CAA Bordeaux, 18/04/2023, n°21BX03749
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE) a demandé au tribunal administratif de Mayotte qui a transmis la requête au tribunal administratif de La Réunion par une ordonnance du 18 juin 2019, de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser la somme totale de 176 275,26 euros au titre des demandes de versement n° 38, n° 39 ter et n° 40 en exécution d'un contrat de mandat de maîtrise d'ouvrage déléguée signé le 10 novembre 2010, somme assortie des intérêts.
Par un jugement n° 1901017 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la commune de Saint-Paul à verser à la SEDRE la somme de 93 264,67 euros correspondant à son appel de fonds n° 38, avec intérêts à compter du 6 février 2019, et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 septembre 2021 et 28 novembre 2022, la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE) représentée par Me Dugoujon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 24 juin 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande de remboursement par la commune de Saint-Paul des appels de fonds n° 39 ter et 40, mais aussi en tant qu'il n'a pas statué sur la demande d'assortir ces condamnations des intérêts moratoires et sur le paiement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
2°) de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser la somme de 14 467,48 euros correspondant à son appel de fonds n°39 ter dans le cadre de l'exécution du mandat de maîtrise d'ouvrage, avec intérêts à compter du 6 février 2019 ;
3°) de condamner la commune de Saint-Paul, à titre principal, à lui verser la somme de 79 071,88 euros correspondant à son appel de fonds n°40 sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à titre subsidiaire, à lui verser la même somme au titre de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;
4°) de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser des intérêts moratoires sur l'ensemble des condamnations mises à sa charge, à compter du 6 février 2019, ainsi que la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SEDRE soutient que :
- le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a jugé fondée sa demande de remboursement de l'appel de fonds n°38 en raison de la validation, par la commune de Saint-Paul, des travaux supplémentaires et des prestations réalisées par les entreprises titulaires du marché correspondant audit appel de fonds ;
- en revanche, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande au titre de l'appel de fonds n° 39 ter alors qu'elle avait apporté les mêmes justificatifs pour l'ensemble des appels de fond dont elle réclamait le paiement ;
- c'est également à tort qu'ils ont rejeté sa demande de paiement au titre de l'appel de fonds n° 40 dès lors que le contrat prévoyait le versement d'intérêts moratoires en cas de retard de paiement par le mandant des avances qu'elle devait verser aux entreprises titulaires des marchés de travaux pour financer l'opération ; elle a donc droit, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la commune, au remboursement des intérêts moratoires qu'elle a dû verser aux entreprises en raison du retard de paiement des avances ; à titre subsidiaire, elle est fondée à solliciter la condamnation de la commune de Saint-Paul au titre de sa responsabilité délictuelle ;
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges n'ont pas statué sur ses demandes au titre des intérêts moratoires sur les sommes réclamées et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 décembre 2021 et 13 janvier 2023, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Gaspar, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 24 juin 2021 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la SEDRE la somme de 93 264,67 euros au titre de l'appel de fonds n° 38, et à ce que soit mise à la charge de la SEDRE une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est bien fondé en tant qu'il rejette les conclusions de la SEDRE tendant au remboursement des appels de fonds n° 39 ter et n° 40 ;
- la requérante ne justifie pas les dépenses dont elle réclame le remboursement au titre de l'appel de fonds n° 39 ter ;
- les conclusions de la requérante, s'agissant de l'appel de fonds n° 40, présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle ne sont pas fondées dès lors qu'aucune stipulation contractuelle ne prévoyait la prise en charge par le maître d'ouvrage des intérêts moratoires versés aux entreprises titulaires du marché par la SEDRE en raison des propres retards de paiement de cette dernière ;
- les conclusions de la requérante, s'agissant du même appel de fonds n° 40, présentée sur le fondement de la responsabilité délictuelle, au titre de l'article 1240 du code civil, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables ;
- c'est à tort que les premiers juges l'ont, par une double dénaturation du dossier, condamnée au remboursement de l'appel de fonds n° 38 ;
- les autres moyens soulevés par la SEDRE ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 ;
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ;
- le code des marchés publics, dans sa rédaction résultant du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de M. A,
- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Harket, représentant la commune de Saint-Paul.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de la construction d'une médiathèque, la commune de Saint-Paul (La Réunion) a, par acte d'engagement du 10 novembre 2010, notifié le 18 novembre suivant, confié au groupement solidaire composé de la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE), mandataire du groupement, et de la société par actions simplifiée (SAS) Icade promotion, un contrat de mandat de maîtrise d'ouvrage chargé de conduire l'opération en son nom et pour son compte. Ce contrat, prévoyant une rémunération du groupement d'un montant de 130 200 euros TTC, a été accordé pour une tranche ferme relative à la conception jusqu'à dévolution des marchés de travaux et une tranche conditionnelle relative à la réalisation de l'opération de construction de la médiathèque jusqu'au quitus de l'opération. La tranche conditionnelle a été affermie par un ordre de service n° 2 du 15 mars 2013 à compter du 25 mars suivant. La SEDRE, mandataire du groupement, après avoir mis en demeure la commune de Saint-Paul de lui payer la somme de 176 275,26 euros par courrier du 8 novembre 2018, a, le 5 février 2019, adressé un mémoire de réclamation à la commune portant sur cette somme au titre du bilan de la mission. Cette demande étant restée vaine, la SEDRE a demandé au tribunal administratif de Mayotte qui a transmis la requête au tribunal administratif de La Réunion par une ordonnance du 18 juin 2019, de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser la somme de 176 275,26 euros au titre de ses demandes de versement de fonds n° 38, n° 39 ter et n° 40 en application de ce contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée. Par un jugement du 24 juin 2021, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la commune de Saint-Paul à verser à la SEDRE la somme de 93 264,67 euros correspondant à l'appel de fonds n° 38, avec intérêts à compter du 6 février 2019. La SEDRE relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de remboursement au titre des appels de fonds n° 39 ter et 40, et en tant qu'il n'a statué ni sur la demande d'assortir ces condamnations des intérêts moratoires ni sur le paiement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. La commune de Saint-Paul demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la SEDRE la somme de 93 264,67 euros au titre de l'appel de fonds n° 38 sur le fondement de sa responsabilité contractuelle.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de l'article 1er du dispositif de son jugement que le tribunal a condamné la commune de Saint-Paul à verser à la SEDRE la somme de 93 264,67 euros correspondant à son appel de fonds n° 38 dans le cadre de l'exécution du mandat de maîtrise d'ouvrage, en assortissant cette somme des intérêts à compter du 6 février 2019. Il s'ensuit que la SEDRE n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient omis de statuer sur sa demande présentée au titre des intérêts moratoires sur la somme qu'ils ont condamné la commune à lui payer.
3. En revanche, il ressort du dossier de première instance que, par son mémoire en réplique enregistré le 26 avril 2021, la SEDRE a sollicité le versement de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros sur le fondement du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. Si les premiers juges ont visé cette demande et ont, par l'article 3 du dispositif de leur jugement, rejeté le surplus des conclusions de la requête, ils ne sauraient toutefois être regardés comme ayant statué sur la demande de la société requérante au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
4. Il résulte de ce qui précède que l'appelante est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions mentionnées au point précédent. Par suite, il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur ces demandes par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, alors en vigueur : " Dans la limite du programme et de l'enveloppe financière prévisionnelle qu'il a arrêtés, le maître de l'ouvrage peut confier à un mandataire, dans les conditions définies par la convention mentionnée à l'article 5, l'exercice, en son nom et pour son compte, de tout ou partie des attributions suivantes de la maîtrise d'ouvrage : / 1° Définition des conditions administratives et techniques selon lesquelles l'ouvrage sera étudié et exécuté ; / 2° Préparation du choix du maître d'œuvre, signature du contrat de maîtrise d'œuvre, après approbation du choix du maître d'œuvre par le maître de l'ouvrage, et gestion du contrat de maîtrise d'œuvre ; / 3° Approbation des avant-projets et accord sur le projet ; / 4° Préparation du choix de l'entrepreneur, signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage, et gestion du contrat de travaux ; / 5° Versement de la rémunération de la mission de maîtrise d'œuvre et des travaux ; / 6° Réception de l'ouvrage, et l'accomplissement de tous actes afférents aux attributions mentionnées ci-dessus. / Le mandataire n'est tenu envers le maître de l'ouvrage que de la bonne exécution des attributions dont il a personnellement été chargé par celui-ci. Le mandataire représente le maître de l'ouvrage à l'égard des tiers dans l'exercice des attributions qui lui ont été confiées jusqu'à ce que le maître de l'ouvrage ait constaté l'achèvement de sa mission dans les conditions définies par la convention mentionnée à l'article 5. () ". Aux termes de l'article 5 de cette loi : " Les rapports entre le maître de l'ouvrage et le mandataire sont définis par un contrat écrit qui prévoit, à peine de nullité : / () b) Le mode de financement de l'ouvrage ainsi que les conditions dans lesquelles le maître de l'ouvrage fera l'avance de fonds nécessaires à l'accomplissement du contrat ou remboursera les dépenses exposées pour son compte et préalablement définies ; () ".
6. Sur le fondement de ces dispositions, la commune de Saint-Paul a, par acte d'engagement du 10 novembre 2010, confié au groupement solidaire composé de la SEDRE et de la société Icade promotion, le soin de réaliser, au nom et pour son compte, une mission de maîtrise d'ouvrage relative à l'étude et à la construction d'une médiathèque sur le territoire de la commune. Les éléments de la mission étaient précisés à l'article 3 du cahier des clauses techniques particulières du marché et comprenaient notamment, s'agissant de la conception, la gestion du marché de maîtrise d'œuvre et des marchés de prestations intellectuelles et le versement des rémunérations correspondantes, et, s'agissant de la construction, la " gestion des marchés de travaux et fournitures après approbation par le maître de l'ouvrage, versement des rémunérations correspondantes, réception des travaux, approbation de la réception, conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi MOP et selon les modalités prévues au marché " et la " gestion financière et comptable de l'opération ". En outre, en vertu de ces stipulations, le mandataire pouvait notamment " proposer au maître d'ouvrage au cours de sa mission, toutes modifications ou solutions qui lui apparaîtraient nécessaires ou simplement opportunes soit techniquement, soit financièrement, notamment au cas où des évènements de nature quelconque viendraient perturber les prévisions faites ".
7. En ce qui concerne le financement, l'article 6.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige, relatif aux avances trimestrielles, stipulait : " Le mandant avancera au titulaire les fonds nécessaires aux dépenses à payer ou lui remboursera les dépenses payées d'ordre et pour compte ; en outre, il lui réglera sa rémunération imputée au compte de l'opération. / a) Avance par le mandant : Le mandant s'oblige à mettre à la disposition du titulaire les fonds nécessaires au paiement des dépenses à payer, antérieurement à ce paiement. / () En cas d'insuffisance de ces avances ou de retard dans leur versement, le titulaire ne sera pas tenu d'assurer le paiement des dépenses sur ses propres disponibilités. () / b) Remboursement par le mandant : Toutefois, la collectivité pourra demander au titulaire, dans la mesure des possibilités de cette dernière, d'assurer le préfinancement de tout ou partie des dépenses, soit sur ses disponibilités, soit par recours à un organisme tiers. () ". L'article 6.3 de ce même cahier stipulait : " En fin de mission, le mandataire établira et remettra au maître de l'ouvrage un bilan général de la mission qui comportera le détail de toutes les dépenses et recettes réalisées. Le bilan général sera validé par le représentant légal du mandataire, certifiant l'exactitude des facturations et des paiements effectués lors du déroulement de la mission. / Le bilan général deviendra définitif après accord du maître de l'ouvrage et donnera lieu à régularisation du solde des comptes entre les parties. / () A contrario, si le bilan fait apparaître un solde au profit du mandataire, le règlement interviendra dans les conditions prévues aux articles 5.2 et 13. ". Aux termes de l'article 7.3 de ce même cahier, relatif au respect de l'enveloppe prévisionnelle et du programme - modifications : " Le mandataire s'engage à réaliser l'opération dans le strict respect du programme et de l'enveloppe financière prévisionnelle ainsi définis qu'il accepte. / Toute modification de l'un de ces deux éléments fondamentaux par l'un des cocontractants doit donner lieu à un avenant formalisant l'accord des parties sur les modifications. / Dans le cas où, au cours de la mission, le maître de l'ouvrage estimerait nécessaire d'apporter des modifications au programme ou à l'enveloppe financière prévisionnelle, un avenant au présent marché devra être conclu. ". Enfin, selon l'article 2 du cahier des clauses techniques particulières, " l'enveloppe prévisionnelle, est réputée comprendre, hors rémunération du mandataire, l'ensemble des frais à engager pour la réalisation des prestations envisagées ", et notamment " les prestations d'infrastructures, de travaux et de fournitures à prévoir pour la réalisation de l'opération, fixées à l'échéancier prévisionnel initial ".
8. Il résulte de l'instruction que, à l'issue de sa mission, la SEDRE a établi le bilan général mentionnant un montant total de dépenses engagées de 16 691 167,78 euros TTC, attesté par le commissaire aux comptes de la société le 2 août 2018, contre un montant total de recettes encaissées de la part de la commune de Saint-Paul, attesté par le directeur administratif et financier et le comptable de la société le 7 septembre suivant, de 16 514 892,52 euros, faisant ainsi ressortir un solde à son profit de 176 275,26 euros. L'appelante sollicite le paiement de cette somme au titre des appels de fonds n° 38, 39 ter et 40 qui ne lui ont pas été versés par la commune dans le cadre de sa mission.
En ce qui concerne l'appel de fonds n° 38 :
9. Il résulte de l'instruction que, le 30 août 2016, la société requérante avait procédé à un appel de fonds n° 38 bis, annulant et remplaçant un précédent appel de fonds n° 38 du 19 avril 2016, d'un montant de 93 264,67 euros TTC. Selon le tableau récapitulatif produit par la SEDRE, ces fonds étaient destinés à couvrir les dépenses engagées, entre octobre 2015 et mai 2016, au titre de prestations non prévues par le marché de travaux mais demandées par le contrôleur technique, notamment lors de la réception de l'ouvrage, de prestations de raccordement à l'opérateur de réseau téléphonique, des prestations de mise en conformité préalables à la levée des réserves à la suite de la défaillance d'une entreprise intervenante, de prestations diverses de reprographie, et d'acomptes sur les contrats du coordinateur de sécurité et du maître d'œuvre. La commune fait valoir que ces prestations complémentaires n'ont pas fait l'objet d'un avenant pour valider les modifications qui auraient été ainsi apportées au programme et à l'enveloppe financière définis par le contrat de mandat. Toutefois, et alors qu'il n'est pas établi que les prestations en cause emporteraient une modification du programme, les participants à une opération de construction ont droit à être indemnisés du coût des prestations supplémentaires indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art, même lorsque ces prestations n'ont fait l'objet d'aucun avenant ni d'aucun ordre de service écrit, sauf dans le cas où la personne publique s'est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation. Or il résulte de l'instruction que, par courriers électroniques datés de juillet et août 2015, les services de la commune avaient validé les travaux en question. En outre, il résulte du courrier du 24 décembre 2018 adressé en réponse à la mise en demeure qu'il lui avait été faite, que la commune de Saint-Paul avait admis, dès la fin de l'année 2017, le principe d'un versement d'une somme de 93 264,67 euros au titre de l'appel de fonds n° 38 bis pour financer ces différentes prestations. Si l'intimée fait également valoir que les prestations en cause correspondent pour l'essentiel à des prestations effectuées dans le cadre des opérations de réception et de levées de réserves, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que la commune avance les fonds nécessaires au mandataire qui était tenu, en vertu du contrat de mandat, d'assurer la réception de l'ouvrage. Contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Paul, les stipulations, citées au point 7, de l'article 6.1 du cahier des clauses administratives particulières ne faisaient pas non plus obstacle à ce que le maître d'ouvrage délégué rémunère directement sur ses propres disponibilités et en raison de l'insuffisance des avances versées par son mandat, les entreprises participant à l'opération de construction au titre des travaux indispensables à la réalisation de l'ouvrage. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la SEDRE était fondée à demander le remboursement de la somme de 93 264,67 euros correspondant à son appel de fonds n° 38, majorée des intérêts à compter du 6 février 2019, date de la réception par la commune de son mémoire de réclamation.
En ce qui concerne l'appel de fonds n° 39 ter :
10. Il résulte de l'instruction que la SEDRE a adressé à la commune de Saint-Paul, le 14 décembre 2016, une demande de versement n° 39, d'un montant de 14 467,48 euros. Il résulte du tableau récapitulatif précité que cette somme correspond au paiement du solde des marchés du contrôleur technique, du coordinateur de sécurité et de la maîtrise d'œuvre, ainsi que le solde de la propre rémunération du mandataire. Il résulte du courrier précité du 24 décembre 2018 que la commune avait, nonobstant la différence de référence de l'appel de fonds figurant dans ce courrier par rapport à l'appel de fonds litigieux référencé sous le numéro 39 ter, validé ce montant au titre du solde des marchés des différents intervenants à l'opération. Dans ces conditions, et alors que la maîtrise d'ouvrage déléguée devait, en vertu de sa mission définie à l'article 3 du cahier des clauses techniques particulières, assurer le versement des rémunérations correspondant aux marchés de maîtrise d'œuvre et de prestations intellectuelles, la SEDRE est fondée à solliciter le remboursement de la somme de 14 467,48 euros. Cette somme portera intérêts à compter du compter du 6 février 2019, date de la réception par la commune de la demande de paiement.
En ce qui concerne l'appel de fonds n° 40 :
11. La SEDRE sollicite le remboursement de la somme de 79 071,88 euros correspondant à l'appel de fonds n° 40 qu'elle a adressé le 14 décembre 2016 à la commune de Saint-Paul, correspondant au montant des intérêts moratoires qu'elle indique avoir versés aux entreprises titulaires des lots du marché de travaux en raison du retard de la commune à lui verser les avances nécessaires au financement de l'opération. Toutefois, si l'article 5.2 du cahier des clauses administratives particulières du contrat dont elle était titulaire prévoyait un délai de paiement de trente jours du maître d'ouvrage délégué à compter de la date de remise par le titulaire de son décompte, en revanche il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle ni d'aucune disposition législative ou règlementaire que le maître d'ouvrage devrait prendre en charge les intérêts moratoires versés aux entreprises titulaires du marché de travaux par le maître d'ouvrage délégué et résultant d'un retard de paiement par ce dernier. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la SEDRE n'était pas fondée à demander, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, le remboursement des intérêts moratoires résultant de ses propres retards dans le paiement des entreprises titulaires du marché de travaux.
12. Par ailleurs, les conclusions de la SEDRE présentées, à titre subsidiaire, sur le terrain de la responsabilité délictuelle de la commune de Saint-Paul qui relève d'une cause juridique distincte de la responsabilité contractuelle sur le fondement de laquelle elle avait fondé ses demandes en première instance relatives aux intérêts moratoires, ont le caractère de demande nouvelle qui, présentée pour la première fois en en appel, n'est pas recevable.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SEDRE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant au remboursement de la somme de 14 467,48 euros correspondant à l'appel de fonds n° 39 ter, assortie des intérêts à compter du 6 février 2019.
Sur l'appel incident de la commune de Saint-Paul :
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 13 que les conclusions de la commune de Saint-Paul tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la SEDRE la somme de 93 264,67 euros au titre de l'appel de fonds n° 38 doivent être rejetées.
Sur la demande de la SEDRE au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement :
15. Si l'article 40 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière prévoyait que le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par l'article 9 du décret du 29 mars 2013, il résulte de la combinaison de l'article 44 de cette loi et de l'article 21 de son décret d'application que les dispositions instituant cette indemnité forfaitaire s'appliquent aux contrats conclus à compter du 16 mars 2013 pour les créances dont le délai de paiement a commencé à courir à compter de la date d'entrée en vigueur de ce décret, le 1er mai 2013. Dès lors, la SEDRE ne peut prétendre au versement de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement au titre du retard du paiement des sommes précitées auxquelles la commune de Saint-Paul est condamnée en exécution de son contrat de mandat de maîtrise d'ouvrage déléguée qui avait été conclu le 18 novembre 2010.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SEDRE, qui n'est pas la partie perdante, la somme que réclame la commune de Saint-Paul au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul la somme de 1 500 euros à verser à la société requérante en application des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901017 du tribunal administratif de La Réunion du 24 juin 2021 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de la SEDRE tendant au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et la demande présentée par la SEDRE à ce titre en première instance est rejetée.
Article 2 : La commune de Saint-Paul est condamnée à verser à la SEDRE la somme de 14 467,48 euros correspondant à l'appel de fonds n° 39 ter dans le cadre de l'exécution du mandat de maîtrise d'ouvrage, somme assortie des intérêts à compter du 6 février 2019.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 24 juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions de l'appel incident de la commune de Saint-Paul sont rejetées.
Article 5 : La commune de Saint-Paul versera à la SEDRE la somme de 1 500 euros en application de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la SEDRE est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'équipement du département de La Réunion (SEDRE) et à la commune de Saint-Paul.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Anthony Duplan, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2023.
Le rapporteur,
Anthony A
La présidente,
Florence Demurger
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.