulaire peut prétendre à une indemnité qui comprend, d'une part, une somme égale à la marge bénéficiaire qu'il aurait réalisée sur les prestations qui restaient à exécuter pour atteindre ce minimum et, d'autre part, la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n'aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées.

6. Le droit à l'indemnité prévue par les stipulations précitées de l'article 1.4 du CCP du marché en litige n'est pas ouvert, selon les termes mêmes de ces stipulations, si le minimum fixé par l'accord-cadre à bons de commande n'est pas atteint du fait du titulaire. En revanche, est sans incidence sur ce droit à indemnité la circonstance que le minimum n'ait pas été atteint en raison des manquements commis par l'administration contractante au cours de l'exécution du contrat.

7. Aux termes de l'article 1.1.1. du CCP du marché en litige : " Le marché a pour objet la mise à disposition de deux aéronefs coque nue au profit des pilotes avions de l'EALAT du COMALAT. Les avions sont stationnés sur la base de l'armée de terre de DAX (40), pendant toute la durée de validité du marché. / Destiné à la formation des pilotes, le marché prévoit l'utilisation de la flotte (deux avions) à hauteur de 400 heures minimum par an. Les caractéristiques techniques des aéronefs doivent correspondre aux exigences techniques référencées en annexe au présent CCP. () ". L'article 1.1.2. du même cahier prévoit que : " () Les prestations attendues sont répertoriées en trois postes : / - poste n° 1 : formation des instructeurs de l'EALAT ; / - poste n° 2 : heure de vol ; / - poste n° 3 : maintenance curative des avions. ". L'article 5 du même cahier stipule que : " 5.1 - Admission des aéronefs / Le titulaire informe l'EALAT et le COMALAT par courriel de la date de mise à disposition sur site avec un préavis de 48 heures. / A l'issue de la formation des instructeurs de l'EALAT (au titre du poste n° 1), les représentants de l'EALAT procèdent au contrôle des aéronefs sur le site défini par le titulaire. / 5.1.1 - Périmètre du contrôle / La vérification porte sur la conformité de l'avion au besoin du MINARM et à l'offre du titulaire. Il s'effectue pendant les jours ouvrés de 9h00 à 15h00 (samedis, dimanche, jours fériés et jours de fermeture exclus). / Le contrôle porte principalement sur les points suivants : / - l'état général de l'aéronef ; / - performances et sécurité d'emploi ; / - outils de pilotage et de communication ; / - inventaire de la documentation technique. / Par ailleurs, chaque avion est livré avec la totalité de la documentation technique suivante : / - le certificat de navigabilité (CDN) ; / - le certificat d'assurance ; / - le carnet de route ; / - certificat de limitation de nuisance (CLN) ; / - manuel de vol à jour et en français. / En l'absence de toute ou partie de la documentation, l'avion est considéré comme inutilisable, faisant ainsi courir des pénalités de retard conformément à l'article 18 du présent CCP. / La constatation du service fait s'effectue obligatoirement en présence du titulaire ou de son représentant et du représentant de l'EALAT. A compter de la mise à disposition sur site des avions, l'EALAT dispose de 24 heures pour procéder à leur contrôle. Ce dernier consigne sur le document de perception les résultats du contrôle et le transmet au COMALAT. / 5.1.2 - Décision prise à l'issue du contrôle / Sur la base des documents fournis par l'EALAT, le COMALAT propose au SSLT l'admission, l'ajournement, la réfaction ou le rejet des prestations (par un procès-verbal dûment établi, daté, signé par le titulaire et contresigné par l'EALAT). / Le SSLT notifie sa décision dans les 8 jours calendaires suivant la mise à disposition des avions. Durant cette période, l'EALAT assume la responsabilité du dépositaire, conformément à l'article 19.1.2 du CCAG/FCS. En qualité de dépositaire, l'EALAT est chargé du gardiennage et de la conservation des vecteurs qui lui sont confiés. Il doit mettre en œuvre tous les moyens pour prévenir les dommages qui pourraient survenir aux avions. / Tant que l'admission n'est pas notifiée au titulaire, au COMALAT et à l'EALAT, ce dernier s'interdit d'employer les avions pour quelque raison que ce soit. / · Admission / Sous réserve des vices cachés, le COMALAT propose au SSLT l'admission des avions, s'ils répondent aux dispositions du marché. / L'admission prend effet à la date de notification au titulaire de la décision correspondante par le SSLT. La notification du document constitue le point de départ de la location de l'avion. Le SSLT transmet une copie de la décision au COMALAT et à l'EALAT. / Etant une pièce justificative du règlement, l'admission doit être jointe à la demande de paiement. / · Ajournement / Lorsqu'il estime que l'avion ne peut être admis que moyennant certaines mises au point, le COMALAT peut proposer au SSLT d'ajourner l'admission du vecteur. Ce dernier notifie au titulaire une décision d'ajournement dûment motivée. Une copie du document est transmise au COMALAT et à l'EALAT. / La procédure adoptée en la matière est conforme aux articles 25.2.1 et suivants du CCAG/FCS sous réserve que les délais sont arrêtés conjointement par les deux parties pour tenir compte de leur plan de charge respectifs. / () ".

8. Il résulte de l'instruction que si la société Icare a exécuté, les 13 et 14 février 2019, les prestations du marché litigieux relatives au poste n° 1 " formation des instructeurs de l'EALAT ", les prestations relatives aux postes nos 2 " heure de vol " et 3 " maintenance curative des avions " n'ont reçu aucun commencement d'exécution, tant pendant la période initiale d'exécution que pendant les périodes de reconduction du contrat, de sorte que le montant minimum annuel fixé par l'accord-cadre n'a été atteint pour aucune de ces périodes.

9. Il résulte également de l'instruction que les deux appareils neufs " Robin DR401/160LR - 160 cv " acquis par la société Icare pour assurer l'exécution du marché n'ont pu, compte tenu des délais de fabrication, être immédiatement mis à disposition de l'EALAT du COMALAT. Au cours de la réunion de cadrage du 14 décembre 2018, la société titulaire a proposé de mettre à disposition de l'EALAT deux aéronefs d'occasion " Robin DR400 - 180 cv ", loués auprès de la société Robin Aircraft, " pour la période allant du 15 janvier 2019 à la date de livraison effective des avions neufs ". Dans un courrier du 20 février 2019, la société Icare a annoncé au directeur du service spécialisé de la logistique et du transport (SSLT) qu'elle avait procédé, dans l'attente de la livraison des deux appareils neufs et afin de commencer l'exécution des prestations faisant l'objet des postes nos 1 et 2 du marché, à l'achat d'un appareil d'occasion " Robin DR400 - 180 cv " et à la location d'un second. Dans un courrier du 2 avril 2019, la société titulaire indiquait que ces deux aéronefs étaient positionnés sur leur " lieu de stationnement ". Toutefois, par une décision du 19 avril 2019, le directeur de la PFAT a ajourné l'admission de ces aéronefs pour un motif tiré de l'absence de remise par le titulaire des manuels de vol correspondant, lesquels étaient indispensables pour procéder à la vérification de la conformité des capacités techniques des aéronefs aux exigences du contrat.

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 21 décembre 2018, la société Icare a été invitée à fournir, pour le 7 janvier 2019, les caractéristiques détaillées et le manuel de vol ou POH (" Pilote Operating Handbook ") des deux aéronefs d'occasion " Robin DR400 - 180 cv " qu'elle avait proposé de mettre à disposition de l'EALAT dans l'attente de la livraison des deux appareils neufs mentionnés dans son offre. La société titulaire n'a cependant fourni que le 5 mai 2019 les manuels de vol des deux aéronefs d'occasion " Robin DR400 - 180 cv ". Si elle fait valoir que ces manuels étaient connus des instructeurs de l'EALAT et facilement téléchargeables en ligne, il lui incombait, conformément aux stipulations précitées de l'article 5.1.1 du CCP, de livrer les avions avec la totalité de la documentation technique, qui inclut " le manuel de vol à jour et en français ". Les aéronefs mis à disposition de l'EALAT devaient ainsi être regardés, en application des mêmes stipulations, comme inutilisables en l'absence des manuels de vol correspondant. Dès lors, c'est à bon droit que le directeur de la PFAT a, par la décision du 19 avril 2019 mentionnée précédemment, ajourné l'admission de ces aéronefs. A cet égard, la société requérante, parfaitement informée de son obligation de fournir les manuels de vol des aéronefs, ne peut utilement faire valoir les difficultés qu'elle aurait rencontrées pour communiquer avec l'administration contractante et l'absence de réponse à ses questions d'ordre technique, lesquelles sont étrangères à cette obligation. Dans ces conditions, les prestations relatives aux postes nos 2 et 3 de l'accord-cadre n'ont pu être exécutées jusqu'au 5 mai 2019 du fait du titulaire.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 du CCP du marché en litige : " Le titulaire doit contracter les assurances permettant de garantir sa responsabilité à l'égard du MINARM et des tiers, victimes d'accidents ou de dommages causés par l'exécution des prestations dont il a la charge ou l'initiative. / Il doit justifier, dans un délai de 15 jours ouvrés à compter de la notification du marché et avant tout début d'exécution de celui-ci, reconduction comprise, qu'il est titulaire de ces contrats d'assurances, au moyen d'une attestation établissant annuellement ou pour la durée de la période, l'étendue de la responsabilité garantie (). ".

12. Il résulte de l'instruction que le défaut de souscription des assurances requises n'a pas permis l'utilisation des aéronefs mis à disposition de l'EALAT par la société Icare et, par conséquent, l'émission des bons de commande correspondant aux prestations faisant l'objet des postes nos 2 et 3 du marché litigieux. La société Icare fait valoir qu'il appartenait à l'administration contractante, comme elle l'a reconnu lors de la réunion de cadrage du 14 décembre 2018, de passer un marché d'assurance destiné à couvrir " la responsabilité civile, la garantie corps de l'appareil, la garantie pilote et la garantie passager " dans le cadre de l'utilisation des aéronefs mis à disposition de l'EALAT, qu'il s'agisse d'appareils appartenant au titulaire ou loués auprès d'une autre société. Toutefois, en tout état de cause, il incombait également au titulaire du marché, en vertu de l'article 9 du CCP, de contracter les assurances permettant de garantir sa responsabilité à l'égard du ministère des armées et des tiers, victimes d'accidents ou de dommages causés par l'exécution des prestations dont il a la charge ou l'initiative. A cet égard, la société requérante ne justifie pas, faute notamment de produire l'attestation mentionnée à l'alinéa 2 de l'article 9 du CCP, avoir, pour sa part, souscrit les assurances prévues à cet article, qu'il lui appartenait pourtant de contracter. Ainsi, pour l'application des principes rappelés aux points 5 et 6 du présent jugement, les prestations relatives aux postes nos 2 et 3 de l'accord-cadre doivent être regardées comme n'ayant pu être exécutées, au titre de la période postérieure au 5 mai 2019, du fait du titulaire.

13. En dernier lieu, la société Icare soutient que l'administration contractante a méconnu le principe de loyauté contractuelle et a manqué à ses obligations découlant des stipulations de l'article 3.2.2 du CCP, en ne lui remettant pas un " constat de service fait " à la suite de l'exécution des prestations du marché relatives au poste n° 1, et de l'article 6.2 du CCP, faute d'avoir organisé les réunions de suivi semestrielles qu'elles prévoient. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent jugement que les manquements allégués sont sans incidence sur le droit de percevoir l'indemnité qu'elle réclame sur le fondement de l'article 1.4 du CCP.

14. Il résulte de ce qui précède que l'impossibilité d'exécuter les prestations relatives aux postes nos 2 et 3 de l'accord-cadre en litige est imputable à la société Icare. Il suit de là que cette dernière n'est pas fondée à réclamer, en application de l'article 1.4 du CCP, une indemnité correspondant à la marge bénéficiaire nette qu'elle aurait dégagée si le montant minimum fixé par l'accord-cadre avait été atteint, ni, en tout état de cause, l'indemnisation des frais et investissements qu'elle aurait engagés pour assurer l'exécution du marché.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées en défense, que les conclusions indemnitaires de la société Icare doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Icare demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'État présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Icare est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'État présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Icare et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Christine Grenier, présidente,

Mme Virginie Caron, première conseillère,

M. Nicolas Connin, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

signé

N. Connin

La présidente,

signé

C. Grenier

La greffière,

signé

G. Le Pré

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 1901371

1

9