CAA Toulouse, 11/07/2023, n°21TL02597

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Verip a saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande tendant, d'une part, à contester la validité de la décision du 17 avril 2019 par laquelle le directeur général adjoint de l'office public de l'habitat du Gard, Habitat du Gard, a prononcé la résiliation pour faute du marché public de travaux conclu pour l'amélioration de l'isolation et de l'étanchéité des toitures-terrasses de la résidence Duguay-Trouin située à Nîmes, d'autre part, à ordonner la reprise des relations contractuelles et, enfin, à condamner cet office à lui verser la somme de 42 279 euros au titre du surcoût lié la dépose du complexe d'isolation et d'étanchéité ainsi que la somme de 21 750 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles ou, à titre subsidiaire, la somme de 40 904,32 euros en réparation du préjudice résultant de la mesure de résiliation précitée.

Par un jugement n° 1902003 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de la société Verip tendant à la reprise des relations contractuelles, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la mesure de résiliation du marché du 17 avril 2019 et, enfin, à titre reconventionnel, condamné cette société à verser à l'office public de l'Habitat Habitat du Gard la somme de 14 400 euros correspondant à des pénalités contractuelles.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, le 6 juillet 2021, puis le 1er mars 2022 devant la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Verip, représentée par Me Caussé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 mai 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler la décision du 17 avril 2019 par laquelle le directeur général adjoint de l'office public de l'habitat Habitat du Gard, Habitat du Gard, a prononcé la résiliation pour faute du marché public de travaux conclu pour l'amélioration de l'isolation et de l'étanchéité des toitures-terrasses de la résidence Duguay-Trouin située à la Grand-Combe et d'ordonner la reprise des relations contractuelles ;

3°) de condamner l'office public de l'habitat du Gard, Habitat du Gard, à lui verser la somme de 40 904,32 euros en réparation du préjudice subi du fait de la mesure de résiliation du 17 avril 2019 précitée ;

4°) de rejeter la demande reconventionnelle présentée par l'office public de l'habitat du Gard, Habitat du Gard, tendant à sa condamnation à verser des pénalités contractuelles ou, à titre subsidiaire, de faire usage de son pouvoir de modulation en ramenant ces pénalités à de plus justes proportions ;

5°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat du Gard Habitat du Gard une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mesure de résiliation du 17 avril 2019 a été prise par une autorité incompétente ;

- elle n'a commis aucune faute contractuelle dans l'exécution de ses prestations ;

- aucune faute tenant au défaut de remise du calendrier d'exécution des travaux ne peut lui être imputée dès lors qu'elle était en attente de l'ordre de service de redémarrage des travaux et a réalisé 60 % des travaux lors de la phase de préparation du chantier ;

- la résiliation du marché doit être prononcée aux torts exclusifs du maître de l'ouvrage ;

- elle est fondée à obtenir l'indemnisation des préjudices consécutifs à la mesure de résiliation en litige dans les conditions suivantes :

* 13 750 euros au titre des dépenses engendrées par la rupture anticipée du contrat ;

* 19 153,82 euros au titre des prestations exécutées ;

* 8 000 euros au titre du manque à gagner ;

- aucune pénalité ne peut être mise à sa charge au titre du retard dans la remise du calendrier des travaux dès lors qu'aucun ordre de service de reprise des travaux n'est intervenu après l'ajournement des travaux et, à titre subsidiaire, les pénalités auxquelles elle a été condamnée par le tribunal doivent être modérées par le juge du contrat en raison de leur caractère excessif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2021, et un mémoire de régularisation enregistré le 5 avril 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'office public de l'habitat du Gard, Habitat du Gard, représenté par Me Delran, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de société Verip au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la mesure de résiliation en litige n'est pas entachée d'incompétence de son auteur ;

- la société Verip n'a pas respecté les prescriptions pourtant claires du cahier des clauses techniques particulières impliquant la dépose de l'isolation et du système d'étanchéité, ce document précisant, en outre, qu'elle était tenue de procéder à la " dépose de tous les éléments nécessaires à une bonne réalisation de l'étanchéité " ;

- la décomposition globale du prix global et forfaitaire du marché incluait également la dépose de l'existant pour un montant de 6 602,01 euros hors taxes ;

- compte-tenu de la gravité des manquements de la société appelante, qui n'a, en dépit de ses différentes relances, déposé ni l'isolation existante ni l'étanchéité et a procédé à la pose d'une nouvelle isolation et d'une nouvelle étanchéité sur des systèmes existants imbibés d'eau, la mesure de résiliation n'est ni abusive ni disproportionnée ;

- les pénalités prononcées par le tribunal sont justifiées par la faute de la société Verip laquelle s'est abstenue de communiquer le calendrier détaillé d'exécution avant le terme de la phase de préparation intervenu le 9 janvier 2019.

Par une ordonnance du 17 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 19 avril 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;

- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 20 novembre 2018, l'office public de l'habitat du Gard, ci-après Habitat du Gard, a attribué à la société Verip un marché de travaux portant sur l'amélioration de l'isolation et de l'étanchéité des toitures-terrasses de la résidence " Duguay-Trouin " située à Nîmes (Gard), pour un montant de 43 791,47 euros toutes taxes comprises. Le marché de travaux, prévu pour une durée de trois mois, a débuté le 10 décembre 2010, par un ordre de service n° 1 du 4 décembre 2018. Par une lettre du 14 janvier 2019, Habitat du Gard a mis en demeure la société Verip de réaliser, dans un délai de quinze jours, les travaux contractuellement prévus, impliquant la dépose totale de l'ancien système d'étanchéité. La société Verip ayant, par une lettre du 23 janvier suivant, refusé de procéder à ces travaux au motif qu'ils constituent des prestations supplémentaires devant donner lieu à la conclusion d'un avenant, Habitat du Gard a, par une nouvelle lettre du 7 mars 2019, d'une part, mis en demeure la société Verip de reprendre ses prestations en se conformant au cahier des clauses techniques particulières du marché et de lui remettre le calendrier d'exécution des travaux dans un délai de quinze jours et, d'autre part, informé cette société de l'application de pénalités de retard dans la remise de ce document s'élevant à la somme de 8 400 euros. Par ce même courrier, la société Verip a été informée qu'en cas de carence, la procédure de résiliation pour faute du marché serait mise en œuvre.

2. La société Verip a présenté un mémoire en réclamation le 20 mars 2019. En l'absence d'accord entre les parties, le directeur général adjoint d'Habitat du Gard a, par une décision du 17 avril 2019, prononcé la résiliation du marché pour faute du titulaire. Par un jugement du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à la reprise des relations contractuelles en raison de l'arrivée du terme du contrat, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Verip tendant à la condamnation d'Habitat du Gard à lui verser la somme de 42 279 euros au titre du surcoût lié à la dépose du complexe d'isolation et d'étanchéité ainsi que la somme de 21 750 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles ou, à titre subsidiaire, la somme de 40 904,32 euros en réparation du préjudice résultant de la résiliation du marché et, enfin, l'a condamnée à verser à cet établissement public la somme de 14 400 euros au titre de pénalités. La société Verip relève appel de ce jugement.

Sur le non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles :

3. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles.

4. S'il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi de conclusions " aux fins d'annulation " d'une mesure de résiliation, de les regarder comme un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation du contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, le contractant de l'administration ne peut, après avoir explicitement renoncé à ses conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles, persister à maintenir des conclusions aux fins d'annulation de la décision de résiliation qui, dans le cadre de ce litige de plein contentieux, demeurent irrecevables.

5. Enfin, lorsque, dans le cadre de l'examen de conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles présentées par un cocontractant de l'administration dont le contrat a fait l'objet d'une résiliation, il résulte de l'instruction que le terme stipulé du contrat est dépassé, le juge constate un non-lieu à statuer sur ces conclusions.

6. En application des articles 4 et 5 de l'acte d'engagement versé au dossier, le marché de travaux en litige a été conclu, pour un prix global et forfaitaire de 43 791,47 euros, pour une durée totale de trois mois, incluant une phase de préparation d'un mois, dont le point de départ correspond à la date fixée par l'ordre de service prescrivant le commencement des travaux. Il résulte de l'instruction que, par un ordre de service n° 1 du 4 décembre 2018, notifié à la société appelante le 10 décembre suivant, le démarrage des travaux a été fixé au 10 décembre 2018, impliquant le terme du contrat au 9 mars 2019. Dès lors que le terme stipulé du marché était dépassé à la date du jugement attaqué, c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'il n'y a pas lieu de lieu de statuer sur sa demande de la société Verip tendant à la reprise des relations contractuelles.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le bien-fondé de la mesure de résiliation du marché de travaux :

7. D'une part, aux termes de l'article 46 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 précité, rendu applicable au marché en litige sur renvoi des articles 2.2 et 8.7. du cahier des clauses administratives particulières : " Cas de résiliation du marché () / 46. 3. Résiliation pour faute du titulaire : / 46. 3. 1. Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : () / c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'œuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48. 4 à 48. 7 s'appliquent () ".

8. D'autre part, aux termes de l'article 1er du cahier des clauses techniques particulières du marché de travaux confié à la société Verip : " 1. Définition du projet / Le présent CCTP a pour objet la réfection de l'ensemble de l'isolation thermique et de l'étanchéité de la toiture terrasse inaccessible par la mise en place d'une isolation thermique et d'un système d'étanchéité bicouche en pose traditionnelle dans le but d'améliorer la qualité énergétique de la résidence () ". L'article 2 de ce même document contractuel consacré à la " description des ouvrages " stipule que : " 1. Étendue des travaux / Les présents travaux ont pour objet la réfection de l'ensemble de l'isolation thermique et de l'étanchéité de la toiture terrasse inaccessible de la résidence par la mise en place d'une isolation thermique et d'un système d'étanchéité bicouche en pose traditionnelle. () / En cas de vice ou de non-conformité, l'entrepreneur sera tenu de reprendre à ses frais tout ou partie de l'ouvrage. / L'entreprise devra prévoir pour tous ses ouvrages : () / D'une manière générale, tous les travaux nécessaires à la parfaite exécution des ouvrages conformément aux règles de l'art et aux pièces du marché, même si ceux-ci ne sont pas expressément décrits au présent cahier des prestations techniques. () ". Le point 3 de ce même article 2 du cahier des clauses techniques particulières stipule que : " 3. Description des travaux / L'entreprise devra les travaux nécessaires à la réfection totale de l'étanchéité de la toiture terrasse. / Sans qu'elle soit limitative, l'entreprise devra réaliser les travaux suivants : / 3.1. Dépose existant / - Dépose des gravillons, nettoyage, stockage en vue du réemploi après réfection du complexe. / - Dépose du système et de l'isolation existante / - Dépose de la couvertine sur acrotère / - Dépose de tous les éléments nécessaires à une bonne réalisation de l'étanchéité () ".

9. Il résulte de ces stipulations, qui sont dépourvues de toute ambiguïté eu égard à l'emploi de la conjonction de coordination " et ", que les travaux en litige portaient, contrairement à ce que persiste à soutenir la société appelante, sur la réfection de l'isolation thermique et du système d'étanchéité des toitures-terrasses de la résidence Duguay-Trouin, en ce compris la dépose de l'existant ce qui impliquait, nécessairement, la dépose tant de l'ancien système d'étanchéité que de l'isolation existante.

10. À supposer que les prestations attendues du titulaire soient regardées comme sujettes à interprétation, il résulte des stipulations précitées de l'article 2 du cahier des clauses techniques particulières que la société Verip était, en tout état de cause, tenue d'accomplir tous les travaux nécessaires à la parfaite exécution des ouvrages conformément aux règles de l'art et aux pièces du marché, alors même que ces travaux ne seraient pas expressément prévus dans ce cahier. Sur ce point, il résulte de l'instruction, éclairée par le courrier d'Habitat du Gard du 14 janvier 2019, le rapport d'analyse technique établi le 2 mai 2019 par la société STIM et les procès-verbaux de constat dressés par des commissaires de justice les 2 mai et 9 juillet 2019, que sans attendre le terme de la phase de préparation du chantier, ni établir le calendrier prévisionnel des travaux, la société Verip avait déjà traité deux tiers de la superficie des toitures-terrasses en apposant un nouveau système d'étanchéité bicouche et une nouvelle isolation en polyuréthane alors même que ces ouvrages supportaient déjà la présence de deux anciennes couches d'isolation composées d'isolant en mousse polyuréthane qui étaient, en ce qui concerne la couche supérieure, imbibée d'eau et, en ce qui concerne la couche inférieure, gorgée d'humidité, ce qui compromettait la qualité et la durabilité des travaux réalisés par cette société et pouvait, de surcroît, affecter la stabilité de l'ouvrage en raison du poids exercé sur la structure de la dalle en béton armé des toitures-terrasses.

11. En outre, à supposer les stipulations du marché ambiguës, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas davantage allégué que la société Verip aurait adressé au maître de l'ouvrage une demande d'éclaircissements sur l'étendue des travaux de dépose des dispositifs d'étanchéité et d'isolation existants à laquelle ce dernier se serait abstenu de répondre tandis qu'en sa qualité de professionnelle avertie, il lui appartenait de prendre toutes les dispositions nécessaires afin de prendre connaissance des lieux, y compris au moyen de sondages, et de réaliser ses travaux dans les règles de l'art indépendamment des spécifications techniques prévues par le marché qui ne présentaient pas un caractère limitatif. Ces travaux impliquaient donc, eu égard à ce qui a été exposé au point précédent quant à l'état des anciennes couches d'isolation, la dépose totale des anciens complexes d'étanchéité et d'isolation afin de réaliser les travaux dans les règles de l'art.

12. Dans ces conditions, sans qu'elle puisse utilement se prévaloir ni de l'ambiguïté des termes du marché ni de la teneur de son offre, la société Verip a, en s'abstenant, par principe, de procéder à la dépose du système d'étanchéité et de l'isolation existants et en refusant tant de transmettre le calendrier détaillé des travaux que de reprendre les travaux déjà réalisés, gravement manqué à ses obligations contractuelles, ce qui justifie la résiliation du marché pour faute.

En ce qui concerne l'irrégularité formelle invoquée par la société Verip :

13. Le caractère irrégulier de la procédure de résiliation n'ouvre pas droit à indemnisation lorsqu'une telle mesure est justifiée au fond mais fait obstacle à ce que l'entreprise soit condamnée à supporter les conséquences onéreuses de la mesure de résiliation.

14. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas davantage démontré que la société appelante a été amenée à supporter les conséquences onéreuses de la résiliation du marché conclu avec Habitat du Gard et que, ainsi qu'il a été dit au point 12, la décision de résiliation du 17 avril 2019 est justifiée au fond, la société Verip ne peut utilement soutenir que cette mesure de résiliation serait entachée d'une irrégularité formelle de nature à lui ouvrir droit à indemnisation. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que, par une délibération du conseil d'administration de l'office public de l'habitat du Gard du 14 mars 2017, le directeur général de cet établissement, compétent, en vertu de l'article R. 421-18 du code de la construction et de l'habitation, en sa qualité d'organe dirigeant, aux fins de passer tous les actes et contrats au nom de l'office public de l'habitat du Gard, a délégué sa signature au directeur général adjoint à l'effet de signer les décisions prises en matière de marchés publics au nombre desquelles figurent les décisions de résiliation des marchés.

En ce qui concerne les pénalités de retard afférentes à la remise du calendrier détaillé d'exécution des travaux :

15. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

16. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.

17. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

18. En application de l'article 5 de l'acte d'engagement, le marché a été conclu pour une durée totale de trois mois incluant un mois de préparation à compter de l'ordre de service prescrivant le commencement des travaux adressé, en l'espèce, au titulaire du marché, le 10 décembre 2018.

19. Aux termes de l'article 4 " Délai d'exécution - Primes - Pénalités " du cahier des clauses administratives particulières du marché : " 4.1 - Délai d'exécution des travaux () / 4.1.3 - Calendrier détaillé d'exécution / Lors de la réunion préparatoire l'entreprise remet au pouvoir adjudicateur un planning détaillé prévisionnel. / Ce planning prévisionnel deviendra définitif avant l'expiration de la période de préparation. / Le planning sera ensuite signé par l'entreprise et le pouvoir adjudicateur avant l'expiration de la période de préparation. () ". L'article 4.6.1 intitulé " Pénalités pour retard dans la remise des documents requis " de ce même cahier des clauses techniques particulières stipule que : " Les prestataires doivent remettre des documents notamment au cours de la période de préparation et en cours d'exécution du marché. / Si, à compter de la demande ou dans les délais fixés, les prestataires n'ont pas remis les documents, une pénalité sans mise en demeure préalable de 150 € par jour calendaire de retard sera appliquée ".

20. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Verip s'est, en dépit de la mise en demeure du maître de l'ouvrage qui lui a été adressée par une lettre du 7 mars 2019, abstenue de remettre le calendrier détaillé d'exécution des travaux au cours de la phase préparatoire du chantier d'une durée d'un mois qui s'est achevée le 9 janvier 2019 et qu'elle a, de surcroît, commencé à procéder à la pose de la nouvelle étanchéité sur les deux tiers des toitures-terrasses dès le mois de janvier 2018 sans remettre ce document. Si la société appelante se prévaut de ce que le maître de l'ouvrage l'a mise dans l'impossibilité de transmettre ce document en l'absence de notification d'un nouvel ordre de service de reprise des travaux après leur ajournement, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur le manquement contractuel en litige dès lors que, conformément aux stipulations citées au point précédent, ce calendrier détaillé d'exécution aurait dû être établi et transmis au maître de l'ouvrage au cours de la phase de préparation d'un mois qui s'est déroulée entre le 10 décembre 2018 et le 9 janvier 2019, soit, en tout état de cause, avant le commencement des travaux. Par suite, en omettant d'établir et de transmettre le calendrier détaillé d'exécution des travaux avant le terme de la phase de préparation, la société Verip a méconnu les obligations contractuelles résultant de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières, ce qui justifie le prononcé de pénalités de retard à son encontre dont le montant, fixé par le pouvoir adjudicateur à la somme de 14 400 euros, correspond à un retard de 96 jours calendaires entre le 10 janvier 2019, terme de la phase de préparation du chantier, et le 17 avril 2019, date de la résiliation du marché, lequel ne fait l'objet d'aucune contestation quant à sa computation.

21. En second lieu, en se bornant à soutenir que les pénalités mises à sa charge par le tribunal présentent un caractère manifestement excessif et en se prévalant de la circonstance qu'elle aurait, en vain, demandé au maître de l'ouvrage d'édicter un ordre de service de reprise après l'ajournement des travaux en litige, la société Verip, qui présente, pour la première fois en appel, des conclusions à titre subsidiaire tendant à ce que le juge du contrat exerce son pouvoir de modulation des pénalités contractuelles, ne produit aucun élément circonstancié, relatif notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, pourtant nécessaires à l'appréciation du caractère manifestement excessif, qu'elle allègue, du montant des pénalités mises à sa charge par les premiers juges.

22. Dans ces conditions, en l'absence de démonstration de caractéristiques particulières du marché ou de pratiques sensiblement différentes pour des marchés comparables, le montant des pénalités qui découle des stipulations contractuelles, alors même qu'il représente en l'espèce 32,88 % du montant du marché, ne peut, en tout état de cause, être regardé comme manifestement excessif pour un retard cumulé de 96 jours sur une période de travaux contractuellement prévue de trois mois.

23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de soulever d'office l'irrecevabilité tirée du caractère nouveau en appel des conclusions tendant à l'exercice par le juge du contrat de son pouvoir de modulation des pénalités contractuelles, la société Verip n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande et l'a condamnée, à titre reconventionnel, à verser la somme de 14 400 euros à Habitat du Gard au titre de pénalités de retard.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge d'Habitat du Gard, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par la société Verip au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Verip une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Habitat du Gard et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Verip tendant à la reprise des relations contractuelles.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Verip est rejeté.

Article 3 : La société Verip versera à Habitat du Gard une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Verip et à l'office public de l'habitat du Gard, Habitat du Gard.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.