TA Rennes, 26/01/2023, n°2300088
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 6 janvier 2023, la société Geo Survey et Topography demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, d'annuler le contrat conclu entre la commune de Vannes et la société Quarta pour l'exécution de prestations de lever au scanner et de vectorisation des remparts de la ville.
Elle soutient que :
- elle n'a pas été en mesure de pouvoir former un recours gracieux ou un référé précontractuel dès lors qu'elle n'a été informée du rejet de son offre que le 27 décembre 2022 alors que le marché a été signé avec l'entreprise Quarta attributaire le 18 novembre 2022 ;
- la sous-estimation de ses temps d'intervention aurait dû faire l'objet d'une clarification technique des prestations attendues et non d'un rejet au titre de l'offre anormalement basse par le pouvoir adjudicateur ;
- le délai de validité des offres étant fixée au 9 septembre 2022 sans qu'aucune demande de prolongation n'ait été transmise, la procédure aurait dû être déclarée sans suite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2023, la commune de Vannes, représentée par la Selarl Cornet-Vincent-Segurel, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à limiter la sanction à une pénalité financière modérée et, en toute hypothèse, à ce que soit mis à la charge de la société Geo Survey et Topography le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le moyen relatif à la signature du contrat avant l'expiration du délai de suspension exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature est inopérant en procédure adaptée dès lors que cette procédure ne comporte, pour le pouvoir adjudicateur, ni l'obligation de notifier la décision d'attribution aux opérateurs économiques dont la candidature ou l'offre a été rejetée, ni, par conséquent, l'obligation de respecter un délai de suspension de signature à compter de la notification de cette décision ;
- les deux autres manquements invoqués par la société requérante sont inopérants, dès lors que les seuls manquements invocables sont ceux limitativement définis aux articles L. 551-18 à L. 551-20 du code de justice administrative ;
- elle n'a commis aucun manquement pouvant être utilement invoqué en référé contractuel :
- elle a mis en œuvre les mesures de publicité requises pour la passation du marché et elle n'avait aucune obligation de procéder à une publication au Journal officiel de l'Union européenne compte tenu du montant du marché très inférieur au seuil de 90 000 euros ;
- la procédure de passation n'avait pas pour objet l'attribution d'un contrat fondé sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique ;
- elle n'avait pas d'obligation de procéder à l'envoi d'une décision d'attribution s'agissant d'un marché passé selon une procédure adaptée ;
- elle n'a pas procédé à la signature du marché avant l'expiration du délai de suspension prévu à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 du code de justice administrative, exigé après l'introduction d'un référé précontractuel dirigé contre la procédure de passation, ni n'a omis de se conformer à une décision juridictionnelle rendue sur référé précontractuel.
- à titre subsidiaire, si une méconnaissance du délai de suspension exigé après l'envoi de la décision d'attribution venait à être retenue, elle ne saurait conduire à une annulation automatique du marché dès lors qu'une des deux conditions cumulatives posées à l'article L. 551-18 3° du code de justice administrative n'est pas remplie : en l'espèce, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation qu'elle a rejeté l'offre de la société requérante comme anormalement basse et dès lors, à supposer même qu'une méconnaissance du délai de suspension exigé après l'envoi de la décision d'attribution puisse être retenue, ce manquement n'a pas affecté les chances de la société Geo Survey et Topography d'obtenir le contrat ; la sanction ne pourrait dans ce cas excéder le prononcé d'une pénalité financière modérée.
La société Quarta, informée de la requête et de l'audience publique, n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Plumerault, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique du 25 janvier 2023 :
- le rapport de Mme B,
- MM. Ejarque et Lamant, représentant la société Geo Survey et Topography, qui insistent sur le défaut d'information donnée aux candidats évincés, soulignent le problème d'expression de son besoin par le pouvoir adjudicateur, insistent également sur le fait que le délai de validité des offres, qui expirait au mois de septembre 2022, n'a pas été prorogé alors que le marché a été attribué au mois de novembre sans actualisation des offres ;
- Me Pasquet, représentant la commune de Vannes, qui reprend les mêmes termes que les écritures qu'il développe ;
- M. A, représentant la société Quarta, qui indique n'avoir aucune remarque.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Vannes a lancé, le 13 mars 2022, une consultation en vue de la passation, selon une procédure adaptée ouverte, d'un marché public de services ayant pour objet des prestations de lever au scanner et de vectorisation des remparts de la ville. Le marché a été attribué à la société Quarta et l'acte d'engament signé par la commune de Vannes le 17 novembre 2022 et notifié à la société attributaire le 18 novembre suivant. La société Géo Survey et Topographie, qui s'est portée candidate à l'attribution de ce marché, a été informée par un courrier du 27 décembre 2022 que son offre avait été déclarée anormalement basse. Elle demande, sur le fondement de l'article L. 551-13, l'annulation du contrat passé entre la ville de Vannes et la société Quarta.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section ". Aux termes de l'article L. 551-14 du même code : " Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. /Toutefois, le recours régi par la présente section n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article L. 551-1 ou à l'article L. 551-5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ". L'article L. 551-15 du même code dispose que : " Le recours régi par la présente section ne peut être exercé ni à l'égard des contrats dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, ni à l'égard des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a accompli la même formalité () ". Aux termes de l'article L. 551-18 du même code : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / La même annulation est prononcée lorsqu'ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat ".
3. Aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre ". Aux termes de l'article R. 2181-2 du même code, applicable aux marchés passés selon une procédure adaptée : " Tout candidat ou soumissionnaire dont la candidature ou l'offre a été rejetée peut obtenir les motifs de ce rejet dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande à l'acheteur. / Lorsque l'offre de ce soumissionnaire n'était ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, l'acheteur lui communique en outre les caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l'attributaire du marché ". Aux termes de l'article R. 2181-3 du même code, applicable aux marchés passés selon une procédure formalisée : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1 ". Aux termes de l'article R. 2182-1 du même code : " Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, un délai minimal de onze jours est respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux articles R. 2181-1 et R. 2181-3 et la date de signature du marché par l'acheteur. / Ce délai minimal est porté à seize jours lorsque cette notification n'a pas été transmise par voie électronique ". Il résulte de ces dispositions que, pour les marchés passés selon une procédure adaptée, l'acheteur doit, dès qu'il décide de rejeter une offre, notifier ce rejet au soumissionnaire concerné, sans être tenu de lui notifier la décision d'attribution.
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 511-18 du code de justice administrative citées au point 2 que, s'agissant des marchés passés selon une procédure adaptée, qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ne sont pas soumis à l'obligation, pour le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice, de notifier aux opérateurs économiques ayant présenté une offre, avant la signature du contrat, la décision d'attribution, l'annulation d'un tel contrat ne peut, en principe, résulter que du constat des manquements mentionnés aux deux premiers alinéas de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, c'est-à-dire de l'absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou de la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. Le juge du référé contractuel doit également annuler un marché à procédure adaptée, sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 551-18 du même code, ou prendre l'une des autres mesures mentionnées à l'article L. 551-20 dans l'hypothèse où, alors qu'un recours en référé précontractuel a été formé, le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice n'a pas respecté la suspension de signature du contrat prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce référé.
5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur n'a informé la société Geo Survey et Topography du rejet de son offre que postérieurement à la signature du contrat avec la société Quarta est inopérant devant le juge du référé contractuel, s'agissant d'un marché à procédure adaptée.
6. En second lieu, les seuls manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence invoqués par la société Geo Survey et Topography dans sa requête tenant d'une part à ce que le pouvoir adjudicateur n'a pas correctement exprimé son besoin, d'autre part à ce que le délai de validité des offres n'a pas fait l'objet d'une prolongation alors que le marché a été attribué au-delà de ce délai ne relèvent d'aucune des hypothèses dans lesquelles le juge du référé contractuel peut exercer son office. S'agissant de ce second moyen, il n'est en tout état de cause pas soutenu, ni justifié qu'un changement dans les conditions de la concurrence ou dans les conditions prévisibles d'exécution du contrat aurait imposé à la commune de Vannes, dans les circonstances de l'espèce, de fixer un nouveau délai de validité des offres.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Geo Survey et Topography ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Vannes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la société Geo Survey etTopography est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Vannes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Geo Survey et Topography, à la commune de Vannes et à la société Quarta.
Fait à Rennes, le 26 janvier 2023.
Le juge des référés,
signé
F. BLa greffière d'audience,
signé
A. Gauthier
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.